fil h;,, imH'^ m 4^;: r HHÎp-./i- '^^y fâ. r'f h !•■• ■..Mm '' ^--. • m-^ ^'P fi^ L^l i^js^ " j s ibrarg of t^e Pusatm OF COMPARATIVE ZOÔLOGY, AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MASS. ifoiinïieïr tj pvfbate subscvîptfon, fit 1861. L.. (ije Kin\r'Xc/è^ Ju^'Sr^^^ No. /J^ NOUVEAUX MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES. NOUVEAUX MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES ET BELLES-LETTRES DE . BRUXELLES. TOME III. BRUXELLES, p. J. DE MAT, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE. '"■1826. TABLE MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME, Pages. Liste des membres ordinaires , honoraires et des correspondans de FAcadémie. Journal des séances • i — xxxvi Recherches sur la résolution des équations numériques j par M. Dandelin , 7— 7 1 Mémoire sur l'hyperboloïde de révolution, et sur les hexagones de Pascal et de M. Brianchon; par le même ^ 1— i4 Physique mathématique. Mémoire sur une nouvelle manière de considérer les caustiques, produites, soit par réflexion soit par réfraction 5 par M. Quetelet i5 — i4o Mémoire sur une question relative au calcul des probabilités j par le commandeur de Nieuport i4i — 152 Note additionnelle , par M. Dandelin i53 — 1 Sg Mémoires sur quelques constructions graphiques des orbites planétaires 5 par M. Quetelet 161 — 178 Mémoire sur le principe des vitesses virtuelles 5 par M. Pagani. 179 — 2 24 Mémoire sur la géographie physique du Brabant méridional 5 par M. Kickx 227 — 266 '^ C'est par suite d'une wreur dans l'e'tabJissement des folios de ce volume , recon- nue trop tard, que cette pagc-d^ qui devrait être la 73'', se trouve la première d'une nouvelle série. Pages Mémoire sur la réduction des alcalis en métal j par J. B. Van Mons 269 — 264 Mémoire sur quelques erreurs concernant la nature du chlore, et sur plusieurs nouvelles propriétés de l'acide muriatique 5 par le mêine 266 — 290 Troisième mémoire sur la législation des Gaules 5 par M. Raep- saet 291 — 3i4 Mémoire pour servir à Fliistoire d'Alpaïde, mère de Charles Martel^ par M. Dewez , . 3t5 — 54o Mémoire sur les invasions, rétablissement et la domination des Francs dans la Belgique 5 par le même 34i — 376 Mémoire sur le gouvernement et la constitution des Belges , avant l'invasion des Romains 5 par le même 377 — 399 Dissertation historique sur l'origine dti nom de Belges et sur l'ancien Belgiinn; par M. Raoux 4oi — 434 Mémoire sur l'origine de la différence relative à l'usage de la langue flamande on w^allonne dans les Pays-Bas j par M. Meyer. 435 — 491 Mémoire sur les lois des naissances et de la mortalité à Bruxel- les; pai' M. Quetelet 493 — 5i 2 Extraits des observations météorologiques faites à Bruxelles, depuis le 1" juillet 1822 jusqu'au 3i décembre 1824 ; par M. Kickx 5i5— 566 riN DE LA TABLE DES MATIERES. LISTE MEMBRES ORDINAIRES, HONORAIRES ET DES CORRESPOND ANS DE L'ACADÉMIE. PROTECTEUR. LE ROI. PRÉSIDENT. Le Prince de Gavre , membre honoraire. MEMBRES ORDINAIRES. MM. Le Commandeur de Nieuport (C. F.), directeur, à Bruxelles. Dewez (L. D. J. ), secrétaire perpétuel Idem. Van Wyn (H.)^ arcliiviste du gouvernement. . . La Hajye. Raepsaet (J. J. ) , conseiller d'état extraordinaire, ^udenarde. Le Baron de Villenfagne d'Ingihoul , membre de la députation des états. Liège. Van Hulthem (Ch. ), membre des états-généraux. G and. Sentelet (J. F.), professeur à l'université ..... J^ouvain. Van Marum (M. ), directeur du musée Harlem. Van Lennep (D. J.), professeur à l'athénée. .... Amsterdam. Cornélissen(N.), secrétaire-inspecteur de l'université. Gand. Vrolik (G.), professeur à l'athénée. . ^4msterdam. Van Heusde (P. W. ), professeur à l'université. . . Utrecht. Van Mon s (J. B.), professeur à l'université Louvain. Kesteloot (J. L.), professeur à l'université. ... Gand. a. Wauters(A. W. ), médecin à Gand. Le Baron de Geer ( L. W. L. ) , greffier de la seconde chambre des états - généraux Jutfaas^prèsdUJtrecht. TmRY (G. E. J.), inspecteur général du cadastre. . Bruxelles. D'Omalius (J. J.^, gouvernear de la province. . . Namur. DeLaunay yienne. KiCKx ( J. ) 5 pharmacien Bruxelles. Meyer (J. D.), avocat ^msterd/im. Le Baron Van Utenhove (J. M. C. ), membre des états-généraux. . Jutfaas. G ARNIER (J. G.), professeur à l'université Gand. Quetelet (A.) , professeur à l'athénée. Bruxelles. Dandelin (G.), professeur à l'université Liège. Le Baron de Reiffenberg (F. A. ) , professeur à l'université Loupain. Raoux (A. G.), conseiller d'état Bruxelles. Pagani (M. G.) Idem. Caughy (P. F. ), professeur à l'athénée Namur. MEMBRES HONORAIRES. MM. Le Duc d'Ursel. • • Bruxelles. Le Baron Van DER Cappellen Batavia. Le Chevalier de Goninck , ministre des affaires étrangères. Le Baron de Keverberg de Kessel , conseiller d'état. Le Baron Van Tuyll Van Serooskerken Van Zuylen , membre de la première chambre des états - généraux. Zujrlen , près dUtrecht. Le Baron de Lampsins La Haye. Repelaer Van Driel (O.), ministre d'état Bruxelles. Falck ( A. R. ) , ambassadeur Londres. Van Gobbelschroy (L.) , ministre de l'intérieur. Walter, inspecteur général de l'instruction publique. Bruxelles. CORRESPONDANS. MM. Le Normand (L. Seb.) .... à Paris. De Moléon (S. g. V.) Idem. De la Fontaine, membre de la députation des états. Luxembourg. Wyttembach , professeur d'histoire au gymnase. . . Trêves. MuLLER, conseiller à la cour royale Idem. Dëvilly (L.), secrétaire général delà société. . . . Metz. Gergone, directeur des annales de mathématiques. . Nîmes. L'Abbé Ranzani, professeur de minéralogie, etc. . . Bologne. Van Praet , bibliothécaire du roi Paris. Jullien(M. a.), rédacteur de la revue encyclopédique. Idem. Moreau de Jonnès (A. )j officier supérieur d'état- major, etc . Idem. Ampère , membre de l'institut de France Idem. Bouvard, idem Idem. Hachette, de la faculté des sciences de Paris. . . . Idem. Le Baron de Herder, conseiller privé des finances, etc. Dresde. OcKEN, professeur à l'université Jénao JOURNAL DES SÉANCES, DEPUIS LE 4 MARS 1822 JUSQU'aU 2.0 AOUT iS^S. Séance du 4 jnars 1822. M. Quetelet a présenté un mémoire concernant quelques propriétés re- marquables de la focale parabolique j par M. G. Dandelin, officier du génie, résidant à Gand, et le propose comme membre ordinaire. M. le président a nommé trois commissaires pour examiner ce mémoire et délibérer sur le tout à la prochaine séance. Séance du i"'^ avril 1822. Les commissaires nommés à la séance précédente, ont fait leur rapport sur le mémoire de M. Dandelin, et il en résulte que Fauteur, déjà avanta- geusement connu comme géomètre^ a donné, daiis ce jutîmoire, les preuves d'un talent éminemment distingué. En conséquence, ils ont émis leur vœu pour son admission à l'Académie j et M. Dandelin a été unanimement nommé membre ordinaire. On a revu la résolution prise à la séance du i3 janv. 1817, portant que les membres de l'Académie seraient divisés en deux classes, et qu'il y aurait un tiers de plus dans celle des sciences ^ que dans celle d'histoire et de litté- rature ancienne i et comme on a remarqué que, d'après cette division, le nombre des membres attachés à chacune de ces classes, n^était pas dans la proportion conforme à la base adoptée , il a été résolu de rectifier cette opération. En conséquence, il a été arrêté qu'il y aura trente-deux membres pour la première classe, et seize pour la seconde. Séance du 29 avril 1822. Le secrétaire a donné lecture de la dépêche de S. E. le ministre de l'ins- truction publique, du 12 de ce mois, qui annonce que S. M., par rescrit Tome III, ^ II JOURNAL du 9, a agréé la nomination de M. Dandelin. Voyez les séances des 4 mars et 1^=^ ayril. Après quoi, on s'est occupé des rapports sur les mémoires envoyés au concours. M. Kickx a donné lecture de ses ohservations météorologiques sur la tem- pérature des mois de janv. , fév. et mars de cette année. Séance du 3oj, continuation de la précédente. Il a été procédé à l'examen et au triage des questions à proposer pour le concours prochain , et l'on s'est réservé de soumettre à l'assemblée générale du 7 mai, celles qui ont particulièrement fixé l'attention de l'assemblée de ce jour, ainsi que celles qui pourraient être apportées ledit jour 7 mai. Séance générale du 7 mai 1822. Le secrétaire a mis sur le tapis les différens mémoires envoyés au con- cours 3 savoir : Un sur la législation et les tribunaux, etc., et après avoir entendu la lecture des rapports, l'Académie se rangeant à l'avis des commissaires, a adjugé la médaille d'or à son auteur, q^ui est M. Pycke , avocat à Courtrai. Un sur la question relative à Erasme ; et à la suite des rapports , l'Acadé- mie ayant discuté la matière de vive voix, a résolu d'accorder la médaille d'argent à l'auteur, qui est M. le baron de Reifïenberg, professeur à l'athé- née de Bruxelles. Un sur la question ayant pour objet V élimination entre deux équations h deux inconnues ; et l'assemblée, adoptant les motifs et les conclusions des rapporteurs, a adjugé la médaille d'or à l'auteur, qui a été reconnu être M. Vène, capitaine au corps royal du génie français. Un sur la question pliysico-mathématique , et l'assemblée ayant reconnu que ce mémoire ne résout pas la question , a résolu de la remettre au con- cours prochain. Quatre mémoires sur la question relative aux plantes; et après avoir entendu les rapports et discuté la matière, l'Académie a jugé que deux de DES SEANCES. m ces mémoires n'ont pas traité la question d^une manière assez satisfaisante pour être admis au concours ; et que quant aux deux autres, sans prétendre adopter ou rejeter le système que les auteurs voudraient embrasser, l'assem- blée s'est bornée à examiner si les auteurs avaient raisonné conséquemment pour soutenir leur système ; et après avoir établi une discussion particulière sur ces deux ouvrages, il a été résolu d'adjuger une médaille d'argent à chacun de ces deux auteurs, dont l'un est M. Hippolyte Guillery, profes- seur au collège de Nivelles, et l'autre M. Evrard, docteur en médecine à Bruxelles. L'assemblée s'est ensuite occupée des questions à proposer; et de celles qui appartiennent à la classe d'histoire, il a été résolu de continuer pour 1825, la 1^^ ayant pour objet la population, les fabriques et le commerce depuis le 17^ siècle jusqu'à V érection du royaume des Pays-Bas ^ la 6'^, relative à Erasme , et la 7^, aux métiers , de sorte que ces questions devien- nent les trois premières pour le concours prochain. Les 3®, 4^ et 5^ ont été abandonnées. La 2^, sur laquelle est intervenu un mémoire qui a été couronné, était à remplacer. Restaient donc cinq qu calions à proposer , et les suivantes ont été adoptées : QUATRIÈME QUESTION. Quelles ont été les causes cjui ont amené l'institution du grand conseil de Malines, par le duc Charles-le-Téméraire enx^'j'5 , et la dissolution de ce conseil sous le règne de Marie ? Quelles étaient les attributions de ce conseil? En quoi différaient-elles de celles du conseil institué par V archiduc Philippe en i5o3? Quels étaient les motifs de ces différences P Quelles sofit les dispositions législatives auxquelles l'établissement et la suppression de cette cour ont donné lieu? CINQUIÈME QUESTION. Quelle est l'origine de la différence qui existe par rapport à la langue entre les provinces dites Flamandes et celles dites Wallonnes?^ quelle époque cette différence doit-elle être rapportée? Quelle est la raison que des IV JOURNAL contrées qui faisaient pai^tie de la France , parlent le flamand, et d'autres qui appartenaient a Vempire germanique se servent exclusivement de la langue française ? SIXIÈME QUESTION. On uropose l'éloge de François Hemsterhuis. SEPTIEME QUESTION. Quel était Vétat des institutions religieuses et des étahlisserne?is ecclé- siastiques da?is les provinces méridionales du royaume des Pays-Bas y depuis le commencement du règne de JMarie-Thérese ; et quels changemens y ont été successivement intr^oduits j usqu à ce jour? HUITIÈME QUESTION. Quel caractère les Belges ont-ils déployé dans les diverses positions où ils se sont trouvés? Peut-on leur assigner un caractère dominant , qui soit commun à toute la nation y connue sous le nom générique de Belges ? ou les hahitans des diverses parties qui ont formé les Pays-Bas espagnols et au- trichiens ^ aujourd'hui les provinces méridionulca du myaume des Pays- Bas , ont-ils montré un caractère particulier qui les distingue les uns des autres? Leur caractère a-t-il éprouvé des altérations ou des modifications dans ces diverses révolutions , soit par l'influence des événemens , soit par les différentes formes de gouvernement? Séance du 8 mai , continuation de la précédente. L'Académie propose pour i824, les deux questions suivantes : PREMIÈRE QUESTION. Quels ont été les changemens introduits dans l'instruction publique dans ce pays, depuis le commencement du règne de JMarie-Thérèse , jusqu'à ce jour , et quelle a été V influence de ces changemens sur la propagation des lumières en général et sur la culture des sciences et des lettres en parti- culier ? DES SEANCES. v SECONDE QUESTION. Quelles étaient les véritables attributions des états dans les différentes provinces, d'après la constitution de chacune? Quels étaient leurs rapports tant apec le souverain qu'avec la nation? Quel était celui des trois ordres qui avait le plus d'influence dans les diverses provinces? Quels changemens ont-ils subis dans leur organisation aux diverses époques? Les questions pour celle des sciences ont été proposées dans l'ordre sui- vant : Celle qui concerne les lignes spiriques est la première; la 4®, relative à l'action A\xJU flexible; la 5'^, ayant pour objet la constitution géologique dfi la province de Namur^ 1^ 7^ ? proposant la topographie médicale de la ville de Bruxelles , sont devenues les 2"^ 3" et é**. Les 2®, 3" et 6*^ ont été abandonnées, et la i^"®, sur laquelle est parvenu un mémoire qui a obtenu la palme, était à remplacer. Restaient donc quatre questions à proposer , et l'on a admis les sui- vantes : CINQUIÈME QUESTION. Quel a été l'étal de la cote maritime d'Anvers à Boulogne , depuis la conquête de Césarjusqu^a nos jours ? Indiquer les grandes inondations de la mer , que cette cote a éprouvées pendant cette période , et déterminer les parties que la mer a englouties , sans avoir été jusqu'ici reconquises. SIXIÈME QUESTION. Étant connu que les esprits alcoholiques extraits de différentes matières , telles que fruits , graines, racines, et sucre, ne peuvent par les mêmes moyens de concentration être conduits à marquer un égal degt^é de force sur l'aréomètre, et qu'à degré aérométrique égal, ces esprits jouissent de capa- cité de solutions et de saturation différentes, V Académie demande que l'on détermine quelles sont au juste ces différences, et qu'on en recherche la cause , afin d' en faire cesser , sHl est possible, les effets. On examinera dans quel rapport so?it les capacités de solution et de saturation de chacun des esprits avec leur résistance à la concentration. Yi JOURNAL SEPTIEME QUESTION. Quels sont les genres et les degrés de fermentation que subissent successi- vement les différentes espèces de fumier animal? Quels sont les procédés pour retarder ou accélérer ces fermentations? Par quels caractères peut-on les distinguer ? Quelles sojit les épocjues de fermentation où ces différentes espèces de fumier peuvent être employées avec le plus d' avantage comme. engrcds , eu égard à la nature des divers terrains? HUITIÈME QUESTION. Les observations modernes ayant fait voir que les combincdsons entre corps gazeux et corps gazificd)les par le feu , ou par des engagemens , se font en des rapports tî^ès-simples de volumes , et cju après la combinaison , la même simplicité de rapp>oj't est Tnaintenue entre les volumes des gaz résultans et ceux de leurs cojnposans , V Académie demande cju'on déter- mine d'après l'expérience, les volumes proportionnels des divers corps ga- zeux et des gazifiables parles moyens mentionnés» On vérifiera V accord des volumes ai>ec les poids spécificpies indiqués par la molécule représentative pesée , et l'on spécifiera la température et la pression auxcpj.elles les me- sures auroizl été priaea. L' --académie désire que le tableau synoptique des résultats soit joint à la réponse. L'Académie propose pour i8'24, les deux questions suivantes : PREMIÈRE QUESTION. Les racines développées en fraction continue doivent avoir pour chaque degré un caractère particulier. Dans le premier degré , la fraction continue se termine. Dans le second, elle se présente sous forme périodique. u4 quel caractère reconnaîtra-t-on qu'une fraction continue proposée est racine d'une équation d'un degré supérieur donné? Est-il possible d^ assigner le carré, le cube, etc. , d'une fraction continue en fraction continue ? SECONDE QUESTION. Les grandes découvertes faites depuis un certain nombre d'années ayant DES SEANCES- vir considérablement augmenté le domaine du botaniste , V jlcadémie demande que Von établisse ou que l'on réfute par un examen critique d"* après les. lois données par Linné, les genres et espèces introduits en botanique , depuis la mort de ce grand homme , et que Von détermine diaprés les mêmes lois , la valeur des dénominations qui ont été imposées a ces genres et à ces espèces. M. le commandeur de Nieiiport a appelé l'attention de l'assemblée sur l'article 3o du règlement , qui porte qu'on ne couronnera pas les auteurs qui, ayant déjà remporté trois prix sur des sujets tirés d'une même science, traiteraient une quatrième question qui y serait également relative, et il a fait observer que cette disposition n'était propre qu'à arrêter l'essor du talent. En conséquence, il a proposé de faire connaître cet inconvénient à S. M. par l'organe de S. E. le ministre de l'instruction publique , afin d'ob- tenir une décision royale qui rapporte cette disposition. L'Académie a adhéré à celte proposition. Séance du 18 mai 1822. Lecture et discussion du programme pour le concoui's de 1820. L'Académie, pensant qu'il était intéressant de se procurer des renseigne- mens et des détails circonstanciés sur la gi'otte vulgairement connue sous la dénomination de trou de Han , et deux autres qui se trouvent dans le voi- sinage , a résolu que MM. Kickx et Quetelet se rendraient sur les lieux pour en faire la visite et en donner la description. M. Dewez a ensuite exposé que dans les fouilles qui ont été faites il y a trois à quatre ans à Alt-Trier , à deux lieues et demie d'Ecternach , on avait retrouvé un grand nombre d'antiquités romaines, des monnaies, des vases, des figures, des anneaux, etc., et a proposé de se rendre dans ce pays pour y faire les recherches convenables. L'Académie a agréé cette proposition. Séa7ice du 2g Juillet 1822. Le secrétaire a donné communication de l'arrêté royal du 8 juin dernier , par lequel S. M., sur la demande de l'Académie, a rapporté l'article 5o du règlement. Voyez la séance du 8 mai. VIII JOURNAL M. Dewez a fait à l'assemblée le rapport de son voyage dans le grand duché de Luxembourg, pour faire les recherches convenables sur les décou- vertes des objets d'antiquité retrouvés a Alt-Trier ou dans les environs. Il prit les premières indications à Luxembourg, auprès de M. le gouverneur, qui voulut bien l'adresser aux personnes instruites dans cette matière; et après avoir obtenu les renseignemens qu'il désirait, il se rendit à Trêves, où il eut, sur Tobjet de sa mission , des conférences instructives avec M. le professeur Wyttembach, et M. Muller, conseiller à la cour royale de Trêves, qui a fait de nombreuses et intéressantes recherches sur les antiquités de ce pays, et qui lui a communiqué la liste des objets trouvés à Alt-Trier. M. Dewez a ensuite proposé de nommer correspondans de l'Académie, M. De la Fontaine , membre de la députation des états de Luxembouj-g, qui lui a donné des renseignemens importans , ainsi que MM. Wyttembach et Muller, afin qu'au besoin on pût entretenir avec eux des relations à ce sujet. Cette proj)osition sera discutée dans une des séances prochaines. Séance du 28 octobre 1822. MM. Kickx et Quetelet, qui^ conformément à la résolution du 16 mai dernier, ont été visiter la Grotte de Han, ont fait le rapport de leur voyage, de leurs découvertes et de leui's observattons sons les difi'érens rapports que présente l'inspection de cette grotte et de ses environs , et ont présenté le plan de son intérieur, dessiné par M. Quetelet; et l'Académie a résolu que ce rapport serait inséré dans le recueil de ses mémoires. ( Il se trouve dans le second volume avec le plan et deux planches litographiées, représentant l'une, la vue de la montagne et du village de Han^ l'autre, la sortie de la nviere de Lesse du trou de Han. ) Séance du 1.1 novembre 1822. Le secrétaire a présenté, au nom de M. Domalius , un mémoire contenant ses observations sur un essai de carte géologique de la France , des Pays- Bas et des contrées voisines, dont cet honorable membre fait hommage à la compagnie. Séance du 3 décembre 1822. Celte séance n'a été consacrée qu'à des objets qui concernent le régime intérieur de l'Académie. DES SEANCES. ix Séance du 23 décembre 1822. M. Dewez a présenté à l'Académie son histoire du pays de Liège, en 2 volumes. Séance du 3 février i823. Le secrétaire a rendu compte des mémoires qui ont été envoyés au con- cours de cette année , et M. le président a nommé des commissaires pour les examiner. M. Quetelet a donné communication d'un mémoire sur les conchoïdes circulaires , faisant partie d'un mémoire plus étendu dans lequel il se pro- pose de traiter différons autres objets qui formeront un ensemble. M. Kickx a remis un extrait de ses obserpations météorologiques faites à Bruxelles , dans la partie moyenne de la ville , pendant les six derniers mois de l'an 1822 , et il a été résolu qu'elles seraient insérées dans le prochain volume des mémoires. Séance du 3 m^ars 1825. lî a été rësolu d'ajouter à la liste des sociétés savantes auxquelles l'Acadé- mie fait l'envoi de ses mémoires, la société linnéenne de Paris. Séance du 24 mars 1823. Le secrétaire ayant exposé que l'Académie envoyait ses mémoires aux bibliothèques des villes de Bruxelles ^ envers ^i Bruges , a proposé de les envoyer également a celles de Mons et Tournai. Cette proposition a été adoptée. Séance du 21 april 1825. Cette séance a été consacrée aux rapport^ sur les mémoires envoyés au concours, et à la présentation des questions pour le concours prochain, qui, ainsi que celles qui pourraient être adressées ou apportées à l'Académie, seront examinées et discutées à l'assemblée générale. Tome III, . . ^^ X' JOURNAL Séance générale du 4 mai 1823. ( Cette séance a été tenue le 4 au lieu du 7 , à cause des absences ou des empêchemens qui n'auraient pas permis à plusieurs membres de s'y rendre le 7}. Le secrétaire a rais sur le tapis les difFérens mémoires envoyés au concours, savoir: Un sur V établissement, la dissolution et les attributions du grand conseil de Malinesy et après avoir entendu les rapports des commissaires et discuté l'objet, l'assemblée a décidé que ce mémoire ne mérite pas le prix, et que la question ne serait pas continuée. Un sur la question proposant l'éloge de français Hemsterhuis , sur lequel, après avoir entendu les rapporteurs, et après une mûre délibération, l'as- semblée, en rendant à l'ouvrage toute la justice qu'il mérite sous plusieurs rapports, a jugé cependant qu'il n'avait pas complètement rempli les inten- tions de l'Académie, et n'a adjugé que la médaille d'argent à l'auteur, qui est M. Hippolyte Guillery , professeur au collège de Nivelles. Trois sur la question relative aux /i^/2es spiriques; celui qui porte pour devise : daveniam scriptis , a été écarté du concours, 1'au.teur n'ayant au- cunement suivi la question. L^assemblée n'a donc eu à s'occuper que des deux autres; et d'après les raisons développées par les commissaires, et la discussion qui s'est ouverte après la lecture de leurs rapports, il a été résolu d'adjuger la médaille d'argent au mémoire portant pour devise : qui pour- rait concevoir l'univers j etc., qui est de M. Vène , capitaine du génie en France. Un sur l'action au fil flexible. Les rapporteurs ont été d'accord que quoi- que la manière dont ce mémoire est rédigé décèle un homme versé dans la matière, il n'a point atteint le but, et l'Académie s'est bornée à faire une mention honorable de ce mémoire et à engager l'auteur à lui donner quel- ques nouveaux développemens. La question a donc été renvoyée au concours prochain. Un sur la question relative aux esjvits alcoholiques. D'après l'avis unanime DES SÉANCES. xi des rapporteurs , ^Académie a adjugé la médaille d'or à l'auteur, qui est M. Hensmansj pharmacien à Louvain. L'assemblée s'est ensuite occupée des questions à proposer pour i824, et il a été résolu^ pour la classe d'histoire, de continuer la première sur la population^ les fabriques et le commerce des Pays-Bas, depuis le i<]^ siècle, et au lieu de prolonger le terme Jusqu'à l'érection du royaume des Pays- Bas, de le borner à l'an 1713, époque de la paix d'Utrecht. La 2^ a été abandonnée , ainsi que la 4®, de sorte que la 3% concernant les me^fers; la 5^, relative à la différence qui existe, par rapport à la langue, dans les -proYÏnces J2amandes et wallonnes ; la y**, sur les institutions reli- gieuses et les étahlissemens ecclésiastiques , et la 8'', sur le caractère des Belges, sont devenues les 2^, 3^, 4^ et 5^. Les deux questions proposées l'année dernière pour i824, l'une sur les cliangemens introduits dans l'instruction publique, eXc^ l'autre sur les attri- butions ; les rapports et l'influence des états , deviennent la 6° et la 7^. La 6*=, sur laquelle est intervenu un mémoire ayant obtenu la médaille d'argent , est à remplacer. Les questions salivantes ont donc été adoptées pour compléter le nombre requis : Donner un précis historique de V administration des diverses provinces des Pays-Bas Autrichiens à l'époque du règne de V impératrice JMarie— TJiérèse. Quel fut le but politique des fréquens voyages que Guillaume I , prince d'Ovange^ fit à Gand pendant les troubles du JLV^I^ siècle? En d'autres termes : Quelle influence le succès des relations de ce prince avec la capi- tale de l'ancienne Flandre, ou le défaut de ce même succès a-t-il eue , à différentes époques , sur la part active que cette ville , plus particulère- ment , a prise dans l'insurrection de nos provinces contre les troupes espa- gnoles, et plus tard contré le gouvernement de Philippe II ? L'Académie demande un tableau de la cour et du gouvernement de Phi- lippe-le-Bon, considéré surtout dans ses rapports avec le commerce qui XII JOURNAL faisait aborde?' aux Pays-Bas les diverses productions du Lepanf et de V Italie , avec les arts et les branches d'industrie , qui, telles que les tapis- series, doivent aux arts leurs plus grands progrès. L^Académie pi'opose pour 1826 les deux questions suivantes : PREMIÈRE QUESTION. Faire connaître L'état politique , administratif , civil, religieux et mili- taire, ainsi que celui de la population , des fabriques et manufactures , du commerce , de V instruction publique , des lettres , des arts et sciences sous le règne des arcJiiducs Albert et Isabelle, dans les provinces des Pays-Bas, dans lesquelles ces princes exerçaient leur autorité. SECONDE QUESTION. Donner une notice historique et raisonnée des canaux navigables qui existent dans les provinces tant septentrionales que méridionales des Pays- Bas, C07istruits depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos Jours. Les questions suivantes ont été proposées pour la classe des sciences : Celle qui a pour objet les lignes spiriques , est la première ; la 2^, qui concerne l'action an fil fie xib le, la seconde 5 la S*', proposant la constitution géologique de laprovince de Namur, est la "5". La 4® a été abandonnée, de sorte que la 5", concernant l'état de la cote maritime Œ Anvers jusqu' a Boulogne ^ la 7" j ayant pour objet les genres et les degrés de fer-mentation du fumier animal; la 8*^ , sur les combinaisons des corps gazeux et gazifiables , sont devenues les 4® , 5^ et 6®. Les deux questions proposées l'année dernière, l'une, sur les fractions continues , l'autre , sur les découvertes -en botanique , sont devenues la 7* et la 8^ La 6", sur laquelle a été présenté un mémoire qui a été couronné, devait être remplacée. Séance du 5 m.ai , continuortion delà précédente . Les questions suivantes ont été adoptées pour atteindre le nombre requis dans la classe des sciences. DES SEANCES. xiii Déterminer ies changemens 'que peut occasioner le dëboisement de forêts considérables sur les contrées et les communes adjacentes , relative- ment à la température et a la salubrité de l'air, à la direction et à la vio- lence des vents dominons , a V abondance et a la localité des pluies y d'oie dérivent les sources et les eaux courantes , et en général a tout ce qui con- stitue son étatphysique actuel. L'Académie propose poui' 1825 les deux questions suivantes : PREMIÈRE QUESTION. Les causes du mouvement de nuiation de Vaxe terrestre sont-elles par- faitement connues et rigoureusement démontrées ? A—t-on des raisons d'observation ou de théorie qui puissent faire présumer un semblable mou- vement dans les autres globes du système planétaire ? Existerait-il un moyen de renfermer ( en ce cas supposé ) toutes les conséquences et les loi^ de ces mouvemens dans une même formule ou dans V expression analytique d'une loi commune a tous les corps célestes dépendans du système solaire? Ou enfin pourrait o?! conduire de là, ainsi que des perturbations des corps planétaires , quelque chose qui ne s'accordât point avec la théorie hypo- thétique admise par Copernic ec développée par Newton ? SECONDE QUESTION. La cause des inclinaisons et des déclinaisons très-variables de Paiguille aimentée a semblé jusqu'à présent se dérober aux efforts des théories les plus subtiles; mais comme on a cru observer dans ces irrégularités mêmes l'existence de lois très régulières , l'Académie demande : S'ily a des raisons pour supposer l'existence d'un noyau magnétique dans V intérieur du globe terrestre , ou s'iln^y a pas des moyens de réfuter victorieusement cette hypothèse^ Dans l'une et dans l'autre supposition, il faudra expliquer toutes les observations dont on pourra constater la certitude, et fournir des moyens de soumettre à une analyse rigoureuse les élémens hypothétiques que l'on jugera convenable d'employer. XIV JOURNAL M. Dandelin a ensuite donné lecture d'un mémoire sur une méthode générale pour obtenir les racines réelles et imaginaires d'une équation quel- conque : M. Kickx, d'un mémoire de la composition de M. Van Mons sur la réduction des alcalis en métal; M. Dewez, d'un mémoire de sa composition, pour servir à l'histoire d'Alpaïde, mJere de CJiarle s Martel , Et il a été résolu que ces trois mémoires seraient imprimés. Séance du 26 mai 1823. Lecture et discussion du programme. Le secrétaire donne communication d^une lettre de M. W. N. Lam- brechtsen , du 21 de ce mois , par laquelle il fait part de la mort de M. Nicolas- Cornélis Lambrechtsen, membre de l'Académie. Il fait également part d'une lettre de M. Devilly , secrétaire général de la société des lettres, sciences et arts de Metz, du i*"* mai, par laquelle il exprime le désir d'être associé à l'Académie comme correspondant. Cette lettre était accompagnée d'un mémoire sur les antiquités découvertes à l'an- cienne citadelle de Metz , avec deux tableaux litograpliiés. M. le président a nommé trois commissaires pour examiner ce mémoire. Séance du 1 4: Juin 1823. MM. Van Hulthem et Quetelet ont proposé pour membre ordinaire M. le baron de Reiffenberg, professeur extraordinaire à l'université de Louvain. La discussion sur cette proposition est renvoyée à la prochaine séance. Séance du 2S juillet 1823. Les commissaires nommés à la séance du 26 mai ont lu leurs rapports sur la demande de M. Devilly. L'affaire a ensuite été discutée verbalement j et après avoir entendu les opinions des différens membres, la question a été mise aux voix, et il a été résolu à la majorité que M. Devilly serait admis au nombre des correpondans. DES SÉANCES.. xv Le secrétaire a donné lecture d'une dépêche de S. E. le ministre de l'in- struction publique, du 24 juin dernier, par laquelle il transmet à l'Académie l'adresse présentée à S. M. par M. de Hemptinne, notaire et médecin à Jauche, qui expose que le tombeau ^ Alpdide , mère de Charles Martel , a été découvert dans le temps , près de l'église à Orp-le-grand , et que la pierre sépulcrale est cachée et maçonnée dans la masse qui sert de table d'autel , et s'offre de se charger de la direction des travaux nécessaires pour l'extraction de cette pierre. L'Académie, invitée à donner son avis sur l'objet de cette adresse , a laissé au secrétaire le soin de prendre à ce sujet les renseignemens nécessaires. La proposition relative à M. de ReifFenberg a été mise aux voix , et ayant été procédé à l'élection par la voix d'un scrutin sescret, il en est résulté qu'il a été unaniment nommé. Séance du 4 octobre 1823. Le secrétaire a rendu compte de la correspondance qu'il a entamée avec M. de Hemptinne, au sujet des travaux à faire pour la découverte du tom- beau d'^/paic?e,* et, ayant fait observer à l'assemblée que ces travaux ne pou- vaient s'exécuter sans l'agrément du curé et l'intervention du maïeur d'Orp- le-grand , elle a considéré que c'était à l'autorité administrative supérieure qu'il appartenait de prendre ou d'autoriser les mesures relatives à cette opé- ration , et le secrétaire a été invité à se rendre auprès de M. le gouverneur du Brabant méridional pour le prier, au nom de l'Académie, de vouloir la seconder de son autorité. M. Van Mons a remis un mémoire sur quelques erreurs concernant la nature du chlore et sur plusieurs propriétés de l'acide muriatique. L'exa- men et la lecture en est renvoyé à la prochaine séance. Séance du 3 novembre 1823. Le secrétaire a fait rapport du résultat de sa conférence avec M. le gou- verneur, qui s'est engagé à charger d'un côté le commissaire du district de Nivelles de se rendre à Orp, afin de faire, à l'adjonction de M. de Hemp- tinne et de l'autorité locale , les recherches nécessaires pour la découverte du tombeau ^Alpaide; et de l'autre, d'écrire à M. Farchevêque de Malines x\i JOURNAL poui' le px-ier d'autoriser le curé du lieu à permettre qu'on exécute les travaux convenables, afin qu'au moyen de cette double mesure, on par- vint, par le concours des deux autorités, au but que l'Académie s'est pro- posé , sans blesser les convenances et sans léser les intérêts , ni méconnaître lès droits de l'une et de Tautre. Le mémoire de M. Van Mons , remis à l'Académie, à la dernière séance , ayant été lu et examiné, il a été résolu de le comprendre dans le prochain Volume. Séance du i" décembre 1823. Le secrétaire a fait part a l'assemblée qu'il avait reçu une dépêche de S. E. le ministre de l'instruction publique, du i4 novembre dernier, par laquelle il l'informe que S. M. , par son rescrit du 9 du même mois,^ a agréé la nomi- nation de M. de ReifFenberg, comme membre ordinaire. Voyez les séances des i4 juin et 28 juillet derniers. M. Kikx a donné connaissance à l'assemblée qu'il avait appris que dans les fouilles récemment faites aux boulevards entre les portes de Namur et de Halle, on avait découvert un fossile accidentel qui mériterait peut-être d'être examiné 5 et comme il serait possible qu'on y rencontrât encore de semblables fossiles, l'assemblée, déférant au désir de M. Kikx, a invité le secrétaire à prier les bourgmestre et échevins de la ville de Bruxelles , de charger le directeur des travaux d'y être attentif, et de vouloir faire con- naître à M. Kikx les découvertes de ce genre , qui ont pu ou qui pourraient être faites dans la suite. Séance du 5 janvier 1824, Le secrétaire a communiqué à l'assemblée la réponse des magistrats de Bruxelles, en date du 11 décembre, par laquelle ils s'engagent à correspon- dre au désir de l'Académie. 11 a ensuite présenté un mémoire de M. Raepsaet, qui est le troisième sur la législation des Gaules , lequel traite de la lex mundana et des lois salique et ripuaire , et il a été résolu qu'on s'en occuperait à la prochaine séance. M. Quelelet a remis un mémoire offert à l'Académie par M. Pagani de Turin , et il a été envoyé à Pexamen de trois commissaires. DES SEANCES. xvii M. de Reiffenberg a donné lecture d'un mémoire sur le bombardement de Bruxelles, de l'an 1696, et il a été résolu qu'il serait inséré au prochain recueil , après qu'il y aurait fait quelques changemens. Séance du 2 février 1^2^. Le secrétaire a remis sous les yeux de l'assemblée le mémoiie de M. Raep- saet, présenté à la séance précédente, et il a été résolu qu'il serait imprimé dans le troisième volume , après que l'auteur aurait été invité à supprimer im petit paragraphe qui a paru étranger à la matière. M. le commandeur de Nieuport, ayant fait observer que déjà M. Vène , capitaine au corps royal du génie français, a remporté plusieurs prix sur des questions importantes de sciences , et qu'ilmérite à son avis d'être admis au rang des correspondans de l'Académie , l'assemblée a unanimement adopté cette proposition. Après quoi, le secrétaire a rendu compte des mémoires qui ont concouru aux prix pour la présente année , et M. le président a nommé des commis- saires pour les examiner» M. Dandelin a fait lecture d'un mémoire sur Vhyperboloïde de révolutions et sur les hexagones de Pascal et de Brianchon ^ et il a été résolu de l'insé- rer dans le 3^ volume. Les commissaires nommés pour l'examen du mémoire présenté par M. Pagani ( Voyez la séance du 5 janvier dernier ) ont fait leur rapport^ et il a été résolu de l'agréer et d'exprimer à l'auteur les remercîmens et la satisfaction de l'Académie. Séance du 1^^ mars 1824. Il a été fait rapport de la lettre de M. le gouverneur du Brabant méridio- nal au secrétaire, sous la date du i5 février, par laquelle il l'informe qu'il a été procédé, les 20 et 21 novembre dernier, à la recherche du tombeau ^yélpaïde , et lui adresse le procès- verbal de cette opération, qui constate qu'ayant fait toutes les recherches possibles, on n'a découvert ni pierre sépulcrale, ni tombeau, ni aucun indice de monument funéraire. Mais Tome m, ^^^ XVIII JOURNAL M. le gouverneur observe que Téglise d'Orp-le-grand a été réduite en cen- dres postérieurement à l'an 1618, année à laquelle Miraeus rapporte que le tombeau à^Alpaïde a été découvert dans cette église. M. Quetelet a donné lecture d'un mémoire sur les comètes, qu'il a retiré, pour le revoir, et le représenter à l'Académie, qui alors prendra une déli- bération convenable. Il a également fait lecture, seulement par forme de communication , d'un rapport sur le projet d'établissement d'un observatoire à Bruxelles. Séance du 5 api^il 1^2^, Le secrétaire a donné communication d'une lettre de M. le gouverneur , du 27 mars dernier, par laquelle il lui transmet un exti-ait des archives de la cure d'Orp-le-grand , par lequel il est constaté que le 21 mars 1674, l'église de cette commune a été consumée par un incendie , dans lequel il est à présumer que le tombeau à^Alpdide aura péri. ( Voyez les séances des 28 juillet, 4 octobre , 5 novembre 1823 et 1*=' mars i824. ) M. Quetelet a représenté son mémoire sur les comètes , et il a été résolu qu'il serait imprimé. Il a également été résolu, relativement au projet de l'établissement d'un observatoire à Bruxelles, dont M. Quetelet a donné communication à la dernière séance , que l'Académie le prendrait en considération , et M. le président a bien voulu se charger de le présenter à S. M. et de l'appuyer. M. Dewez a donné lecture d'un mémoire de sa composition sur les inva- sions , les étahlissemens et la domination des Francs dans la Belgique , et l'assemblée en a voté l'impression. M. Kickx, continuant ses observations météorologiques ^ a remis celles qu'il a faites à Bruxelles depuis le mois de juillet 1822 jusqu'au 3 décem- bre 1823, qui seront imprimées dans le prochain volume. Séance du 26 avril i824. Le secrétaire a donné communication de la circulaire de S. E. le minis- tre de l'intérieur, par laquelle il donne avis que tous les objets qui concer- DES SEANCES. xïx: nèni; Pinslruction publique, les sciences et les arts, sont réunis à son minis- tère, sous la dénomination de département de l'intérieur, de Pinstruction publique et du waterstaat , et invite l'Académie à correspondre avec ce département pour tout ce qui concerne les objets d'administration générale. Il a également donné lecture d'une lettre de M. Gruyer, du 26 de ce mois, par laquelle il lui adresse une dissertation sur le moupement , en le priant de le présenter à l'Académie. Renvoyé à l'examen de trois com- missaires. L'assemblée s'est ensuite occupée des rapports sur les mémoires envoyés au concours. Après quoi , le secrétaire a présenté une dissertation sur le fer des Pays- Bas y qui lui a été envoyée par M. Van Mons , de la part de M. le colonel Huguenin, auteur de ce mémoire. Séance générale du '] mai 1824. Le Secrétaire a présenté les différens mémoires envoyés au concours, savoir : Un sur les langues wallone et JiaTnande; et après le rapport des trois commissaires , MM. Van Hulthem et de ReifFenberg , qui avaient pris com- munication du mémoire, l'ont, comme les rapporteurs, trouvé savant et judicieux, les voix ont été recueillies, et il a été résolu à la majorité que la médaille d'or serait adj ugée à l'auteur. Le billet cacheté ayant été ouvert , ne présenta que le mot anonyme. En conséquence, le secrétaire a été invité à faire insérer dans les papiers publics un avis portant invitation à l'auteur de se faire connaître , et de donner des renseignemens positifs qui fassent conster qu'il est réellement l'auteur du mémoire. Un sur le caractère des Belges , sur lequel les rapporteurs sont parfaite- ment d'accord que l'auteur n'a aucunement répondu à la question, qui sera continuée. ** Un sur les états des provinces belgiques , et l'Académie , adoptant les conclusions unanimes des commissaires, a décerné la médaille d'argent à l'auteur, qui est M. Charles Steur, avocat stagiaire à Bruxelles, et a résolu de continuer la question. XX JOURNAL Deux SUT' les lignes spiriques , et, d'après les observations et les motifs très- détaillés et très-i'aisonnés des rapporteurs, PAcadémie ayant accédé à leurs conclusions, a résolu d'adjuger la médaille d'or à l'auteur de l'un de ces mémoires, et celle d'argent à l'autre. Le premier a été reconnu être M. Pa- gani (M. G.), et le second M. Demoor, ingénieur en chef au corps du wa- terstaat dans le grand duclié de Luxembourg. L'Académie a de plus résolu de faire précéder le mémoire couronné d'une introduction concernant la partie historique de ces courbes. Un sur VaiC\\o\iàxi fil fie xible ^ auquel l'Académie a résolu d'accorder la médaille d'argent à l'auteur, qui est M. Martens, docteur en science et en médecine de l'université de Liège, et elle a, au svn-plus, résolu de continuer la question en exigeant comme condition essentielle, l'intégration de l'équa- tion à laquelle on est conduit en résolvant le problème. Une note (c'est le titre qu'elle porte), sur l'état de la côte maritime d'An- vers à Boulogne. L'Académie a pensé, comme les rapporteurs , que l'auteur n'avait pas traité le sujet d'une manière assez satisfaisante pour mériter la médaille, et a résolu de renouveler la question. Un mémoire sur les corps gazeux etgazifiahles , dont les rapporteurs ont donné une analyse très-raisonnée de l'ouvrage j et quoiqu'ils n'aient pu se dissimuler les défauts dont cet ouvrage n'est pas exempt, ils ont cependant été d'avis qu'on lui décernât la médaille d'or. L'assemblée, après avoir dis- cuté la matière, et pesé les différentes raisons qui se présentent pour et con- tre, a résolu, à la majorité des voix, que la médaille d'argent serait décernée à l'auteur, qui est M. Hensmans, pharmacieu à Louvain. Un sur les fractions continues, qui, d'après l'avis des rapporteurs, n'a aucunement résolu la question, et en conséquence l'Académie a résolu de la remettre au concours. L'assemblée s'est ensuite occupée des questions à proposer pour le con- cours de 1825, et il a été résolu, pour la classe d'histoire , de continuer la i''^, sur la population , les fabriques , les manufactures et le commerce i la 2*, sur les métiers; la 4^, sur l'état des institutions religieuses ; la 5^, sur le caractère des Belges ,• la 6*^, sur les changemens introduits dans l'instruction DES SÉANCES. xxi publique, etc.', la 7% sur les attributions, les rapports et l'influence des états ; la 8^, relative à l'administration des diverses provinces au temps de Marie-Thérèse. Les 9*= et 1 o*' ont été abandonnées. La 3", sur laquelle est intervenu un mémoire couronné, est à remplacer. Pour la classe des sciences, il â été résolu de continuer la 2^, sur le fil fiexible^ la 3^, ayant pour objet la constitution géologique de la province de Namur; la 5^, sur le fumier animal; la 7*^, sur les fractions continues; la 8^, sur la botanique , et la 9", sur le déboisement. La i'"^ et la 6^, qui ont remporté lesmédailles, doivent être remplacées. La 4", relative à l'état de la cote maritime d'Anvers à Boulogne, ayant été considérée comme étant plutôt du ressort de Fhistoire que des sciences, a été reportée à la première classe. L'Académie a procédé à l'examen et au triage des questions nouvelles des- tinées à compléter le nombre requis. Pour l'histoire : De quelle époque date la fabrique de tapisseries dans les Pays-Bas? Y est-elle née ou apportée d'ailleurs ? Quelles ont été les villes des Pays-Bas dans lesquelles cette fabri^^ue a fleuri ? Quels sont les principaux artistes qui ont fait des cartons pour ces fabriques? Quel était approximativement le nombre de bras employés à ces fabriques dans les Pays-Bas? Quel en était le débouché le plus grand et le plus avantageux , tant en Europe que dans les autres parties du monde? Quelle a été leur époque la plus brillante? Quelle est celle de leur déclin? Quelles sont les fabriques étrangères for- mées par des fabricans des Pays-Bas? Quelles sont les causes qui ont amené l'anéantissement de la fabrique de tapisseries de tenture ? Les deux questions proposées précédemment pour 1835 , l'une, sur l'état des Pays-Bas, sous le règne des archiducs Albert e^ Isabelle; l'autre, sur les canaux navigables, formeront la ^^ etla 10^. XXII JOURNAL Séance du 8 mai, continuation de la précédente. Pour 1826 , on a proposé pour l'histoire , les deux questions suivantes : Quels sont les services rendus à la langue et à la litérature grecque et latine , par les savans des Pays-Bas, suit par la composition d'ouvrages didactiques , soit par lapublication , la révision, la critique et la traduction des auteurs grecs et latins ? La seconde question est celle qui concerne Vétat de la cote maritime d'Anvers a Boulogne. Pour les sciences : Les deux questions proposées pour 1825 , l'une, sur les causes delà nata- tion de l'axe terrestre ; l'autre, sur l'existence d'un noyau magné tique dans l'intéiieur du globe terrestre , formeront la 7^ et 8^. Pour 1826 , les deux questions suivantes ont été adoptées : PREMIÈRE QUESTION. Assigner la forme et toutes les circonstances du mouvement d'une bulle d'air /qui s'élève dans un liquide , dont la densité est supposée constante? DEUXIÈME QUESTION. Faire, d'après les principes d'une saine chimie, une analyse comparée de nos grains indigènes et de ceux du nord, particulièrement du seigle et de Vorge , afin d^oir des résultats exacts sur leurs propriétés alimentaires, ainsi que sur leur emploi dans les distilleries, amidonneries , brasse- ries, etc., sous les rapports de la quantité et de la qucdité de leurs pro- duits? Après ces opérations , M. de Nieuport a présenté un mémoire sur une question relative au calcul des probabilités ; M. ReilTenberg, un mémoire latin , intitulé : Belgica Erasmi Vita, Et il a été résolu que ces deux mémoires seraient imprimés. Il a été présenté iin mémoire de mathématiques par M. Gloesener, docteur en sciences. Renvoyé à l'examen de trois commissaires. DES SÉANCES. xxiii Ensuite l'Académie a nommé correspondans : MM. Gergone, rédacteur des Annales mathématiques, à Montpeiller ; L'abbé Ranzani , professeur de minéralogie et de zoologie , à Bologne j Van Praet , bibliothécaire du roi, à Paris; Marc-Antoine Jullien , rédacteur de la Revue Encyclopédique, à Paris. Finalement, il a été unaniment résolu d'adresser à S. E. monsieur Falck, nommé ambassadeur de S. M. à la cour de Londres, une lettre pour lui expinmer les sentimens de reconnaissance de l'Académie pour les services qu'il lui a rendus pendant son ministère. Séance du 5i mai i824. Lecture et discussion du programme. Le secrétaire a communiqué ensuite à l'assemblée la lettre que M. Raoux, conseiller d'état, lui a adressée le ii de ce mois, par laquelle il l'informe qu'il est l'auteur du mémoire sur la 3^ question d'histoire , relative aux \^wg\iQs flamande et -wallonne , auquel l'Académie a adjugé la médaille d'or. Il a également donné communication de la lettre qu'il a eu l'honneur d'adresser, au nom de l'Académie, à S. E. monsieur Falck, etqui est conçue en ces termes : Bruxelles, le 20 mai 1824. Monsieur l'ambassadeur , L'Académie, en vous voyant quitter ce pays, où vous laissez un nom si cher, pour vous rendre à la haute destination à laquelle il a plu à S. M. d'ap- peler votre Excellence, vient avec le plus vif empressement lui témoigner les sentimens dont tous les membres de cette compagnie sont si profondé- ment pénétrés. Comme ministre, vous l'avez soutenue de votre appui j comme membre , vous l'avez souvent éclairée de vos lumières supérieures. A ce double titre , elle sent tout ce qu'elle vous doit de déférence et de reconnaissance. Elle espère que vous vous souviendrez quelquefois d'une XXIV JOURNAL société pour laquelle vous avez montré tant d'intérêt et de bienveillance, et que si, par l'événement, nos rappoi'ts sont interrompus, l'éloignement n'affaiblira pas du moins les sentimens précieux dont votre Excellence lui a donné tant d'honorables témoignages. Pour nous, Monsieur l'ambassa- deur, aucun événement, aucune circonstance ne pourra jamais en effacer la mémoire j et moi, en particulier, qui ai eu l'honneur d'entretenir avec votre Excellence des rapports de plus d'un genre, dont je conserverai un ineffaçable souvenir, je me félicite dans un sens d'être ici l'organe de la compagnie , et de trouver cette occasion de lui offrir encore l'hommage de mon respectueux et éternel attachement. Dewez, secrétaire perpétuel. Le secrétaii'e a ajouté que, dans une entrevue particulière, S. E. l'aprié de manifester à la compagnie combien elle était touchée de ses sentimens, et que, dans toutes les circonstances, elle ne perdrait jamais ceux qu'elle a voués à l'Académie en général et à chacun de ses membres en particulier. Séance du ixjuin 182 4. M. Dewez a présenté pour être admis comme membre ordinaire M. Raoux , conseiller d'état, et il a été résolu qu'on délibérerait sur cette proposition à la séance prochaine. Séance du 16 août 18 24. Le secrétaire a communiqué la lettre qui lui a été adressée le 20 juillet dernier, par madame Kemper, née de Vries, par laquelle elle annonce la mort de M. Kemper, son mari , membre de celte Académie , décédé ce même jour à Leyde. Séance du 21 août 18 24. La proposition faite par M. Dewez , à la séance du 21 juin, a été soumise à la discussion de Passemblée , et M. Raoux a été unanimement élu comme membre ordinaire. Séance du 11 ociobi'e i824. Le secrétaire a donné communication de la lettre de M. l'administrateur DES SÉANCES. xxv de l'instruclion publique, des sciences et des arts, du 8 septembre, par laquelle il fait part à l'Académie que S. M., par son rescrit du 4 du même mois, a agréé le choix de M. le conseiller d'état Raoux, comme membre ordinaire. M. Kickx a donné lecture de la première partie d'un mémoire sur la géographie physique du Brahant méridional , lequel sera divisé en cinq parties, dont la première a pour objet Za constitution atmosphérique de la propince et des météores qui en déterminent les variations , et il a été ré- solu que cette première partie serait imprimée. Séance du 3o octobre i824. M. Dewez a donné lecture d'un mémoire de sa composition sur le gouver- nement et la constitution des Belges avant la conquête de César , et il a été résolu qu'il serait imprimé dans le 3^ volume. Séance du ^décembre i824. Le secrétaire a remis sur le tapis le mémoire de M. le baron de Reiffen- berg , intitulé : BelgicaErasTui vita; et comme, à raison de sa longueur , il n'avait pas été lu en entier à la séance du 7 mai dernier, M. le président, s'appuyant de l'article i5 du règlement, a observé qu'il ne suffisait pas qu'un mémoire fût lu par extrait, mais qu'il devait Têtre en entier, et il a été résolu que la lecture en serait ainsi faite en séance. Séance du "o janvier 1826. Le secrétaire a communiqué à rassemblée les lettres de M. de ReifFen- berg, relatives à la lecture de son mémoire, dans lesquelles il fait diverses observations sur la résolution prise à ce sujet par l'Académie, qui a considéré qu'elle n'a ici qu'un point à examiner, savoir, si les mémoires présentés pai' les académiciens doivent être lus. Or ce point est résolu par le règlement même , et la résolution prise à la séarice précédente y est conforme. Elle y a donc persisté; et quant à l'ordre dans lequel ils doivent être lus, elle a considéré que c'est au président qu'appartient le droit de régler cet ordre. En conséquence, M. le président, après avoir pris l'avis de l'assemblée, a Tome m. ^^^^ XXVI JOURNAL décidé que celui de M. de ReifFenberg serait lu d^abord, et qu'en consé- quence, il serait invité à se rendre à cet effet à Pane des séances pro- chaines. Séance du 2 février 1825. Le secrétaire a fait part à rassemblée de la lettre qu'il a reçue de M. de Reif- fenberg, en réponse à la lettre qu'il lui avait adressée le 6 janvier dernier, d'après la résolution prise dans la séance du 3. Par cette réponse, il annonce qu'il lira son mémoire suivant la décision de l'Académie , et celle-ci , n'ayant aucune détermination à prendre jusqu'à ce que M. de Reiffenberg se soit rendu lui-même à la séance, a résolu de passer à l'ordre du jour , qui était la présentation des mémoires envoyée au concours de cette année. Le secré- taire en a en conséquence rendu compte, et M. le président a nommé des commissaires pour les examiner. M. Raoux a donné lecture d'une partie d'une dissertation historique de sa composition sur l'origine du nom de Belges et sur l'ancien Belgium, Séance du 2^ février 1826. Le secrétaire a donné coramunication de la lettre qui lui a été adressée, sous la date du i'^'^ de ce mois, par mad^ Tydeman, née Hugenholtz, par laquelle elle fait part de la mort de son époux, membre de cette Académie, décédé le même jour. M. Quelelet a donné lecture des rapports rédigés par lui et par MM. Dan- delin et Van Utenliove sur le mémoire présenté par M. Pagani, concernant les vitesses virtuelles, et dont la conclusion unanime est que ce mémoire est digne à tous égards d'être imprimé dans le recueil de l'Académie. M. Que- telet a eu outre renouvelé son vœu pour l'admission de M. Pagani , au nom- bre des membres ordinaires, et M. le président, en faisant part à Fassemblée, que S. M. avait accordé à M. Pagani le droit de domicile à Bruxelles, l'a présenté de son côté. La délibération sur cette proposition aura lieu à la séance prochaine. M. Ouetelel a lu une note additionnelle à son mémoire sur les causti- ques, présenté à la séance du 3 février 1823, sous le litre de mémoire sur DES SÉANCES. xxvii les conclioïdes circulaires , et il a été résolu que cette note serait jointe à ce mémoire. Séance du 28 mars 1825. L^assemblée a procédé par la voie du scrutin secret à la nomination de M. Pagani, successivement présenté par M. Quetelet et M. le président, et il en est résulté qu'il a été unanimement nommé. Le secrétaire a communiqué à rassemblée un mémoire qui lui a été adressé par M. Meyer, sur V origine de la différence relative a V usage de la langue flamande ou wallonne dans les Pays— Bas, et la lecture en a été remise à Pune des prochaines séances. M. Raoux a achevé la lecture de sa dissertation sur l'origine du nom de Belges et sur l'ancien Belgium, et il a été résolu qu'elle serait insérée dans le volume qui est sous presse. M. Garnier a présenté un ouvrage de sa composition , ayant pour titre : Elenienta arithmeticœ et geometriœ in usum prœlectionum academi- carum , ainsi que le discours latin qu'il a prononcé le 7 octobre 1825 , cum magistratu abiret. Séance du 26 avril 1826. Le secrétaire a donné lecture de la lettre de M. l'administrateur de Fin- struction publique , des sciences et des arts, du 19 de ce mois, par laquelle il annonce que S. M. , par arrêté du 10, a agréé la nomination de M. Pagani comme membre ordinaire. L'assemblée s'est ensuite occupée des rapports sur les mémoires envoyés au concours. Le secrétaire a présenté un mémoire que M. Dandelin lui a adressé sur les projections stéréographiques ; M. Quetelet , un mémoire sur les lois des naissances et de la inortalité a Bruxelles , Et M. de Reiffenberg, un mémoire sur le goût des Belges pour les livres avant le \'j^ siècle. XXVIII JOURNAL La lecture de ces trois 111601011x8 a été remise à l'une des séances pro- chaines. Le secrétaire a également présenté, au nom de M. Kesteloot, un ouvrage de sa composition intitulé : Lofi^ede op Hermannus BoerJiave. Séance générale du 6 mai 182 5. Le secrétaire a donné communication de la lettre qui lui a été adressée par M. de Bast de Gand, le i®"^ de ce mois, par laquelle il informe l'Aca- démie , au nom de sa famille , de la mort de M. le chanoine de Bast , mem- bre de cette compagnie , décédé le 1 1 avril dernier. Ensuite il a présenté les mémoires envoyés au concours , savoir : Un sur la 6^ question d'histoire, relative aux attributions , rapports et influence des états ; et après le rapport des commissaires, M. le président a mis la chose aux voix, et il a été résolu à la très-grande majorité, qu^il n'y avait pas lieu à lui accorder aucune médaille , et que la question serait pro- posée de nouveau. Un mémoire sur la première question des sciences, ayant pour objet le mouvement du filflexihle , et l'Académie , adoptant les motifs et les conclu- sions des rapporteurs, a décerné la médaille d'or à l'auteur de ce mémoire, qui a été reconnu être M. Pagani , membre actuel de cette compagnie , ( ayant été nommé le 28 mars dernier ), et qui y était étranger lorsqu'il a concouru. Un mémoire sur la deuxième question , relative à la constitution géolo- gique de la province de Nanuir. D'après l'opinion tout-à-fait conforine des rapporteurs, l'Académie a, d'un consentement unanime, accordé la médaille d'or à l'auteur , dont le billet décacheté a présenté le nom de M. Cauchy, ingénieur des mines et professeur de minéralogie et de métal- lurgie à l'athénée de Namur. Un mémoire très-court sur la quatrième question, concernant les frac- tions continues, qui ne contenait rien qui présentât quelque intérêt ou qui eut quelque rapport à ce que l'Académie avait demandé. La question a été retirée. DES SEANCES. xxix Deux mémoires sur la sixième question, concernant le déboisement. L^ Académie, ayant adopté à Punanimité Pavis détaillé et raisonné que M. le commandeur de Nieuport a présenté, dans le rapport méthodique et lumineux qu'il a fait de ces deux ouvrages, a résolu de décerner la palme à Pun, dont l'auteur a été reconnu être M. Alexandre Moreau de Jonnès, officier supérieur d'état-major, correspondant de l'Académie royale des sciences à l'institut de France, résidant à Paris, et d'accorder V accessit à l'autre, avec une mention honorable, et a arrêté au surplus qu'il serait imprimé à la suite du premier. Le billet décacheté a présenté le nom de M. Bosson , pharmacien à Mantes sur Seine , département de Seine et Oise. Un mémoire sur la huitième question, relative au magnétisme terrestre , sur lequel l'opinion des rapporteurs a été partagée 5 et la matière ayant été amplement discutée entre les rapporteurs et les autres membres , M. le président a mis la chose aux voix, et il a été résolu à la pluralité, de décer- ner la médaille d'argent à l'auteur, qui a été reconnu être M. Gloesener, lecteur à la faculté des sciences physiques et mathématiques de l'université de Louvain. Séance du 7 mai , continuation de la précédente. L'assemblée s'est occupée des questions à proposer pour le concours de 1826 , et il a été résolu de continuer pour la classe d'histoire, la i'« , sur l'état de la population , des fabriques et du commerce, etc; la 2^=, concer- nant les métiers ; la 5^ , sur les cliangemens introduits dans V instruction publique, depuis le règne de Marie-Thérèse -, la 6'', sur les attributions, les rapports et l'influence des états; la 7", relative à l'administration des provinces des Pays-Bas, à l'époque du règne de Marie-Thérèse ; la 9^, sur l'état des Pays-Bas, sous le règne des archiducs Alhert et Isabelle', la 10^, relative aux canaux navigables des provinces tant septentrionales que méridionales. La 3*, la 4'' et la 8^ ont été abandonnées. Pour la classe des sciences , il a été résolu de continuer la 3*^, sur les gen^ 7 es et les degrés de fermentation de fumier animal, et la 8^, sur le magné- tisme terrestre , qui sera présentée sous une nouvelle rédaction. XXX JOURÎs^AL Les •*% b" et 7*^ ont été abandonnées. La i'"*^, la 2^, la 6", sur lesquelles sont intervenus des mémoires couron- nés, doivent être remplacées. L'Académie a donc procédé à l'examen et au triage des questions nou- velles , destinées à compléter le nombre requis. Pour VJiistoire : Les Belges élaient issus en partie des Germains, en partie des Gaulois. Les Francs, peuples formés de la réunion de plusieurs nations germaniques du nord , sont venus repeupler la Belgique dans les 4*= et 5^ siècles. Les Bel- ges ont long-temps conservé les mœurs, les usages, les arts et les institu- tions de leurs ancêtres. L'Académie demande : Quels sont , dans les temps postérieurs , les principaux traits de ressem- blance, d'identité ou d'analogie que Ton retrouve, soit dans l'histoire , soit dans les usages, les cérémonies , les amusemens et les fêtes , soit dans les lois , les capitulaires , les conciles et les principales coutumes des pro- vinces méridionales avec ces anciennes pratiques ou habitudes ? Dans la vue de fixer les doutes et les opinions divergentes des écrivains sur une époque très-importante de lliistoire de Flandre, celle où les Gan- tois révoltés contre leurs princes furent successivement gouvernés par Jacques Van Artevelde , et plus tard par Philippe , son fils, l'Académie demande un mémoire historique et critique sur la famille de ces deux capitaines , sur l'origine et les causes de leur élévation et sur l'influence que leur administration et le pouvoir civil et militaire qui leur fut confié ou qu'ils usurpèrent, ont exercée en Flandre. L'Académie propose, pour 1827 , les deux questions suivantes ; PREMIÈRE QUESTION. 1°. Quels droits et prérogatives les rois de France de la première race, ont-ils exercés sur la nomination des évêques de leur royaume , et notam- ment dans les trois provinces de la Gaule Belgique, connues pendant la DES SÉANCES. xxxi domination romaine sous les noms de i^^ et 2^ Belgique et de 2^ Germa- nique, dont les métropoles étaient Trêves, Reims, et Cologne? 2° Quels sont les droits et prérogatives que les rois de France et les empereurs d'Allemagne ont exercés sur la nomination des épêques dans les trois mêmes provinces sous la 2" dynastie des rois de France ? 3° A quel titre ces souverains exerçaient-ils ces droits? Etait-ce de leur chef, comme souverains et protecteurs de l'église, ou était-ce par suite cTune conven- tion ? 4° Comment et par qui les évêques et les métropolitctins de ces trois provinces recevaient— ils la confirmation canonique et la consécration pendant les deux époques susmentionnées ? DEUXIÈME QUESTION. La fabrique de dentelles donne depuis des siècles une occupation utile à des milliers de femmes dans la Flandre , le Brabant et le Hainaut , sur- tout dans les villes de Bruxelles, JVIalines, Gaud, Anvers, Bruges, Courtrai, Binche , etc. , et il s^en débite chaque année à l'étranger pour la valeur de sommes considérables. Quelle est l'origine de la fabrique des dentelles , et à quelle époque a-t-on commencé à en faire dans les Pays-Bas ? Est-elle due à notre pays, ou cette fabrique y a-t-elle été apportée de l'étranger? C'est ce que l'on ne sait pas d'une manière certaine; ce que l'on sait, c'est que les dentelles les plus belles , les plus solides et les plus renommées se font dans ce pays. L^Académie demande : Vers quel temps a-t-on commencé à faire des dentelles dans les Pays- Bas? U invention de cet art est-elle due ace pays ? Y a-t-elle été apportée de l'étranger? Ft quel est l'état actuel de cette fabrique dans notre pays? Pour les sciences : Décrite la constitution géologique de la province de Limbourg , les espèces ?ninérales et les fossiles accidentels que les divers terrains renfer- ment, avec V indication des loccdités et la synonymie des auteurs qui en ont déjà traité. Quelle relatioîi doit- il y avoir entre dix points de l'espace pour que ces xxxH JOURNAL dix points appartiennent à une surface du second oindre , ou entre dix plans, pour que ces dix plans soient tangens à une même surface de cet ordre ? On demande i° d'examiner, d'une manière approfondie , les différen- tes espèces de sociétés d'assurance sur la vie ; 2° d'établir, d'après des principes mathématiques , quelle est celle qui présente à la fois le plus d'avantage aux assurés et aux assureurs. Quant à la 8'= question du dernier programme , qu'ail a été résolu de continuer avec un changement dans la rédaction, il a élé arrêté de la re- produire dans les termes suivans : Quelle est la théorie qui explique de la manière la plus satisfaisante les phénomènes divers que présente l'aiguillé aimantée ? Il faudra expliquer toutes les observations dont on pourra constater la certitude, et fournir des moyens de soumettre à une analyse rigoureuse, les élémens hypothétiques que Von jugera convenable d^employer. LWcadémie propose, pour 1827 , les deux questions suivantes : PREMIÈRE QUESTION. Détei'miner toutes les circonstances du mouvement infiniment petit d^un système quelconque linéaire , flexible , élastique ou non , autour de sa position d'équilibre , en ayant égard à la résistance d'un fluide élastique ambiant. DEUXIÈME QUESTION. Quelle est la raison physique qui donne à quelques-unes de nos prai- ries la qualité pernicieuse qui les fait désigner ordinairement sous le nom de prairies aigres, en flamand suerbemden? Quels sont les moyens les plus simples , les plus économiques et les plus faciles pour corriger ce défaut, et favoriser le développement des plantes: qui fournissent au bétail une nourriture plus avantageuse ? La séance a été terminée par la lecture de deux mémoires envoyés, l'un , par M. Meyer, sur V origine de la différence relative à l'usage de la DES SEANCES. xxxiii langue flamande et de la langue wallonne dans les Pays-Bas ; l'autre , par M. Dandelin, su?^ les pi^ojections stéréographiques ^ et il a été résolu quils seraient imprimés. Séance du 21 mai 1826. Lecture et discussion du programme. Après quoi, M. Kickx a présenté comme membre oi-d inaire M. Cauchy, ingénieur du Waterslaat et professeur de minéralogie et de métallurgie à Fatliénée de Namur , qui a remporté au concours de la présente année , le prix sur la deuxième question des sciences, et la délibération sur cette proposition a été remise à la séance prochaine. On a nommé à Tunanimité correspondant M. Moreau de Jonnès , qui a i^mporté au même concours le prix sur la 6^ question. Séance du ^juîn \Zib. L'assemblée a délibéré sur la présentation de M. Caucliy qui a été unani- mement nommé, au scrutin secret, membre ordinaire. Le secrétaire a présenté de la part de M. Dandelin, 1° les planches du mémoire qui a été la à la séance du 7 mai dernier, sur les projections s té— réographiques y et il a été résolu qu'elles seront imprimées à la suite de ce mémoire 5 2°. Une note sur les intersections de la sphère et d'un cône du second degré ^ et il a été résolu qu'elle sera insérée dans le prochain volume. M. Quetelet a donné lecture d'un mémoire sur les lois des naissances et des mortalités à Bruxelles ^ et il a été résolu qu'il sera imprimé dans le volume qui est sous presse. Séance du 2^ juin 1825. Le secrétaire a communiqué à l'assemblée la correspondance de M. Moreau de Jonnès. Comme, entre autres, sa lettre du 1^' de ce mois contient plusieurs observations intéressantes, il a été résolu que cette lettre serait imprimée par extrait dans le journal des séances. ' Tome III. ^i^^^^ XXXIV JOURNAL Extrait de la lettre adressée, sous la date du i'^'^ juin, par M. Moreau de Jonnès, à M. Dewez, secrétaire perpétuel. « Je vais vous faire part de quelques nouvelles scientifiques inédites. Je » souhaite que cette communication soit agréable à l'Académie. « L'institut vienl de décerner le prix de Lalande à M. Herscliel, fils, » pour ses belles observations sur les étoiles doubles et triples. On savait » déjà qu'il faut abandonner, d'après les nouvelles découvertes del'astro- » noniie , les idées qui nous font concevoir que tous les corps célestes ont » la forme globulaire de ceux de notre système planétaire, et que leur » lumière est semblable à celle de notre soleil. L'observation , au moyen » des instrumens perfectionnés, avait appris déjà qu'il y a des astres an- » nulés , discoïdes et multiples , et qu'il en existe un grand nombre , dont les » rayons sont bleus, rouges , verts, ou colorés des nuances de ces couleurs, » d'une manière très-différente des rayons solaires; mais voici que des » observations récentes nous obligent à renoncer aussi à l'idée , qu'à l'ex- » ception des comètes, les astres se meuvent nécessairement dans un orbe » circulaire. On vient de s'assurer que plusieurs étoiles ont un mouvement » elliptique, et il y a , dans la marche progressive de l'une d'elles, des » irrégularités, telles qu'au lieu d'un cercle concentrique , elle décrit une » ligne sinueuse, et semblable à un zigzag. L'intérêt et la nouveauté de ces » découvertes ont si fortement excité un anglais, nommé Sawt, à pour- » suivre ces curieuses investigations, qu'il y a consacré sa fortune, et qu'il » vient d'établir un observatoire près de Paris. Il partage, avec M. Hers- » chel , le prix de l'Académie des sciences. « Un fait important trouvé par M. Arago , vient de montrer que l'eni- » pire de l'électricité est plus vaste encore, qu'on ne l'imagine. On sait que » les vacillations prolongées de l'aiguille aimantée rendent longues et dif- » ficiles, les observations de sa direction, et que si l'on susblitue à sa sus- » pension, par un fil sans torsion, un pivot, comme dans les anciennes » boussoles, ce n'est souvent qu'aux dépens de la justesse des indications, » qu'on obtient l'avantage de les avoir plus tôt. Des expériences récentes ont » montré que l'étendue et la durée des vacillations était réduite singulière- )) ment, en plaçant dans le voisinage de l'aiguille aimantée, une masse de DES SÉANCES. xxxv » cuivre qui exerce une action amortissante. Par contre , un disque de cuivre )) mû circulairement , avec vitesse , imprime à l'aiguille un mouvement » correspondant, quoiqu'elle soit parfaitement isolée et libre de toute im- )) pulsion mécanique. Les autres métaux ont une action analogue, mais » beaucoup moins grande. « J'ai communiqué à l'Académie des sciences , un mémoire intitulé : » Recherches sur le chien indigène de V hémisphère américain ^ sur ses six » différentes espèces , leur synonymie, leurs formes , leurs habitudes, leurs » usages domestiques, leur extinction, leur distribution géographique, yy leurs transmigrations et les notions qui en résultent , sur l'ancien état du » Nouveau Monde, les communications de ses peuples et leur habitation » primordiale. — J'aurai l'honneur de vous faire connaître les résultats de » ce travail, qui contient, sur un sujet usé, une multitude de choses entiè- » rement neuves, trouvées dans de vieux livres , ou observées sur les rivages » du Nouveau Monde. « Mais voici bien d'autres antiquités, que le voyageur anglais Moorcroft » a découvertes dans le Cachemire. Barnier nous avait appris , il y a un » siècle, qu'une histoire de ce pays célèbre avait été traduite et abrégée en » persan j c'est le manuscrit de l'original sanscrit, qu'on vient de trouver; » il promet de nous révéler les secrets de l'archéologie asiatique, jusqu'atix » époques les plus reculées. Si votre correspondance avec Calcutta, ne vous » faisait pas connaître cet important ouvrage, je vous en dirais quelque » chose , dans l'une de mes prochaines lettres. » Le secrétaire a également communiqué à l'assemblée la lettre que lui a adressée, le 3i mai, M. Déjonghe , directeur du cabinet des médailles de La Haye, en envoyant à l'Académie un exemplaire de l'ouvrage qu'il vient de publier en langue hollandaise, sur un sujet très-intéressant de l'histoire belgique, l'union de Bruxelles en 1577 , dans lequel l'auteur a tout à-la-fois présenté le résumé des faits, en a expliqué les causes et développé les suites avec une sagacité remarquable. Séance du 20 août 1825. Le secrétaire a donné communication de la lettre de M. l'administrateur de l'instruction publique, des sciences et des arts, du i^^' juillet, par laquelle -xxxvr JOURNAL DES SEANCES. il donne avis que, par disposition du 24 juin dernier, u" 96, S. M. a agréé la nomination de M. Cauchy. 11 a également donné lecture d'une lettre de M. Moreau de Jonnès du 7 juillet dernier, dans laquelle il l'entretient de plusieurs objets qui ont mé- rité Fatlenlion de la compagnie. M. le président a ensuite proposé à l'assemblée de nommer membre honoraire M. Van Gobbelscroy, ministre de l'intérieur, et cette proposition ayant été luianiraement adoptée, M. le président s'est chargé de porter lui- même cette, nomination à la connaissance de S. M. L'Académie s'est séparée pour entrer en vacances , et reprendre ses séances au mois d'octobre prochain .^ RECHERCHES SUR LA RÉSOLUTION D£S ÉQUATIONS NUMÉRIQUES; Par g. DANDELIN, OFFICIER AU CORPS ROYAI. DU GENIE MILITAIRE. /^A^/V^-^AAA AA,«/*/V» 'W\vwvii^i\i'%^ RECHERCHES SUR LA RÉSOLUTION DES ÉQUATIONS NUMÉRIQUES PREMIERE PARTIE. RACINES RÉELLES. f I. iLiTANT donne un polynôme algébrique

o\ par conséquent la courbe au-delà d'une certaine abscisse , soit positive soit négative, devient convexe vers Taxe des x. Ainsi c'est en tour- nant leur convexité vers les x , que les branches infinies de la courbe vont se perdre dans l'espace. 10. Je dois faire observer ici que j'ai employé l'expression 9 {u) X 9" (m) > o pour indiquer que 9 [u) et ^' {u) sont de même signe, ce qui, comme on sait, est le caractère de la convexité vers l'axe des x. C'est une forme que j'employerai souvent dans le même cas pour abréger , ainsi je crois nécessaire d'en avertir. 11. On voit donc que la courbe j=9 affectera, en général, la forme représentée (fig. i), dans laquelle nous avons indi- qué, à peu près, les divers accidens de courbure dont elle est susceptible. On ne doit pas manquer d'observer que, dans le cas de tu pair, les deux branches infinies de la courbe iront se perdre dans les régions des ^ et j positifs, et des x négatifs et y po- sitifs; tandis que, pour le cas de m impair, l'une se dirigera dans la première de ces régions, la seconde dans son opposée. DES ÉQUATIONS NUMÉRIQUES. ii Je m'arrêterai aussi sur quelques particularités qui peuvent résulter de la position de la courbe par rapport à l'axe des x, et qu'il est important de connaître d'avance , parce que leur existence peut simplifier beaucoup le problème de la résolu- tion des équations. 12. S'il arrivait que la courbe 7=9 fut quelque part tan- o-ente à l'axe des x (fig. i. a), elle aurait alors deux points communs avec cet axe au point de contact, et par conséquent 9 aurait deux racines égales à l'abcisse de ce point de contact. Ce cas a évidemment lieu lorsqu'une des racines de 9 satis- fait à la condition 9' = o, ou, en d'autres termes, lorsque, pour une certaine valeur de x^ on a à la fois cp(a;)=:o et o. j4 RESOLUTION 19. Soit L une limite des racines positives ou négatives de 9', soit aussi 1 une quantité' de même signe que L et plus grande en valeur absolue que L et les racines de 9 ; il résulte de ce que nous venons de dire (18), que 9 n'aura qu'une ra- cine réelle au plus entre L et >., puisque 9' n'aura point de racine entre L et )^ : ainsi 9 aura entre ces mêmes limites une racine réelle, si l'on a 9(L) X 9(X) < 0, et n'en aura point dans le cas contraire. Or, il est à remarquer que m étant le degré de 9, le signe de 9 (>.) sera justement celui de ^'" , et que >^ et L étant de même signe, on aura V" x L'" > o, ce qui revient à dire, que 9(1) et L'" seront de même signe. Il est donc évident que l'inégalité 9(L) X 9()^) < G, correspond à celle-ci, 9(L) X L"* < G. qui sera le caractère de l'existence d'une racine de 9 plus grande et de même signe que L, tandis que l'inégalité 9 (L) X L« > G , indiquera tout le contraire. 20. Soit, pour exemple, 9 = 0;^ — rj^-i-j, pour lequel 9' = 3 a?' — 7 Les racines de 9' sont comprises entre + 1 et + 2 , — i et — 2, ainsi entre — i et 4- i , il n'y a point de racines de 9'. DES ÉQUATIONS NUMÉRIQUES. i5 Mettant + i et — i pour x dans

o. donc, (18)9 n'a point de racine réelle entre — i et + i. Maintenant 2. est la limite supérieure des racines positives de 9, et —2 celle de ses racines négatives : or, on a 9 ( 2 ) X 2^ = (+ I ) X (+ 8) > o . et 9(— 2) X — 2^ = (-h i3)x(— 8). < o. d'oii il suit (19) que 9 n'a pas de racine positive plus grande que + 2 , mais bien une racine négative au-delà de — 2. 21. Entre deux substitutions a et b^ qui comprennent une seule racine réelle de 9, il y a, au plus, deux racines réelles de 9. Donc, dans ce cas, si l'on a 9(«) X 9(^) < G, 9 aura une racine réelle entre a et b^ et pas plus d'une. C'est ce qui arrive dans le cas de (^ = œ^ — 2X + 0.5. où 9' a une racine comprise entre o et i , et 011 l'on trouve 9(0) X 9(1) < o l'équation 9 a ici une racine réelle, et pas plus entre o et i . 22. Mais s'il arrivait dans l'hypothèse précédente, que 9(<^)x9(^) fut positif, on tomberait dans l'incertitude résul- tante de la possibilité de l'existence de deux racines ou de l'absence de toute racine entre a et b. Pour détruire cette incertitude, il faut recourir aux circonstances dans lesquelles se trouve alors la courbe J=9, dans les limites x-==a ^ x = b. ,6 RÉSOLUTION 23. Il est d'abord clair que 9' n'ayant qu'une seule racine entre a et ^, la courbe j='{a)(b — a), à DES ÉQUATIONS NUMÉRIQUES. 17 cause de K positif. Mais, d'après ce que nous venons de voir, cette différence doit avoir le signe de 9a, donc la condition pour que la courbe affecte la position de la fig. 3 , est 9 (a) . cp' « . (^ — a)>o; quand elle est remplie, y n'a point de racine re'elle entre a et b. 2.5. Soit o=^x^ — joc+j et 9'=: 3^' — 7; 9' ayant une racine réelle entre — i et — 2 , nous avons en suivant la marche ci-dessus (p( — i) = + i3; 9 (—2)=+ i3 : d'où l'on ne peut d'abord rien conclure sur l'existence ou l'absence des racines de 9 entre — ^ i et — 2. Mais si l'on observe qu'on a 9 ( — I ) X 9' ( I ) X ( 2 + I ) > G , on voit que la condition du n» â5 est remplie et par consé- quent que 9 n'a pas de racines réelles entre — i et — 2. 26. Lorsque cette condition n'est pas remplie , c'est-à-dire quand on a 9 (a) X 9'(«) X (^ — a) < 0, il ne reste plus qu'à opter entre les formes 4 et 5. Nous sup- poserons pour plus de clarté , que la courbe ait adopté cette dernière; dans ce cas, il y aurait deux racines a et (3 entre a et b; mais comme nous avons vu que la courbe pouvait avoir un point d'inflexion entre a et p, supposons en outre que ce point n'existe pas. 27. Dans ce cas, il est évident que les valeurs de 9 , iront toujours en s'approchant de o, depuis 9' (a) et (^' (b) jusqu'à Tome ni. 3 i8 RESOLUTION (p'(6')z=o. Ainsi tout point i^ pour lequel 9'((^) sera compris entre ç'(a) et ) tombe entre / et /, le, 3. 20 RESOLUTION point de la courbe j>'=(p, correspondant à l'abscisse i> , doit être compris entre a et p (27) et l'on doit avoir cp (r) 9 (a) < 0. 3i. Tout ce que nous venons de dire est relatif au cas oii il n'y aurait point de racines de o" entre <^ et ^; mais s'il y en avait une, ce qui peut arriver, la 3^ condition du n^ précé- dent ne suffit plus pour s'assurer de la position du point cor- respondant à l'abscisse ^^ entre les points « et p. Supposons en effet que ce point d'inflexion soit situe entre l'abscisse à' et b; rien n'empêche que sur cette branche de la courbe, il n'y ait deux points pour lesquels 9' soit compris entre les limites / et /', et l'un des deux sera par rapport à l'autre du côte' opposé de l'axe des x, et comme on ne peut juger d'abord lequel des deux se trouve sur l'axe de la courbe qui joint a et l^, on retom- bera dans l'incertitude. Pour éclaircir ceci , soient u et w' les abscisses des deux points, u étant celui placé entre a et p. 11 est clair que l'on aura d'abord, (p'(^) compris entre ) sera aussi compris entre l et /'. C'est le caractère auquel nous reconnaîtrons l'anomalie qui nous occupe, et qui est la suite nécessaire de l'existence d'un second point (^' pour lequel on aurait (p'(t^')==ç ((^), (p'((^) étant compris entre l et V . Si ce caractère n'existe pas , on est sûr que le point v pour lequel cette dernière condition est satisfaite est compris entre a et fi. DES ÉQUATIONS NUxMÉRîQUES. ii Sa. Après avoir formé / et l' on cherchera donc si l'une des quantite's ç'(«), (p'(^) n'est pas comprise entre l et l\ auquel cas on prendrait cette quantité' à la place de celle des limites /, et V qui aurait le même signe, on aurait alors deux nouvelles limites de signes contraires auxquelles on peut évidemment appliquer toutes les conditions du n^ 29. 33. Ayant donc vérifié si elles satisfont aux deux premières, on cherchera comme nous l'avons dit (29) deux nombres ren- fermant la racine de ç' comprise entre <^ et (^, et tels que l'un d'eux V donne une valeur de aj [y) comprise entre les deux limites dont nous venons de parler. Alors on aura (toujours dans le cas de l'existence de deux racines de o) ? i}') X cp («) > o. Or, la recherche des limites /et /', et l'opération précédente peuvent s'effectuer sur toutes les équations possibles, ainsi on pourra toujours voir si la condition 9 (t^) x 9 (<^) < o , est rem- plie. Si elle ne l'est pas, il y a contradiction entre l'hypothèse et ses résultats, et conséquemment 9 n'a point de racines entre a et b. 34. Appliquons tout ceci à des exemples. Soit d'abord 9= a; ^ —7.27 + 7, on a «p'=z3^' — 7. Cette dernière équation ayant une racine entre — i et — 12, © peut en avoir deux entre les mêmes limites 5 mais on a 22 RÉSOLUTION d'où Ton déduit (29) pour l et l'^ les deux valeurs r= 6x2' — 9x1 — 28 i3 7 7 6X1' 9X2 28 /[G / et /' étant de même signe,

P^"^ exemple, on fera d'abord dans .x'^ = i -] puis X x' =z i -\ ;- jc" = I -\ TJT ce qui donnera les transformées ' X X ^ X 2X X -\- 1 Faisant x'"' =S dans ce dernier polynôme, on trouve pour résultat — 65i, d'où il suit que la fraction continue ci-dessus subslitue dans x^ — 7-3? -h 7) 63i donnerait — , 289 DES ÉQUATIONS NUMÉRIQUES. 27 reste plus qu'à reconnaître les moyens d'approcher de la va- leur effective des racines autant qu'il sera nécessaire de le faire. C'est ce qui fera l'objet de la section suivante. Des moyens d'approcher des racines réelles d' un polynôme ; méthodes des tangentes et des cordes. 4o. Par une suite nécessaire des moyens que nous avons proposés pour obtenir les limites des racines réelles de (p, il ne peut se trouver plus d'une racine de la 2^ dérivée entre les limites d'une même racine réelle. On peut même rappro- cher ces limites jusqu'à ce qu'elles ne renferment plus du tout de racines de 9" fi), alors il se présente deux moyens remar- quables d'approcher de la vraie valeur de la racine. Soit donc CC l'axe de la courbe ^-=9, compris entre les deux limites ou abscisses connues OA, OB, que nous nomme- rig. 6. rons a Q\h. 4i- Dans l'hypothèse où il n'y a aucune racine de 9" entre a et h^ la courbe CC'se trouvera entièrement convexe ou con- cave entre ces deux limites, et on pourra facilement recon- naître à laquelle des deux abscisses a et b ^ correspond la (i) Ceci suppose que çi et çj", n'ont pas de racines communes, sans cela on ne pourrait remplir cette condition. Mais nous avons supposé (i5) que ce cas n'a pas lieu en renvoyant pour cela au i^r supplément de ce mé- moire , où l'on trouve les moyens de mettre y hors de l'influence de sem- blables anomalies. Pourresserer les limites de 9 de manière à ce qu'elle ne contiennent plus è)" , il est plus commode de se servir des fractions continnes, comme nous l'avons indiqué (36) 5 au reste ce cas est rare. 4. 28 RÉSOLUTION partie de la courbe convexe vers l'axe des œ, puisque cette abscisse doit satisfaire à la condition

G. soit pour plus de clarté b , cette abscisse , laquelle correspond au point C, par ce point menons à la courbe une tangente C'B'j elle aura pour équation d'où l'on tire pour l'abscisse B' du point ou elle rencontre l'axe des ^, 9 1^) Or il est évident que cette valeur sera toujours plus proche de à que è, puisqu'en vertu de la convexité de l'arc CC vers l'axe des .r, la tangente C'A' doit toujours tomber entre la courbe ca et l'ordonné CA, ainsi è'sera une nouvelle valeur de la racine cherchée plus rapprochée que b de la véritable. Fesant encore b" =b' — },,{ : la valeur de b" approchera q>{b) plus encore de la racine que b' et continuant toujours ainsi , on obtiendra pour x des valeurs aussi peu différentes que l'on voudra de la véritable. 42. Il est facile de remarquer l'identité des formules (fb b' = b (p b b"=b' — ^, etc.; avec celle donnée par Newton , et fondée sur l'hypothèse de DES ÉQUATIONS NUMÉRIQUES. 29 b = é très-petit, et par conséquent négligeable dès la seconde puissance. Mais il faut observer que notre formule est tout- à-fait indépendans de cette dernière considération, et que non- seulement l? — cE) ne doit pas y être très-petit, mais même qu'il peut être tel qu'on voudra pourvu qu'entre aetb^(j>' n'ait point de racines réelles, ce qui est tout différent. Nous pouvons donc établir que la règle de Newton n'est qu'un cas particulier de celle que nous venons de proposer et que nous appellerons règle des tangentes , pour rappeller l'originede nos for- mules. 43. Une conséquence nécessaire de tout ce que nous venons de dire , c'est que la règle de Newton , comme celle des tan- gentes, est rigoureusement applicable pourvu que ©"n'ait point de racine réelle entre les limites données. C'est là l'algorithme que Lagrange croyait impossible de trouver pour établir la légitimité de l'emploi de cette formule, et devant lequel s'é- vanouit l'objection qu'il a faite contre son usage. 44- Nous avons vu que les formules du n^ 4^ t donnent des valeurs toujours plus approchées de la racine; il est important en outre de savoir jusqu'où peut aller l'erreur commise en s'arrêtant a une des valeurs données par ces formules. Beaucoup d'analystes qui se sont occupés de la règle de Newton, paraissent croire qu'en réduisant deux termes successifs en décimales, les caractères communs à ces deux termes appartiennent à la vraie racine, mais il est facile de concevoir que pour que cela ait lieu, il faudrait que ~ fut toujours décroissant entre la racine et la limite b , d'oii l'on est parti pour commencer la série , ce qui équivaut à dire qu'entre h et la racine , ~, n'a ni maximum 3o RÉSOl.UTION ni minimum , el par conséquent , que dans cette e'tendue on na nulle part o'' = (p(p", condition qui peut n'être pas remplie, et alors on s exposerait à des erreurs grossières dans l'évalua- tion des décimales exactes. Le procédé que nous allons indi- quer n'est pas sujet à cet inconvénient : il à d'ailleurs l'avan- tage de présenter par lui même une seconde méthode d'ap- proximation, simple et commode. Fig. 6. 45. Au lieu de mener la tangente en C, menons la corde ce, elle coupera en A' l'axe des 07, et le point A' sera évidement plus près de a que le point A , Ainsi nous pourrons prendre OA' pour une nouvelle valeur approchée de Oa : écrivons analytiquement ce résultat. L'équation de la droite CC est y—<^{a)=: ^^_J^ ix — d) d'oii l'on déduit pour l'abscisse d du point OA' a =. a ,,7^ — (0 — a) Ainsi à sera une nouvelle valeur approchée de x. Mais le point A' auquel appartient cette abscisse, est dans la concavité de la courbe , tandis que le point B' correspondant à l'abscisse iib) est au-dehors de sa convexité; donc la racine cherchée est comprise entre ces deux nouvelles limites a! et b' beaucoup plus proches que a et b. On peut maintenant faire sur a' et b' DES ÉQUATIONS NUMÉRIQUES. 3t la même opération que sur a et b^ et on aura deux limites / rs b' — a . j„ ,,. (pia') a — a — o(a) —jjK r^ et b z=b rrrrr r lesquelles contiendront encore la racine et seront beaucoup plus rapproche'es que a et b'. 46. En mettant a' et b' sous la forme de décimales, il est évident que les caractères communs à ces deux valeurs appar- tiendront à la vraie racine. On pourra donc arrêter les déve- loppemens de d et h au chiffre qui suivra le dernier caractère commun , et prendre ces valeurs de a! et b' pour celles qui doivent servir à trouver a et h". 47. Appliquons cette méthode à l'équation (^•=iX^ IX 5=:::0, dans laquelle (p a une racine réelle et positive comprise entre les limites 2 et 2 . i , lesquelles ne contiennent point de raci- nes de la dérivée G ; donc c'est le point correspondant à l'abscisse 2.1. Ce point sera donc ^, et l'autre sera ^, et il ne faudra plus que mettre dans nos formules 2. i pour è, et 2 pour a. Nous aurons donc : T, ffi .(2 . 10) G. 061 .^ b=2.i — -Vt r =21 ^— = 2, . 00457 9 . (2 . I ) II. 2:5g '^ ' 9(2) X (2.1—2) I ,„ a'= 2 — ^; ; — ^=—2 H — ^- =2.0943 ..... 9(2.1} 9(2) IGDI ^ 3a RÉSOLUTION d'où Ion voit d'abord que 2 . 094 , sont les quatre premiers caractères de la vraie racine. Pour continuer l'opération, nous ferons 0=2.0943, ^' = 2.0946 (i); et il viendra , oa'.Çb' — a') ,» 0.0000008410494579 /Vf / f y// — cpa' ^* 0.0033480487290000 ^ ' T„ 1, 9(^') /r" o . ooo54i55o536 ,^y ,qo h zz^b'-— V, ' — 2.0046 ^ — 7-3 =2.o94d5i48S.... 9'(é') ^^ II . 162047800000 ^ valeurs qui donnent pour les 8 premiers caractères de la vraie racine 2 .0945514. En prenant une moyenne arithme'tique entre d' et h" on aura ne'cessairement une plus grande approximation qu'en s'arrêtant aux termes communs à d' et h' , on trouve effectivement alors é = 2.0945514815, qui sont les onze premiers caractères de ^. En calculant d" et h" d'après les valeurs de d et h' , on trouverait une approximation e'norme, mais les calculs de- (i) On sent pourquoi nous avons ici pris 2.0946, au lieu de prendre 2.0945. En effet l'esprit même de nos méthodes exige que h étant plus grand que la racine, h' le soit aussi, sans quoi le point correspondant à b' cesserait d'être sur la partie de la courbe convexe vers les x. Or, en nous arrêtant à 2 . 0945 , rien ne peut garantir que les termes négligés o . 00007.... ne soieut trop grands, et par conséquent, que 2.0945 ne soit trop petit, au lieu qu'en prenant 0,0006, au lieu de 0,00057.... Nous sommes sur que la valeur résultante est plus grande que la vraie racine, et alors la difficulté disparaît. C'est ce qu'il est nécessaire d'observer. DES ÉQUATIONS NUMÉRIQUES. 33 viennent alors si complique's qu'on nous saura peut-être gré d'un moyen que nous proposerons pour les abréger. (Voyez le second supplément). 48. Reprenons la formule a © (/?) — 9 {a) en réduisant le 2^ membre de cette équation au même déno- minateur, il vient , ars)(J?) — b(^{d) ce qui est la formule connue sous le nom de règle de fausse position. 49. On voit donc que cette règle est applicable comme celle des tangentes, toutes les fois qu'entre deux abscisses la courbe ^=rz

o 9( — 0.8) = -+- 0.99712 — t>o 9( — 0.4) = — 0.88704 — t < o (j)( 0.3)=: O.99B88 ^^<0 m o =: t < O 9(+ 0.3) = + 0.99888 — ^ > O 9(H-o.4) = + 0.88704 — ^ > O 9(H-o.8) = — 0.99712 — t < o (j)(+o.9) = — 0.53216 — ^ < o. Il résulte de la simple inspection de ce tableau qae 9 a déjà trois racines réelles , l'une entre — o . 8 et — o . 4 , la seconde entre o et o.3, et la troisième entre 0.4 et 0.8. Mais comme .. en outre on a 9(0.9) xo.9 o. et 9( — 0^= — ' — ^ < ^ d'où il suit que ces deux nouvelles racines sont comprises entre 0.9, et i , et entre — o . 9 et — i . Le polynôme proposé a donc cinq racines réelles toutes plus petites que l'unité, et dont nous avons assigné les limites. Nous laissons à comparer avec la difficulté qu'on aurait d'obtenir ce résultat par la méthode de Lagrange, la rapidité avec laquelle nous y sommes parvenus par la nôtre, et nous suivrons notre discussion. D'abord cp" a trois racines réelles l'une égale à o , les deux autres comprises , la première entre 0.6 et o . 7 , la seconde entre — 0.6 et — 0.7. Il suit de là que la courbe 5. 36 RÉSOLUTION y = cp n'a point d'inflexion entre les abscisses — i et — 0.9, o et H- . 3 , + o . 9 et + i , et qu'ainsi on peut de suite et sans antres préliminaires y appliquer les deux l'ëgles que nous avons donne'es (4i) et (42). Mais il n'en est pas ainsi des axes de la courbe compris en — o .4 et — 0.8, +0.4 et +0.8, il faut donc resserer ces limites jusqu'à ce que la courbe n'y ait plus de point d'inflexion renfermé. En ramenant les limites à ne plus différer que de o . i , on trouve 9( — i) = — 1 .07845909572^843- 9( — 0.9) = -1-0.5537009042721 55. 9( o } = — 0.078459095727845. (j>{ o.i ) =-}-o. 427100904272155. 9(o.5)r=-|-o.42i54o9o4272i55. (p( 0.6 ) = — 0.154299095727845. (53(0.9) = — 0.710619095727845. 9( I ) = -1-0.921540904292155. d'où il résulte que cet intervalle suffit pour que quatre de nos racines soient placées sur des arcs de la courbe /=?, entière- ment dépourvus d'inflexion entre les limites que nous venons de leur assigner , puisqu'il n'y a aucune racine de 9" entre — I et — 0.9, o eto.i, 0.5 et 0.6, 0.9 et + 1. Quant à la 5^ racine, elle est comprise entre — 0.6 et — 0.7, ce qui exigerait de resserer encore l'intervalle entre ses limi- tes; mais nous observons que la connaissance des quatre au- tres, fera nécessairement connaître celle-ci puisque la somme des cinq racines est nulle, ainsi nous n'aurions à nous occuper que des quatre dont nous venons de déterminer les limites. Mais comme il importe peu de connaître ces diverses raci- nes, nous remarquerons seulement que, pour chacune d'elles, (p se trouve dans des circonstances exigées pour l'application de la méthode d*is tangentes et de celle des cordes, ainsi on peut pour chacune d'elles faire directement ces deux opérations , DES EQUATIONS NUMERIQUES. 67 ce qui n'offre plus de difficulté. Pour celle comprise entre o , et o . I , on trouve par les tangentes par les cordes lo o.oi5. 0.017 2° 0.0157072.... 0.0157075 3<* 0.0157073173117.... 0.015707317316. ce qui donne pour les 12. premiers caractères de la vraie racine 0.0157073173T. Cette approximation est considérable. M^' Garnier a trouvé par sa manière d'employer la règle de fausse position, les approxima- tions successives, t . ,0.0157,0.01 57035 ,0.01 57073 1 74. ce qui avec plus d'opérations ne donne pas un résultat plus exact. 5o. Je n'entrerai pas dans de plus grands détails sur cette matière ; je crois qu'il aura suffi de présenter les deux règles des tangentes et des cordes , pour faire sentir tout ce qu'elles ont d'avantageux dans la pratique; je finirai par une observa- tion relative à la méthode des tangentes : Dans toutes les opé- rations que j'ai faites au moyen de cette règle , j'ai toujours remarqué qu'au bout d'un certain temps le nombre des chif- fres exacts donnés par une correction , était à-peu-près double de celui des chiffres exacts donnés par la précédente. Cette particularité mériterait d'être examinée, et fournirait peut-être un moyen de se passer de l'application simultanée des deux règles. mea tt M»i %i%/i/v^i^viJ^%i^i'V^^i'V%<%)v%j%JViiv%f%\ivij%mj\\i%/i/\i%f%%f%/%i%'%'^v%ivv^ PREMIER SUPPLÉMENT. Sur la résolution de l'identité F . 9 — f. ^j; = K. I. Lagrange qui a le premier reconnu que ^'(i) pouvait toujours se mettre sous la forme ^yrr •> f étant une fonction du même degré que 9' et K une valeur indépendante de c5, propose, pour trouver K ety^, l'emploi de la méthode des coef- ficiens indéterminés. Mais cette opération qui nécessite la solu- tion d'autant d'équations du premier degré qu'il y a d'unités dans le degré de 9', devient très-longue, quand ce degré est un peu élevé et que les coefficiens sont grands. Le moyen sui- vant est plus commode. a. Soit v^z^px"^ -\- qx"^^^ -\- rx'"' ~^ . . . . + tx + u et ^ = Px'' + Qx''-^ +Rx''-^ . . . . -{-Tx + V^ m étant plus grand que tz; P,/?, Q, ^. . . . etc. étant entiers et indépendans de x^ mais du reste composés comme on vou^ dra, on a © V P'« — « -H I ffl T -pm — n-i-i^^ ^ j, X 9 I P'» — «+ I.ffl d OU 4- = — X i ^ s^ et =:rrr \a X"^ " "^ + b X"^ — " - ^ ~{- l -\ f- ' î 4o PREMIER a , h , . . . l étant entiers , et R étant un polynôme algébrique de la forme p'x'' — ' + q'oc" ~ =* . . . . -\- t'x + u ^ dans lequel les coefficiens sont aussi entiers. Faisant maintenant sur 4^ et R la même opération que sur 9 et ^ nous trouverons cC et h ainsi que les coefficiens p' . . q'. . . des puissances de x dans R' étant entiers. On pourra faire ensuite sur R' et R la même opération que sur R et 9, et on aura une nouvelle équation R If" 7" R'i et ainsi de suite , opération qui dans le fond n'est autre chose que la recherche du plus grand commun diviseur entre '] + .ir ^ TfJci'x + b"'\ + .... fraction continue terminée et soumise à l'application des di- vers théorèmes de Lagrange sur les fractions continues. Nous la mettrons sous la forme i « + I PH r ^ -i — t et nous observerons i° que le nombre des termes a^ [3,7, etc. est justement égal au degré de ^ augmenté d'une unité; 2.^ qu'à l'exception de a, tous ces termes sont des binômes en x du premier degré; 3** que si l'on recompose la fraction génératrice à l'aide du procédé de Lagrange , on trouvera en général une 9_ fraction de la forme —7— , K étant indépendant de ^ ; 4** et qu'enfin en arrêtant la fraction continue au terme [x, et repré- sentant la fraction génératrice de cette nouvelle fraction con- tinue par — , le dénominateur F sera du degré n — i , le numérateur/^ du degré 7?z — i , et on aura l'équation connue ^?.F.--^^/.= ±i Tome m. 6 42 PREMIER le signe + ayant lieu dans le cas de n impair et le signe — dans le cas contraire. 3. L'équation préce'dente devient C'est la solution de l'identité cherchée. 4. Il sera peut-être utile d'observer que quand on veut appli- quer cette méthode à la solution de l'équation Ai) ' il est inutile de chercher F; on se bornera à calculer directe- ment y, par la méthode des fractions continues, puis on cal- culera par la même méthode le numérateur de la fraction totale , et on aura — © , d'où l'on déduira I K" et enfin déterminant le signe que comporte K d'après le rang du degré de 9', on aura toutes les données nécessaires pour construire l'équation 'j>'{^)=^ yrt) ' Soit pour exemple

^ — 7 = + 9* 2(5. équation dont nous nous sommes servis ailleurs. (%/llllV^tl%f%lll%l%IV*lll%(%/%l%l%l%l%IVIJII%ltl%/VW%(*i%l%IV%l\lli^^ SECOND SUPPLÉMENT. Sur un moyen d'approximation plus rapide lorsqu'on est arrivé à des limites très-resserrées des racines. La substitution de très-grands nombres à la place de œ dans ç , devient une opération extrêmement pénible , surtout lorsque le degré de l'équation est très-élevé; mais lorsque l'on est déjà parvenu à une certaine approximation, on peut en obtenir une beaucoup plus grande par le procédé suivant, sans passer par d^aussi longues opérations. I . Soient A C et B C les deux ordonnées au moyen desquelles rîg. 7. on a calculé les abscisses des deux points A' et B' , nouvelles limites du point d'intersection de la courbe avec l'axe des x; soient encore a l'abscisse de A, a' l'abscisse de xA, et b et h' celles de B et B'. Par le point C faisons passer une parabole osculatrice à la courbe j='0 SUPPLÉMENT. 49 Équation qui ne doit contenir que les puissances paires de x; faisant donc x''=^y dans le polyme [/^ + 1 1 . 23 ]^ 7= — [ 6 . 3ojK' + o . 08 1 ]^ = o , et en faisant j' = z , (];— [2^+ II.23]^« — [6.3o— -ho.o6i]* — o, on a '|^(8)=ro4(o.o6i)^ et f(o)=: 125.3443. Tome m. 7 oo SECOÎsD d'où vient pour une première approximation de z, (0.061)^ 125 .344-^ ? ,, V I, . (0.061)' d ou 1 on tire r' = ^ -^ / / 0 ? ^' y= ^y.lsM& = 0.00544851, Ce qui donne pour .r, 2.10 — o.oo54485i =2.09455i49, valeur très-approchée et très-facilement obtenue. 6. Si l'on avait voulu employer la méthode des cordes , il aurait fallu observer que la racine est comprise entre 2.10 et 2. . 943 , et par conséquent celle de j entre o et — o , oSy. Ainsi z se trouve compris entre o,et(o.o57)', et entre ces deux limites on pourra employer la méthode des cordes , pour con- trôler fautre. 7. Il est inutile de dire que si , au lieu d'employer l'équa- tion aux quarrés des racines, on avait pris celle aux 4^* puis- sances, ou aux 8^S on aurait eu une approximation plus con- sidérable , mais il peut être bon d'observer que le nombre des chiffres exacts augmente à peu près en raison de l'exposant de la puissance qu'on choisit, ce qui peut-être dépend d'une loi que je n'ai pu découvrir et qu'il serait bien utile de dé- montrer. 8. Avant de passer aux considérations qui vont suivre , je dois dire en passant un mot sur les quantités néghgeables. SUPPLÉMENT. 5f En rigueur , dans l'analyse , ces quantités n'existent pas , mais quand on passe à la pratique des calculs, on voit de suite que ces nombres incommensurables dont il est presque tou- jours question dans l'algèbre , ne sont qu'illusoires , et qu'on est toujours forcé de s'arrêter à un certain ordre de décimales, ou arbitraires, ou commande'es par les circonstances. Quand une fois on a déterminé cet ordre de décimales, il est clair que tous les nombres représentés par des décimales d'or- dres inférieurs, ne peuvent plus influer sur les calculs, et dans cet état de choses se comportent absolument comme zéro, jusqu'à ce qu'une nouvelle convention sur l'ordre des déci- males qu'on adopte , leur permette de figurer dans l'ensemble des opérations. C^est ainsi qu'il m'a toujours paru qu'on devait considérer ces quantités, et il me semble que c'est faute d'avoir eu re- cours à cette manière de voir, qu'on n'en a pas encore tiré tout le parti possible. En effet , on peut bien déjà concevoir que dans une combinaison quelconque d'inconnues numéri- ques , si on fait varier les ordres des décimales auxquelles on veut limiter les résultats des calculs, on pourra souvent par ces variations écarter des résultats ou des équations les phénomènes résultants de la présence d'une ou de plusieurs de ces inconnues, puisqu'on supprimera la partie des formes algébriques sur laquelle s'étend leur influence ; et alors le problème se trouvera ou simplifié ou quelquefois résolu, bien entendu toujours, dans les limites d'approximation qu'on s'est imposées. On voit que cette idée renferme le germe d'une nouvelle 7- 52 ' SECOND espèce de calcul; mais comme il faudrait une main plus habile pour en développer les principes , je me bornerai seulement à l'application suivante, qui peut-être donnera à d'autres analystes l'occasion et le goût de faire quelques réflexions sur ce genre d'opération qui peut devenir utile. 9. Soit un polynôme quelconque du degré m + n ç = jr'" -1- « 4- yj; j^'i -t- « — X _j_ ^x" + rx^ — ^ + t. Les racines imaginaires de ce polynôme seront en général de la forme a-\- b 1/ — I ou p [cos 6 -+ sin 0 . V" — i] , Nous appellerons p l'efficient de la racine p [cos 6 4- sin 6 i/Hlr ] , et comme en faisant sin 6 r= o et cos 6 := di i , cette forme ima- ginaire devient réelle et égale à p, on peut s'en servir aussi pour représenter les racines réelles de l'équation 9=10, les- quelles seront par conséquent elles-mêmes leurs efficiens. 10. Là-dessus on peut baser le théorème suivant : Si des m + n racines de ^, m. ont leurs efficiens par rapport aux efficiens des n autres, ces m premières seront racines de V équation formée avec les va. -^-i premiers termes de a^^ et les n petites seront racines de celle formée avec les n h- i derniers termes. Ce théorème, d'ailleurs susceptible d'une démonstration tout- à-fait rigoureuse, peut presque être présenté sans preuves; car on voit que si l'on veut résoudre l'équation par rapport aux SUPPLÉMENT. 53 771 racines infinies, il faudra prendre pour les évaluer un mo- dule de l'ordre de ces racines , et devant lequel les ji petites disparaîtront. Dans cet état de choses, les n petites racines de- venant o, le polynôme 9 sera divisible par ^", par conséquent r...ett doivent disparaître, et il restera en divisant par a?", le polynôme x^ + /?tT'« — * -^- q ) qui aura pour racines les m grandes du polynôme 9. En faisant x = — , on aura un nouveau polynôme en y dans lesquel il y aura encore n racines infinies par rapport aux autres, elles seront donc racines du polynôme tjr"-i-. . . .ry-^q, mais ces n racines sont les quotiens de l'unité par les plus peti- tes de 9 5 donc ces dernières sont racines de qx^ + rx"~' +t. 1 1 . S'il y avait plusieurs ordres de racines infinies les unes par rapport aux autres dans 9; par exemple, a racines infinies par rapport aux b suivantes , celles-ci infinies par rapport aux c suivantes, on conçoit facilement qu'on pourrait former d'après les mêmes principes; 54 ^ SECOND i». Avec les a-{-i premiers termes, un polynôme dont les racines seraient les a plus grandes de 9 : 2°. Avec les è + I termes de 9 qui suivent le a"^'"^ , un se- cond polynôme dont les racines seraient les b racines du second ordre de grandeur : 3^. Avec les c + i termes de 9 qui suivent le (a + by"^% un troisième polynôme dont les racines seront les c racines du troisième ordre de cp : Et ainsi de suite, en sorte qu'on au^ra autant de polynômes qu'il y aura d'ordres de racines dans cp. 12. Une équation ou un polynôme dans cet ëtat, se nom- mera sép arable , pour indiquer la faculté' dont il jouit alors de présenter toutes ses racines par groupes isolés, ï3- Jusque-là on ne voit rien qui puisse s'appliquer aux équations ordinaires. Mais on viendra facilement à bout de mettre ces dernières dans un état qui permette cette appli- cation. \[\. Soit une équation dont les racines soient a , b f c, d m . n, formons successivement les équations qui auront pour racines a\ b% c\ d\ m\ n\ a\ b\ c\ d\ m\ n\ a^'y,e\d^\ m^\itr SUPPLEMEiNT. 55 La différence qui se trouve entre chaque racine et la suivante ira toujours en augmentant, juscju'à tel point qu'en rendant p infini , chaque racine pourra être considérée comme nulle par rapport à celle qui la précède; alors eu égard à cet état de choses, l'équation proposée pourra être assimilée à celle dont nous venons de parler. Elle sera séparable. Comme tout cela dépend de l'efficient de la racine, on voit cju'il y a pourtant des racines qui échappent à cette séparation. Ce sont les racines égales, (mais on peut les ôter), et les racines imaginaires de même efficient, comme par exemple p [cos a 4- sin a. ]/ — I ) et p (cos a — sin a 1/ — 1 ) , car celles-là sont toujours renfermées dans le même ordre de grandeur. On ne pourra donc les isoler que par couples. i5. Ainsi donc p étant infini, l'équation en x-^ sera sépa- rable en autant d'équations du i^^' degré que 9 a de racines réelles, et en autant d'équations du ae degré que (p a de cou- ples de racines imaginaires. 16. On ne peut évidement rendre/? infini, mais on conçois qu'il est possible de le faire assez grand pour approcher beau- coup de cet état, et en faisant usage des considérations que nous avons énoncées (8 et 9), on peut parvenir à rendre l'é- quation séparable sans que même p soit fort grand. En effet, puisque le but n'est pas tant d'avoir les racines qu'une approxi- mation de leur valeur , on pourra faire pour chaque efficient choix d'un ordre de décimales devant lequel disparaîtront les efficiens suivans, et dans cet endroit l'équation deviendra séparable. 56 SECOND 17. Pour faire entendre ceci plus clairement, soit " =3; arc (sin = o). à' a donc une infinité de valeurs qui sont tous les arcs corres- pondans à cos = ? de même que o et (^" (5 . 63ç)6S) = Y [ — o-6] < o. Ainsi à ce point, la courbe est concave vers les x; elle est donc convexe au point correspondant à l'abscisse 3.r4i59. C'est donc ce dernier point dont l'abscisse représente le b du mé- moire (40 tandis que Tabscisse de l'autre représente la quan- tité a. (45). b' et a étant de secondes limites , on a donc 5 b' — sin b — 4 • hz=b -, — ==:^- '■ — p =3. r4i5Q 4- o.38i5i ^ I — -— cob b . 4 eta'=^ £^^(« — ^) = 5, 63965 — 1.8^381 ==3. 8i584, d'où l'on conclut que la racine ou l'arc cherche est entre les lon- gueurs 3 . 5 et 3 . 8 , correspondantes aux angles 200° . 3^' . i o" ( i ) , et 3i7°.43'-3o", dont les sinus et cosinus sont pour le premier : sinz=z — 0.35079 et cos=z — 093645. pour le second : ^w = ~ 0.61188 et cos=z — 079095. Mettant maintenant ces valeurs dans les formules ^"_^'_4l^ et à' = b' ^^-—{a'-b'), (1) Il y a dans Callet une table très-cominocie pour cette réduction, on la trouve immédiatement avant les i^^^ tables de Sinus. SUPPLEMENT. 71 on trouve pour l'arc cherché les nouvelle limites, ^"=3.5 + 0. 02834 =3.52834 «" := 3 . 5 H- o . 029. . . = 3 . 629. . . d'où il suit que l'arc cherché est compris entre les longueurs 3.628, et 3.629, correspondantes aux arcs de 202°. 8. 3o", et 202° 5 1 1'. 5o", limites qui ne diffèrent déjà plus de 4'. En faisant encore une opération semblable, on pousserait l'approximation jusqu'aux dixaines de secondes, dernière l'imi- te des erreurs que l'on peut commettre avec les cinq décimales que nous avons employées. Il est à remarquer que dans cette équation la difficulté et la longueur des calculs n'augmentent pas avec le degré d'approximation qu'on veut obtenir, ce qui est un très-grand avantage. Au reste ceux qui connaissent combien il est pénible de résoudre cette équation par les mé- thodes connues, me pardonneront sans doute de m'y être arrêté si long-tems. FIN. \ r.j.i. r r \ / / / J, A.™, -o^ ;-.,,,/,.. clM,x..,-^,,,uirf -""i" ■■'- 7 3 MÉMOIRE SUR L'HYPERBOLOÏDE DE RÉVOLUTION, ET SUR LES HEXAGONES DE PASCAL ET DE M. BRIANGHON; Par g. DANDELIN, officier du génie militaire. {lfVVVItWVVWVVW%ll/VVl/VI/%/l(VllWVVl/%JllltVVI)\IVV%)Vl/«llf\%A/lf\/^ MÉMOIRE SUR L'HYPERBOLOÏDE DE RÉVOLUTION, ET SUR LES HEXAGONES DE PASCAL ET DE M. BRIANCHGN. 7S THÉORÈME. V^UELLES que soient les positions respectives d'un cône droit €t d'un plan dans l'espace, il faut toujours qu'ils se coupent quelque part ; et l'on peut en général concevoir deux sphères , qui, touchant le cône dans son intérieur, touchent aussi le plan sécant. Alors les deux points de contact du plan et des sphères sont les foyers de la section conique. Par l'axe du cône menons un plan perpendiculaire au plan dé la section. Il coupera le cône suivant AS et BS, les deuxFig. sphères suivant les cercles G et c tangentes à ces deux directes , et le plan de la section suivant la droite Yf tangente aux deux cercles en F et f^ qui seront les points de contact des sphères et du plan de la section. t L'HYPERBOLOIDE Les deux sphères toucheront le cône suivant deux cercles parallèles , perpendiculaires tous deux au plan ASB , et dont les traces sur ce plan sont ah et AB. Tout cela posé , menons quelque part une arête ST du cône ; cette arête touchera les deux sphères en ^ et en T sur la cir- conférence des cercles ATB et atb , et la distance T^ sera évi- demment égale à ka. Cette arête coupera aussi le plan de la section en un point m, dont la projection est en rd sur la trace ou le grand axe de la section , et si on mène les droites mf, mV , elles seront tangentes Tune à la sphère C, l'autre à la sphère c ; mais mt est aussi tangente à la sphère c , donc mt et mf sont égales , et par la même raison on a aussi mT = ttzF. D'où il suit que twT + mt ou tT ou ka est égal à la somme des rayons mF et mf menés des points F et /^ au point m de la courbe ; mais comme le point m est arbitraire et que Ka est constant , on voit que cette propriété a lieu pour tous les points de la section ; ainsi cette courbe est une ellipse dont les fo jers sont F et jC On démontrerait exactement de la ménie façon la même chose pour la parabole et l'hyperbole , ainsi nous regarderons notre théorème général comme démontré. On pourrait facilement prouver en renversant ce raison- nement que par toute section conique dont on connaît un foyer, on pourra toujours faire passer un cône tangent à toute sphère tangente elle-même au plan de la section à son foyer ; soit , par exemple , D c/ le grand axe de la courbe donnée , f son foyer , DSc/ un plan perpendiculaire au plan de la courbe; on DE RÉVOLUTION. ^ trace sur ce plan un cercle quelconque tangent à Taxe Bd en f, puis menant par les extrémités de l'axe les tangentes c/S, DS, le point S sera évidemment le sommet d'un cône droit qui passera par la courbe donnée, ce qu'il est facile de prouver; car d'après ce que nous avons vu , son intersection avec le plan de cette courbe aura pour foyer /, et pour grand axe Bd; c'est tout ce qu'il faut pour être identique avec la courbe donnée. 3. On voit que le nombre des cônes qu'on pourra détermi- ner ainsi est infini. Bu reste, ce qu'ils ont de commun est d'a- bord d'avoir tous leurs sommets dans un même plan. Ensuite on a toujours DS = Da + «S, ^S = t^è -f- èS, D« = Bf, dh =df,%az=:Sl, d'où l'on tire, DS — c/S=D/~/^=F/; d'où il suit que tous les sommets des cônes qui passent par une ellipse, sont sur une hyperbole qui a pour foyers les bouts du grand axe de l'ellipse, et pour grand axe l'excentricité de l'ellipse. Un théorème semblable a lieu pour la parabole et pour l'hyperbole, et se démontre aussi aisément. Cette propriété des sections coniques a du reste été démontrée par mon savant collègue, M. Quetelety qui, je pense, l'a le premier reconnue. 4. Si l'on place une ligne droite indéfinie de manière à ce qu'elle soit en contact avec une sphère , et qu'on donne ensuite à la sphère un mouvement de rotation autour d'un de ses diamètres rendu immobile, elle emportera avec elle la droite qu'on lui suppose adhérente, et qui, dans ce mouvement, dé- crira la surface appelée hyperholoïde de révolution. 7#- M L^HYPERBOLOIDE L'h5^perboloïde de réyolution contient le cône droit comme cas particulier; on n'a pour cela qu'à donner à la droite une position telle qu'elle coupe le diamètre fixe. Ainsi on est en droit de conclure que toutes les sections coniques peuvent être considérées comme venant de l'hyperboloïde ; mais on peut démontrer cela autrement. 5. Sur le prolongement du diamètre immobile, et avant le mouvement de rotation, on peut supposer les centres d'autant de sphères qu'on voudra , tangentes à la ligne droite dont nous avons parlé, et que nous nommerons génératrice ; ensuite mettant tout le système en rotation , toutes ces sphères seront tangentes, suivant des cercles perpendiculaires au diamètre immobile , à l'hyperboloïde engendrée. Toutes ces sphères , pourront , en rigueur , être considérées comme les cas particuliers d'une même sphère variable de centre et de rayon , et qui glisserait dans l'intérieur de l'hy- perboloïde. 6. Si par le point de contact de la sphère primitive et de la génératrice, on avait mené une autre droite également tangente à la sphère, et faisant avec le diamètre immobile un angle supplément de celui que fait, avec cet axe, la première gêné-, ratrice, cette seconde droite aurait dans le mouvement de rotation engendré une surface absolument identique avec la première. On peut donc concevoir l'hyperboloïde de révolution comme composée de deux systèmes de droites, faisant toutes les mêmes angles, mais en sens inverse avec l'axe de la surface. DE RÉVOLUTION. .0 En sorte qu'appelant un de ces systèmes, système direct ^ et l'autre système inverse, on pourra établir que : 7. Par tout point de l'hyperboloïde passent deux génératrices, l'une directe, l'autre inverse. 8. Que chaque génératrice directe, rencontre toutes les in- verses et réciproquement. g. Qu'une génératrice directe ne peut jamais rencontrer une génératrice directe ; et vice- versa , que les génératrices inverses ne peuvent jamais se couper- 10. Théorème. Deux sphères tangentes à Vhyperholoïde étant données, si on mène un plan P tangent en F et fd ces deux sphères, il coupera l'hyperboloïde suivant une courbe analogue aux sections coniques, et dont les foyers seront F etf. Soient O et o les centres des deux sphères que nous désigne- rons par l'indication de leurs centres. Ces deux sphères tou- cheront l'hyperboloïde suivant deux cercles parallèles G et c. Par un point quelconque m de l'intersection de l'hyperboloïde et du plan P, menons une génératrice quelconque. Elle sera tangente quelque part en T et ^ aux deux sphères, et les points T et ^ se trouveront, l'un sur le cercle G, l'autre sur c. Maintenant par le point m menons les droites 772F et mf; la première sera évidemment égale à ttzT, la seconde k mt, puisque les deux premières sont deux tangentes menées du point 77Z à la sphère O , et les deux secondes à la sphère o. Or, il arrivera de deux choses l'une; ou le point m sera compris entre les cercles C et c , et alors tous les autres points 8D L'HYPERBOLOIDE de la section y seront compris ; ou le point sera hors de l'in- tervalle entre les cercles , et alors la même chose aura évidem- ment lieu pour tous les autres points de la section. Dans le premier cas on aura : jnF H- mf= mT -h mt= Tt, dans le second, on aura mF — mf=mT — mt=Tt. Mais Tt, c'est-à-dire la longueur de la portion de génératrice , comprise entre les cercles C et c , est constante quelle que soit la position du point m : donc dans le premier cas la courbe sera une ellipse dont les foyers seront F et/y et dans le second cas, une hyperbole dont les foyers seront aussi F et/. 11. Il peut se présenter un cas où il ne puisse être mené qu'une sphère tangente au plan sécant , ce cas est celui de la parabole. Je crois inutile de m'y arrêter, puisque ce n'est qu'une particularisation des deux autres. 12. Théorème. Far toute section conique on peut mener une hyperboloïde de révolution. Par l'extrémité du grand axe menez une droite à volonté hors du plan de la courbe j par chacun des foyers menez une sphère tangente au plan de la courbe et à la droite : faites alors tourner la droite et les deux sphères autour du diamètre com- mun à ces dernières, vous formerez une hyperboloïde dont la section aura deux foyers et un bout du grand axe, commun avec la courbe proposée j c'est tout ce qu'il faut pour établir l'identité. DE RÉVOLUTION. t En considérant la parabole comme une ellipse cl'ane excen- tricité infinie, le raisonnement ci-dessus s'y applique mot à mot. Ainsi, toute section conique peut être considérée comme si elle appartenait à l'hyperboloïde. Le théorème précédent (lo) est susceptible d'une extension intéressante que voici. Un plan quelconque P et une hyperboloïde de révolution étant donnés., en faisant prendre à une sphère tangente à l'hyperboloïde toutes les positions possibles, elle finira par couper quelque part le plan P ; alors il sera possible de mener par la section sur V hyperboloïde deux cônes droits tangensà la sphère. Ensuite ^ siparVune des extrémités du diamètre perpendi- culaire dP, on mène deux droites aux sommets des deux cônes, elles couperont le plan P, suivant les deux foyers de la section. Ce théorème se déduit si simplement de ce que nous avons vu , que je n'ai pas cru nécessaire de le démontrer. On peut en tirer quelques corollaires curieux, mais ils se présenteront d'eux-mêmes à ceux qui sont curieux de ces sortes de choses. 1 3. Imaginons sur l'hyperboloïde les traces de six génératrices, trois directes et trois inverses. Chaque génératrice sera coupée en trois points par les trois généra triceg du système opposé, ce qui donnera en tout dix-huit points dtnter section, qui se ré- duisent à neuf points différens : parmi ces points, prenons en six arbitrairement, mais tels pourtant qu'il n'y en ait jamais plus de deux sur la même droite; nous formerons un hexagone gauche dont les côtés seront alternativement formés de segniens de gé' nérat rices directes et inverses. Désignons ces côtés par les lettres d, if d f ï f d' f i\ 2. ^' L'HYPERBOLOIDE La lettre d se rapportant aux génératrices directes , et la lettr e i aux inverses, et ces lettres étant dans l'ordre des côtés, en sorte que d soit contigu à i _, i à d' et i" à d. Désignons en outre l'angle formé par deux côtés par les deux lettres accolées surmontées du signe a , et les points communs à deux côtés par ces lettres simplement accolées, en sorte que A. . di soit l'angle des arrêtes d et i, et di le sommet de cet angle; nous aurons tout ce qu'il faut pour reconnaître dans l'espace toutes les parties de notre hexagoue. i4. Avant d'aller plus loin, Je dois définir les angles et les côtés opposés.lLes côtés opposés sont ceux qui, dans l'ordre des côtés, sont séparés par deux autres côtés; ainsi les côtés d et i' sont opposés; les angles opposés sont ceux formés par des côtés respectivement opposés ; ainsi l'angle di est opposé de i'd'.'Les diagonales sont les droites qui joignent les sommets des angles opposés. i5. Théorème. Dans Vliexagone gauche tracé sur Vliyper- holoïde , les plans des angles opposés se rencontrent deux d deux suivant trois droites , situées dans un même plan. En effet , soient d'abord les côtés opposés d et i' , comme ils font partie d'une génératrice directe et d'une inverse, ils se rencontrent évidemment en un point di'. Les deux génératrices opposées i" et r/'se rencontreront aussi en i' d ; ainsi le plan de l'angle i" det le plan de l'angle opposé i'd' passeront tous deux par les points di', ^'i":leur intersec- tion passera donc par ces points. DE RÉVOLUTION. ai ^l On voit de même que l'intersection des plans des angles op- poses di et i'd" passera parles points di' et id". Et enfin, l'intersection des plans des deux derniers angles opposés id' et d"i' passera par les points id" et d'i". La première et la seconde ont donc le point di' commun, La seconde et la troisième le point id" , et enfin la troisième et la première le point i" d' ; ces trois droites sont donc comprises dans un même plan passant par les points di\ id" , i"d'. i6. Par une section conique faisons passer une hyperboloïde de révolution. Prenons sur la courije six points arJjitraires//,, i, d' , i' y d", i" y et faisons passer par ces points autant de gé- nératrices de même indice, comme au n» i3. Les traces des angles plans de l'hexagone , tracé ainsi sur l'hyper boloïde , étant prises dans le plan de la courbe, formeront un hexagone inscrit à cette courbe, et dont les côtés opposés correspondront aux angles opposés de l'hexagone gauche. Les intersections de ces côtés prolongés, s'il le faut, se trouveront donc aux points où le plan de la courbe est coupé par les lignes d'intersection des plans des angles opposés de l'hexagone gauche; mais ces der- nières lignes étant dans un même plan, leurs intersections avec le plan de la courbe seront en ligne droite, donc : Les trois points résultant des intersections des trois couples des côtés opposés d'un hexagone quelconque inscrit à une sec- tion conique 3 sont toujours en ligne droite, . 17. Ce beau théorème du à Pascal , et que l'on a jusqu'à présent démontré de diverses manières, mais presque toujours ^rs- L'HYPERBOLOIDE en employant l'analyse, me semble avoir dû être découvert par une méthode à-peu- près analogue à celle que je viens d'employer ; et en effet , quand on examine bien cette marche , on voit qu'elle n'exige ni calculs , ni connaissance de la théorie des surRices du second degré, et que du reste elle est très- analogue au caractère des recherches d'alors. Il paraît que Pascal voulait partir de cette propriété pour sa théorie des sections coniques. Il est effectivement facile d'en déduire toutes les propriétés de ces courbes, d'une manière fort élégante j mai^ ce n'est point ici le lieu de traiter cette question. i8. Si clans Fliexagone gauche on mène les trois diagona- les qui joignent les sommets des trois couples des angles opposés, ces trois diagonales passent par le même point. Soient en effet les deux angles opposés i" d et ï d! : par les deux génératrices d'espèce opposée i' et d\ menons le plan i" d' (i), ce qui est possible, ce plan contiendra la diagonale qui joint les sommets des deux angles. Menons ensuite le plan di' ; il contiendra également cette diagonale. Soient encore les deux angles opposés di et l 4" : on voit que la diagonale qui joint leurs sommets, se trouve à la fois A A sur les deux plans di' et id". (i) Nous nous servons pour exprimer le plan de deux lignes de la même notation que pour exprimer leur angle, ce qui est sans inconvénient, et d'ailleurs exprime assez bien ce qu'on veut dire, puisqu'en effet les deux côtés d'un angle déterminent absolument la position d'un plan. DE RÉVOLUTION. ^^^ Et enfin soient les deux angles opposés ici' et d"i% leur diago- nale sera visiblement sur les plans id" et d'i", La première et la seconde diagonale sont donc sur un même plan ai' , la seconde et la troisième sur un autre plan id'\ la troisième et la première ensemble , aussi sur un troisième plan d'i". Ces trois diagonales sont donc les arêtes de l'angle trièdre A^ A A . formé par les trois plans di\ id" j d'i": elles passent donc toutes trois par son sommet ; ce qu'il fallait démontrer. 19. On sait que par toute section plane faite dans une hyper- holoïde, on peut faire passer un cône tangent à la surface de riiyperboloïde. D'après cela , soit une section conique quelcon- que ; faisons passer par cette section une liyperboloïde de révo- lution ; menons le cône tangent à cette surface , et considérons tout le système que nous allons décrire comme une opération de perspective , l'œil étant au sommet du cône, et le plan de la courbe servant de tableau. Prenons à volonté sur la courbe six points J, i, d' , i', d" , i", et faisons passer par ces sil points six génératrices dy i , d' , i' , d", i", alternativement directes et inverses, nous refor- merons l'hexagone gauche du n» i3. En observant que si l'on mène par un de ces points un plan tangent à l'hyperboloïde , il passera par le sommet du cône tangent que nous avons supposé construit, ainsi que par la génératrice qui passe au point de contact, nous nous convain- crons facilement que la perspective de chaque génératrice sur le plan de la section sera une tangente à la section. Ainsi , la i4 L'HYPERBOLOIDE DE RÉVOLUTION. perspective de l'hexagone gauche sera un hexagone circonscrit à la courbe, qui aura pour diagonale la perspective des trois diagonales de l'hexagone gauche ; mais celles-ci se croisant en un seul point , il en est de même de leurs perspectives ; donc : Dans un hexagone circonscrit a une courbe du genre des sections coniques^ si on mène les trois diagonales qui Joignent les angles opposés, elles se croiseront en un même point. C'est le théorème de M. BriancJion. 20. La démonstration de ce théorème et de celui de Pascal, étant le but principal de cette note; je ne m'appesantirai point sur plusieurs corollaires intéressans qu'on pourrait employer à la solution d'un grand nombre des plus beaux problèmes de géométrie. Je désire seulement que la simplicité et la facilité avec laquelle nous sommes parvenus à la démonstration de ces deux théorèmes, puisse engager quelque géomètre à s'oc- cuper encore de cette partie agréable et piquante des mathé- matiques. /l'/^m. ,/c M': JJan,U» PHYSIQUE MATHÉMATIQUE. MÉMOIRE SUR UNE NOUVELLE MANIÈRE DE CONSIDÉRER LES CAUSTIQUES, PRODUITES, SOIT PAR RÉFLEXION SOIT PAR RÉFRACTION j Par a. QUETELET. l[%IVII%lll%IWVVll%%l%lll1JlJll%/lIlJ%l%IV%ll/l/%lll^%l%'W«Illll%ilJll\lllll\l^ ^ PHYSIQUE MATHÉMATIQUE. MÉMOIRE SUR UNE NOUVELLE MANIÈRE DE CONSIDERER LES CAUSTIQUES, PRODUITES SOIT PAR RÉFLEXION SOIT PAR RÉFRACTION. PREMIÈRE PARTIE. CATOPTRIQUE. JLoRSQUE des rayons partis d'un même point, vont tomber sur la génératrice d'une surface, et qu'ils se réfléchissent sous des angles égaux aux angles d'incidence, ils forment une sur- face , qui en général est une surface réglée. Cette surface varie en même temps que la génératrice, et deux de ses positions consécutives se coupent suivant une certaine ligne, laquelle est la caractéristique d'une enveloppe qui a pour enveloppée la Tome III. 13 90 PHYSIQUE MATHÉMATIQUE. surface réglée mobile. En physique, on a donné à cette enve- loppe le nom de caustique par réflexion de la surface réflé- chissante, parce que c'est sur elle que se concentrent, pour ainsi dire , les rayons réfléchis. Toute la catoptrique repose sur la considération de ces surfaces. S'il s'agissait de rechercher leur nature par l'analyse, il suffirait de consulter les beaux mémoires que Malus a insérés dans le Journal de l'École poly- technique, et dans le second volume des savans étrangers, publié par l'Académie des sciences de Paris : mais les formules qu'ils contiennent , en embrassant la solution de tous les pro- blèmes que l'on peut se proposer, sont nécessairement fort com- pliquées, et offrent peut-être quelque difficulté quand on passe à l'application. Il suffit en effet , pour les usages les plus ordi- naires, de connaître la théorie des rayons réfléchis sur des surfaces de révolution, de savoir construire les foyers, les points brillans, les images réfléchies, les lignes uniformément éclairées, etc. Or, c'est ce que plusieurs géomètres se sont pro- posé depuis, et leurs travaux semblent laisser peu de chose à désirer (i). Notre but, en revenant sur le même problème, ne sera donc pas de répéter ce qui a déjà été dit , mais d'essayer d'offrir quelques vérités nouvelles. Au lieu de considérer les (i) On peut consulter les Annales mathématiques de M. Gergonne , les Développemensde géométrie de M. Dupin , les Traités de géométrie des- criptive de MM. Lavallée et Hachette, une Dissertation de M. Lobatto, et une autre de M. Aug. De la Riye de Genève , dont le discours d'introduction nous dispense d'entrer dans de plus grands détails sur la partie historique de cette branche des mathématiques. CATOPTRIQUE. 91 caustiques mêmes , nous avons employé les courbes qu'on peut considérer comme leurs développantes, et nous sommes par- venus à ce théorème général : La caustique -par réflexion pour une courhe quelconque éclairée par un point brillant, est la développée dhme autre courhe, laquelle a la propriété d'être r enveloppe de tous les cercles qui ont leurs centres sur la courhe réfléchissante , et qui passent par le point hrillant. Ces courbes enveloppes , que nous nommerons par ana- logie caustiques secondaires , peuvent être d'une très-grande utilité dans la catoptrique. En effet, le point brillant, la courbe réfléchissante, la caustique principale et la caustique secon- daire ont de telles relations ensemble , qu'il suffit de connaître deux de ces quatre choses pour en déduire les deux autres, pourvu que les deux données ne soient pas les deux causti- ques, ce qui ne formerait qu'une seule condition, l'une de ces courbes étant la développée de l'autre. On remarquera de plus que, quand on considère ces quatre choses dans l'espace, les trois courbes dont nous venons de parler , sont les génératrices de la surface réglée sur laquelle se trouvent tous les rayons réfléchis. Cette surface se trouve, conséquemment, entièrement déterminée de cette manière. Par le principe que nous venons de poser, nous faisons dépendre la construction des caustiques de celle des développées, et nous réduisons ainsi deux princi- pes à un seul. Nous nous proposons de faire, dans la première partie de ce mémoire, l'application du théorème que nous venons d'énoncer à la théorie des surfaces de révolution. Dans la seconde partie, nous verrons que ce théorème, légèrement modifié quand il s'agit de la réfraction, ne perd rien de sa 12. 92 PHYSIQUE MATHÉMATIQUE. généralité. Nous rerrons aussi, en passant, comment on peut déterminer facilement par points les lignes uniformément éclai- rées , c'est-à-dire celles pour lesquelles les rayons incidens tombent partout sous des angles égaux. Nous avons tâché de rendre nos idées par la géométrie descriptive , parce qu'elle peint mieux les choses, et nous avons renvoyé aux notes toutes les propositions qui dépendent du calcul. I. Des surfaces engendrées par des rayons qui se réfléchissent sur les surfaces de révolution. 1. Concevons un faisceau de rayons émanés d'un même point, et tombant sur une surface de révolution qui les réflé- chit : concevons en même temps, pour mieux suivre la marche de ces rayons, la surlace réfléchissante partagée en anneaux par des plans perpendiculaires à l'axe de révolution. En pre- nant les anneaux infiniment étroits, nous pourrons les consi- dérer comme des anneaux cylindriques ou coniques; et alors le problème se réduira à examiner la nature de la surface sur laquelle se trouvent les rayons émanés d'un même point, après avoir subi une réflexion sur un de ces anneaux. Fig. I. 2. Commençons par supposer l'anneau de forme cylindri- que, et le point d'où s'échappent les rayons dans une position quelconque. Soient, par exemple, L et L' les projections hori- zontale et verticale du point, FIE et/'i'e les projections de l'anneau, MN étant la ligne de terre. Si les rayons ne rencon- traient point l'obstacle de l'anneau, ils continueraient à se mouvoir en ligne droite, et se trouveraient sur une surface CATOPTRIQUE. 95 conique dont le point (L, L') serait le sommet, et dont la cir- conférence {FIE, f'i'e') serait une des sections; de sorte que si on les interceptait par un plan MN, parallèle au plan du cercle/' e, et situé à une distance double du sommet, les rayons se trouveraient sur une nouvelle circonférence {FGB, pgb) double de la première. Mais en raison de l'obstacle de l'anneau qui les réfléchit sous un angle égal à l'angle d'incidence , les rayons seront détournés de leur marche primitive. Pour savoir alors ce qui arrivera, il suffira d'examiner leurs projections horizontales, en observant que ce sont les côtés de triangles rectangles qui ont pour hypothénuses les rayons réfléchis , et pour hauteurs les perpendiculaires égales, abaissées des différens points de l'anneau réfléchissant sur le plan horizontal. Un rayon incident LI, au lieu de continuer sa marche jus- qu'en G, sera réfléchi dans la direction IH, comme s'il arrivait du point G, et la distance IH sera égale à IG = IL; de plus l'angle LI0 = 01H, donc OH = LO. Comme le même raisonnement aurait lieu pour tous les rayons réfléchis par les différens points de la circonférence FIE^ il en résulte que les rayons réfléchis, en arrivant sur le plan de projection horizontal y le coupent selon une seconde cir- conférmce LHQ^ concentrique à la circonférence réfléchis- sante , et passant par la projection horizontale L du point émanateur. 3. Avant d'aller plus loin, nous remarquerons que, d'après ce qui vient d'être dit , on peut considérer la surface de réflexion comme engendrée par une droite , assujettie à glisser sur deux circonférences, parallèles et concentriques, dont elle parcourt g 4 PHYSIQUE MATHEMATIQUE. l'une avec une vitesse uniforme, tandis qu'elle parcourt deux fois la seconde également avec une vitesse uniforme. Si l'on partage , par exemple, la circonférence réflécliissante en n parties égales, et la circonférence inférieure dans le même nombre de partiesjsi, de plus, parles pointsde division i, 2, 3, n — 1, 72, de la première onmèneles droites 12, ^4? 36 etc., vers les points correspondans de rang pair dans la seconde, toutes ces droites seront sur la surface réglée dont il s'agit. On peut voir un exemple d'une pareille construction dans la figure 2. Le point émanateur est supposé avoir sa projection horizontale en L sur la projection de la circonférence réfléchis- sante. Si l'on suppose que ce point soit lumineux-, encoupant la surface réfléchie par des plans parallèles à la base, on verra une suite de courhes brillantes dont la plus remarquable est celle que l'on obtiendra en faisant passer le plan sécant ï'e" par le tiers de la hauteur. C'est la courbe que l'on nomme ordinai- rement la caustique du cercle : c'est là que tous les rayons, en se croisant, forment une arête de rehroussement et concentrent la plus forte lumière. On sait que ses différens points sont au tiers des rayons réfléchis. Quant aux autres sections , on peut les considérer par rapport à celle-ci comme des caustiques secondaires : c'est le nom que nous leur donnerons par la suite : elles sont en général beaucoup moins brillantes que la caustique principale, mais leurs propriétés sont tout aussi remarquables. La caustique principale a un point de rehroussement pour le cas que nous examinons. Les sections faites par des plans tels que l""e"\ situés plus bas que l"e , donnent des courbes QRPR qui ont un nœud; et quand le plan est plus haut que CATOPTRIQUE. 96 ï'e" , les caustiques secondaires n'ont que deux points d'in- flexion. Ces courbes affectent donc trois formes ; et la caustique principale, unique dans son genre, sert de passage, des causti- ques secondaires qui ont un nœud, à celles qui n'en ont pas, à peu près comme la parabole, sur le cône, sert de passage des ellipses aux hyperboles. Il faut ajouter à ce qui précède, que la droite (AE, «'e), sur laquelle se trouvent tous les points doubles des nœuds , est ordinairement considérée aussi comme une caustique principale. 4. Les rayons, après avoir subi 2, 3, ou en général n réflexions, sur des circonférences parallèles, concentriques et également distantes entr'elles, sont encore sur des surfaces du genre des précédentes, produites par des droites qui glissent sur ces circonférences parallèles avec des vitesses telles qu'elles par- courent uniformément 2, 3, ou en général n fois la nouvelle circonférence réfléchissante , tandis qu'elles parcourent d'un mouvement uniforme 3 , 4 ou 72 + 1 fois la suivante. On con- çoit que nous faisons ici abstraction des différentes propriétés de la lumière, telles que la diffraction, la polarisation, etc., pour ne considérer les rayons que sous le rapport mathématique. C'est un problème de pure géométrie qu'il s'agit de traiter. 5. Jusqu'à présent, nous n'avons considéré que la surface réglée sur laquelle se trouvent les rayons partis d'an même point et réfléchis par un anneau cylindrique. Nous allons supposer maintenant l'anneau de forme conique : mais alors il est évident que tout rentre dans le premier cas avec quelques modifica- tions. En effet, substituons pour un moment par la pensée à ce dernier anneau, un anneau cylindrique, alors chaque angle 96 PHYSIQUE MATHÉMATIQUE. d'incidence sera trop petit de l'angle que fait la génératrice du cône avec la génératrice du cylindre ou avec son axe; chaque angle de réflexion devra donc être augmenté de deux fois le même angle, en supposant le rayon réfléchi sur la surface coni- que. Mais ce double angle , qui est l'angle au centre du cône , étant une quantité constante , tout se passera comme si la ré- flexion avait lieu à la surface d'un anneau cylindrique, et l'on aura soin d'augmenter chaque angle de réflexion de l'angle que forment deux génératrices opposées du cône. II. De la nature et des divers modes de générations des caustiques. Fig. I. 6. Je reviens maintenant à la première construction. Nous avons dit que le rayon (LI, \li') était réfléchi selon la direc- tion (IH, ïh) comme s'il partait du point (C, c'). Nous avons vu de plus que tous les rayons émanés du point (L, L') et réfléchis sur la circonférence (FIEj/'i'e'), allaient couper le plan horizontal selon une nouvelle circonférence LHQ; tout se passe donc comme si ces rayons étaient partis des divers points de la courbe (LCB, L'c'B')^ qui est de même genre que celles dont nous avons parlé plus haut. 7. Examinons maintenant la nature de cette courbe LCB. PuisqueLIS=r=HIR, on a aussi LIS = SIC : d'ailleurs LI = IC. On en déduit que les circonférences qui ont leurs centres sur la circonférence FIE et qui passent par le point L, ont pour ligne enveloppe, la courbe LCB. Ce théorème est de mon collègue M. Dandelin. CATOPTRIQUE. 97 Cette génération nous offre une construction facile des tan- gentes, car IC rayon du cercle tangent en G, est une normale à la courbe LCB. Pour déterminer un second point I qui se trouve sur la normale, il suffit d'élever sur le milieu du rayon vec- teur L G la perpendiculaire S I : Cette droite sera de plus tan- gente en I au cercle. 7. Nous déduirons delà une remarque importante ; c'est que la série des rayons émanés du point L et réfléchis par la circon- férence FIE représente la série entière des normales à la courbe LCB : ou bien la développée de cette dernière courbe n'est autre chose que la caustique par réflexion de la circonférence FIE supposée réfléchissante, le point éclairant étant en L. Nous don- nons ici au mot caustique la signification qu'il a ordinairement, et nous supposons que c'est la ligne sur laquelle se coupent les rayons réfléchis. De là résulte aussi que les caustiques princi- pales dans le cercle sont exactement rectifiables, comme nous le verrons bientôt. 8. Il est une autre génération des caustiques secondaires Fi^ qui est également simple. Si l'on remarque que l'on a toujours LC = HG, par l'égalité des triangles LIC et HIG; et que de plusLT = HQ; on aura nécessairement TG=r:Q G. Mais Q G est une constante, c'est le rayon du cercle PGB, qui égale le diamè- tre FE (2); on aura donc une nouvelle génération de la courbe LCB : en effet, il suffit de mener du point L de la circonférence LTQ des cordes à tous les autres points , et de les prolonger ou diminuer d'une quantité constante que nous, nommerons mais le module. Cette dernière génération , analogue à celle que Nicomède Tome JII. i3 9" PHYSIQUE MATHÉMATIQUE. employait chez les anciens pour décrire la conclioïde , a fait donner aux courbes dont nous parlons, le nom de Concho'ides circulaires. A la naissance des nouveaux calculs, plusieurs ont fixé l'attention des géomètres les plus distingués, comme on peut le voir dans l'Histoire des mathémathiques de Montucla et dans les œuvres de Jean Bernouilli et du marquis de l'Hô- pital. Lahire en a fait l'objet de recherches intéressantes consi- gnées dans les Mémoires de l'Académie des sciences, et le célè- tre Pascal a donné son nom à l'une d'elles. Mais ces mathéma- diciens les ont considérées isolément, et dans le seul but de déterminer leurs propriétés géométriques : nous continuerons à les examiner sous un autre point de vue. 9. On pourrait produire encore les courbes telles que LGB de la manière suivante. Si deux cercles de même rayon sont en contact, et si l'un d'eux vient à tourner sur l'autre, en emportant un point placé à l'extrémité d'un rayon , ou partout ailleurs sur le rayon ou sur son prolongement, ce point après une révolution entière du cercle, aura engendré une des cour- bes dont il s'agit. Nous pourrons donc nommer ces courbes caustiques secondaires , ou conchoïdes circulaires y ou bien encore épicycloïdes , d'après leur triple mode de génération. Nous conserverons la première dénomination. 10. Enfin voici une autre manière encore d'engendrer les caustiques secondaires. Fig. I. - Si l'on joint le point G au point G, on aura une parallèle à QT, et conséquemment une perpendiculaire commune aux deux droites QG, LG, de sorte qu'en décrivant du point L et avec un rayon LG une circonférence, la droite G G serait tan- CATOPTRIQUE. 99 gente commune à cette circonférence et à la circonférence BGP. De là résulte une nouvelle génération des caustiques secon- daires, et l'on peut dire qu'une caustique pareille est le lieu des points de contact de tous les cercles qui ont pour centre le point L, avec les tangentes au cercle fixe BGP. II. En général, toutes les sections faites sur la surface réfléchie par des plans parallèles à la courbe réfléchissante sont des caustiques secondaires. Supposons , en effet , que les rayons réfléchis par la circonférence (FIE, f'i'e') et qui passent par la circonférence LTQ, située dans le plan hori- zontal, soient interceptés par un plan v'u également horizon- tal. Examinons la caustique secondaire qui s'y trouvera conte- nue : le rayon réfléchi (IH, i'h) sera coupé au point (^, t') : or, par ce point menons uw parallèle à QH, ainsi que la cir- conférence uw dont le centre est en O. On aura pour détermi- ner tWy la proportion tw'lOr.OB. — Ow : OH. Mais en obser- vant que Ow=^Ou pour toutes les positions du rayon IH, les trois derniers termes de la proportion restent constans, donc tw est une constante. Mais il a été prouvé précédemment ( 8 ) que quand on diminue ou augmente d'une quantité constante les €ordes uw, menées d'un même point z^ d'une circonférence, on engendre une caustique secondaire de la nature de L B. Il en résulte que la section faite sur la surface réglée par le plan v'u' , sera aussi une caustique secondaire, qui aura son nœud au point u. La nappe de la surface réglée qui se trouve au dessus de l'anneau réfléchissant, étant coupée par un plan v"z' parallèle à ceux des deux cercles /"'i'e' et/fe, donne encore une causti- que secondaire qui a son nœud en {v",v)'. la constante à porter i3. 100 PHYSIQUE MATHEMATIQUE. sur le prolongement des cordes vz est ici égale à Zd, et se détermine par la proportion Za : 10 ;: OH + Oz : OH. Avec un peu d'attention on pourra facilement engendrer toutes les caustiques secondaires produites sur la surface ré- glée que nous avons considérée précédemment. On prendra sur AB, pour nœud des courbes, les points v, u, etc., d'où l'on mènera des cordes à tous les autres points de la circonférence; et les constantes telles que zci^wt, etc. , dont il faudra augmenter ou diminuer ces cordes, seront égales aux parties des paral- lèles à LC, interceptées entre les droites TH et GH. i^ Quand les constantes za, etc., que nous avons nommées modules, seront moindres que les doubles rayons vO, etc., des cercles dans les- quels on mène les cordes , les courbes auront un nœud, qp Quand elles seront égales au double de ces rayons , on aura une courbe avec un point de rebroussement : on aura une circonférence quand le rayon ou quand la partie constante s'évanouit. 3*^ Quand le module sera plus grand que le double rayon, les courbes n'auront que deux points d'inflexion. 12. Nous ferons la remarque que les circonférences directrices qui servent de base pour construire les caustiques secondaires, sont contenues sur un cône droit dont le sommet est au centre du cercle réfléchissant, et dont une génératrice passe par le point émanateur, son axe étant le même que celui du cylindre. 1 3. On peut produire sans peine les différentes caustiques, dont nous venons de parler, en faisant subir une réflexion à des rayons lumineux, à la surface d'une vase cylindrique, tel qu'un verre ou une tasse. On voit se dessiner au fond du vase non-seule- ment les caustiques dont il est question dans les différens traités CATOPTRIQUE. loi d'optique , mais encore les caustiques secondaires qui , bien que moins apparentes, sont cependant faciles à observer. On re- marque surtout les noeuds; en couvrant successivement les parois du vase dans différens endroits, on voit disparaître des portions de courbes , et l'on se fait une idée plus claire de leur formation. III. Propriétés géométriques des caustiques secondaires. i4- Nous énoncerons maintenant quelques autres propriétés de ces caustiques, dont les démonstrations fondées sur l'analyse ont été renvoyées aux notes. Nous avons déjà vu qu'on peut les partager en trois classes. Parmi celles qui ont un nœud, la plus remarquable s'obtient en prenant la partie constante égale au rayon du cercle directeur. Elle a reçu le nom de limaçon de Pascal ; souvent aussi on la nomme trisectrice, parce qu'elle donne la trisectioji de l'angle (i ). Celle qui forme seule la seconde classe et qui a un point de rebroussement , est ordinairement désignée sous le nom d'épi- cycloïde. Elle est citée aussi dans les traités de mathématiques comme étant une caustique du cercle : c'est la seule des courbes que nous examinons, que l'on ait considérée comme caustique. Les caustiques secondaires de la troisième classe ne parais- sent pas avoir fixé l'attention des géomètres. (i) Voyez l'ouvrage composé sur cette courbe, par MM. Azemar et Garnier , sous le nom de Trisection de V angle. 102 PHYSIQUE MATHÉMATIQUE. En général, toutes ces courbes sont du quatrième degré. i5. Leur surface, en y comprenant le nœud, vaut deux fois la surface du cercle générateur plus la surface d'un autre cercle d'un rayon égal au module. Fig. 2. On peut déduire de là, la valeur du volume limité par la surface réfléchie dans le cylindre. Supposons pour cela ce volume par- tagé en tranches parallèles à la base et infiniment minces : en comparant chacune d'elles aux sections qu'on obtient en même temps sur le cône générateur (L8E^ /8e) (12), et en les sommant de part et d'autre, on trouvera que le volume limité par la surface réfléchie avec le volume formé par les nœuds, vaut deux fois le volume du cône générateur plus le volume d'un autre cône égal , mais renversé, ou bien encore qu'il vaut le volume du cylindre dans lequel il est renfermé. Le volume formé par les nœuds, vaut donc l'espace compris entre la sur- face réfléchie et la surface du cylindre qui la renferme. 16. Le contour d'une caustique secondaire vaut le contour d'une ellipse, le demi -grand axe étant égal au diamètre du cercle générateur plus le module et le demi-petit axe étant égal à ce même diamètre moins le module. 17. Le volume de révolution s'exprime en partie du volume de la sphère construite sur le diamètre de la courbe (voyez les notes). La surface de révolution vaut deux fois la surface de la sphère engendrée par la circonférence du cercle générateur plus l'aire d'une sphère d'un rayon égal au module; ce qui offre une singulière analogie avec ce qui a été dit pour la surface des caustiques secondaires (i5). CATOPTRIQUE. io3 i8. Dans le plus grand nombre de cas la caustique principale se compose de deux branches. Il peut être intéressant de cher- pig. 3. cher la rectification de ces courbes, puisque c'est par elles qu'on mesure l'intensité de la lumière réfléchie. Commençons par la caustique principale A'DA. Remarquons d'abord que, puisque cette courbe est la développée delà caustique secondaire LN"B, il suffira pour connaître un arc, de connaître les rayons oscula- teurs qui correspondent à ses extrémités, et leur différence sera la grandeur de l'arc demandé. Supposons, par exemple, que l'on demande la longueur du rayon osculateur au point N" : on la construira de la manière suivante. Sur On comme diamètre, on décrira un cercle OC'n; on fera ensuite LG==L7z — tzC; on mènera CC, et sa parallèle hp déterminera le pointp, cen- tre du cercle osculateur au point N". On déterminerait de la même manière la longueur de tout autre rayon osculateur quelconque, et conséquemment la valeur d'un arc quelconque de la caustique principale. On pourrait encore déterminer numériquement la valeur d'un pareil arc. On trouve alors, en prenant pour unité le rayon LO ou la distance de L au centre du miroir, et en représentant par 771 le module QB ou le diamètre du miroir, que la longueur du rayon osculateur est aux points B et B' , par exemple, SX. — le signe inférieur appartient au point B'. Si 772=:: r, on a Rzrzf r et R'z=|r. Xa demi caustique égale donc f| du rayon LO. (voyez les notes). io4 PHYSIQUE MATHEMATIQUE. IV. De la construction des points hrillans , des anamorphoses et des lignes uniformément éclairées. 19. Nous dirons maintenant quelques mots des points bril- lans et des images réfléchies. Nous retrouverons encore dans Le développement de cette théorie les caustiques secondaires , et nous pourrons les employer avec succès à la résolution de différens problèmes. Nous savons qu'un spectateur placé en H verrait sur le mi- roir FIE le point X dans la direction de HI; mais où aper- cevra-t-il réellement ce point? Sera-ce sur la caustique princi- pale, comme le supposent assez généralement les physiciens? ou bien faudra-t-il , avec quelques autres, admettre le raisonne- ment suivant : l'e'lément de la courbe se confondant avec sa tan- gente , devient un élément de miroir plan , et dès lors le point L doit être aperçu beaucoup plus loin en C , sur le prolonge- ment deHI, de manière que sa distance HC=:HI + IL, con- formément à la théorie des miroirs plans ? Or , d'après ce rai- sonnement, si l'on observe le point L sur chacun des points du miroir cylindrique FIE, on le reportera par illusion sur les différens points d'une courbe LGB, qui est une caustique secondaire , puisque tous les points de la circonférence FIE, sont également distans du point L et de tous les points de cette courbe (7). Quelque part que l'on se place, c'est donc sur elle que l'on verrait directement le point L ; si au contraire on suppose que les points sont vus aux lieux où les rayons réfléchis se croisent et donnent le plus de lumière , ce sera sur la développée de la caustique secondaire qu'on verra effective- CATOPTRIQUE. io5 ment ces points. Nous admettons dans ce qui suit cette der- nière supposition. 20. La forme de la courbe LCB ne change pas, quelque part que se trouve l'œil, pourvu que la ligne réfléchissante FIE et le point lumineux L ne varient pas de position : ou bien, en reversant cet énoncé^ on peut dire que quand l'œil est fixé en L, et que le cercle ne varie pas de position, tous les rayons que l'on aperçoit, tels que LI, sont normaux à la courbe LCB, avant la réflexion. 21. Nous déduirons de ce qui vient d'être dit que l'on peut aussi regarder les caustiques secondaires comme les anamor- phoses du cercle sur une surface cylindrique; c'est-à-dire, que quand on aperçoit sur une pareille surface et perpendiculaire- ment à son axe, l'image d'une circonférence, cette image peut être produite par une caustique secondaire, située dans un plan parallèle. On substitue ici l'œil au point lumineux, et c'est de la caustique secondaire que partent les différens rayons incidens. Par exemple , l'œil étant au point (L, L') , si l'on observe le miroir cylindrique (FIE, j^i'e), la circonférence, qu'on y verra, sera produite par les rayons partis de la circonférence H QL, ou partis des points d'une caustique secondaire située sur la nappe com- prise entre cette circonférence et l'anneau réfléchissant ( 1 1 ). On peut confirmer facilement ces résultats par l'expérience ; il faudra avoir soin d'employer pour surface réfléchissante un cylindre parfaitement poli. 22. Les caustiques secondaires pouvant être décrites très- simplement par un mouvement continu (voyez les notes) , elles offrent un moyen facile de construire les points brillans d'une Tome m. i/\ io6 PHYSIQUE MATHÉMATIQUE. circonférence. En effet, soient L le point lumineux, FIE la cir- conférence réfléchissante, et H le point de vue. Pour avoir un point brillant tel que I , il faut faire en sorte que les angles d'incidence et de réflexion tels que LIS et HIR soient égaux; or, c'est ce que l'on obtient, en menant par le point H une nor- male à la caustique secondaire LGB , car , tout rayon incident LI se réfléchit selon une droite IH normale à cette courbe (7). Mais du point H on peut mener généralement quatre normales à la courbe BCL, ou bien quatre tangentes à sa développante; le problème comportera donc quatre solutions : on verra sans peine quelles sont celles qu'il faudra rejeter ; nous reviendrons du reste encore sur ce problème. 23. Avant d'aller plus loin, nous remarquerons qu'en général, pour mener une tangente en un point I d'une courbe réfléchis- sante de quelle nature qu'elle soit, il faut considérer ce point comme centre d'un cercle, tangent à la caustique secondaire et passant par le point éclairant. La tangente demandée partage alors en deux parties égales l'angle formé par les deux droites , allant du point I au point éclairant et au point de contact. Cette construction générale des tangente repose sur le principe énoncé au commencement de ce mémoire. 24. Quand le point H est donné sur la circonférence LHQ, la construction des points brillans est très-facile. Il suffit en effet , d'après ce que nous avons vu (2) , de mener par ce point le dia- mètre G G'; en joignant alors les points G et G' au point L, on aura deux point brillans I et I ' : ce sont les seuls dont on ait besoin. 26. Quand le point pour lequel on veut construire les points CATÔPTRIQUE. 107 brillans, est partout ailleurs que sur la circonférence LHQ, en t, par exemple 5 la construction offre plus de difficulté. En em- ployant les procédés ordinaires , elle dépendrait de l'intersec- tion du cercle FIE avec une hyperbole dont l'équation est connue. Ce procédé est très-long, quand on a un assez grand nombre de points brillans à construire. Voici comment on pourrait abréger la construction. Supposons que l'œil soit fixé en L et observe le cercle réflé- y\%. 3. chissant f « E , invariable de position \ par ce qui précède (ao) tous les^ rayons L/z, qu'il apercevra, seront normaux à la causti- que secondaire LN"B avant la réflexion, ou bien tangens à sa développée : Il suffira donc de construire une fois l'une ou l'au- tre de ces courbes, qui seront invariables tant que l'œil et le miroir ne changeront pas de position. Or, la courbe LN"B est très-facile à construire, soit par points, soit d'un mouvement con- tinu. Cela posé, supposons que l'on demande où l'on verrait la flèche MN.sur le cercle réfléchissant FtzE, l'œil se trouvant au point L. De chacun des points de cette flèche N, M, etc. menons des normales N N " , MM", etc. à la courbe L N " B , et ne considérons d'abord que ce qui se passe dans la partie concave du cercle. Les points n, m, etc. d'intersection de ces normales seront les lieux où. l'on verra se réfléchir les rayons N/i^ M zn^ etc. dans les directions L tz tz', L mm, etc. De sorte que la flèche N M , que l'on aurait vue en N' M' si le miroir eût été plan, sera vue sous un angle plus petit tz' L ttz'. Quant aux véritables lieux où l'on aper- cevrait les différens points sur les rayons visuels Ltz', Lttz', etc. il se présente deux opinions, comme nous l'avons dit : quel- ques physiciens supposent qu'on les verrait en tz'ttz', en fai- sant nn' =71^ ,mm' = mU , etc. comme pour les miroirs plans; 14. io8 PHYSIQUE MATHÉIMATIQUE. les autres soutiennent avec plus de raison qu'on reporte la position de ces points aux lieux où l'on aperçoit le plus de lumière , et conséquemment , non pas sur une caustique secon- daire , mais sur la caustique principale. Or j pour trouver le point tz" de la caustique principale re- latif au point N , par exemple , on fera une construction sem- blable à celle que nous avons faite dans le paragraphe i8, pour déterminer le point p de la caustique relatif au point L. On déterminera de la même manière tous les points de l'image réfléchie niri'. Du reste, on remarquera que dans l'une et l'autre supposition, les deux images n'ni , tl'tH' seront aperçues sous le même angle , seulement l'illusion nous portera à croire que la flèche est en nni' plutôt qu'en Tirn. Si la construction eût été faite pour la partie convexe du cercle , les images se- raient venues se placer en p/v' ou en p/ v"- Il est à remarquer que les points correspondans tz et v , ttz et [x sont aux extrémités des mêmes diamètres. Quand on aura à construire des images sur des miroirs sphériques , on pourra supposer des coupes faites par des plans méridiens, et tout rentrera alors dans les constructions pré- cédentes. Ou bien , en général , pour toutes les surfaces de révolution on pourra supposer des plans perpendiculaires à l'axe , et ramener les constructions à celles des points brillans du cercle, sauf à les reporter ensuite à leur véritable place, comme cela se pratique dans la géométrie descriptive. 26 II est intéressant dans un grand nombre de circonstances de savoir, quand une surface se trouve éclairée, quels sont tous les points dans lesquels le rayon lumineux forme un CATOPTRIQUE. 109 même angle d'incidence avec la surface. Cette question a été traitée d'une manière très-générale dans le premier cahier du Journal de l'école polytechnique, sous le nom de Courbes d'égale teinte (1). M. Bordoni s'est occupé du même problème, mais en supposant les rayons lumineux parallèles entre eux, et en ne donnant des solutions que pour les surfaces de révolution (2). On peut, sans l'aide du calcul, résoudre ce problème par des constructions très-simples. Concevons en effet , par le point lumineux, une suite de plans qui coupent le corps éclairé selon des courbes, et déterminons dans chacune de ces courbes les points uniformément éclairés. Pour fixer les idées, supposons qu'on ait à construire tous les points d'une de ces courbes où l'angle d'incidence pour les rayons lumineux est égal à a. On construira d'abord la caustique secon- daire comme nous l'avons dit au commencement de ce mémoire, et les rayons réfléchis, aux points cherchés, seront perpendicu- laires à cette caustique : de plus, les distances de tous ces points aux pieds des perpendiculaires, seront égales aux distances de ces mêmes points au point lumineux, comme rayons de mêmes cercles. Conséquemment en joignant par des droites le point lumineux, un des points cherchés de la courbe réfléchissante et le point correspondant sur la caustique secondaire, on aura un triangle-isoscèle dans lequel les deux angles égaux seront aussi (1) M. Dupin a rédigé ce mémoire composé par lui avec d^autres élèves de l'école. (2) Giorn. di fîsica. Mai et juin 1823 , juillet et août , pag, aSg. 110 PHYSIQUE MATHÉMATIQUE. égaux au complément de l'angle a (7). Or, tout autre triangle semblable dont les trois sommets seraient dans les mêmes cir- constances, donnerait une nouvelle solution. Il résulte de là que si l'on mène du point lumineux une suite des rayons à la courbe réfléchissante, et si sur chacun d'eux on construit un triangle-isoscèle , semblable à celui dont nous avons parlé précédemment , la suite des troisièmes sommets formera une courbe auxiliaire qui aura différens points communs avec la caustique secondaire. Or, ces points feront connaître les points cherchés sur la courbe réfléchissante. Il est remarquable que la courbe auxiliaire, quand il s'agit du cercle éclairé par un point, se réduit à deux circonférences , dont les centres sont sur la circonférence LTQ qui sert de base Pia. j. dans la génération exposée parag. 8. Ces centres se détermi- nent en menant par le point lumineux deux droites faisant avec le diamètre de la caustique secondaire des angles égaux au com- plément de a. Et le rayon est une quatrième proportionnelle à ces droites et aux rayons FO et LO, 27. Il est un moyen simple de construire les différentes caus- tiques sur une surface parabolique, en la coupant par des plans méridiens , de sorte que chaque section devienne une parabole. Pour de pareils miroirs les diverses caustiques sont des cour- bes très-remarquables , que j'ai eu occasion de considérer sous d'autres rapports, et que j'avais nommèt^ focales. On pourra se former une idée de leurs propriétés nombreuses par les recher- ches de M. Dandelin, consignées dans le 2^ volume des nou- veaux Mémoires de l'Académie de Bruxelles. Ces propriétés, sous plusieurs rapports, ont une analogie frappante avec celles des CATOPTRIQUE. m caustiques. Les différentes propositions que nous allons démon- trer ressemblent même tellement à celles que M. Dandelin a démontrées pour les focales, que souvent nous nous servirons de ses propres expressions. V. Des projections stéréo graphique s des caustiques, et de leurs analogies avec les sections coniques, 2s8. Nous conviendrons de nommer corrélative du point C la Fig 4. tangente TI, qui partage en deux parties égales l'angle LIC. La propriété de ce cette corrélative est que tous ses points sont également distans des deux points L et G. Concevons dans le voisinage du point G un nouveau point D sur la courbe ABGD; tous les points de sa corrélative de seront aussi éga- lement distans de ce point D et du point L. Mais les deux cor- rélatives se couperont en un point c, qui sera conséquemment également éloigné des trois points G, D et L. Pour abréger, nous nommerons ce point d'intersection le centre corrélatif des points G et D , tandis que nous donnerons à Tare de cercle G D compris entre les deux points, le nom de corde corrélative des deux points ; le reste de la circonférence se nommera le prolongement de cette corde. 09. Gela posé, prenons sur une caustique secondaire six points A, B, G, D, E, F. Faisons passer ensuite par ces six points , pris deux à deux , six cordes corrélatives. 112 PHYSIQUE MATHÉMATIQUE. AB, BC, CD, DE, EF, FA, dont les centres "sont a, h, c, d,e,f. Ces six centres seront les sommets d'un hexagone circon- scrit au cercle directeur. D'après un théorème connu des sec- tions coniques, les trois diagonales ad^ he , cf, se couperont en un seul point que je représenterai par la lettre m. Mais les deux cordes corrélatives AB et DE ont leur centre a et d sur la diagonale ad. Ces deux circonférences se coupent donc au pôle ou sommet L de la courbe d'après leur définition , puis elles ont encore un autre point X commun. On observera que ces deux points d'intersection des deux circonférences sont également distans de tous les points de la droite da qui joint les centres. Or, le point m se trouve sur la droite ad ^ donc on aura m'L^mX. Si V est aussi le second point d'intersection des deux cordes corrélatives BG et EF, et V celui des cordes CD et FA, on aura aussi 7nL=7?zV, et 7nL=m'K" ; d'où [il suit que si l'on décrit du point m , comme centre , une circonférence dont le rayon soit ttzL, elle passera par les trois points X, l' , V; ou en d'autres termes, si l'on inscrit dans la caustique secondaire un hexagone composé de cordes corréla- tives , et que l'on suppose ces cordes prolongées suffisamment pour que celles qui forment les côtés opposés de l'hexagone se coupent deux à deux , on aura trois points d'intersection , les- quels, avec le pôle de la courbe, se trouveront sur une même circonférence. CATOPTRIQUE. îi5 3o. Soit maintenant dans l'espace une sphère quelconque Fig. s. GB'Aj sur laquelle on projette stéréograpliiquement la causti- tique secondaire avec l'hexagone qui s'y trouve inscrit, on aura sur la sphère une courbe pour laquelle le théorème énoncé précédemment sera encore vrai. Elle aura également un point L' qui répond au pôle des caustiques secondaires, et elle jouira de différentes propriétés; nous la nommerons spfiéricaustique. Il est bon de se rappeler, d'après deux théorèmes connus, que toutes les circonférences se projettent stéréographiqaement sur la sphère selon d'autres circonférences , et que les angles que formaient les lignes en se coupant sur le plan, ne varient pas en passant sur la sphère. 3i. Prenons ce point L' pour sommet d'un nouveau système de projections stéréographiques , et projetons à son tour la sphéricaustique sur un plan correspondant à ce nouveau som- met : l'hexagone composé d'arcs de cercles passant par le pôle L', sera projeté en même temps; et les côtés de cet hexagone se couperont encore deux à deux en trois points qui ne cesse- ront pas avec le pôle d'être sur une même circonférence. Ob- servant de plus que les six cercles, qui passent par le sommet L' de projection , se projettent cette fois suivant six droites , ainsi que le système qui contient leurs intersections ; nous en conclurons que dans la nouvelle projection de la sphéricaustique, l'hexagone rectiligne inscrit jouit de cette propriété, que ses côtés opposés se coupent deux à deux en trois points , lesquels sont en ligne droite : mais cette propriété ne convient qu'aux courbes du second degré; nous en conclurons que la nouvelle projection appartient aux sections coniques. De là résulte que réciproquement les caustiques secondaires Tome III. i5 ni , PHYSIQUE MATHÉMATIQUE. peuvent être produites par les sections coniques, au moyen d'une double projection faite à l'aide de la sphère ; et les sphé- ricaustiques ne sont autre chose que les lignes d'intersection de la sphère avec un cône dont le sommet est au pôle de ces courbes. Nous venons de voir, en effet, qu'un rayon vecteur assujeti à passer par ce dernier point et à glisser le long de la sphéricaustique , décrit une surface dont l'intersection par un plan offre une courbe du second degré. Cette surface est donc celle du cône. Avec un peu d'attention on reconnaîtra sans peine que l'on aura successivement une ellipse, une parabole ou une hyper- bole, selon que la projection appartiendra à une caustique secondaire de la première, de la seconde ou de la troisième classe. Il est à remarquer que les deux tangentes VW, UY au pôle de la courbe , se projetteront en formant un angle égal à celui des asymptotes vlu dans l'hyperbole, car le point L, après la double projection , est celui qui va se placer à une distance infinie aux points extrêmes de l'hyperbole , et la di- rection de la courbe en ces points est donnée par la direction des droites vw et uy qui forment le même angle que les droi- tes VW et UY. 32. Pour mieux faire comprendre cette double projection, prenons un exemple que nous pourrons considérer comme une des applications de la théorie précédente. Les étoiles, en raison de leur distance immense et du paral- lélisme de l'axe de la terre dans ses différentes positions , peu- vent être considérées comme décrivant des circonférences dans le ciel. Or, si l'on suppose un rayon vecteur passant constam- CATOPTRIQUE. ii5 ment par un même point du globe, et assujetti à suivre une étoile dans sa marche apparente , il est évident que ce rayon engen- drera la surface d'un cône ; de plus la ligne d'intersection de ce cône avec la globe sera une sphéricaustique dont la projection stéréographique sera généralement une caustique secondaire. On peut encore envisager les choses d'une autre manière. Supposons que AL'GB' soit une sphère creuse et polie dans Pig. 5. son intérieur; supposons aussi que MN soit le plan de l'hori- zon, et qu'une étoile soit assujettie à rester sur la surface du cône B"L'I dont le sommet L' est sur la sphère. Si les rayons de l'étoile, dans ses diverses positions, pénètrent dans la sphère par une petite ouverture pratiquée en L', leurs prolongemens iront couper la sphère selon une sphéricaustique B'L'P'; de sorte qu'après un jour entier l'image de l'étoile aura parcouru toute la sphéricaustique , pour recommencer encore le lende- main à parcourir la même courbe. Que l'on pratique mainte- nant une nouvelle ouverture sur la sphère en A , et l'œil dans cette position verra la courbe B'L'P' projetée sur le plan hori- zontal selon la caustique secondaire LPLB. Une sphère semblable pourrait être considérée comme un cadran astronomique : les étoiles circompolaires donneraient lieu à des courbes caustiques de la troisième classe (i4); celles qui ne font qu'effleurer l'horizon donneraient la caustique avec le point de rebroussement , et enfin les autres , les caustiques qui présentent un nœud. On pourrait construire un cadran solaire d'après le même système de projections, et la courbe décrite par l'image du soleil varierait insensiblement d'un jour à l'autre. i5. ,i6 PHYSIQUE MATHÉMATIQUE. 33. La caustique qui présente un point de rebroussement, a encore cela de particulier que tous ses points peuvent être con- sidérés comme les lieux de tous les sommets des paraboles assujetties à passer par un point et à avoir leurs foyers en un autre point donné. Le point de rebroussement de la courbe est le foyer commun, et le point à l'extrémité du diamètre est l'autre point donnné par lequel passent toutes ces paraboles. Passons d'après cela à la tliéorie des comètes , et proposons- nous de déterminer d'après trois observations, le sommet de la parabole que décrit la comète. Concevons qu'on ait construit les trois droites menées à l'astre dans les trois positions où on l'a observé : le plan qui contiendra le parabole passera par le centre du soleil qui est le foyer delà courbe demandée j et il faudra évidemment déterminer la position de ce plan , sous la condition que les trois caustiques qui ont pour pôle commun le centre du soleil et pour extrémité du diamètre les trois points d'intersection avec les trois droites, aient un point commun d'intersection qui sera le sommet de la parabole demandée. En transformant, comme nous Pavons fait, les caustiques secondaires en sections coniques , par l'intermédiaire de leurs projections sur la spbère, on pourra trouver à ces courbes un grand nombre de propriétés commmies, et construire un tableau comparatif semblable à celui que M. Dandelin a établi entre la focale, la spliérifocale et l'hyperbole. {J^oyez le 2^ vol. des nouv. Mém. de VAcad. de Bruxelles.) 34. Ces singulières analogies entre les courbes que nous avons considérées et les sections coniques, portent naturelle- ment à chercher si elles ne conviennent pas généralement à un CATOPTRIQUE. 117 plus grand nombre de courbes du troisième et du quatrième degré. En considérant alors ces courbes comme des projections stéréographiques des lignes d'intersection d'un cône et d'une sphère, on parviendrait à les classer plus facilement, et l'on pourrait même former un tableau de toutes les propriétés des sections coniques qui conviennent aux courbes du troisième et du quatrième degré. Or, avec un peu d'attention, et en suivant absolument les mêmes raisonnemens que ceux qui ont été précédemment employés, on reconnaîtra ces principes généraux : 10. Quand sur une courbe du second degré tombent des rayons émanés d'un point L, ces rayons réfléchis sont en général perpendiculaires à une courbe du troisième ou du quatrième degré, que nous nommons aussi caustique secondaire et dont nous avons donné la génération au commencement de ce mé- moire; de sorte que la développée de la caustique secondaire est la caustique principale de la section conique réfléchissante. 'jp. La projection stéréographique de cette caustique secon- daire que nous nommons spJiéricaustique y est la ligne d'inter- section d'une sphère et d'un cône , dont le sommet L' est la projection stéréographique du point émanateur. 30. La projection stéréographique de la sphéricaustique en prenant ce point L' pour nouveau sommet de projection , est une section conique. Ainsi les courbes qui par une double projection stéréogra- pliique peuvent devenir des sections coniques, appartiennent .en général au troisième et au quatrième degré. Ces courJies qui ii8 PHYSIQUE MATHÉMATIQUE. jouissent de propriétés particulières, forment une classe nom- breuse, et peuvent être engendrées d'une manière générale : elles sont les enveloppes des cercles assujettis à passer par un point que nous nomxnonspoley et à avoir leurs centres sur une section conique qui sert de base à la génération. Voici quelques- uns de leurs caractères principaux. i^^. Ces courbes se divisent en deux classes : elles sont fer- mées , ou bien elles ont une branche qui se prolonge à l'infini. 2». On reconnaît que la base est une parabole quand la courbe n'a qu'une seule branche dont les extrémités vont s'ap- prochant d'une asymptote commune. Cette asymptote est tou- jours perpendiculaire à l'axe de la parabole. 3°. Quand la courbe a un diamètre n'étant point asymptote, ce diamètre est parallèle à un de ceux de la section conique. 4». Ces courbes ont en général un nœud, un point de re- broussement ou des points d'inflexion, selon que le pôle se trouve hors de la section conique qui sert de base, sur la section ou dans sa partie intérieure. 5o. C'est de la position de ce point que dépend la nature de la section conique, qu'on obtient par la double projection sté- réographique. Dans le premier cas on a une hyperbole, dans le second une parabole , et dans le troisième une ellipse. 6*^. Toutes ces courbes ont de plus chacune un ou deux foyers qui sont des points analogues aux foyers dans les sec- tions coniques. Ces points jouissent de diverses propriétés com- CATOPTRIQUE. 119 munes dont quelques-unes sont énoncées dans un tableau com- paratif que M. Dandelin a donné dans son mémoire , en cher- chant les analogies de la focalp et de l'hyperbole. 35. Si l'on voulait savoir, d'après ce qui précède, à quel genre de génération a]3partient la cissoïde de Diodes , en supposant qu'elle appartint à l'une de nos classes, on observerait que la base doit être une parabole dont le diamètre est celui de la cissoïde. On trouve , en effet , qu'en construisant une parabole ayant même axe et même sommet que la cissoïde, ayant de plus son excentricité égale au rayon du cercle générateur de la cissoïde, cette parabole aurait pour caustique secondaire la cissoïde : le point lumineux devrait être au sommet commun des deux courbes. Ainsi la caustique principale de la parabole serait dans cette circonstance la développée de la cissoïde. Cette observation donne lieu d'appliquer à la cissoïde un grand nombre des propriétés de la parabole, après avoir déter- miné son foyer. Elle donne aussi une construction facile des tangentes à cette courbe. ^iVvv'^j%/i/%/%/v^i\vvvvvuvv^v^/\^ivi/\iii\vv^%ivv%JV\i\;^i^vv%vui^vvvii^ SECONDE PARTIE. DTOPTRIQUE. 36. V^TJAND il s'agit de la réfraction, si l'on considère, comme nous l'ayons fait dans la première partie de ce Mémoire, au lieu des caustiques, les courbes qui sont leurs développantes; on parviendra à ce principe général : la caustique par réfrac- tion pour une courhe quelconque éclairée par un point brillant, est la développée d'une autre courbe , laquelle a la propriété d'être V enveloppe de tous les cercles qui ont leurs centres sur la courbe dirimante, et dont les rayons sont aux distances au point émanateur dans un rapport constant qui est celui de la réfraction. 3y. Il serait facile de faire l'application de ce principe à la recherche des caustiques dans les lames terminées par des sur- faces planes; on trouverait qu'elles sont les développées de sec- tions coniques. M. Gergonne avait remarqué le premier, je crois, que les rayons émanés d'un point, en passant d'un mi- lieu dans un autre de densité différente, se réfractaient de ma. nière à être perpendiculaires à une surface du second degré. Tome III. i6 122 PHYSIQUE MATHÉMATIQUE. lorsque la surface dirimante était plane. M. De la Pave avait observé que la même propriété avait encore lieu, quand les rayons réfractés rentraient dans le premier milieu. Ces géo- mètres étaient parvenus à ce résultat par le calcul infinité- simal; nous pourrions le déduire du principe précédemment énoncé : mais comme on est souvent dans le cas d'employer des lames transparentes, nous préférons en donner une autre démonstration directe par une géométrie très-élémentaire. 38. Soit ^ un point lumineux, eo une surface dirimante plane, ae un rayon incident, qui se réfracte selon la direction eg. Le rayon incident et le rayon réfracté se trouveront dans un même plan. Nous ne nous occuperons pour le moment que de ce qui se passe dans ce plan. Concevons une circonférence cactgi, ayant son centre au point e d'immersion, et passant par Je point lumineux a. Si la réfraction n'avait pas lieu, le rayon ae irait en ligne droite au point i; mais , par l'effet de la réfraction , il vient passer par le point g. Nommons n le pouvoir réfringent du milieu dans lequel passe le rayon, et prenons pour unité celui de l'air atmosphérique, dans lequel nous supposerons le point a. Menons gJi parallèle àpe ou à la droite ad qui esc perpendi- culaire à la surface dirimante; nous aurons laporportion : 72 : 1 :: sin. d'incid. iq ' sin. de réf. gp=zJip' :: iez=ge : he on en déduit he =^ ~ ge. Cette égalité nous servira souvent par la suite. DIOPTRIQUE. 125 3g. Maintenant du point lumineux a, abaissons une perpendi- culaire <2/ sur le rayon réfracté, et faisons <2/=/c. ac sera une corde du cercle caa'. Joignons le point c au point a' j et du point y\, où le rayon réfracté est coupé, menons fa. Décrivons alors du point f comme centre , une circonférence cad. Notre but est de prouver que le centre /"de cette circonférence est sur une hyperbole dont le centre est en o_, dont le point lumineux est un des foyers , et dont le rapport des axes dépend du rap- port n. Menons le diamètre ck et la droite ka. Cette dernière droite^ sera parallèle au rayon réfracté gb, et coupera de plus ca sur la circonférence cad : ce qui résulte évidemment de la similitude des triangles cefet ckd. Mais à cause du paralle'- lisme des droites da et fb , nous aurons encore fd : ba :: da' : aa'. De plus, les triangles geh et eab sont semblables comme ayant les angles égaux, ils donnent conséquemment h g : ba :: he '. ea =z ge. Mais les deux premiers rapports des deux proportions précé- dentes sont égaux, car h g est égal kfa ou fd, puisque lés triangles ghe et efa sont égaux : ge = eay gehz=za ef; d'une autre part, hge=ikaa , comme ayant les côtés parallèles, et kaà^zkcdonfae.) comme ayant même mesure 7 ka'. On pourra donc écrire cette nouvelle proportion (38) : da' : aa \\ he '• ge :: — ge:ge. i2i PHYSIQUE MATHÉMATIQUE. d'où l'on tire da'r=aa . — • Nous apprenons par là que da' est une quantité constante; mais cette quantité da' est égale à la différence des rayons vecteurs fa' t.1 fa ; il en résulte que le point y est sur une hyperbole, dont les foyers sont les points a et a ' . L'excentricité e égale donc la distance du point a à la surface dirimante et , le demi-premier axe égale e.— -, n étant le rapport du sinus d'incidence au sinus de réfraction. Nous observerons maintenant que puisque les rayons réfractés geh partagent en deux parties égales l'angle cfa des rayons vecteurs à un même point de l'hyperbole, ils doivent être né- cessairement normaux à cette hyperbole, et par suite tangens à sa développée. Donc les rayons émanés d'un même point, et réfractés -par une surface dirimante plane , ont pour causti- que la développée dhine Jiyperhole. 4o. Comme toutes les conditions sont égales autour de la perpendiculaire aa ^ nous aurions pu supposer le plan dans lequel a eu lieu la construction dans une position quelconque , et tout se serait passé de la même manière , c'est-à-dire , que les rayons incidens tombant sur toute l'étendue de la surface plane dirimante , auraient été , après la réfraction , normaux à une hyperboloïde de révolution. Dans la construction précédente nous avons supposé le mi- lieu réfringent plus dense , comme pour les rayons qui pas- sent de l'air dans l'eau; si le milieu était au contraire plus rare, on prouverait par les mêmes raisonnemens que la surface caustique serait la développée d'un ellipsoïde. La distance du DIOPTRIQUE. i25 point lumineux à la surface diriihante serait encore égale à l'excentricité et le demi grand axe serait égal à cette dis- tance multipliée par — . De sorte , que le rapport constant du sinus d'incidence au sinus de réfraction est e'gal au rapport de l'excentricité au demi grand axe : et selon que ce rapport est plus grand ou plus petit que l'unité , on a une hjperboloïde ou un ellipsoïde. 4i. Un oeil placé en g, aperçoit le point a en A; et selon que l'œil s'éloignerait de la verticale aa' , le point a semblerait s'éle- ver sur la caustique ak. Il est à remarquer, du reste, que, pour les mêmes milieux, les caustiques relatives à différens points sont semblables et semblablement situées par rapport à la surface de niveau. M. Gergonne a déduit djes propriétés précédentes, une mé- thode fort simple , pour construire , par points , l'image d'une ligne quelconque (i). « Soit CX le niveau supérieur de l'eau, et pig g, soit O' le lieu fixe de l'œil; sur la verticale CP, conduite par O', on prendra arbitrairement un point P, pour lequel on tra- cera avec soin la caustique ttitz m', que nous appellerons la caus- tique normale. On fera bien alors de prendre le point P le plus bas possible , afin d'avoir une caustique de plus grande dimen- sion. Cette caustique tracée une fois pour toutes, rien ne sera plus aisé que d'assigner l'image d'un point donné quelconque , pour un œil placé en O'. » (i) Annales de math, tome onzième, page 238. Fig. 8. 126 PHYSIQUE MATHÉMATIQUE. (c Soit, en effet, P' le point dont il s'agit; en menant PP', son point d'intersection S avec C X sera évidemment le centre de similitude des caustiques relatives aux points P , P'. On mènera PO' et SO', qu'on fera couper en O par une parallèle PO à P'O'. On mènera par O, à la caustique normale, la tan- gente Op _, la touchant en p. On mènera enfin Sp , qu'on fera couper enp' par une parallèle O'p' à Op ; et alors de même que p est l'image de P, pour un œil placé en 0;p' sera l'image de P', pour un œil placé en O', et conséquemment le point demandé. y> 42. Nous remarquerons que quand le point brillant est à une distance infinie , comme une étoile par exemple , alors le se- cond foyer a est aussi à une distance infinie de la surface diri- mante eo .-Conséquemment, les droites, telles que ca'^ sont parallèles à l'axe aa ^ et les rayons réfractés ^y continuant à couper en parties égales les angles afc , sont perp endiculaires à une parabole; ou plutôt on peut les considérer comme sensi- blement parallèles. Il arrive donc que les rayons émis par un point infinhnent éloigné et réfractés par une surface plane , sont sensiblement parallèles entre eux. 43. Supposons maintenant qu'un rayon émané du point a,e\ réfracté en e dans une lame terminée par des surfaces planes et parallèles , sorte de cette lame au point / pour rentrer dans le premier milieu : On sait déjà que le rayon restera toujours dans le même plan , et qu'il redeviendra parallèle à sa direc- rection primitive, de sorte que //est parallèle à ea.^x la lame a plus de densité que le milieu environnant, les rayons, après leur sortie de cette lame, se trouveront normaux à une même ellipse, et dans le cas contraire, ils seront normaux à une DIÔPTRIQUE. 127 hyperbole. Nous ne considérerons, comme nous l'avons fait précédemment , que les rayons qui se trouvent dans un même plan passant par la verticale aa\ Considérons d'abord les deux triangles kel et emn. Ce der- nier s'obtient en menant em parallèle à la verticale kl ou aa' , et en menant m n par le point p, où la circonférence qui a son centre en q, coupe la droite Ip. Ces deux triangles seront sem- blables, car leurs angles seront égaux comme ayant même me- sure. En effet, kelz==emp^ puisque r/= ep ; et klez=enm, puisque se=zlm=zrm — rl=rm — ep. On aura donc ke '. el :: em : mn; on a d'ailleurs (38) ke : el :: i : n. Ainsi, en représentant par e l'épaisseur em àe la lame , on déduit de ces deux proportions mn := e.n ; mais mn sera, d'après cela, une quantité constante. Cela posé, prenons aa'z=2.e\ et par le point a\ menons a'd parallèle à 772 72 _, nous aurons aussi a d =^Q.mn=i!ie .n. Si nous abaissons alors sur //la perpendiculaire a c, nous aurons ep =:axz=cx; et conséquemment pn=.fd=fc=fa : d'où résulte que la somme des rayons vecteurs a'f-^ af=a d, est une quantité constante , et que le point f sera toujours sur une ellipse dont les foyers seront en <^ et a\ Mais le rayon émergent //partage l'angle afa' des rayons vecteurs en deux parties égales: il est donc normal à l'ellipse ou tangent à sa développée. Comme 128 PHYSIQUE MATHÉMATIQUE. le même raisomiement s'appliquerait à tous les rayons émer- gens, on en déduit qu!ils sont tous perpendiculaires a la même ellipse , ou hien que leur caustique n'est autre que la dévelop- pée de cette ellipse. On voit qu'ici l'excentricité est égale à l'épaisseur de la lame , et que le rapport du grand axe à cette excentricité est encore égal au rapport du sinus d'incidence au sinus de réfraction , qui convient aux deux milieux dont il s'agit. On peut étendre, sans peine, ce qui vient d'être dit aux rayons partant d'un même point et traversant une lame à surfaces planes et parallèles , sans être assujettis à se trouver tous dans un même plan. Comme toutes les conditions sont égales autour de <2<2' perpendiculaire à la lame, les rayons ré- fractés seront normaux à un ellipsoïde de révolution, et au- ront ainsi pour caustique sa développée. On voit aussi qu'on peut se servir de la construction de M. Gergonne, pour dessi- ner le lieu apparent des points qu'on aperçoit à travers une lame de densité quelconque. Il résulte de ce qui précède que les rayons passant dans un milieu plus dense , ont pour caustique la développée d'une liy- per]}oloïde, ce qui aurait encore lieu si ces rayons avaient traversé une lame de densité moins grande que le milieu dans lequel ils rentrent; dans des suppositions contraires, les caus- tiques seraient les développées d'ellipsoïdes. 44- ^1- Gergonne, dans son Mémoire, a cherché de quelle manière les poissons nous verraient du fond de l'eau. Mais il résulte de ce qui précède, qu'on pourrait le savoir par expé- rience , du moins d'une manière approchée , puisqu'il suffirait DIOPTRIQUE. 129 de substituer au milieu dans lequel se trouvent les poissons, une lame à surfaces planes et parallèles , pour laquelle la caus- tique par réfraction serait la même que pour l'eau. La solu- tion du problème dépendrait de l'épaisseur de la lame et de sa force réfringente. Il faut donc chercber s'il existe une substance dont la force ré- fringente soit —, n étant le pouvoir réfringent de l'eau, quand on prend celui de l'air pour unité. Or, Foxigène satisfait jus- qu'à certain point à ces conditions, car, d'après les expériences de Biot et Arago, son pouvoir réfringent égale 0,86161 , tan- dis que celui de l'eau vaut i,336. En supposant donc un tube rempli d'oxigène et terminé par deux surfaces de verre planes, parallèles et distantes d'un nombre m de mètres, on verrait à peu près les objets comme on les apercevrait du fond de l'eau, s'ils étaient à m mètres de la surface. Nous faisons abstraction de la réfraction qu'éprouvent les rayons en traversant les deux petites lames de verre placées aux extrémités du tube. Nous n'avons pas jugé nécessaire de donner plus d'extension à cette seconde partie , pour montrer de quelle utilité peut être dans l'optique, l'emploi des caustiques secondaires, au lieu des caustiques principales , qui sont leurs développées. Nous ter- minerons , en observant qu'on fait dépendre ainsi la construc- tion des caustiques par réflexion et par réfraction d'un seul et même principe que nous énoncerons de la manière suivante. La caustique par réflexion ou par réfraction pour une courhe quelconque, éclairée par un point brillant, est la développée Tome III. in i3o PHYSIQUE MATHP:MATIQUE. DIOPTRIQUE. crune autre courhe , laquelle a la -propriété d'être Penveloppe de tous les cercles qui ont leurs centres sur la courbe réflé- chissante ou dirimante, et dont les rayons sont égaux aux dis- tances des centres au point hrillant dans le premier cas , et proportionnels à ces mêmes distances dans le second cas , le rapport constant étant celui de la réfraction. ^;\i^ivviv^rt/v%/%/v%)i(Vk/^%/vi/vvtrk/%/^(%jv\/v^;^/tiv»i\iiLj^(Vv^v\ii/v^(v^;^(^^ NOTES. Équation générale des caustiques secondaires. Si Fon représente le module TC par la lettre ttz^ et l'angle TLO par p. la lettre a, en prenant le rayon LO pour unité, l'équation polaire des caustiques secondaires sera p=i 2 COS a -j- 772. Ces courbes se partagent en trois classes, en supposant successivement 771 <^ diamètre LQ; 772= diamètre; 772^ LQ. Leur équation en coor- données rectangulaires est y^ _j_ 2y'' {x'' 2X-\- — )-{- x"" (x^ 4^-f-4 772'') =5 0. On engendre les caustiques secondaires d'un mouvement continu à peu. près de la même manière que la conclioïde de Nicomède. Il faut assu- jettir le sommet d'une équerre à décrire la circonférence qui sert de base (8) et prolonger ou diminuer le côté qui passe par le pôle de la longueur du module. Quadrature, L'élément de surface , pour les courbes rapportées à leurs coordonnées polaires, est de la forme ds = ^p"" dw, d'où l'on déduit pour les caustiques secondaires surface 5 = t/ ( 2 r cos a±:my da -\- C. 102 NOTES. Fii;. G. Quand on prend le rayon pour unité , en intégrant et observant que la constante doit être nulle et que ^ sïn. 2 ce -\- a = abo~\-boc = abc, on a surface, s =abc-\-\ iri" a.'±zini sin «. Le signe supérieur a rapport à la surface ads , et le signe inférieur à la partie ats du nœud. On déduit de là, pour la différence, dts's = é/wsin a : ainsi cette partie est exactement quarrable et quand on fait a = 90° , on a 4i7?i pour valeur de sagds — s'tag'y ou bien quatre fois la valeur du triangle ccig. Quand on fait la somme des quantités précédentes, on a ads -{-ats =2abc-\-7n'' a. Ce qui fait voir que la surface de la courbe entière , en y comprenant le noeud, vaut deux fois le cercle générateur augmenté de la surface d'un au- tre cercle de rayon m. Par exemple , pour la trisectrice 7n = 1 , et la sur- face entière vaudra trois fois la surface du cercle générateur. Pour la caus- tique principale , on aurait six fois la valeur du cercle générateur. Rectification. Nous chercherons maintenant la valeur du contour d^une caustique secondaire. L'arc d'une courbe vaut en général ar c = /cZa\/p' + p'" -j-C. pour simplifier , nous désignons par |o', p", etc. les coefficiens différentiels successifs dans le développement de p. On aura donc à intégrer l'équation suivante arc = f da. l/'m.* -H 4 + 4"* ^^^ " "^ ^* mais cette formule n'est intégrable par les procédés ordinaires que dans le cas où m = 2. Ou prouve alors que la courbe vaut quatre fois son diamètre. NOTES. i35 Ce qui a déjà été démontré (i). Nous cherclierons à rapporter Pintégra- tion précédente à celle d'arcs d'ellipses. Remarquons d'abord que puisque cos a = 1 — 2 sin ja, on peut écrire ou bien, en faisant a = 2-j-??z et e = \/i!)Tn. ; = / dcf. \/a^ — é" sin -^ a + C. arc Comparons cette formule à celle qui donne la valeur d'un arc d'ellipse. En supposant a et e le demi-grand axe et l'excentricité (2) , on a arc d'ellipse = / c?(p \/a^ — é" sin"" ç j • si l'on fait (yass^a, on aura d(f=-^da. et en substituant; arc d'ellipse = \f dot. V^a" — é^ siri^ \ a •* en comparant cette valeur a celle qui donne l'arc de la caustique secondaire, on obtient 2 arcs d'ellipse = arc de la caustique secondaire , c'est-a-dire, que l'arc de la caustique qui répond à l'angle a, vaut le double de l'arc d'ellipse qui correspond à l'angle \ a. On a d'ailleurs, pour déterminer le grand axe , l'excentricité et le petit axe , les équations à" =['2-\-7ny , e^ = 8m, ainsi les deux demi-axes auront pour valeur a = 2 -j- 77Z , et b = 2 772. Voici comment il faudrait construire ces valeurs : supposons qu'on ait à déterminer l'arc d'ellipse qui correspond à l'arec' S. Après avoir décrit *'S 4- (1) Hist. des math, de Montucla. (9) Traite de calcul difFér. et inte'g. par Lacroix. 154 NOTES. l'ellipse iAi',en faisant iL=:2-i-??i, et LA = 2 — m; on partage l'angle SLo' en deux parties égales par la droite L^ et du point g, on abaisse la perpendiculaire gp , alors le double de l'arc pm est égal à ^'S. Le contour d'une caustique secondaire vaut donc le contour d'une ellipse qu'on sait construire. Quant à celle qui offre un point de rebrous- sement et qui est unique dans son espèce, l'ellipse se réduit à une droite, puisque le petit axe est nul. F^olumes de révolution. Les valeurs des volumes et des aires qu'engendrent les caustiques se - condaires en tournant autour de leurs diamètres pris pour axes de révolu- tion , offrent encore des propriétés remarquables. Pour les déterminer , nous aurons encore recours aux équations polaires. Nous allons d'abord donner les équations générales que l'on ne trouve point dans les traités élémentaires. Observons que l'élément de surface vaut \p^cla^ et que le centre de gra- vité de ce petit triangle est éloigné de l'axe d'une distance égale a \psina.. On a alors par le même théorème de Guldin , pour la valeur du volume qu'engendre cette petite surface dans sa révolution. vol. de révol. = f t: /p^ sin a. da. -f- C. On obtient aussi de la même manière pour la valeur d'une surface de ré- volution , surf, de révol. = 2 tt /p y" ^" -\- ç' " sin ada-^C. Cela posé , la valeur du volume de révolution d'une caustique secondaire , deviendra après l'intégration , vol. de révol. = C — . 12 Pour déterminer la constante, faisons a = o, nous aurons /i=2±:7n = A, d'où C= — , et partant vol. de révol. =-^ [A* — ^^]. . NOTES. i!5 Mais on peut décomposer cette valeur de la manière suivante : O O 2 O O On voit que C désigne un volume qui est au volume de la sphère construite sur le diamètre de la courbe, comme ce diamètre est au diamètre du cercle générateur. On construirait de la même manière la valeur de — ^. Ainsi, on pourra toujours assigner la valeur du volume de révolution engendré par un sec- teur de caustique secondaire. On trouverait ainsi que le volume engendré par la caustique principale, vaut deux fois la sphère qui a le même diamè- tre que cette courbe , car alors A = 2 -f- 2 = 4. Dans la coiirbe qu'on nomme trisectrice , le volume de révolution, sans y comprendre le volume engendré par le nœud, vaudra une fois et demi le volume de la sphère construite sur son diamètre , car ici A =: 5 , et C : -W-( ~ ) : : 3 : 2 . Pour avoir le volume engendré par le nœud , il faudra observer que A'= 2 — m qui est diamètre du nœud. Ainsi la quan- tité demandée serait au volume de la sphère construite sur le diamètre du nœud, comme ce dernier diamètre est au diamètre du cercle générateur. Dans la trisectrice le volume engendré par le nœud serait donc la moitié du volume de la sphère construite sur le diamètre de ce nœud. Surfaces de révolution. En substituant dans la formule obtenue plus haut les valeurs des quan- tités qui la composent, nous aurons pour déterminer la surface de révolu- tion d'une caustique : surface de révol. = 2 -Kjcla (2 cos a -|- m) s^^^ a (4 + m' -f- 4 m cos 3^tS M. L J^aV.^. F.g. G. Fx<£. MEMOIRE SUE. UNE QUESTION RELATIVE AU CALCUL DES PROBABILITÉS, PAR LE COMMANDEUR C. F. DE NIEUPORT. LU A LA SEANCE DU 8 MAI 18 q4. Tome III. ivii%i/%it/^j%/%i%ji/i/uv%(iivi/vv%j^;vi/v^^'%fv%fv\i%\/v^'v\i%\i^i%'vvi/\i%i^ MEMOIRE SUR UNE QUESTION RELATIVE AU CALCUL DES PROBABILITÉS. PROBLÈME. JjjN supposant que dans un sac , ou dans un vase , on ait mis un nombre n de boules, marquées chacune d'un des caractères 1,2,3 n^et que chaque fois on en tire une seule, qu'on remette aussitôt, on demande en combien de tirages on peut parier à égalité de faire sortir toutes les boules ? SOLUTION. I. Il est clair qu'à chaque tirage, chacune des boules peut également sortir. Il y a donc au i^r tirage n événemens diffé- rens possibles. Chacun des événemens du i^r tirage pouvant ensuite se combiner avec les n événemens possibles du 2™e^ ces deux tirages fourniront ensemble n.n, ou ri" événemens diffé- rens. On trouyera de même, pour le "d"^^, jt \ et pour le y™e tirage W événemens possibles, quels que soient n et y. Il s'agit maintenant de distinguer, parmi ces événemens, ceux où les n boules sortent ; c'est-à-dire , qu'il faut assigner combien dans y tirages, il y a d'événemens qui renferment les n boules. 19. i44 SUR UNE QUESTION 2. Je vois d'abord qu'au i^i' tirage, il ne peut y avoir qu'une seule boule à chaque événement : je les nommerai, afin d'abréger, événemens simples; ainsi au i^i' tirage, on a tz événemens sùn- ples , c'est-à-dire, ne contenant qu'une seule boule. Au ^"le tirage, chaque événement simple du i^r peut être combiné avec n boules; c'est-à-dire, chacun avec la boule qu'il renferme déjà , et avec n — i boules qui lui sont étrangères. La lie combinaison donne encore ici n événemens simples ; et la Q}^^ en donne n.n — i doubles; c'est-à-dire, qui renferment deux boules différentes. Ainsi le 2"^^ tirage fournit n simples -+- n.n — I doubles. Au 3"ie tirage , les n événemens simples du ^"le fournissent de même n simples -{-n.n — i doubles; et les tz . ?2 — i doubles du même tirage , pouvant se combiner chacun avec les n bou- les; c'est-à-dire, chacun avec chacune des deux boules qu'ils renferment déjà, et de plus, avec n — 2 nouvelles, on aura 2.n.n — I doubles -+- n.7i — i .n — 2, triples. Ainsi en tout, n éve'nemens simples + 3n,n — i doubles -y n.n — \ .n — 1 triples. Au 4'^ie tirage, les n simples du 3"^^ fourniront, comme ci- dessus , les 3 n.n— i ''""^ 67^.7^ — l >!'>"''■ -4- 3zz...7i — 2"'P-; \Gsn.n—\.n — i^"V 37î...7î — 2"''P-t- 7ï...7i — 3i"='''- j ainsi au 4™*^ tirage; 7i5''"pi-f- ^ 7z.7i — r'»"''- -i- Qn...n — 2*''p-1- 7^...7^ — Si""''- j et de même au S^e^ /isiinpi. ^ i5n.n— r'«"''-4-25/7,,.7î~2"'P-l-i07?..,7î — 3i"^'i'-|-«'"'i — 4'*"'"'' DE PROBABILITÉ. i45 En continuant ainsi de suite, on formerait la table ci-jointe L, où y exprime le nombre des tirages, x la multiplicité des événe- mens, ou la quantité de boules différentes contenues dans cha- cun d'eux , et 72 la quantité totale des boules contenues dans le sac. TABLE L. I 2 3 4 5 6 7 8 9 ^0 II X fi 1 fi fi* 1 fi^ M 1 fi 1 fi fi vçf- fi i fi é fi 1 fi fi 0 1 a è co 1 fi 0 1 HH 1 fi^ fi + 1 fi HH 1 fi^ fi' " o 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 w I 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 OJ 3 I 0 0 0 0 0 0 0 0 0 45>. 7 6 l 0 i 0 ; 0 0 0 0 0 0 m i5 25 10 I 0 0 0 0 0 0 0 0 CTi 3i 90 65 i5 I 0 0 0 0 0 va 63 3oi 35o i4o 21 I 0 0 0 0 0 OC 127 966 1701 io5o 266 28 I 0 0 0 0 «n 255 3o25 77,70 6951 2646 462 36 I 0 0 0 o 5n 9330 34105 42525 22827 588o 'j5o 45 I 0 0 ^ 1 i46 SUR UNE QUESTION Ainsi, quel que soit n ^ on trouvera que 6 tirages produisent n ëvénemens simples 3in.n — I doubles go n.n — i ,n — 2 . triples 65n.n — i .n — 2..n — 3. quadruples iSn.n — I.7Z — 2. 72 — 3. 72 — 4- quintuples n.n — 1 .72 — 2..n — 3. 72 — ^.n — 5. sextuples. Soit que le nombre y des tirages soit > , < ou = au nombre des boules. Par exemple, si 72 = 4 < 6, le nombre total de ces ëvéne- mens est 4096 = 4% si 72=: 6, il est = 4^656 = 6^; enfin si 72=^7 > 6, il est 1 1^7649 = 7*^ comme nous avons dit ci-dessus ($1). 3. Les coefficiens numériques de ces différens événemens for- ment ce que M. De Laplace a nommé une suite récurro-récur- rente, et qu'on a nommé depuis suite récurrente à double entrée. En observant la manière dont ces coefficiens se forment, il devient aisé d'en conclure la loi qui règne entr'eux. Cette loi est telle , que chaque terme est égal à la somme du produit de celui qui le précède verticalement dans la même colonne de la table L ci-dessus, par la valeur de x dans cette même colonne, et de celui qui précède ce dernier dans le sens horizontal. Ainsi, nommant a l'ordinaire z^'^ le terme général; c'est-à-dire, celui qui répond aux deux valeurs quelconques x,y; z'''^~\ celui qui le précède verticalement, et qui répond au même x , mais à y — I ; et enfin z^-'-^-^ celui qui précède ce dernier dans le sens horizontal, et qui re'pond conséquemment aux va- leurs X— i,y— I, on aura z''' = xz'''-' + z'-"''~' \ et c'est DE PROBABILITÉ. 147 cette équation aux différences finies partielles, qu'il faut inté- grer, pour avoir le terme général de cette suite, en obser- vant que z''-^, qui est la fonction arbitraire, est ici constante et = I. On voit , par exemple , que io5o = i4o . 5 + 35o ; 35o = 65 . 4 H- 90 j etc. 4. Pour parvenir plus facilement à connaître z, supposons successivement ^ = 2 , r=: 3 , r= etc. ; et nous chercherons le terme général de chaque suite récurrente linéaire dans le sens vertical. Soit donc R le terme général de la V^^ colonne où xr=r i, et qui répond à y. Soit de plus dans la colonne verticale sui- vante où x = 2, ce même terme r=K, et celui qui le suit immé- diatement dans la même colonne et qui répond à y+ i,=:K'. On aura K'=!2K-i-R=sK-hi , puisque Rr=:i. Donc AK=:K + i; équation linéaire aux différences finies ordinaires ; d'où on con- clut K = |(â^ — â);la constante se déterminant par la condi- tion que K=:o, quand y =1. 5. Soit maintenant Ri=:j(2^ — 2) et K le terme général de la colonne suivante. ^On aura de même K'= 3K + R ; AK:r=2K4-|(^' — ^); et 2K — AK = — (2^-^—1). Faisons suivant la méthode de Lagrange , K = 3^z^/ on aura Or , il est facile de voir qu'on a généralement ^ , «' I I I I 2« == ; et 2— —7=1:7- r--, ou 2—7=, c Donc ii8 SUR UNE QUESTION Donc R = ?/ . 3 ' = 3 ' G — 7 2^ + 1 . Or quand y = i , K ^= o ; donc 3G — i + j = o et C = :^. Donc enfin K = ^3^ — 72^ + ^ = -^(3^ — 3.f2^~i-3). On trouvera par la même méthode les va- leurs suivantes du terme général pour chaque colonne ; Si x=^i ^ z = I ; a'=:3,2:z=^(3^-3.2^+3); x=:4, z = _-I-j(4^ — 4.3^ + 6.2^— 4); a: = 5 , z = ^ -3 . ^ (5-' — 5 , 4-' + 10 . 3^ — 10 . 2^ + 5). Il est maintenant aisé de remarquer que pour chaque valeur de X, les termes sont ceux de la progression arithmétique dé- croissante X, X — 1 f X — Q., etc. élevés à la puissance y ; et que les coefficiens de ces mêmes termes sont les termes du binôme (^i — i) élevé à la puissance x, excepté le dernier qui disparait, parce qu'il se trouve multiplié par x — x=zo. Par exemple, quand :x; = 5, on a les termes, 5^,4^3^, 2^, i et o dont les coeffi- ciens sont, dans le même ordre, i, — 5,+ 10, — 10,-1- 5, — i, qui sont les termes de la S^i^^ puissance du binôme (i — i). Quant au coefficient général, il est évidemment 77^7— ^• 6. On peut conclure de là que le terme général de la suite récurrente à double entrée est — i-; — \ x-y — X [x — i\ i.-2,.ù.!^...x\_ ^ ' r-f. I,-2 \.1.i x.{x — \){x — 'i)r x.{x—i). {x — 2) {x — 3)/ , x.[x—\\...{x — [^ 1.2.3.4 i.2.:i.4.5 z.[x-Y\...{x — ^)[x — k)r x.{x—^\...{x — k){=c-^',')r -l-etc. DE PROBABILITE. 149 On trouvera donc un terme quelconque de là table L, en regardant à quelles valeurs de x et y il répond ; et en substi- tuant ces valeurs dans l'expression de z. Par exemple, si l'on cherche le terme qui répond à x=:/i et y = 5, on aura z = — Vt-(4' — 4.3^ + 6.a^ — 4)=io. 1.2.0.4 7. Ainsi, pour trouver le nombre d'événemens à n boules dif- férentes, c'est-à-dire, où toutes les boules sortent, que produi- sent y tirages successifs, il faut supposer x, qui indique la multiplicité de ces boules contenues dans chaque événement, =:7z_, et multiplier le résultat par le produit qui, dans la table L, est en tête de chaque colonne, et qui, lorsque x=.n, sera n.n — I .... 72 — 7î -H I , ou 1 . 2 . 3 . . . . Tzy et on aura , en nom- mant Q cette quantité, Q = ^^ — /Z(7Z— l)^-f-^72.(?Z— j)(/Z— 2)^— i7Z.(?î— l),(«— 2)(/Z— ^j-J'-^ ^7z \n—i) {n—^y—^n (;ï _ 4) (^ — 5)^ -f- etc. 8. Soit par exemple, 72 = 2, on a Q = :2^ — â. Or le nombre total des événemens N est alors =2>'5 donc la probabilité d'ame- y . 2 ner les. deux boules en y tirages sera — — y— ^, et la probabilité N— Q 2 ^ , contraire sera j — = —y- Donc le pan sera iy — 2 con- tre 2. Ainsi en deux tirages il serait au pair ; en trois, il serait de 3 contre i ; en quatre de 7 contre i , etc. Et en général il sera de tz^ — n .{n — i)-^-h \ n . (tz — i)('z — ^)-^ — ^n.{n — ^)'{n ■ — ^) {n — ?>)y + etc., contre 72(72 — i)y — ^n.{n — >i)(7Z — 2.)y + \n.{n — i)'{ri — ^){n — ?>)y — etc. 9. Demande-t-on maintenant en combien de tirages le pari serait dans un rapport déterminé; par exemple, en rapport d'éga- Tome III, '20 i5o SUR UNE QUESTION lité? On aura à résoudre l'équation {A)...,ny + 2\_ — n{n — i)y + \n.{Ti — I ) (tz — d)y — \n.{n — i ) (/z — 2) ( ?z — 3)^ + etc. ] =z o. Soit n=:2.; on trouve 'j,y — 4 = ^; 2-?'= 2% et y = 2. Ce qui est évident , puisque deux boules A et B n'admettent que les qua- tre événemens A A, AB, BA, BB, dont deux sont favorables et deux contraires. 10. Nous voici donc parvenus à un nouveau genre d'équa- tions exponentielles assez compliquées, dont la solution exige conséquemment une méthode particulière. Représentons-les en général par (B) ^/ + 7^/+ ^c^ + etc. = w, et essayons de déduire de là la valeur de l'inconnue y. Pour cela je com- mencerai par supposer ay-z=t, hy z= u , cy = x , etc. Donc l.t l.u l.x p . l.b Le V = - — z= -rr = -1 — = etc.; ou taisant-; — = ^» 1 — =;r.etc.; •^ La l.b Le La ^' La ' cjLt=:Lu, rLtz=Lx, etc.-, et conséquemment t^ = Uy f^x, etc. Donc enfin à cause de «^ + '^by + 8cy + etc. = w , t+ ^t^ -{- ^ f" -\- etc. =z (à , équation, dumoins en apparence, algébrique, puisque q, r, etc., sont connues. Il ne s'agirait donc que de déduire de là la valeur de t, et de la substituer dans l'équation y =1 y- , pour avoir celle de l'inconnue y. 1 1 . En nous bornant ici au cas particulier que présente l'énoncé de la question; savoir, celui de o) = o, nous aurons t + ^ti-h ^t'' -h etc. =:0. Si nous supposons d'abord le nombre n des bou- les =2, l'équation B(§ 10) devient 2.y — i{i)y:=:zo; donc a = 2, f X l-^ -•! 1) > / -yrirr 4? ô =: O , CtC. Ct ^= -^ r= ■-. — = O ; Cl OU t 4 = C>, Ct . „ Lt lA il.i tz=^LL. Donc y = -7 — = -1-^= —, — = 2 , comme nous avons -^ La Li /.2 trouvé ci-dessus (§§ 8 et 9). DE PROBABILITE. i5i 12. Mais si nous supposons 71 = 3, l'équation A(§ 9) prend un terme de plus, et celle B{§ 10) devient en conséquence 3y — 6(2y + 3.2(iy = o. Donc a = '5, 7 = — 6, b=:2, ^=6, c=i et -j — =:<7 = -j-,5-: -j — r=rr=-7-^=o; dout t — b^. i'^ + La ■'■ L6 La /.o 6 = 0, équation qui, quoique sous une forme, en apparence, / o algébrique , est loin d'être telle , à cause de l'exposant -j^ qui ne peut être exprimé, ni par un nombre entier, ni par une frac- tion finie. i3. Dans la même hypothèse de 72 = 3, on a (J 7)Q==3>>' — 3. (2)?' + 3; et le nombre total N des événemens (§ i ) est ^=3^. Donc la probabilité d'amener les trois boules en y tirages sera ==: _A_i ; et la probabilité contraire étant = — =1 — ^^j^ — , le pari sera de 3-^ — 3(^)^ + 3 contre 'd{2)y — 3. Supposons le nombre y des tirages =:4; ce pari devient alors de 3'^ — 3. 16 + 3 contre 3. 16 — 3, ou de 81 — 4^ + 3 = 84 — 48 = 36 contre 45 ; c'est-à-dire , de 4 contre 5. i4. Nous connaissons ce résultat d'après la valeur que nous avons attribuée au nombre y des tirages : essayons maintenant de déduire, au contraire, la valeur de ce nombre du résultat lui-même. Il faut pour cela supposer l'expression des chances favorables; savoir, 3/ — 3 (2)^4- 3, dans le rapport de 4 à 5 avec celui 3(2)/ — 3 des chances contraires. Cette supposition s'exprime par l'équation {C)....SÇ>y — 3(2)y + 3) = 4 (3 (2)/ — 3), ou 5(3)^ — 27(2^-1-27 = 0; et il s'agit de conclure de là la valeur de l'inconnue y, qui doit se trouver = 4? comme nous l'avons établi a priori. 20. i52 SUR UNE QUESTION DE PROBABILITÉ. Nous avons donc ici {équat. B § lo) â5r=3, b=z2, 7 = — ^, ^ = ^, c=: I , wr=o; dou ^= -^-ô- j r=-j-ô-=: o ; et ensuite (D) i( — ^^.TT+i/^o. Or, puisque ^= a/ (§ io) = 3^=z8i, par notre propre détermination, si nous substituons dans le ler terme de notre équation 81 k t^ nous aurons 81 — ^^ /.3 + 1.1 i^ ^ = 0, Ou4o5 27^7:3'-h27=:0,OU-^=:^/.3 — ^=l6 = 2l4; -^/.f = 4^-2; lt=:^^l?>^ t :=?>'' z=z8i, comme cela doit être. Ainsi nous sommes assurés que cette équation D est propre à nous faire découvrir la véritable valeur de l'inconnue y dans celle C. Mais cet exposant -j-^ , qui n'admet aucune valeur déterminée, nous arrête ici de nouveau. 1 5. Nous n'avons donc réellement réussi, par l'opération (§10) qu'à échanger une difficulté contre une autre qui n'est peut-être pas moindre. Mais nous avons dumoins obtenu par là d'avoir deux points d'attaque, contre un seul et même obstacle : et c'est avoir gagné quelque chose. Il me semble même qu'il j a plus d'espoir d'atteindre notre but par le second que par le premier. Aureste, n'envions point aux géomètres qui viendront après nous , le plaisir d'ajouter quelque nouvelle découverte aux con- naissances qui leur auront été transmises. Et posteri quid veritati conférant. Hic me lue iantem frustra octogesimus annus Occupât, lue artein, invilus , pennamque repono. Nunc onus excipiant quibus est intégra juv entas ^ M.e jubet hic œtas siud'ds imponere finenu NOTE ADDITIONNELLE. Sur la résolution de r équation Aa' + Bb" + Ce'' + Mm" =iO. Par m. DANDELIN. .ONSIEUR le Commandeur de Nieuport, dans le mémoire qui précède , étant parvenu à une équation de la forme ci-dessus , et n'ayant ni le temps ni, peut-être, la volonté de s'en occuper davantage , m'a fait l'honneur de m'en proposer la solution : en mettant donc cette addition à la suite de Fouvrage d'un sa- vant si justement réputé , je n'ai fait qu'obtempérer à son dé- sir, sans avoir la prétention d'ajouter rien de bien intéressant à ce qu'il y a mis lui-même. On peut d'abord se servir de la méthode si élégante qu'a donnée M. Legendre dans les mémoires qui forment le complé- ment de son bel ouvrage sur la théorie des nombres. Si l'on représente en effet par P la somme des termes qui, dans le polj-nome A«^ + Bè'^'... + M/tz* (que nous nommerons 9), ont leur coefficient positif, et par N la somme de ceux dont le coefficient est négatif, on aura 9=? — N, et pour que

■ ^%^\' y ( loge ^ \ loge J i56 NOTE ADDITIONNELLE. Dans cette équation, s'il y a deux racines réelles correspon- dantes aux deux valeurs de x dont nous cherchons à constater l'existence, leur valeur sera si petite qu'on pourra négliger les puissances de y supérieures à la deuxième, et il restera une équation du second degré en y laquelle indiquera si les deux racines de

car le terme A a —^ , par exemple , est égal à A "v^a". a" ; d'où l'on déduit u-\-v ( u - '^ \ log{Aa'-^)~h^log{Aa )-^log{Ka ) valeur très-facile à obtenir et qui donne tout de suite ka -7" au moyen des tables. Comme il faut se-servir de logarithmes , on ne doit pas essayer de trouver des racines avec plus de six caractères; ainsi le nom- bre des substitutions à faire entre deux limites différant de l'unité ne dépassera jamais vingt, puisqu'au delà leur utilité devient illusoire : encore faut-il observer que cela ne peut de- venir nécessaire que pour le quart du nombre des racines des dérivées successives de ç dans le cas le plus défavorable, et pour l'approximation des racines de

^ + Cc^ + Dd"". Nous observerons d'abord que l'on a "^ [ A"a"'-^ + B" ] = b"^f, équation dans laquelle A" = A(^-j^ — J , B" = By^— et«'" = -^, et qui n'a d'autres racines que celles de/! Or, cette dernière est facile à résoudre; on aura donc de NOTE ADDITIONNELLE. iSg suite les limites de sa racine, ou de la racine de F'. On se ser- vira de celle-ci pour trouver les limites des racines de F, ou de son équivalent <]) , et ainsi de proche en proche on remon- tera jusqu'à (p. On remarquera queyne peut avoir plus d'une racine, F plus de deux, ^j; plus de trois, cp plus de quatre, et qu'ainsi le nom- bre des racines réelles d'une équation à inconnues exponentiel- les ne peut dépasser le nombre de ses termes, proposition re- marquable, et que l'on démontrerait difficilement en mettant l'équation sous la forme algébrique. On voit donc qu'on pourra toujours et sans beaucoup de calculs résoudre l'équation proposée, du moins quant à ses racines réelles; il ne nous resterait, par conséquent, qu'à mon- trer sur un exemple l'emploi de la méthode que nous avons indiquée ; mais outre que cela ajouterait trop à la longueur de cette note, l'application d'une équation quelconque est si aisée, que nous n'avons pas cru devoir nous en occuper davantage. MÉMOIRE SUR QUELQUES CONSTRUCTIONS GRAPHIQUES DES ORBITES PLANÉTAIRES Par a. QUETELET. Tome III. 22 m/%nvinrv^iv%niv^%ivv%/iJ^'u^ivv^iv^'vv^<^^ivv%ivvt%iv«i%/\^ MÉMOIRE SUR QUELQUES CONSTRUCTIONS GRAPHIQUES DES ORBITES PLANÉTAIRES, LiE but de ce mémoire est de présenter quelques construc- tions graphiques des orbites planétaires, en supposant qu'un ou plusieurs de leurs élémens soient déjà connus, ou que tous soient encore à déterminer par l'observation. I. Commençons par un des cas les plus simples. Delambre dans son grand traité d'Astronomie , et Biot dans les notes de son Astronomie physique, ont donné une méthode pour calcu- ler, par trois observations, trois élémens de l'orbite d'une pla- nète (i) : mais ces deux savans astronomes, indépendamment (i) M. Bouvardàe son côté avait trouvé la même méthode. M. Delambre, en supposant le mouvement moyen inconnu , indique les équations qu'on aurait à résoudre. Nous observerons qu'il faudrait lire , page 126, 2^ volume, p — n dz dXi lieu de n dz q — ridz n dz r — 71 dz nd?:., 22. i64 MÉMOIRE de rinclinaison de l'orbite et de la position des nœuds, regar- daient comme connu le moyen mouvement de l'astre. Dans la solution graphique du même problême, nous verrons qu'on peut se passer de la dernière donnée; et nous ferons connaître plus loin une formule pour la déterminer quand elle est incon- nue et que l'on emploie l'analyse. Prenons pour exemple la construction de l'orbite de la co- mète observée au mois de mai 1822. La longitude du nœud était de 177» 26' 56' et l'inclinaison de l'orbite de 53^ 3j' ili\ d'après les calculs faits à l'observatoire royal de Paris. De plus on avait trouvé , par observation , pour le même astre : Mai. longit. géoc. latitude géoc. B. le 18 à 22"^ i3' 4" 87o45'i3" 120 34' 34" le3ià2i5oio 92 2 7 21 ioi3 et l'on avait pour le soleil : longit. 0 ray. vect. © 570 19' 34" 1,0122 690 47' 21' 1,0145, Ces deux observations avec la longitude et le rayon vecteur du soleil , que font connaître les tables astronomiques , suffi- sent pour la solution du problême. Prenons pour plan de projection horizontale le plan même de Fécliptique , pour ligne de terre une droite L M perpendi- culaire à SJ(o, ligne des nœuds de la comète. Connaissant par hypothèse la longitude du nœud, nous pourrons construire l'angle (^ S r que forme JtS avec la ligne équinoxiale ^8=2=. SUR LES ORBITES PLANÉTAIRES. i65 Nous connaissons aussi l'inclinaison de l'orbite de la comète sur le plan de l'écliptique ; l'une de ses traces étant (51) S , l'au- tre dans le plan vertical sera S//, en faisant l'angle LS/z' égal à l'angle d'inclinaison de l'orbite. Les tables du soleil nous donnent ensuite, pour chaque ins- tant du jour, les longitudes du soleil et les distances de cet astre à la terre. Nous avons donc les données nécessaires pour déterminer les deux points T et T où se trouve la terre aux instans des deux observations données. Si l'on se reporte maintenant aux époques où l'on a observé la comète, on doit avoir aperçu cet astre selon deux droites dont les projections horizontales T H et T' H' sont connues , ainsi que les projections verticales th et t h' , puisque Ton con- naît quelles étaient en ces points les longitudes et latitudes géocentriques de la comète. Ces deux rayons vecteurs vont rencontrer le plan de l'orbite en deux points dont les projec- tions verticales h et H sont déterminées par la rencontre des droites th et tJï avec la trace du plan; et les projections hori- zontales seront en H et H' à la rencontre des droites AH, fï H' et TH, TH'. La connaissance de ces deux positions de la comète dans le plan de son orbite, va nous donner les moyens de cons- truire la parabole qui en est la trajectoire. Concevons d'abord le plan de l'orbite 7i S So rabattu sur le plan de l'écliptique, en le faisant tourner autour de la ligne des nœuds \ les points (/z. H) et (//, H')^ pendant ce mouve- ment demeureront contenus dans des plans perpendiculaires au plan de l'écliptique qui auront pour traces deux droites pas- sant par les points H et H' , et perpendiculaires à la ligne des i66 MÉI\ïOIRE nœuds. Quand le plan de l'orbite sera entièrement dans le plan de rëcliptique , les deux points où l'on a aperçu la comète vien- dront se placer en G et G' à des distances égales aux droites S/z et S h'. Il ne restera plus alors qu'à faire passer une para- bole par les deux points G et G', de manière que son foyer soit en S , au centre du soleil. On pourra à cet effet employer la construction suivante. Avec une ouverture de compas égale à la différence des rayons vecteurs S G , S G' , on décrira la cir- conférence i?i, et la droite Ci^ qui lui sera tangente, sera une perpendiculaire au grand axe SB de la parabole. Pour se donner d'autres points de l'orbite, on fera les per- pendiculaires c G et cG, égales aux rayons vecteurs S G et S G', et par les points c et c on mènera la droite c'cB. Toutes les perpendiculaires telles que cG, seront alors égales aux rayons vecteurs correspondans S G : quant au sommet A de la para- bole , il sera sur le milieu de la distance S B. En remettant en place le plan qui contient l'orbite de la comète, il tournera autour de la droite ScR^; les points A, G et G', auront pour pro- jections horizontales dans le plan de l'écliptique a, H et H', et pour projections verticales a, h et h'. 2. Pour construire l'orbite d'une planète, il faudrait trois observations. On commencerait par déterminer, comme nous Pavons fait précédemment, les trois points, où les trois rayons visuels vont couper le plan de l'orbite : on ferait passer en- suite une ellipse par ces trois points. On pourra résoudre ce dernier problème par une construction semblable à celle que nous avons employée pour la parabole. Le second foyer de l'ellipse se trouverait au centre d'un cercle tangent à deux cer- SUR LES ORBITES PLANÉTAIRES. 167 des décrits des extrémités des deux plus petits rayons vecteurs avec des ouvertures de compas égales aux différences entre ces rayons et le plus grand rayon vecteur. Ce cercle serait de plus assujetti à passer par l'extrémité du plus grand rayon vecteur. Je me contente d'indiquer cette construction de l'ellipse, parce qu'on en trouverait facilement la démonstration , en observant que la somme de deux rayons vecteurs menés des foyers à un point d'une ellipse est une quantité constante. 3. Précédemment nous regardions comme connues la longi- tude du nœud et l'inclinaison de l'orbite; supposons que l'on ne connaisse rien que la longitude de la ligne des noeuds, et cherchons à déterminer par trois observations les élémens de l'orbite de la comète. Si nous n'employons que deux observa- tions et si nous construisons comme précédemment ; pour cha- que inclinaison L S U que nous pourrons donner au plan qui passe par la ligne des nœuds, nous aurons une nouvelle para- bole, et les sommets de toutes les paraboles se trouveront sur une courbe; de sorte qu'en n'employant que deux observations, le problème resterait indéterminé, puisque nous saurions seu- lement que le sommet de la parabole cherchée est sur une courbe que l'on sait construire. Mais si l'on prend avec la troi- sième observation qui n'a pas encore été employée, une des précédentes, on pourra construire une seconde courbe qui con- tiendra aussi le sommet de la parabole cherchée. Le problème se réduit donc à chercher le point d'intersection des deux cour- bes qui sont les lieux des sommets de toutes nos paraboles. La construction serait la même pour une planète, seulement il faudrait employer quatre observations et déterminer égale- i68 MÉMOIRE ment le point d'intersection de deux courbes qui seraient les lieux des sommets des ellipses; ou bien encore on pourrait con- struire les deux courbes qui sont les lieux des seconds foyers. 4. Si l'inclinaison de l'orbite était connue au lieu de la ligne des nœuds, il faudrait encore employer des procédés à peu près semblables. En conservant au plan S h' toujours la même inclinaison donnée, on ferait tourner sa ligne d'intersection sur l'écliptique de manière à ce que ce plan fut toujours tan- gent à un cône droit dont le sommet est en S et dont l'axe est vertical au plan de l'écliptique; à chacune de ses positions répondrait un nouveau sommet de parabole, quand on n'em- ploierait que deux observations. Le sommet de la parabole cherchée dépendrait donc encore de l'intersection de deux lignes qu'on peut construire. La détermination de l'orbite d'une planète rentrerait dans la même construction. 5. Passons maintenant à l'hypothèse où aucun des élémens d'une orbite planétaire ne serait connu. Il faudrait employer alors au moins trois observations pour une comète et quatre pour une planète. La marche que l'on suivrait serait à peu près semblable à celle qu'on suit par l'analyse : c'est-à-dire, qu'on ferait une première hypothèse sur la longitude de la ligne des nœuds; et l'on construirait, comme nous l'avons fait précédem- ment (3), les deux lignes qui sont les lieux des sommets de toutes les paraboles ou ellipses. Si ces deux courbes n'avaient pas de point commun, il faudrait faire une nouvelle hypo- thèse sur la position de la ligne des nœuds, ou plutôt on pren- drait pour angle d'inclinaison de l'orbite, celui pour lequel les SUR LES ORBITES PLANÉTAIRES. 169 deux courbes se rapprochaient le plus. Alors regardant comme connue l'inclinaison de l'orbite, on chercherait la position des nœuds comme nous l'avons fait dans le paragraphe précédent. Après quelques essais semblables , on ne tarderait pas à trou- ver la véritable position du sommet de la parabole et cohsé- quemment tous les autres élémens de l'orbite. On pourrait, pour plus d'assurance, prendre les trois droites deux à deux et construire à la fois trois lignes qui devraient contenir le som- met de la parabole demandée. On conçoit qu'une pareille mé- thode ne peut jamais comporter le même degré d'approxima- tion que l'analyse; elle a cependant cet avantage qu'elle est expéditive et qu'elle peut donner d'abord une idée bien suffi- sante de la position d'une orbite. Un peu d'habitude de la géo- métrie descriptive en fera sentir la commodité : elle n'exige d'ailleurs pas de connaissances bien étendues dans les mathé- matiques comme les méthodes qu'enseigne l'analyse. 6. Cherchons maintenant à nous former une idée plus juste de la ligne qui est le lieu des sommets de toutes les paraboles situées dans un même plan, qui ont pour foyer un point donné et qui sont assujettis à passer par un autre point également donné. Cette ligne est l'épicycloïde engendrée par une circon- férence qui roule sur une autre de même rayon : son diamètre est la distance des deux points donnés et son point de rebrou s- sementest au point qui doit servir de foyer commun (i). (1) Voyez, pour les propriétés de cette courbe, le mémoire sur les Caus- tiques inséré dans ce volume. Tome III. ' • 23 ryo MÉMOIRE Si l'on donne le foyer et un point de la parabole , sans fixer la position du plan qui doit la contenir , le sommet du grand axe ne pourra se trouver que sur la surface de révolution en- gendrée par l'épie je] oïde en tournant autour de la droite qui joint les deux points donnés. Si en même temps que le foyer, on donne deux points de la parabole, le sommet ne pourra se trouver que sur la ligne d'intersection de deux surfaces de révolution engendrées par des épicycloïdes , autour des droites qui vont du foyer vers les deux points : et comme d'ailleurs le sommet doit être dans un même plan avec les points donnés, il se trouvera à l'in- tersection de ce plan avec la ligue précédente. Si l'un des deux points était indéterminé, mais de manière ce- pendant à être assujetti à se trouver sur une droite , la position du sommet de la parabole serait aussi indéterminée et se trou- verait sur une courbe tracée sur la surface de révolution engen- drée par l'épicycloïde qui a pour axe la droite menée du foyer au point fixe. L'indétermination serait pins grande encore, si l'on ne don- nait que le foyer de la parabole avec deux droites renfermant chacune un point de la parabole; le sommet serait alors sur une surface dont la courbe précédente serait une caractéris- tique. Pour faire cesser l'indétermination il faudrait donner, avec le foyer , trois droites ayant chacane un point appartenant à la parabole. En prenant alors ces droites deux à deux avec le foyer, on aurait trois surfaces semblables à celle dont nous SL^R LES ORBITES. PLANÉTAIRES. 171 avons parlé précédemment, et le sommet de la parabole cher- chée serait un point commun à ces trois surfaces. 7. Nous avons dit précédemment que le lieu des sommets de toutes les paraboles assujetties à avoir leur foyer en un point et à passer par un autre point donné dans l'espace, était la surface engendrée par une épicycloïde tournant autour de la droite qui joint les deux points donnés. Si l'on cherchait le lieu des sommets de toutes les paraboles ayant leur foyer com- mun en un point et tangentes à une droite donnée dans l'es- pace : ce lieu serait une circonférence située dans le plan de la droite et du point, et ayant pour diamètre la distance du point à la droite. Si les paraboles devaient être tangentes à un plan , le lieu de leurs sommets serait la surface d'une sphère ; de sorte que si l'on avait à construire une parabole tangente à trois plans et ayant son foyer en un point donné, il faudrait de ce point abaisser des perpendiculaires sur les trois plans , construire des sphères sur ces perpendiculaires prises pour diamètres, et le point qui serait commun aux trois surfaces, serait le sommet demandé de la parabole (i). 8. Nous avons parlé au commencement de ce mémoire d'une formule qui donne le mouvement moyen d'un astre : nous allons employer pour y parvenir la série de l'équation du centre cal- culée par Cagnoli. Nous observerons d'abord qu'il est un moyen (1) En partant de ces principes on peut résoudre d'une manière assez simple plusieurs problêmes que se propose Newton dans la 4*= section du premier livre des Principes. On pourra consulter sur cette partie le 2^ vol. de l'Astronomie de Lalande. 23. MÉMOIRE 172 simple de se représenter les différentes grandeurs de l'équa- tion du centre qui correspond aux différentes anomalies moyen- nes d'une planète dans son orbite. En effet en nommant v l'anomalie vraie , nt l'anomalie moyenne et e l'excentricité de l'orbite, on a sans erreur sensible (i) \ = 711+ 2.6 sin.nt. Or 5 concevons un cercle et sur les différens points de la cir- conférence correspondans aux angles nt, élevons des perpen- diculaires égales en longueur à l'équation du centre 2 e sin.nt. Toutes ces perpendiculaires se trouveront sur une surface cy- lindrique et leurs extrémités seront sur une ellipse, comme on pourra s'en convaincre sans peine. On verra de plus que cette ellipse a une excentricité égale à celle de l'orbite de la planète et que son centre se confond avec celui du cercle. 9. Soient maintenant t, t , t" , t" les instans des observations comptés d'une époque quelconque, V , v' , v" , V'" les longitudes de la planète réduites au plan de son orbite , à ces instans , e l'excentricité de l'orbite , n le moyen mouvement de la planète, TU la longitude du périhélie, T le temps écoulé depuis le passage au périhélie jusqu'à l'épo- que où l'on commence à compter le temps. (1) Mécan, de Poisson, pag. 368, 1" vol. SUR LES ORBITES PLANÉTAIRES. 175 T , 72 , e , TC seront les inconnues qu'il s'agit de déterminer. Or , nous avons par la série de l'ëquation du. centre , en négli- geant les termes, où e se trouve à la seconde puissance (i). 7z(T + i{ ) = !' — TU — ie sin{y — ir) , . 1 7z(T + ^' ) = -t'' — TU — ie sin{y' — tu) ^'^ ^n\Y-^ï')=^v" -"K — iesin{y" — -^^ 7Z (T + i")=z v'"— T:-^2esm [p'"— x). En faisant la différence de ces équations , on obtient : in{t' — t)z=p' — p — 2e[sin{p' — tc) — sin(p — ii;)] (2) l^i^" — t) = p" — p — 2e [sin (p" — Tz) — sin (p — tc)] j n (f — 1) = p'" — p — 2 e [sin (p" — Tî) — sin (p — 77)] Divisons la première de ces équations par les deux autres , et faisons p' — p =p i p" — p ^=p'j p" — p =p" : nous obtiendrons nq — p sin (p' — x) — 5/72 [p — tt) nq' — p sin{p" — tc) — sin{p — tt) nq — p , sin {p — ^ ît) — sin [p — ^- tz) nq'—p" sin{p"' — x) — sin{p — tt) Si Ton met au lieu de p' sa valeur, on aura pour le premier numérateur, sin [p — tt) — sin {p — %') = sin {p-h p — tc) — sin [p — 77) == sijip cos{p — tt) 4- sin {p — tt) {cosp — i ). (1) Voyez ^Astronomie de Delamhre ^ 2® vol. pag. 126. 1^4 MÉMOIRE En effectuant de semblables transformations dans les numérateurs et dénominateurs des seconds membres , et en divisant tous les termes par cos {y — -î:) , on aura r sinp — 2 siri" \ p tang {v — x) sinp — 2 sinr \p tang {y — x) sinp — isirû^p tangiv — tz) . sinp — 2 sin"^ ^p" tang [y — n) en égalant les valeurs de tang{v — tt) tirées de ces équations, on obtient sin p — r sin p' sin p — r sinp" (3). . . - 2 tang {V - x) =,i,^^p__rsi,f^-^ "= siri^^p-^rsin'^^p ou bien r {sinp sin'^p — sinp' sin' {p) + r'{sinp'sîn'{p — sinp sin'^p") -h rr' {sinp sin'\p' — sinp' sin^ {p) = o. Remplaçons r, r par leurs valeurs et représentons les constan- tes par les lettres jn^ m' et m"y de manière qu'on ait : m" = sinp sin" {p — sinp' sin" \p m! z= sinp" sirf ^p — sinp sin" ^p" m = sinp sin' {p" — sinp" sin" \p' : nous aurons nq — p nq — p nq — p nq — p Faisons disparaître les dénominateurs et divisons tout par nq—p^ ( ^ i -^P ) ^^' -^{^i —p )rrî + {nq —p )mz=o: SUR LES ORBITES PLANÉTAIRES. 17^ on obtient enfin pour n une fraction d'une forme très-symé- trique , n m + p ni -f- 'd' ni' , ,>, n — -i- , , , . . n (4). qm-\-qm -\- q m ' Les valeurs de m, m! et wî' n'étant pas disposées d'une manière très-favorable pour le calcul des logarithmes, nous allons tâcher de leur donner une forme plus simple et plus symétrique en même temps. m' = sin p siïf^j) — sini^ sin^ ^p = 2 sin ^p cos ^p sin" ^p' — 2 sin ^p' cos ^p' sin" ^p = 2 sin^p sin ^p' [sin \p> cos ~p — sin ^p cos ^p'J = 2sin^p sin ^p' sin ^ {p — p') : on aura de même m' = 2 sin ^ pi' sin \p sin ^ {p" — p ) m =2 sin \p sin ^p"sin ^{p — p"). Le calcul deviendra maintenant plus simple, surtout si l'on donne à la fraction (4) la forme suivante : , m' „ m' nz=z 7 ~ (5). quand on aura la valeur de /z^ les valeurs de tc, (? et T se dé- duiront des formules (3), (2) et (1), qui ont été obtenues pré- cédemment. Mais il faut observer que l'on n'aura alors qu'une première approximation: pour avoir des valeurs plus exactes, il faudra opérer ensuite comme Biot l'a fait pour l'exemple qu'il propose. 176 MEMOIRE 10. Appliquons maintenant ce qui précède à un exemple nu- mérique. Nous choisirons quatre observations du soleil que M. Bouvard a bien voulu extraire des registres de l'observa- toire de Paris (i). Pour obtenir de plus grandes approximations, il faut choisir autant que possible les observations à 90» de distance l'une de l'autre. Les observations suivantes ont été faites en 18 19 : elles sont exprimées en temps moyen compté du premier janvier à minuit, 5 janvier à 12'' 4' 38", 5 :=t . longitude 0 = 9% 12° 20' 67", 9 = t^ . 6 avi'il à 12^ 2' 4o", 3 = ^' o i5 5o 62 , 1 = p' . 5 juillet à 12'' 4' 2", x = t" 5 12 35 o , 3 = %^". 1 octobre à 1 1'' 49 62", 8 = t'" 6 7 2641,8 = v'" . on en déduit les différences suivantes t — 3,5o3223 i'= 96,501854 \-*= f'99Sf^ =? ." = 186,502802 IrT ^^^'999^79=5^^^ r=274,492972 ' -'- 270,989749=., v' —p = 5' 3° 29' 54", 2 = 336594", 2=7? i}" — p = 6 o 12 2,4= 648722, 4 =p' ij'" — ^ = 825 5 43,9 '^^ 954345, g=p" ^jj = 1^16° 44' 57", 1 4«i6°38'55",9 — -^ ~^' tP =3 061,2 4 17 53 9,2 ^ p" — P ^j}" = 4 12 32 52 ,0 2 20 47 54 ,9 — ~ 2 P'-P' 1 (1) Je saisis cette occasion pour remercier M. Bouvard ainsi que MM. Ara- go , Matthieu et Nicollet, astronomes à l'observatoire royal de Paris , pour les renseignemens qu'ils m'ont communiqués et pour l'intérêt qu'ils ont témoigné prendre à la formation d'un observatoire dans nos provinces méri- dionales, lorsque, pour cet objet, j'avais été envoyé en France par S. M. le Roi des Pays-Bas. Malheureusement ce projet, si noblement conçu par SUR LES ORBITES PLANÉTAIRES. 177 Nous croyons inutile de prévenir qu'en mettant la valeur cie n sous la forme (5), nous avons fait disparaître quelques fac- teurs. logshi^p 9,86254686 logsm.^{p"—p) 9,99885159 19,86117825 hgsïn^p 9^99999935 log sin \{p' — p") 9,82924824 log — o,o5i95o66 o,o5i95o66 logp 5,81206887 logq 2,26244018 5,84598955 2,29457084 p'^ = 6982i5",4 q'^= 196,95669 logsin\p' 9?99999955 logsïn^[p — p') , 9,85662oo4 19,85661959 logsh\\p" 9,86729674 logsm^[p' — p") 9,82924824 log o,i4oo744i o,i4oo744i logp" 5,97970491 logq" 2,45296291 772.' 6,11977952 2,67502752 P"^ == 1517686,7 574,15419 698216,4 196,96669 556694,2 92,99865 2552596,5 664,08961 M. Falh, à qui les sciences doivent plus d'un établissement utile, semble avoir été ajourné, comme si nos provinces étaient destinées à être privées pour toujours d'un des monumens scientifiques qui contribuerait le plus à leur sloire. MÉMOIRE SUR LES ORBITES PLANÉTAIRES. log{pjn -{- jJJtî -\- p'm) 6,57i5io56 log[qjn-\- q'?n'\- q"ni) 2,82222664 /o^ 72 = 3,54928592 n = 3542",29 mouvement moyen calculé. 3548, 00 mouvement moyen. — 6 ",01 erreur du calcul. Connaissant la valeur de n, le reste du calcul pour déterminer les valeurs de e ,1: et T se ferait comme dans l'exemple calculé par M. Bouvard, que l'on trouve dans l'Astronomie physique de Biot ; les formules sont les mêmes que celles que nous avons indiquées plus haut. FIN. MÉMOIRE SUR LE PRINCIPE DES VITESSES VIRTUELLES; Par m . M. G. PAGANL PRÉSENTÉ A L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES DE BRUXELLES , EN DÉCEMBRE 1824. Tome III. 25 INTRODUCTION. .L'importance de la mécanique dans la physique et, en gé- néral, dans l'analyse des phénomènes dont les élémens peu- vent être soumis au calcul, est tellement reconnue aujourd'hui, qu'il serait au moins superflu de la confirmer par de nouveaux raisonnemens. Il nous suffira donc de faire seulement remar- quer que tout problème de physique mathématique, si l'on en excepte la théorie de la chaleur , n'est au fond , qu'un problème de mécanique. Cette science elle-même n'est plus , depuis quel- que temps, qu'une application de calcul intégral. C'est en combinant la méthode des variations avec le prin- cipe des vitesses virtuelles que Lagrange a résolu de la ma- nière la plus générale et la plus complète le plus grand de tous les problèmes des sciences spéculatives j et l'on a pu dire avec raison , qu'après lui il ne restait plus rien à faire dans cette partie des connaissances humaines , qui est du ressort de la mécanique proprement dite. Cependant on se tromperait beau- coup en croyant qu'il n'y aurait plus rien à dire, tant sur la démonstration du principe fondamental de la mécanique que sur ses applications à la découverte des principales lois et des propriétés générales de l'équilibre et du mouvement. 20. 152 INTRODUCTION. L'objet que nous nous sommes proposé en écrivant ce mé- moire a été de donner une démonstration à la fois simple et rigoureuse du principe des vitesses virtuelles, et d'en déduire de la manière la plus facile et la plus uniforme toutes les con- séquences quij traduites en langage ordinaire, sont communé- ment désignées sous le nom de lois et propriétés générales de la mécanique. Nous n'avons eu besoin pour cela de nous ap- puyer sur aucun principe qui aurait eu besoin d'être démon- tré; et nous avons ramené la démonstration de toutes les lois et de toutes les propriétés générales de l'équilibre et du mou- vement à deux seules transformations principales de la formule fondamentale. njv\%iv^fviJi\'i)%iV%itiVV^%/%i%iv%mi%/v&ivii^f%i\itivviit/^/\fm)ir^/iiiLiv%ii%^ MÉMOIRE SUR LE PRINCIPE DES VITESSES VIRTUELLES. PREMIÈRE PARTIE. Démonstration du principe des vitesses virtuelles. I. JLe principe des vitesses virtuelles a été rendu très-général par Lagrange qui l'a énoncé le premier de cette manière : ce Si » un système quelconque de tant de corps ou de points que y> l'on veut , tirés chacun par des puissances quelconques , est y> en équilibre, et qu'on donne à ce système un petit mouve- » ment quelconque, en vertu duquel chaque point parcoure y) un espace infiniment petit qui exprimera sa vitesse virtuelle, y) la somme des puissances multipliées chacune par l'espace » que le point où elle est appliquée, parcourt suivant la direc- )) tion de cette même puissance , sera toujours égale à zéro , » en regardant comme positifs les petits espaces parcourus » dans le sens des puissances, et comme négatifs les espaces » parcourus dans un sens opposé. » i84 MÉMOIRE SUR LE PRINCIPE 1. Pour démontrer la vérité du principe que nous venons d'exposer, sans nous appuyer sur aucune considération mé- canique qui ne soit pas évidente par elle-même , nous suppo- serons d'abord que le système est réduit à un seul point par- faitement libre dans l'espace et sollicité par des forces quel- conques. On verra par la suite comment on peut ramener le cas général à celui-ci. Soit donc m un point de l'espace dont la position, rapportée à trois axes fixes et rectangles, sera détermine'e par les coor- données X} y, z; et soient P, Q, R, etc. les intensités des forces appliquées à ce point dans les directions des droites p y q, r, etc., tirées du même point à des points fixes. Pour éviter des répétitions dans la suite, nous conviendrons dès à présent d'employer les mêmes lettres accompagnées d'un ou de plusieurs traits pour exprimer des quantités de même na- ture et prises dans le même sens que celles qui n'ont point de trait. Cela posé , cherchons les conditions nécessaires pour que le point m soit en équilibre étant sollicité par les puissances P, Q, R, etc. Il est clair d'abord que si l'on donnait k x, y, z des valeurs telles, que le point m se trouvât dans sa position d'équilibre, il faudrait, en regardant les variations de ces coor- données comme des fonctions des intensités P , Q , R , etc. et de la direction des lignes/», q, r, etc. que ces variations se réduisissent à zéro pour chacune des variables oc, y,Zy autre- ment il ne serait pas vrai que le point m est en équilibre. Or , les intensités des forces qui sollicitent le point m ainsi que leurs directions sont des quantités indépendantes; par consé- quent la variation totale des coordonnées sera égale à la somme DES VITESSES VIRTUELLES. i85 de leurs variations partielles , dues à l'action de chaque inten- sité P , Q , R , etc. et à la direction dans laquelle elle agit ; en considérant successivement chacune de ces quantités comme existant seule. Donc le point m sera en équiUhre si la somme des variations de chaque coordonnée, considérée comme fonc- tion des quantités indépendantes (P , />) (Q, q) {^, r), etc. , se réduit à zéro. 3. Considérons les coordonnées x,y , z comme des fonctions de la seule puissance dont l'intensité est P , et qui tire le point jn dans le sens de la droite p menée du point 772 à un autre point fixe dont les coordonnées seront û5, b^ c; il s'agit de dé- terminer la variation de chacune des variables x, y , z, due à l'action P agissant dans le sens de la droite -p. Cette action consiste évidemment à faire varier la droite p d'une quantité proportionnelle à son énergie P, et si nous nommons ^p cette variation, il faudra prendre ^p=:wP, étant w une quantité infiniment petite et la même pour toutes les forces sollici- tantes. En outre puisqu'on a pz= v/(a;— «y + (j — ô)= + (z — c)' il viendra r dp\ X — a /dp\ j — b /'dp\ z — c \dx J p ' \dy J p ' \dz) p Supposons maintenant que la droite p varie d'une quantité Ip et que le point ttz, obéissant à l'action de la force P, se transporte sur cette droite à une distance ^p de sa position primitive ; et cherchons les variations correspondantes des coordonnées x , y , z, que nous désignerons par ^x^ ^j, et ^z. i86 MÉMOIRE SUR LE PRINCIPE Le point m n'ayant pas quitté la droite p , les coordonnées x^ y, z doivent satisfaire aux deux équations linéaires j — h:=k{x — ct)^z — cz='h{x — a) qui expriment les relations nécessaires entre les coordonnées de tous les points de la droite p. On aura donc en différenciant la valeur de p , et les deux membres des deux dernières équations , •^ X — a X — a Éliminons de ces dernières équations les valeurs ly. et â z , et nous aurons ^ \\dxJ X' — a \dy J x — a \ dz / ) ou bien en réduisant ^p=:-^^--^X = ~j— ' \dxJ d'où l'on conclura 4. Le même raisonnement étant appliqué aux autres puis- sances, on parviendrai des résultats semblables; et nous pour- DES VITESSES VIRTUELLES. 187 rons conclure que la variation complète de chaque coordon- née, en vertu des actions P, Q, R, etc., sera (sf) ^P-^(Sd^1+ (È) *'• + ^"^- P°"'" * Or, il est nécessaire pour l'équilibre du point m que chacune de ces sommes soit égale à zéro ; nous aurons donc , en obser- vant que S^p = wP,^^ = wQ,^r=wR, etc., et en divisant tous les termes par w , P^+Q^ + R^ + etc. ^o dx ax ax P^P + QËf + R^i + etc. =0 dj dy dy pJ£ + Q^ + R^ + etc. =0. clz az clz 5. Multiplions successivement ces équations par dx , dy , dz , et ajoutons les produits , il viendra ^ dv dv dv \ •+ R (^y- dx-\--rj-dy + -r- dz) + etc.. équation qui prend la forme très-simple (A) Vdp -^Q^dq + ^dr-^- =0. Nous pouvons donc réunir en une seule équation les trois Tome m. 26 ]88 MEMOIRE SUR LE PRINCIPE conditions nécessaires pour l'équilibre d'un point m libre de se mouvoir dans l'espace; mais il est très-important d'observer que dans l'équation (A) il faut considérer les lignes j^, ^t^, etc. comme des fonctions des variables indépendantes :v, j, z, et égaler séparément à zéro les coëfficiens des différentielles de cha- que variable indépendante. C'est en effet à cela que se réduit le principe des vitesses virtuelles lorsque le système en équi- libre n'est qu'un point libre dans l'espace. 6. Si le point m au lieu d'être libre était assujéti à se trou- ver sur une ou sur deux surfaces courbes à la fois , on peut imaginer deux nouvelles forces L, N, agissantes sur le poiut m dans la direction des droites /, tz, normales aux surfaces courbes données. En vertu de ces forces on pourra regarder le point m comme parfaitement libre, et l'on aura pour condi- tion de l'équilibre Vdp -hQdq -hRdr -^Ldl + ^dn = o. Cette équation se résoudra comme celle de l'article 5, en trois équations particulières qui, par l'élimination des incon- nues L et N , se réduiront à une seule équation de condition entre les forces données. Cette condition étant remplie on pourra déterminer les inconnues L et N à l'aide de deux quelconques des équations particulières. Cependant comme il est permis d'attribuer telle valeur que l'on veut aux différentielles dx, dy^ dz, dans la différentiation des quantités^;,, q^ r , etc.. / et n; rien n'empêche de donner à ces différentielles des valeurs telles que l'on ait dl^r=.dn=^o. Mais cela revient à soumettre le changement infiniment petit dans la position du point m aux équations de condition en DES VITESSES VIRTUELLES. 189 vertu desquelles il ne peut pas se mouvoir clans le sens des normales aux surfaces courbes données. Par conséquent l'équa- tion (A) sera encore vraie pour le cas que nous considérons, pourvu que dans la variation des lignes p_, q-, r , etc. on ait égard aux équations de condition qui peuvent limiter le dépla- cement du point m à certaines directions dans l'espace. 7. Il faut bien remarquer que l'équation (A) ayant lieu lors- que les variations infiniment petites des coordonnées x j y, z sont toutes arbitraires et indépendantes, elle exprime que le point m ne peut avoir aucun déplacement infiniment petit en vertu des forces sollicitantes. Mais si l'on établit des relations quelconques entre les coordonnées x, y , z, alors l'équation (A) exprime seulement que le déplacement du point m est im- possible dans certaines directions , tandis qu'il pourrait avoir lieu dans une infinité d'autres directions. Lorsque les relations entre les variables x ^ y^ z sont établies par les conditions mê- mes du système , il est clair que le point m ne pourra prendre aucun de ces derniers mouvemens, puisqu'ils sont tous détruits par des obstacles fixes; en conséquence l'équilibre aura toujours lieu si l'équation (A) est satisfaite , eu égard aux relations qui doivent exister entre les variables x, y, z. Cette remarque est très-propre à faire saisir le véritable sens dans lequel on doit interpréter l'équation (A), et elle donne, en même temps, la véritable explication du principe que cette équation renferme. 8. Pour généraliser maintenant les conséquencss précéden- tes et démontrer la vérité du principe des vitesses virtuelles appliqué à un système quelconque de corps ou points, obser- vons qu'il peut se présenter deux cas. 26. 190 MÉMOIRE SUR LE PRINCIPE i«. Si plusieurs ]3oints /w, ni ^ ni\. . . . sont tirés par des forces quelconques, et s'il n'existe aucune liaison entre eux, il faudra nécessairement que chacun d'eux soit en équilibre en vertu des forces qui le sollicitent. On aura donc autant d'équi- libres partiels qu'il y aura de points dans le système; et cha- cun de ces équilibres sera déterminé par les équations V dp ~i- Q dq -f- 'R dr -h . . . = o F dp'+ Q' dq'+B-'dr +...=0 P" dp" + Q" dq" + R" dr" + ...=o qui seront en nombre égal à celui des points m, m'y m" . , . On pourra appliquer à chacune de ces équations tout ce que nous avons dit dans les deux articles précédens relativement à un seul point m. Si nous ajoutons tous les premiers mem- bres des dernières équations nous aurons encore (B)... P dp + Q f/^ + R e/r + ... + F dp + Q' dq... + V" dp... = o. Ainsi nous n'aurons qu'une seule équation pour condition d'équilibre entre autant de points qu'on voudra, pourvu que tous ces points soient indépendans les uns des autres et que dans la variation des lignes p, q, r, ... p , q, . . . p" ... on regarde les variables x, j, z, x',y, z , x",f", z" ... comme indépendantes. C'est en effet de cette manière qu'il faut enten- dre le principe des vitesses virtuelles dans le cas présent. 2^. Si les points 7n, m' ^ irî' . . . sont liés entre eux d'une manière quelconque en vertu de certaines équations de condi- tion, les différentielles dx^ dy, . . . dx, dy' ... ne seront plus DES VITESSES VIRTUELLES. 191 toutes indépendantes, ou bien le système ne pourra être dé- placé et dérangé d'une manière arbitraire. Mais si nous imagi- nons qu'à chaque point m on ait appliqué de nouvelles forces U, V, etc. dans des directions u^ v^ etc. et telles que par leur moyen chaque point devienne tout-à-fait libre, il est clair que l'équation (B) subsistera encore pourvu que l'on ajoute à son premier membre un certain nombre de termes de la forme Vdu^Y dv^ etc. Observons aussi que l'action des forces U, V, etc. ne peut être qu'égale et contraire à la résistance produite par la liaison des différentes parties du système , liaison qui s'op- pose à certains déplacemens infiniment petits, tandis qu'elle n'empêche nullement d'autres petits mouvemens-. Cela posé, considérons les points 7?z, ttz', 7/2", etCo comme li- bres et indépendans les uns des autres , et déplaçons infiniment peu le système d'une manière quelconque , sans cependant qu'il en résulte aucune réaction provenant de la liaison de ses diffé- rentes parties ; il est certain que l'équation (B) aura encore lieu si le système est en équilibre, et si l'on tient compte de tou- tes les forces qui ont une action quelconque sur chaque point 772, puisque, en vertu de toutes ces forces, on peut le regarder comme parfaitement libre. D'un autre côté les dif- férentielles des coordonnées de chaque point ne seront pas toutes arbitraires, devant satisfaire aux équations de condition qui sont données par la nature même du système en équilibre. Réciproquement si dans l'équation (B) on prend les différen- tielles des coordonnées de chaque point de telle sorte qu'elles satisfassent aux équations de condition, les points 772, 772', 772'... auront été déplacés infiniment peu sans réagir les uns sur les autres. Par conséquent tous les termes qui contiennent les for- ées produites par la liaison des diverses parties du système 192 MEMOIRE SUR LE PRINCIPE disparaîtront et l'on aura encore la même équation (B) dans laquelle il n'entrera plus que les seules forces données et réel- lement agissantes. 9. Nous allons ajouter quelques développemens qui feront mieux apprécier la conséquence que nous venons de tirer dans le paragraphe précédent. Soit un système quelconque de points tirés chacun par autant de forces que l'on voudra , et suppo- sons d'abord que ces forces soient tellement distribuées que chaque point soit en équilibre séparément; alors l'équation (B) sera évidemment satisfaite en attribuant aux différentielles des coordonnées de chaque point des valeurs arbitraires. Mais dans ce cas rien n'empêche d'imaginer telle liaison que l'on voudra entre quelques-unes ou toutes les parties du système ; et si l'é- quilibre subsistait auparavant il devra encore subsister. Or, quel est l'effet de cette liaison entre les parties du système? c'est visiblement d'empêcher certains déplacemens pour en laisser d'autres tout-à-fait libres. Ainsi nous pouvons conclure que si l'équation (B) est vraie pour le cas où toutes les diffé- rentielles des coordonnées sont arbitraires , elle sera encore vérifiée lorsqu'on établira telle relation qu'on voudra entre ces différentielles. Supposons maintenant que l'on soumette les dif- férentielles des coordonnées aux équations de condition que la nature du système exige; l'équation (B) nous fournira dans ce cas moins d'équations particulières que dans le cas précédent , qui seront cependant satisfaites lorsque le système sera en équilibre en chacun de ses différens points séparément. Mais que signifient alors ces équations particulières dérivées de l'é- quation (B)? Il est clair qu'elles empêchent tout mouvement dans le sj'^stème qui serait compatible avec la liaison de ses DES VITESSES VIRTUELLES. jgS différentes parties ; car si elles ne l'empêchaient pas , rien ne s'opposerait à ce que ce mouvement eut lieu; ce qui serait con- tre l'hypothèse. Nous disons maintenant que si ces équations particulières, dérivées de l'équation (B) , se trouvent vérifiées par des valeurs données des forces qui tirent les points du sys- tème , elles seront suffisantes pour établir l'équilibre dans tous les cas. En effet , si ces équations ont lieu , il est impossible que le système puisse prendre un petit mouvement quelconque compatible avec la nature des liaisons existantes entre ses dif- férentes parties ; mais alors il est clair qu'il n'en pourra avoir d'autres, puisque tous ces mouvemens seront contrebalancés par la réaction de toutes les parties qui sont liées ensemble. Donc il y aura nécessairement équilibre. lo. Concluons donc que l'équation (C) . . . P dp + Q dq + R dr -+■ etc. . .=zo nous fournira , dans tous les cas , les équations nécessaires et indispensables pour vérifier ou assurer l'équilibre d'un sys- tème quelconque ; bien entendu que les variations des lignes p, q, r, etc. doivent être exprimées en fonction de quanti- tés indépendantes des équations de condition , et qu'ensuite on doit égaler séparément à zéro les coëffîciens de chaque varia- tion arbitraire restante. Et comme c'est en cela que consiste le principe connu sous le nom de principe des vitesses virtuelles, ont est assuré de sa vérité dans tous les cas possibles; et l'on doit le regarder comme le véritable fondement de la mécanique. !%IV*IVil*/V%l%IVW^(V%lt(V1J*(VV%!4IV*|iWV\lVWlV(L%l/^IVW^IV''Wt/V^/^^ SECONDE PARTIE. APPLICATION DU PRINCIPE DES VITESSES VIRTUELLES A LA RECHERCHE DES PROPRIÉTp'S GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE ET DU MOUVEMENT. 1 1 . (Quelle que soit la manière dont les divers corps ou points d'un système sont disposés les uns par rapport aux autres, on peut toujours les concevoir comme ne formant qu'un tout dans lequel les diverses parties sont liées ensemble invariablement. Et il est clair que si l'équilibre subsiste dans un système quel- conque de forme variable , il ne sera pas troublé en imaginant le même sj^stème transformé en corps solide. Il doit exister, en mécanique des conditions ou propriétés générales indépen- dantes des mouvemens relatifs des corps ou points du système. Jfotre but est de découvrir ces lois ou propriétés générales. 1 2. C'est la considération d'un système de forme invariable qui nous fournira les lois générales de la mécanique en y ap- pliquant le principe des vitesses virtuelles. Ces lois avaient été découvertes avant que Lagrange les eut dérivées du principe dont nous venons de parler; mais elles en découlent d'une manière si simple et si directe qu'on peut dire qu'il a réelle- Tome III, in 196 MÉMOIRE SUR LE PRINCIPE ment fait avancer la théorie de la mécanique en les ramenant , le premier, à ce seul principe. Cependant nous verrons qu'on peut découvrir les mêmes lois d'une manière bien plus simple et plus uniforme que , peut-être ^ n'a fait ce grand géomètre. i3. La manière dont Lagrange se sert pour démontrer les propriétés générales de l'équiliJjre consiste à regarder un mou- vement quelconque imprimé à un système comme composé de trois mouvemens; i^ d'un mouvement de translation commun à toutes les parties du système; oP d'un mouvement de rota- tion qu'il décompose en trois rotations élémentaires autour de chaque axe des coordonnées; 3» des mouvemens partiels ou relatifs dépendans de la nature du système. Eiiler avait déjà employé la même considération dans un mémoire qui a pour titre, Découverte cTun nouveau principe de mécanique , inséré dans le volume de l'Académie de Berlin pour iy5o. C'est dans ce mémoire (^u^Euler a donné , le premier , les formules des variations infiniment petites des coordonnées de chaque point d'un système quelconque de forme invariable. Lagrange a dé- montré ensuite les mêmes formules et s'en est servi pour éta- blir les équations des conditions nécessaires pour l'équilibre d'un corps solide. Mais il faut convenir avec lui que les consi- dérations à^Euler ne sont ni très-simples ni très-rigoureuses. Nous pensons de plus qu'il vaut mieux démontrer que tout mouvement instantané d'un corps solide se compose toujours d'un mouvement de rotation et d'un mouvement de translation, que de faire servir cette notion à la découverte des lois de l'équililjre d'un système invaria]}le. Cela est si vrai que l'on suppose d'abord la rotation autour d'un point, tandis qu'elle se fait toujours autour d'une droite , comme nous verrons dans la suite de ce mémoire. DES VITESSES VIRTUELLES. 197 C'est pourtant par la considération de ces deux mouvemens , et en s'aidant du calcul différentiel qu Euler a trouvé les for- mules pour exprimer les variations des coordonnées de tous les points d'un corps solide mobile dans l'espace. A la vérité Lagrange est parvenu aux mêmes formules par la simple con- sidération de la distance invariable entre tous les points d'une masse solide; mais sa démonstration, fondée sur les principes des infiniment petits des différens ordres , n'est pas aussi claire qu'on pourrait l'espérer; et nous croyons en outre que cette manière de raisonner n'est pas tout-à-fait conforme à l'inter- prétation la plus naturelle du principe des vitesses virtuelles. En effet, il résulte de ce principe que, pour obtenir les équations d'équilibre pour un système de forme invariable _, ou corps solide, il faut déplacer infiniment peu, et d'une ma- nière quelconque , ce système ou corps , calculer les variations qui en résultent pour les lignes p, q? r, etc., les substituer dans l'équation (G), et égaler ensuite à zéro tous les termes qui multiplient chaque variation arbitraire. Nous ne voyons pas dans cet énoncé ni la considération des deux mouvemens de translation et de rotation , ni celle de la distance invariable entre tous les points du système , quoiqu'on puisse les en dé- duire plus ou moins directement. Mais ce qu'on voit clairement dans le même énoncé , c'est qu'il faut imaginer le système , in- variable quant à sa forme, déplacé infiniment peu de sa posi- tion d'équilibre; et calculer ensuite si, en vertu de ce déplace- ment arbitraire , n'importe comment on l'ait opéré , le premier membre de l'équation (G) est réduit à zéro. i4. Or imaginons un corps solide de forme quelconque for- mant un système soumis à l'action simultanée de plusieurs 27. ,98 MÉMOIRE SUR LE PRINCIPE forces qui doivent se faire équilibre. Rapportons la position de chaque point du corps à trois axes rectangles fixes dans l'es- pace , et imprimons à ce corps un petit mouvement quelcon- que, ou bien concevons qu'il se soit infiniment peu déplacé de sa position d'équilibre. Il est clair que la variation de cha- que coordonnée d'un point quelconque du corps solide, qui résulte de ce petit dérangement , est absolument la même que si l'on eut laissé le corps dans sajposition primitive , pourvu que l'on fit changer infiniment peu la situation des axes des coor- données en les conservant toujours rectangles. Cette considéra- tion qui découle d'une manière si simple et si directe de l'é- noncé même du principe des vitesses virtuelles, va nous conduire aux formules qui nous serviront pour opérer la première trans- formation de l'équation (C), qui doit nous faire connaître les propriétés générales de l'équilibre et du mouvement. $ I. Recherche des formules pour exprimer les variations infini- ment petites des coordonnées de tous les points dhm corps solide. i5. Rapportons la position d'un point quelconque pris dans l'intérieur d'un corps solide à des coordonnées rectangles x^y, z. Imaginons un nouveau système de coordonnées rectangles placé comme on voudra par rapport au premier, et soient x' , y , z les nouvelles coordonnées du point m , on aura , par les formules connues des transformations des coordonnées, x =z 71+ px -^ qy -\- rz (a). . . ^y =zn -{- px --h q'y + rz z = ?ï' -{-p"x + q"y + r"z. DES VITESSES VIRTUELLES. 199 Les indéterminées n, p , q, etc. devront satisfaire aux con- ditions \ P q+P q -^p" q"^=o ^pr -^p r -\-p" r"=o ,qr+^ q'r'+ q"r"=:o. Soient maintenant x",y", z" trois nouvelles coordonnées du même point m rapporté à trois axes rectangles infiniment peu éloignés de ceux des x',y, z } nous aurons visiblement les for- mules Ix"= n-i- dn + {p+ dp)x~{-[ q-\- dq)y-\-{ r-f- dr)z j"= n'-h dn+{p'+ dp)x-{-{q'-\- dq)j-\-{ r + dr)z z''=TÏ'-\-diï'-\-lp''+dp'')x + lq''-^rdq')j + lr'+dr')z qui se déduisent de leurs analogues (a) en donnant un accrois- sement indéterminé et infiniment petit aux constantes ar}3i- traires n ^ p ^ q, etc. On trouvera de même les suivantes équa- tions de condition analogues aux équations (i). {p-{-dpJ-\~{q+dqy^{r-^dry~i^{p'-^dpJ-^-{q'+dqJ+{r-[rdry=:i^ (p"+dp'J-i-{q"-^dq"y + {r" + drJ=i {p + dp){q + dq) + {p' + dp'){q' + dq')^{p"+dp"){q"+dq")=:o {p +dp){r~hdr) + {p' + dp'){r' -h dr') -h (p"-udp"){r" ■+■ dr")=o {q + dq){r-i-dr) + {q'-i-dq'){r' + dr')-i-{q"-l-dq"){r"-hdr")=o. Mais en ajant égard aux équations (i), et en négligeant les infiniment petits du second ordre, les dernières équations se réduiront à ^pdp + qdq-^ rdr=. o,pdp+ q'dq'-i-f^'dr=o, p" dp" -+■ q" dq" -\-r"dr' =:.o {ly^lpdq -h qdp + p dq' -^ q dp -\- p" dq" + q"dp"z=^o pdr -\-qdr -\- p) dr + q dr -[-p" dr + q"dr" = o qdr H- rdq + q'dr + r dq' + q" dr H- r dq" =z o 200 MEMOIRE SUR LE PRINCIPE En outre si nous retranchons membre à membre les équa- tions (a) des équations (Z>), en observant que x" — x= doc , y — y = ciy , z" — z'= dz , nous aurons idx'= dn-\- xdp + jdq -f- zdr dy = dri + x dp -\- ydq + z dr dz =dn + xdp" -\-ydq -\- zdr . i6. Cela posé, supposons que les axes des x , y' , z' coïnci- dent avec ceux des x ^ y ^ z, on aura nécessairement x'z=x,y'=yy z^=z^ et les formules {a) nous donneront pour ce cas 7Z=i:0,jr7=I^Ç'=0,7'=0 r{ =. o , p ==: o, q =^ 1 , r = o 7Ï'z=zO,p"=::0,q"=0,r'=l. En substituant ces valeurs dans les équations (2) elles se ré- duiront aux équations très-simples dp=.o^ dq' = o , dr" = o dq + dp = o 5 cZr + dp" = o,dr' -{- dq" = o. Moyennant les valeurs que ces dernières équations nous fournissent on pourra mettre les formules (c) sous la forme idx = dn -\-ydq -{-zdr dy = djï — xdq -+- zdr dz = dri' — xdr — ydr - Observons que dans ces formules les quantités dn, dii , dn!\ dq, dr et dr^ sont tout-à-fait arbitraires et infiniment petites. Il est clair que dx, dy et dz ne sont autre chose que les dif- DES VITESSES VIRTUELLES. 201 férentielles des coordonnées x, y^ z prises en faisant varier infiniment peu la position des axes primitifs -, ou bien les dif- férentielles des coordonnées d'un point quelconque m d'un corps solide, lorsqu'on imprime à ce corps un petit mouve- ment quelconque qui le déplace infiniment peu de sa position primitive. Les formules {e) sont précisément les mêmes que celles qu'Eiiler a données le premier pour exprimer les varia- tions des coordonnées rectangles d'un point quelconque d'une masse solide , en faisant changer infiniment peu la position de la masse. Mais le procédé employé par Eiiler n'a rien de com- mun avec celui qui nous a servi ci- dessus. Nous verrons bientôt comment on pourrait trouver les formules {e) par un raisonnement analogue à celui qa'Eider a mis en usage , mais bien plus simple et plus expéditif. 17. Comme les différentielles qui entrent dans les seconds membres des équations {e) sont indéterminées, on peut faire , pour l'uniformité des formules, d/i = §^ y dTi^=:. ^u j dn = ^Ç ^ dq = — ^(ù, dr = ^^,dr' =z — ^, et autour de l'axe des z d'une quantité ^w. En effet, supposons d'abord que le point du système , qui est placé à l'origine des axes , soit fixe; on aura ^^ = 0, ^u=o, ^Ç = o. Ensuite faisons ^(^ = ^^^ = 0^ et les formules (/) deviendront On voit donc que tous les points qui se trouvent sur l'axe des z n'ont pas changé de place; et que par conséquent le dé- rangement du système, dû à l'indéterminée ^w, ne peut résul- ter que d'une rotation élémentaire autour de l'axe des z. Mais en posant x = rcos^, y = j\sin^j et en différenciant ces équa- tions dans l'hypothèse de r constant, on trouve où dh désigne évidemment l'angle qui mesure le mouvement angulaire du système autour de l'axe des z. En comparant les valeurs des différentielles dx et dy avec les variations ^x^^y on obtient par conséquent la variation ^w mesure la quantité de rotation du système autour de l'axe des z; c'est-à-dire, que pour avoir la valeur de ^w qui entre dans les formules (/), il suffit de ' . 28. 2o6 MÉMOIRE SUR LE PRINCIPE faire tourner le corps infiniment peu autour de cet axe, et de .prendre pour elle la vitesse angulaire de ce mouvement mul- tipliée par l'élément du temps. On prouvera de la même ma- nière que ^^1^ exprime la quantité de rotation du système au- tour de Taxe des y et ^ 9 celle qui aurait lieu autour de Taxe des X. 2.1. En résumant ce que nous venons de démontrer dans le numéro précédent, nous pourrons conclure que, quelle que soit la manière dont un système quelconque de forme invaria- ble ait été infiniment peu déplacé de sa position primitive, on peut concevoir ce déplacement comme composé d'un mou- vement de translation commun à tous les points du système , et d'un mouvement de rotation autour d'une certaine droite passant par le point du système qui se trouvait d'abord à Fo- rigine. Ou bien; tout déplacement infiniment petit d'un corps peut être regardé comme le résultat de la transposition suc- cessive de tout le corps parallèlement à lui-même; i» d'une quantité ^l dans le sens de l'axe des x ; 1^ d'une quantité (^u dans le sens de l'axe des y y 3^ d'une quantité ^'C dans le sens de l'axe des z ; en outre 4° d'une rotation ^

, etc. seront toutes indépendantes; par DES VITESSES VIRTUELLES. 2i5 conséquent on aura les six équations particulières dépendantes de chacune de ces variations arbitraires, savoir; («>•■ vmi%JVir^i'vv%'tuij%'vv%ivvi(%;viiivv&fv^i^j^iiiv^i%/%;^%fm)^i^ QUELQUES ERREURS CONCERNANT LA NATURE DU CHLORE, ET SUR PLUSIEURS NOUVELLES PROPRIÉTÉS DE l'aCIDE MURIATIQUE. JJepuis quelque temps on a opposé à la doctrine du chlore et de l'iode, considérés comme des corps simples, des résul- tats qui ne peuvent en aucune manière infirmer ce mode de considération ; un pareil aveu peut surprendre de la part d'un défenseur de la doctrine opposée; mais en nous attriJjuant des idées fausses sur la composition de ces deux comburans , on atténue la force de nos argumens et l'on remet à nos adversai- res des armes pour nous combattre. Nous disons que le chlore et l'iode sont des acides radicaux surcombinés d'oxigène et maintenus en composition avec l'aide de ce principe; que par le feu seul l'oxigène ne peut être séparé de ces radicaux et qu'ainsi ils ne sauraient être décomposés sans intermède, l'acide auquel l'oxigène est joint n'ayant point d'existence incombi- née -, mais ils peuvent être changés de composition par la sub- stitution d'autres corps à l'oxigène. On interprète ce cliange- Tome III, 36 268 MEMOIRE ment de composition en disant que les corps qui l'opèrent, contenant de l'oxigène, ce que de ce principe on recueille pro- vient de ces corps et non des comburans. Mais ce n'est pas cette question que nous prétendons entamer ; elle nous mène- rait trop loin; nous voulons simplement déclarer ne pas admet- tre la séparabilité , sans substitution, de l'oxigène d'avec les acides radicaux , du chlore et de l'iode , que des expériences récentes, lliites par les adversaires du chlore, ont supposée possible. Les premières de ces expériences ont consisté à faire réagir des muriates faibles et considérés comme exempts d'eau avec du charbon rendu incandescent. On a obtenu de l'acide muria- tique et une réduction proportionnée du métal. Sachant par l'expérience que la braise elle-même, deux fois rougie, lorsque, sortant de l'incandescence blanche, on l'em- ploie à faire de l'alcohol de soufre on n'est jamais sans obtenir de l'hydrogène sulfuré simple et carburé, j'ai essayé de dépouil- ler le carbone de cette portion d'hydrogène qu'évidemment le feu ne peut en expulser, en le traitant d'abord avec de l'eau de chlore. J'employai à cette expérience du noir d'huile de térébenthine; je lavai exactement, je séchai et fis rougir; mais pendant plus d'une heure, que dura l'incandescence, il ne dis- continua de se dégager de l'acide muriatique , ce qui était d'abord une preuve que de l'hydrogène se joignait au chlore, et démontrait ensuite avec quelle pertinacité l'acide muriatique reste adhérent au carbone. Je retirai du feu et fis digérer le carbone avec de l'eau ammoniacale faible; je lavai jusqu'à ce que l'eau ne précipitait plus le nitrate d'argent, puis je séchai de nouveau et fis rougir intensément dans une cornue : le SUR LA NATURE DU CHLORE. 269 quart cln. carbone fut détruit clans ce traitement , soit par la difficulté d'exclure tout air , soit d'une autre manière. Je fis rougir une troisième fois ce carbone dans un tube de porce- laine , n'en ayant pas à la main qui fut d'un verre assez peu fusible pour soutenir jusqu'au bout la cbaleur qu'exigeait Fopé- ration, et je le fis traverser par du mercure doux. On n'a pour cela qu'à le faire tomber dans le tube : il est aussitôt volati- lisé. Les produits étaient reçus dans un petit flacon dans lequel se trouvait de la pierre infernale en poudre. La présence du carbone m'a empêché de voir si du mercure doux noir et sans oxigène, que j'avais autrefois obtenu dans une circonstance bien moins propre à le produire que celle-ci , avait été pro- duit; ce que je recueillis fut du sublimé corrosif et du mer- cure vif ^ dans lesquels une partie du mercure doux fut ré- soute, puis de ce dernier mercure; mais presque pas d'acide muriatique. Ce mercure vif a été probablement mis sur le compte de la décomposition du muriate , et attribué à la sépa- ration de l'oxigène du chlore; mais alors l'acide muriatique restait à renseigner. Il ne serait toutefois pas impossible qu'en procédant avec du sublimé corrosif en place du mercure doux , du chlore, sortant de combinaison, se joignit à du carbone, et formât un composé quelconque entre ces deux corps , dont le produit concomitant serait d'abord du mercure doux et ensuite du sublimé corrosif et du mercure vif Ce doit être le fort feu qui détermine ce partage du mercure doux en place de sa formation en muriate à oxidulo-oxide qui, dans les cir- constances ordinaires, est opérée. Le tube de conduite avait été assez long pour que les produits concrets ne pussent arri- ver jusqu'au flacon et il avait été relevé vers celui-ci. Après fopération , on fit dissoudre la pierre infernale dans de Feau 3G. 270 MEMOIRE acidulée par un peu d'acide nitrique, mais la solution devint seulement louche, ce qui prouva que bien peu d'acide muria- tique avait imbibé le nitrate. J'ai ensuite pensé que la déshy- drogénation du carbone aurait tout aussi commodément pu être faite en le triturant et l'échauffant modérément avec le muriate suroxigéné de potasse. On peut, d'après ce résultat, récuser toute preuve de la sé- parabilité de l'oxigène d'avec le chlore qu'on voudrait déduire d'expériences analogues. On a ensuite produit une expérience faite d'acide phospho- rique opaque et pulvérulent que fournit la combustion vive du phosphore ; mais quand on considère que cette combustion est faite avec une substance qu'on doit conserver sous l'eau, et par de l'air hbrement circulant, puisque son produit attire l'eau avec non moins d'avidité qu'il l'a retient avec pertinacité, on pouvait facilement prévoir que la réaction de ce produit sur le sel marin en aurait dégagé de l'acide muriatique. Pour avoir de l'acide phosphorique adapté à cette expérience, il faudrait sécher le phosphore dans le vide et le brûler avec de l'oxigène qui a circulé à plusieurs reprises sur du muriate anhydre de chaux : un tel acide ne contiendrait pas d'eau , mais aussi ne dégagerait point d'acide muriatique d'avec le muriate de soude. Une troisième expérience, mais qui est encore moins déci- sive, a été faite avec la vapeur concrète de l'acide sulfurique fumant. On avait cru que cette vapeur concrète est de l'acide sans eau, tandis que c'est de cet acide plus de l'acide avec eau, ou plus la moitié de l'eau que contient ce dernier. Pour s'en convaincre on n'a qu'à la saturer par du sous-carbonate calciné SUR LA NATURE DU CHLORE. 271 de potasse et sécher le sulfate produit; on obtiendra de Feau dans le rapport exact qu'il est dit, et si cette vapeur concrète rencontre du gaz ammoniacal , elle s'en sature dans les 3/4 de sa substance et se décompose dans l'autre quart pour former de j'eau avec l'hydrogène d'une quantité correspondante d'ammo- niaque , ce qu'elle ne pourrait faire si elle n'était à moitié satu- rée d'eau, aucun sel ammoniacal ne pouvant exister sans ce li- quide ou une surcombinaison d'acide ou de sel. Il faut que dans la moitié de cette vapeur la troisième proportion d'oxi- gène reste fortement chargée de calorique pour pouvoir former de l'eau avec l'hydrogène de l'ammoniaque^ et aussi pour pou- voir oxider, comme elle le fait , l'argent. Le gaz résidu de l'expérience est de l'azote mêlé de gaz acide sulfureux. En sé- parant ce dernier par du borax , on trouve qu'il est en volume triple de l'azote. Il est curieux de voir la rapidité avec laquelle cette vapeur, étant broyée avec de l'iodate dépotasse, conver- tit l'acide de ce sel en iode, lequel, par la chaleur produite, se volatilise, mais retombe dans le mortier, dont la vapeur ne dépasse pas le bord 5 ce qui prouve que dans l'iode l'oxigène est beaucoup plus condensé que dans l'acide sulfurique. D'après ce résultat, j'ai broyé de la vapeur en excès avec du muriate concret de chaux anhydre : l'acide s'est , en grande partie , formé en chlore, ici, il ne s'est pas dégagé de l'eau, mais bien dans l'expérience avec le sel d'iode. Cette eau n'a pu provenir que de la vapeur concrète, car l'iodate avait été séché à un fort feu. Gomme expérience accessoire , mais qui ne pouvait rien in- diquer pour notre objet, nous avons fait rougir du chlore sur la vapeur concrète : il s'est fait une coloration remarquable en vert doré à la surface de celle-ci; puis une vapeur blanche s'est 2; 2 MEMOIRE répandue dans le flacon qui , peu d'instans après, a fait explo- sion. Nous n'avions heureusement opéré que sur de petites quantités , peut-être que de l'euchlore ou de l'acide muriatico- sulfurique et de l'oxigène auront été produits et libérés. L'odeur du chlore se faisait distinguer dans le gaz échappé. Dans la préparation de l'iode , les traces de l'acide sulfureux échappent à la recherche la plus attentive , et j'ai long-temps cru que cet acide se combinait avec de l'acide muriatique ra- dical, mais toutes les tentatives que nous avons faites, pour trouver cette combinaison dans le liquide distillé , ont été sans succès. Une combinaison entre de l'acide sulfureux et du chlore, pourrait être le produit de la réaction de la vapeur concrète sur le sel marin , sans pour cela fournir de conséquence en fa- veur de risolabihté de l'acide muriatique sans le concours de l'eau. Nous avons mêlé avec la vapeur concrète , du surhydro- sulfure d'ammoniaque, lequel, à défaut d'eau, est sur combiné d'une seconde proportion d'hydrogène sulfuré : il s'est développé beaucoup de chaleur, du soufre s'est séparé, et de l'acide sul- fureux, de l'hydrogène sulfuré et de l'ammoniaque ont pu être reconnus dans le produit gazeux. Les 3/4 de l'acide sulfurique étaient convertis en sulfate d'ammoniaque. Lorsqu'on laisse en contact avec l'air, un mélange de sel marin calciné après avoir été réduit en poudre , et d'alun cal- ciné anhydre, l'acide muriatique se sépare, et il reste du sul- fate des deux alcalis. On pourrait croire que l'acide muriati- que est ici séparé sans le concours de l'eau j mais, en soumettant SUR LA NATURE DU CHLORE. 273 à la distillation le même mélange avant d'avoir été en contact avec l'air , il ne se dégage point d'acide muriatique , et seule- ment, lorsqu'on fait rougir la matière, l'acide sulfurique du sulfate d'alumine simple est expulsé. L'acide boracique anhydre et fondu, ne décompose pas le muriate de soude fondu, ce qu'il ne manquerait pas de faire si l'acide muriatique, tel qu'il existe dans ce sel, pouvait se maintenir incombiné , car la propriété de l'acide muriatique de passer à l'état de gaz , en le transportant hors de la sphère d'activité de la soude pendant que l'ordre des attractions est renversé au feu, suffirait pour lui en donner le pouvoir : et lorsqu'on emploie de l'acide boracique simplement fondu , l'eau que cet acide a retenue se dissipe avant que la réaction puisse commencer. Il ne s'agit pas, dans ces expériences, de pouvoir expulser d'un muriate un peu d'acide muriatique, ni d'obtenir un peu d'acide carbonique lorsqu'on procède avec du carbone, car ces produits dénotent seulement l'existence d'un peu d'hydrogène ou d'un peu d'eau dans le corps décomposant, et depuis long- temps on sait que, dans toute tentative de réduction de la lune cornée ou muriate d'argent anhydre par de la braise récente, plus ou moins de ces deux acides est produit ; mais si l'effet avait vraiment lieu, proportions égales de muriate et de corps décomposant devraient pouvoir déterminer une décomposition totale du sel , ce qui n'a encore été obtenu que dans une diffé- rence du tout au tout. Quand on veut se convaincre qu'il existe dans le chlore de l'oxigène et, sinon un acide radical, du moins un comburant 27i MÉMOIRE oxidé , on doit tourner ses vues vers les muriates de mercure rouge et noir sans oxigène , vers les fluates à métaux , aisément réductibles , sans le même principe , et qu'on obtient de pareils métaux décomposant des fluates avec oxigène , de métaux dif- ficilement réductibles, et aussi de la réaction de la pile galva- nique sur l'acide fluorique : l'acide radical avec l'oxigène de l'eau se rend au pôle positif où celui-ci s'échappe, tandis que Tacide radical se combine avec le métal conducteur ; et égale- ment , en décomposant les fluates à oxides forts par des métaux réduits faibles; ce qui prouve que les acides radicaux des com- burans acidifiables ne sont pas des acides ordinaires, lesquels sont connus pour ne pas se combiner avec des métaux réduits. On doit encore aller à la piste de cet oxigène dans l'acide car- bonico-muriatique que le cblore forme avec l'oxide de carbone, dans l'acide muriatico-pbospborique que le même chlore forme avec le phosphore, dans l'acide boracico-fluorique que l'acide fluorique radical forme avec l'acide boracique, dans l'acide mu- riatico-iodique suroxigéné qui résulte de la saturation de l'iode par le chlore , tous corps qui prennent le même nombre de pro- portions en comburans qu'ils auraient pris en oxigène, pour s'élever au même degré d'acidité, et l'on conviendra que si les comburans acidifiables ne contiennent point d'oxigène, ils se comportent, dans toutes les circonstances , comme s'ils en con- tenaient; on doit encore trouver le même d'oxigène dans les sels ammoniacaux de ces doubles acides , lesquels existent sans eau et se proportionnent avec l'ammoniaque comme si les aci- des que nous y admettons y étaient vraiment existans ; dans le surhydro-sulfure d'ammoniaque qui , à défaut d'eau , est surcombiné d'une seconde portion d'hydrogène sulfuré; dans les sels ammoniacaux triples ou doubles, où également ces sels SUR LA NATURE DU CHLORE. 275 existent par une surcombinaison d'oxide ou d'autre sel à la place d'eau; de sorte qu'on peut dire que les acides radicaux des comburans acidifiables peuvent en place d'oxigène prendre tous les autres corps hors l'hydrogène; lequel les ferait sortir de la classe des comburans acidifiables pour les transférer dans celle des combustibles acidifiables. On doit encore les étudier dans les muriates anhydres satu- rés de gaz ammoniacal , lesquels ne sont si peu décomposables que parce que le muriate d'ammoniaque y existe avec un oxide en place d'eau, et qu'ainsi la combinaison est faite en vertu d'un déplacement plus considérable de calorique. Quelques chimistes considèrent l'acide muriatique comme de cet acide plus de l'eau, et le chlore comme de ce même acide plus de l'oxigène , et le comparent , dans sa combinaison avec l'eau, aux acides sulfurique, nitrique, oxalique, acétique, qui également n'ont pas d'existence indépendante de ce liquide, et qui peuvent à sa place prendre des oxides, de l'alcohol, des sels de leur acide par des acides radicaux de comburans , car on ne connaît des combinaisons de ces acides radicaux qu'avec des acides de combustibles dont l'existence est indépendante de l'eau, et c'est probablement parce que deux acides, dont l'un est anhydre et l'autre radical, ne peuvent mutuellement se maintenir en existence, ce qui serait une fixation double par un moyen simple; et sans doute aussi parce que ces acides sont formés d'un nombre impair de proportions d'oxigène; c'est pour cela que le chlore et l'iode ne se combinent pas en pro- portion égale avec les acides sulfureux et hyponitrique , ou avec l'oxide de carbone, ce qui donnerait les trois acides de cette catégorie en conjonction avec de l'acide muriatique ra- Tome III. 3j 276 MÉMOIRE dical, mais les acides radicaux des comburans sortent entière- ment de comparaison par l'impossibilité de les décomposer en les dépouillant d'eau ; c'est pourcjuoi nous considérons ces aci- des comme radicaux et comme s'acidifîant par de l'hydrogène qui s'unit à leur oxigène , et de la même manière que les com- bustibles acidifiables s'acidifient par l'oxigène qui s'unit à leur hydrogène, et dont les acides ne peuvent pas davantage être décomposés en les dépouillant de l'eau que cette union produit. On a dans ces derniers temps obtenu un composé de chlore et de carbone qui est dans le rapport de l'acide oxalique , mais dans lequel trois proportions au lieu d'une d'acide muriatique radical sont unies à une proportion de cet acide, et ainsi ne forme point de l'acide oxaiico-muriatique. Le chlore , en présence du soleil et en contact avec l'eau , se dépouille de la moitié de son oxigène et devient de l'acide chlo- ro-muriatique. Distille-t-on cet acide, il se résout, à force de feu, en ses constituans, qui sont le chlore et l'acide muriatique. Si l'hydrogène de l'eau opérait la sous-acidification du chlore l'effet serait entier. Il est, selon nous, produit par le chlore qui , en échange de la moitié de son oxigène , prend de l'eau , et dont l'autre moitié du même principe n'est pas assez pourvu de calorique pour se constituer en gaz; l'acide iodique, par son contact à la fois avec l'air et l'eau, se surcharge d'oxigène et devient également de l'acide iodoïodique. L'acide muriatique fumant brun lequel, comme l'acide sulfurique fumant brun et l'acide nitrique rutilant rouge, dont la fumaison et la coloration sont dues à du gaz muriatique incomplètement saturé d'eau , s'approprie de même l'oxigène de l'air , et devient en partie de l'acide chloro-muriatique décomposable, par réchauffement , en SUR LA NATURE DU CHLORE. 277 chlore et en acide muriatique sans couleur; et non-seulement cet acide coloré en brun , mais celui coloré en jaune-verdàtre et fumant , éprouve à la distillation le même partage en chlore et en acide sans couleur. J'ai essayé d'enlever à l'acide chloro- mariatique son chlore à l'aide du soufre, espérant former da chloro-soufre , mais je n'ai pas réussi; cependant, en y déga- geant de l'hydrogène sulfuré j'ai détruit sa couleur , mais j'ai plutôt augmenté que diminué sa fumaison. On a attribué la cou- leur brune des deux premiers acides à du carbone , et celle rouge-brunâtre du troisième à du gaz nitreux : elles sont toutes trois dues à de l'acide à moitié saturé d'eau qui se dis- sout dans de l'acide complètement saturé de ce liquide ; aussi , en vaporisant par la chaleur l'acide sous-saturé qui les colore, obtient-on incolores les deux premiers; mais le dernier ne se prête pas à ce mode de décoloration. Que le chlore colorant l'acide muriatique s'y trouve en com- binaison chimique , cela résulte de ce que l'or n'y est pas so- luble ; mais le sulfure de zinc , qu'on y dissout , laisse un excé- dent de soufre à cause qu'une partie du métal est oxidée par le chlore. Cet acide coloré ne peut toutefois être obtenu en dé- gageant du chlore dans l'acide muriatique fumant incolore, ce qui est une autre preuve de l'existence de l'acide chloro-muria- tique en vertu d'oxigène qui a déplacé la moitié de l'eau du gaz muriatique. En saturant d'oxide de zinc de l'eau de chlore sous-oxigénée au soleil, on doit évaporer jusqu'à siccité, et ensuite échauffer au sous-rouge pour en extraire le restant de l'oxigène; mais si la saturation est faite par de la potasse, il suffit, pour cette extrac- tion , d'exposer de nouveau aux rayons du soleil. Les sels 278 MEMOIRE d'iode sont des réactifs pour cette eau sous-oxigénée qu'ils rou- gissent après une courte exposition au soleil; l'oxigëne enlevé est toujours dans un rapport constant, ce qui prouve que ce n'est point un mélange de chlore et d'acide muriatique qui reste, mais, comme nous l'avons déjà dit, une combinaison en- tre les deux ou du chlore à moitié saturé d'hydrogène et pos- sédant ainsi autant d'oxigène libre que d'oxigène sous forme d'eau ; d'ailleurs , en continuant de saturer l'eau avec du chlore à mesure que la sous-oxigénisation a lieu , on peut faire que l'eau contienne incomparablement plus de chlore qu'elle ne pourrait en prendre si elle était libre. L'eau de chlore qui a servi au blanchiment artificiel est dans le même état de sous- oxigénisation, d'où suit que la moitié de Toxigène ne remplit point son objet. J'ai essayé par l'addition du muriate suroxi- géné de potasse de saturer le chlore d'assez de calorique pour la désoxigéner au complet en le formant en chlore, mais il est resté après l'opération le même chlore sous-oxigéné qu'avant, et le muriate s'est trouvé contenir le même acide-, mais en continuant le blanchiment en présence du soleil ou par un échauffement un peu fort, le chlore se dépouille de tout son oxigène et se transforme en acide muriatique. I] parait que c'est une loi générale que les corps surcombi- nés d'oxigènes lâchent, par les moyens ordinaires, seulement la moitié' de ce principe ; chlore et iode , mariate oxigéné de potasse et de soude, suroxides de métaux, etc. Cette analogie de propriété laisse conclure à une analogie de composition dans les corps qui la manifestent. On a rapporté comme preuve de la réduction des oxides métalliques par l'hydrogène f.lc l'acide muriatique, et delà com- SUR LA NATURE DU CHLORE. 279 binaison du métal réduit avec le chlore, que l'ammoniaque , qu'on prétend ne pas être réductible, n'éprouve pas le même effet, puisque dans sa combinaison avec l'acide muriatique il ne se sépare pas d'eau ; mais il n'y a là rien qui soit différent des autres acides, car de tous les sels ammoniacaux aucun n'existe sans eau ou sans un représentant de ce liquide , et l'on peut dire que l'eau est aussi essentielle à leur composition qu'il l'est à celle des acides qui ont un nombre impair de propor- tions d'oxigène ; et il n'y a pas de doute que, semblable à ces corps, le chlore, s'il pouvait être dépouillé d'oxigène, et l'acide muriatique, s'il pouvait être dépouillé d'eau, ne fussent résous en ces contituans immédiats de leur acide; et comme les sels ammoniacaux des acides à comburans se forment sans que de l'eau étrangère leur soit ajoutée, on peut en inférer que ces acides sont eux-mêmes pourvus d'eau. On peut encore rapporter, comme défavorable aux nouvel- les vues, que les métaux qui dégagent de l'hydrogène d'avec l'acide muriatique dilué , en dégagent d'avec l'acide sulfu- rique dilué, et que lorsque les métaux sont trop faibles pour opérer par eux-mêmes la décomposition de l'eau , ils l'opèrent sous l'influence de l'un comme de l'autre acide, lorsque leur combinaison avec du soufre introduit une nouvelle affinité. D'après ces mêmes nouvelles vues on se trouve dans l'alter- native, ou de devoir dire que des corps réduits sont solubles dans l'eau , et alors qu'en mêlant de l'acide muriatique ou iodique avec de la potasse liquide , l'acide commence par expulser l'a- cide carbonique et ensuite réduit l'alcali au milieu de l'eau , ou que les comburans acidifiables ont deux genres d'engage- ment avec les métaux, l'un à l'état de comburant avec les mé- 28o • MÉMOIRE taux réduits, et l'autre à l'état d'acide avec les oxides des mé- taux, et alors aussi, en dissolvant le soufre, auquel on a com- paré les comburans acidifiables , dans un alcali , celui-ci devrait se désoxider et former du sulfure réduit , l'oxigène , à défaut de pouvoir se surcombiner , devant s'unir à une portion de soufre; ce qui, comme on sait, est loin d'avoir lieu. Quand un sel ammoniacal avec acide de comburant s'unit à un oxide de métal à la place d'eau, et que le précipité qui est produit ne montre au tact rien c{ui soit salin , mais tout ce qui est poudreux et décèle l'oxide d'un métal, on n'en conçoit pas moins que le composé est du chlorure de métal auquel de l'ammoniaque est sureombiné. Le précipité blanc ammoniacal est un pareil composé. Cette combinaison se fait-elle entre un sel ammoniacal pareil et un autre sel ammoniacal avec acide de combustible? on ne peut plus concevoir que le comburant réduit le métal et se combine à la place de l'oxigène , l'acide de combustible se combinant avec l'ammoniaque , le second sel est-il à autre base et avec acide de comburant? alors l'union supposée du chlore avec le métal réduit, peut se faire, mais l'oxigène devient sans engagement. On doit annoter qu'ici l'union se fait entre deux sels anhydres ou ce c[ue les nouvel- les vues nomment chlorures. Il semble que dans la théorie du chlore on serait plus conséquent si l'on admettait la réduction de l'ammoniaque et la surcombinaison de l'eau qui forme son oxigène avec l'hydrogène de l'acide muriatique au chlorure produit , car on ne peut nier qu'un sel ammoniacal avec acide de comburant, qui est surcombiné d'un sel quelconque à la place d'eau , s'isole lorsqu'à ce sel on substitue de l'eau , et que sans ce liquide les sels ammoniacaux avec acides de combu- rans ne peuvent pas plus subsister en composition simple que SUR LA NATURE DU CHLORE. 281 les mêmes sels avec acides de combustibles. C'est une inconsé- quence dont on ne peut se sauver qu'en admettant la formation du chlorure à' ammoniacum et l'hydratation de ce composé par l'eau produite. Le sel d'Alembroth est dans le cas des derniers sels. Lorsqu'on fait ce composé par régénération ou en saturant le précipité blanc ammoniacal avec de l'acide mu ria tique , si cet acide est à l'état de gaz sa combinaison met en liberté de l'eau : en supposant, comme on le fait, que le chlorure de mer- cure soit d'avance formé, cette eau ne peut avoir d'autre origine que l'oxigène de l'ammoniaque et l'hydrogène de l'acide mu- riatique ou, selon nous, le même hydrogène et l'oxigène du chlore, l'acide muriatique radical s'engageant à sec, ce qui est dit des muriates est applicable aux iodates et fluates de la même catégorie. Dans la combinaison du chlore avec l'oxide de carbone on a un gaz très-acide ; dans celle du même comburant avec l'iode , dans le rapport pour faire l'acide iodique suroxigéné, on a un liquide encore bien plus acide; dans le premier composé, on doit dire que le chlore est uni au charbon réduit et que l'oxi- gène est sur combiné , ce qui formerait du deuto-chlorure de carbone deutoxidé; ou bien , que le chlore est combiné avec la moitié du carbone formant du quadro-chlorure , et l'oxigène avec l'autre moitié , formant de l'acide carbonique , et que le produit consiste en un engagement entre les deux. Dans le se- cond composé deux cOmburans , réputés combustibles, s'unis- sent dans le rapport pour former l'acide iodique suroxigéné, forment un acide très-fort, et néanmoins leur contenu en oxi- gène , qui est l'acidifiant par préférence si pas par exclusion , .est ouvertement contesté. 282 MEMOIRE Arec le phosphore , dans le même rapport que s'il contenait de l'oxigène , il forme également un acide. Il n'en forme point avec le carhone ni avec l'azote , dont l'un est infusible et l'au- tre incondensable , et qui , à cet effet , exigeraient , l'un quatre et l'autre cinq proportions de sa substance. On a pensé que le chlore et l'iode s'unissaient par trois proportions à une propor- tion d'azote, mais, ayant examiné de plus près ces combinai- sons dont nous avons découvert la première , nous avons trouvé que par l'eau et la chaleur , celle-ci est résoute en acide muria- tique et en azote, et, par une forte lessive de potasse caustique ou par de l'ammoniaque liquide concentrée , en azote et en mu- riate de ces alcalis, et que la dernière est, en outre, par l'eau de chlore , régénérée en iode et décomposée en azote , le chlore de- venant de l'acide muriatique, ce qui évidemment dénote un con- tenu en chlore ou iode, en azote et en hydrogène , lesquels, pen- dant la détonnation, se résolvent en azote et en acide muriatique ou iodique. Pour expliquer , d'après la théorie du chlore , la dé- composition de ces corps par les alcalis, on doit admettre que l'oxigène de trois proportions d'eau se joint aux trois propor- tions d'hydrogène de l'ammoniaque et que l'oxigène d'une qua- trième proportion d'eau déshydrogène l'acide muriatique, et que son hydrogène désoxigène l'alcali , tandis que , d'après la théorie ancienne , l'oxigène du comburant forme de l'eau avec l'hydrogène de l'ammoniaque, et que leur acide radical se com- bine avec l'alcali. La théorie du chlore , par les détours qu'elle est obligée de suivre dans ses interprétations , ne saurait être mieux comparée qu'à celle du double fluide électrique , qu'on appelle théorie ou système de Symmer. Les composés susdits sont assimilables à ceux que les hydrogènes sulfuré et sélénuré produisent dans les dissolutions des métaux ordinaires, l'acide SUR LA NATURE DU CHLORE. 283 oxalique dans celles des métaux faibles, l'ammoniaque dans les dernières dissolutions, et ainsi de suite. L'acide fluorique, qui est également un acide de comburant, mais qui , dans aucun cas , ne se combine avec l'oxigène ou se déshjdrogène en fluoré, doit néanmoins, pour être conséquent avec les nouvelles vues , désoxider par son hydrogène l'oxide du métal auquel il s'unit et sous-acidifier l'acide boracique auquel il se combine, ou faire opérer cette sous-acidification par le métal d'avec lequel il est séparé. Dans l'expérience où par du chlore on décompose du fluate d'argent, le chlore lâche prise à son oxigène et son acide radical se combine avec l'oxide d'argent, et l'acide fluorique, sans oxigène et sans eau, s'en- gage avec la silice et l'alcali du verre, lorsque l'opération est faite dans du verre, et avec le plomb réduit, lorsqu'elle est faite dans du plomb. Cette dernière conablnaison ^ comme nous l'avons déjà dit, est très-aisément contractée par l'acide fluo- rique radical. Elle ne cadre d'aucune manière avec la théorie du chlore, mais détruit cette théorie en offrant l'exemple de la séparation de feau d'avec un acide de comburant sans que ce liquide soit remplacé par un corps contenant de l'oxigène. Cet acide, qu'on ferait volontiers passer pour un acide de combus- tible si l'infériorité de son nombre , qui ne surpasse pas 1 1 , 5, et sa mesure, qui n'est que la moitié de celle du chlore et de la vapeur d'iode, ne s'y opposaient pas, cet acide, dis-je, par les combinaisons qu'il contracte avec les métaux réduits , sera toujours une pierre d'achoppement pour la démonstration des nouveaux principes. Toutefois, le chlore, pas encore l'iode à cause de la plus grande affinité de son acide radical avec l'oxi- gène , contracte les mêmes engagemens avec le mercure et l'antimoine, ce qui dévoile dans ces acides une qualité com- Tome III, 38 iv^ MÉMOIRE burante qui ne peut dépendre que de l'oxigène. Cet acide radi- cal avec son volume d'oxigène forme quatre volumes qui sont précisément l'expansion proportionnelle du chlore et de la va- peur d'iode et la moitié de celle de l'acide fluorique mesurée d'après la comJjinaison de cet acide, à l'état radical, avec la silice, qu'il dissout sans se dilater, et de la saturation de cette combinaison par le gaz ammoniacal, laquelle saturation a, en même temps , fait voir que la silice ne possède point , ou du moins n'exerce point sur l'ammoniaque, les qualités acides qu'on lui a attribuées et qu'on a déduites de la circonstance que cette terre n'éteint point l'acidité de facide fluorique. Le muriate calciné de chaux qu'on sature de gaz ammonia- cal devient du muriate sec de cet alcali surcombiné de sous- muriate de chaux. Le muriate primitif était du chlorure, l'am- moniaque qu'on ajuute ne contient pas J'uxigèue, et cepen- dant de la chaux à l'état d'oxide devient en excès-, on peut de- mander o ù le calcium, uni au chlore, a pris, pour s'en sépa- rer, de l'oxigène; quand on échauffe un peu fortement ce sel, le gaz ammoniacal s'en dégage et le muriate redevient neutre; ce qu'il doit à sa volatilité _, car son attraction pour l'acide mu- riatique surpasse celle de la chaux. Les muriates secs de métaux qu'on nomme beurres, étant traités avec du sous-carbonale d'ammoniaque vrai, en chassent facide carbonique et forment du muriate d'ammoniaque sur- comljiné de Foxide du métal. Cette surcombinaison, déjà rendue évidente par f impulsion de facide car])onique, est encore dé- montrée par f aspect pulvérulent, calciforme, du produit. D'où, peut-on de nouveau demander , provient ici l'oxigène de cet oxide, si le chlore et f ammoniaque n'en contiennent pas? Quand SUR LA NATURE DU CHLORE. 285 on tente de réduire cet oxide avec du charbon libre d'hydro- gène , on n'y parvient pas , sa présence étant indispensable au maintien en composition du muriate d'ammoniaque; seulement lorsque l'oxide est un peu fort , l'ammoniaque se dégage par l'effet du feu et le muriate du métal est volatilisé à mesure qu'il se régénère. Réagit-on sur ces composés , rendus successivement plus chauds, par un filet d'hydrogène exprimé d'une vessie, le dé- gagement de l'ammoniaque a également lieu , mais elle est en partie décomposée et en partie formée en muriate par feau que l'hydrogène du métal, lequel se réduit, ou, si l'on veut, par le chlore que le même hydrogène compose en acide muriatique. Lorsqu'à du composé de Thomson on ajoute du sous-carbonate vrai d'ammoniaque, de l'acicle carbonique se dégage et l'oxide de soufre reste surcombiné au muriate sec d'ammoniaque for- mant une matière blanchâtre. Continue-t-on d'ajouter du sous- carbonate en l'incorporant par le broiement , il cesse de se dé- gager de l'acide carbonique, mais, à sa place, du gaz acide sulfureux se gazifie , et le produit est nuancé de jaune par du soufre. Cet effet prouve que le muriate anhydre d^ammonia- que se contente de sa surcombinaison par de l'oxide de soufre à la place d'eau. J'ai déjà deux fois spécifié que le sous-carbonate doit être vrai^ c'est-à-dire , ne pas être du sous-carbonato-carbonate , ainsi que ce sel l'est presque toujours, à cause qu'alors il contient néces- sairement de l'eau, le carbonate neutre étant surcombiné par une proportion d'eau et une proportion de sous-carbonate à la place d'une seconde proportion de ce liquide , tandis que le sous-carbonate vrai est anhydre. Avec le sur-hydrosulfure 38. o8G MÉMOIRE d'ammoniaque anhydre , le composé de Thomson est désoxidé dans son soufre , et du muriate d'ammoniaque est produit : il se dégage de l'hydrogène sulfuré, mais il ne se forme pas de soufre hydrogéné, ainsi qu'on s'y serait attendu. On aurait de la peine à attribuer l'oxigène du gaz sulfureux qui , dans la première expérience , se dégage, à autre chose qu'au métal de l'ammoniaque qui s'en dessaisit pour se combiner avec le chlore, si l'on ne voulait pas admettre qu'il soit contenu dans ce dernier. On obtient aisément le composé de Thomson en répandant du soufre concassé dans un tube de verre incliné dans le sens d'une bouteille qui est attachée à son bout, et en faisant pas- ser dessus du chlore actuellement dégagé à sec; le soufre se fond à vue d'oeil, et le composé liquide et d'un brun pourpre, coule par filet dans la bouteille. Je rapporte ce procédé parce que dans les livres récens de chimie il est encore dit que la combinaison du chlore avec le soufre se fait avec beaucoup de lenteur. Le composé de Thomson est un excellent réactif de l'eau , qu'il enlève avec zizement et effervescence jusqu'aux huiles les moins organisées et à l'éther absolu. Il n'y a que les huiles de térébenthine et de citron qui ne la résolvent pas en acide mu- riatique , mais il s'y unissent en camphre artificiel : l'acide sul- fureux se dégage et le soufre se cristallise. On remarque au soufre une singulière propension à se con- vertir en liquide dans ses combinaisons les plus opposées , et telles qu'avec le chlore , qui est un comburant , et avec le car- bone, qui est un combustible; cette dernière combinaison, SUR LA NATURE BU CHLORE. 287 qui constitue Falcohol de Lampadius, se combine avec l'ammo- niaque gazeuse dans des proportions telles qu'après que l'eau a acidifié le carbone et hydrogéné le soufre, il en résulte du sur-hydrosulfure et du sous-carbonate , comme si le composé primaire prévoyait le cas où les deux composés consécutifs auraient du former des sels ammoniacaux sans eau : il se con- dense seize volumes d'ammoniaque pour les dix volumes de vapeur de carbone et de soufre dont l'alcohol de Lampadius est composé. Il n'y a toutefois ici de l'ammoniaque que pour satu- rer primitivement le soufre en sulfure simple, ou seize volu- mes pour huit. Dans cet alcohol sont combinés deux combusti- bles acidifiables; dans le cyanogène, dans le soufre phosphore, dans le soufre séléné , etc. , deux pareils combustibles se trou- vent en combinaison sans que le moindre caractère d'acidité se développe : cependant , comme nous Tavons déjà vu , l'iode et le chlore, que l'on comprend parmi les combustibles, étant unis dans le rapport de l'acide iodique suroxigéné , sont d'une acidité insupportable et incomparablement plus forte que celle de ce dernier acide seul. Si l'on ne jugeait que d'après l'enga- gement du chlore et de l'iode entre eux ou avec des combusti- blés acidifiables , on penserait qu'il suffit que leur oxigène soit employé à une combinaison qui, en qualité d'oxide, ne sature pas leur acide radical, pour que leur acidité se développe, mais l'on voit l'acide fluorique radical, qui n'a point d'oxigène, non- seulement se développer en acide très-fort par l'acide si faible du borax , mais encore avec la silice qui ne le sature également pas. L'acide radical du chlore, étant uni à l'acide, également si faible, du carbone donne néanmoins l'existence à un acide très-fort, et ces unions saturent l'ammoniaque et autres oxides dans le rapport exact de l'acidité que nous leur attribuons. La 288 MÉMOIRE théorie du. chlore n'a aucunes données, et pas même d'analogie, pour rendre raison de ces faits. L'indécomposabilité par l'eau du supposé acide oxalico-mu- ria tique, laquelle, d'après l'attraction de ses acides composans pour ce liquide, devrait se faire avec activité, nous a fait entreprendre un examen plus particulier de ce composé. Nous l'avons, en conséquence, préparé suivant la formule de son in- venteur et nous favons décomposé par de la teinture de potasse caustique; nous nous attendions à une précipitation d'oxalate et en même temps de muriate, mais nous eûmes du sous-car- bonate et de ce dernier , puis du gaz , qui ne pouvait être de l'acide carbonique , mais que , dans une répétition de l'expé- rience , nous avons reconnu pour du carbone hydrogéné. Je suppose toutefois que la réaction de l'alcali a déterminé la for- mation de facide oxalique en acide carbonique. Le composé contenait donc encore de fhydrogène resté en possession com- mune entre le carbone et le chlore. Les deux autres composés du chlore avec le carbone , dont l'un est un sel ayant pour base un oxide sans existence in com- binée et qui en se décombinant ne saurait se résoudre en ses élémens, et fautre, un semblable corps dont l'oxide est isola- ble, mais qui forme un muriate existant en vertu d'une éner- gie très-forte, peuvent bien avoir la composition qu'on leur attribue, quoique cela ne soit pas certain à en juger d'après leur forme , qui les rapproche de féther muriatique pesant , et d'après la facilité avec laquelle la moitié du chlore se sépare de la dernière pour la convertir en la première. Une combi- naison entre le carbone et le chlore dans le rapport de l'acide carbonique serait dans un proportionnement trop haut pour pouvoir tenir. SUR LA NATURE DU CHLORE. 289 Lorsqu'avec du muriate d'un métal faible on mêle de l'oxide de zinc en tel rapport que la moitié du sel soit seulement dé- composée, on obtient, dans la plupart des cas, un sous-muriate et du muriate de zinc. On dit que ce composé est du chlorure uni à de l'oxide et non du sous-sel : cette décomposition a lieu indépendamment de l'eau , car elle peut être obtenue de la li- queur de Libavius mêlée avec des fleurs de zinc. Dans l'hypo- thèse du chlore on doit dire que le zinc échange son oxigène contre le chlore de la moitié de l'étain. Ce n'est pas l'interpré- tation qui choque, mais l'idée d'un corps exempt d'oxigène qui est surcombiné d'un oxide. Dans la combinaison camphoriforme de l'acide muriatique radical avec les huiles désorganisées et ainsi exemptes d'oxi- gène, de térébenthine et de citron, il n'y a point de ce principe pour enlever l'hydrogène à l'acide muriatique, à moins de dire que cet hydrogène se combine avec l'huile et que le chlore se joint à cette combinaison, mais alors il faudrait retrouver, et ce chlore et cet hydrogène ; cependant ni l'un ni l'autre n'est contenu dans la combinaison. L'éther muriatique gazeux forme un engagement entre de l'éther ordinaire et de l'acide muriatique radical; dans la théo- rie du chlore on doit dire que l'oxigène de l'eau de l'éther en- lève l'hydrogène à l'acide muriatique , que l'hydrogène de cette eau se joint au carbone hydrogéné et que le chlore s'associe à cette combinaison : ou bien, que l'acide muriatique déplace l'eau de l'éther d'avec le carbone hydrogéné et s'unit à ce der- nier; mais ces expUcations sont gênées, et il est beaucoup plus simple de dire que l'acide muriatique dépose son eau pour se combiner avec l'éther, lequel ne peut subsister sans ce hquide. ogo MÉMOIRE SUR LA NATURE DU CHLORE. D'après ce qui précède , le chlore n'est pas de l'acide muria- tique ordinaire et de l'oxigène , ni le gaz muriatique du pareil acide et de l'eau , mais l'un et l'autre un acide radical avec de l'oxigène ou de l'eau ; et la nature de ces corps , lorsqu'on la juge sans préyention , ne saurait plus être un sujet de dispute. FIN. TROISIÈME MÉMOIRE SUR LA LÉGISLATION DES GAULES, Par m. Jean-Joseph RAEPSAET, MEMBRE DE CETTE ACADÉMIE ET DE l'inSTITUT ROYAL DES PAYS-BAS; LU A LA SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1824. Tome ni. ' 39 /%/%/ti\i\/«f%jvui%j%\rkf^^ft/vii^/%i\ivi/^/%iv%%/^m/%j%)%'%/^/v^iit/\i%iv%(%j%i^ TROISIÈME MÉMOIRE SUR LA LÉGISLATION DES GAULES. Des lex Mundana, lex Salica et lex Ripiiaria. I . J_jA lex Mundana comprenait , sous une dénomination gé- nérique, toutes les lois nationales, excepté la lex Ecclesiastica ; elle comprenait donc les lois des Francs saliens , des Francs ripuaires , des ^dlamans , des Bavarois, des Lombards , des Romains , des Saxons ^ des P^isigoths , etc. , etc. Toutes ces nations germaniques conservèrent chacune la loi, après leur établissement dans les Gaules , en Italie et dans les Espagnes; mais cela n'empêchait point que tout individu n'eût encore, comme auparavant , la faculté de renoncer à sa loi pour en choisir une autre que celle sous laquelle il était né, ou celle du pays de son domicile. 39. 294 TROISIÈME MÉMOIRE De toutes ces lois nationales, il n'y a que la Salique et la Kipuaire qui feront le sujet du présent mémoire , parce que ce sont les seules qui aient exercé leur empire dans les Pays-Bas et dans les Gaules en deçà de la Loire j au delà régnaient les Visigotlîs. Je traiterai de la loi Romaine dans un mémoire subséquent, puisqu'étant reconnue et proclamée par Cliarles-le-Chauve mater omnium legum humanarum , elle tient plus à l'espèce des lois générales, qu'à celle des lois nationales proprement dites. 2. Je ne m'occuperai pas non plus ici des lois des ^dlamans , des Bavarois y des Saxons et Grisons y qui dominaient au delà du Rhin , parce qu'elles n'appartiennent ni à la Belgique , ni aux Gaules 5 cependant , la connaissance de ces lois est indispensa- ble à l'étude des lois des Saliens et des Ripuaires, puisque le fond en est le même. Les différences que l'on rencontre entre elles , résultent moins d'une contrariété ou d'une disparité de l'une à l'autre , que de Tétendue ou de la précision que les ré- dacteurs respectifs ont apportée à leur travail; de sorte que, lorsque telle loi sanctionne un usage particulier, sur lequel les autres sont muettes, il n'est pas permis de conclure de ce silence que cet usage n'existait point chez ces autres nations; car les uns sont entrés dans un plus grand détail , et se sont livrés à un travail plus minutieux que les autres. On rencontre même ces différences dans nos coutumes de Flandre, quoiqu'elles s'accordent toutes sur le fond; elles n'ont point été rédigées toutes par le même rédacteur; leur rédaction res- pective se ressent donc nécessairement de l'habileté et du style du rédacteur : c'est dans celles de la West-Flandrc que ces différences se font le plus remarquer. Au lieu de poser des SUR LA LÉGISLATION DES GAULES. 295 principes généraux , féconds en conséquence, leurs rédacteurs se sont attachés à des cas particuliers et à des dispositions de détail qui, pour ne pas se trouver textuellement énoncés dans les autres coutumes , n'en sont pas moins en usage sous leur ressort, aussi bien que sous celui de la coutume qui les a spé- cialement signalés. Cette disparité, d'ailleurs, ne doit pas étonner et n'inquiète point non plus les antiquaires-jurisconsultes ; car ils savent bien que tous nos us et coutumes ne sont pas compris dans les codes de nos coutumes homologuées-, il y a une infinité d'usages généraux, qui n'y sont pas compris, et dont les uns ne sont indiqués que dans quelques coutumes , et les autres ne le sont dans aucune , ils ne sont connus que par la notoriété ; ce sont ceux qui sont désignés dans les actes flamands sous les noms de oude erkomen et oude gehruycken , et dans les actes français sous le nom de us ; en général, toutes nos coutumes sont tellement conformes entre elles sur le fond, que les ac- tes d'homologation, dans le silence de l'une ou de l'autre, ren- voient à la coutume générale, de deurgaende costume. J'ai donné un développement convenable à ce point d'antiquité dans mon analyse de Vliistoire des droits civils , politiques et religieux des Gaules, liv. 3^ chap. 6 (i), et dans mon premier mémoire sur la législation des Gaules , inséré dans le tom. I, fol. 879 des nouveaux Mémoires de V académie de Bruxelles , en i8ao. (1) Cet ouvrage est imprimé à Gand , chez A. J. Vander Schel- den, 1824. 296 TROISIÈME MÉMOIRE 3. Je ne traiterai pas ici de l'origine et de la compilation de la loi Salique , pour ne pas avoir à répéter ce que j'en ai dit dans mon analyse , liv. 3 , chap. 2, où je me suis permis d'émet- tre une opinion neuve sur le but de cette loi. Il m'importe plus, pour le moment , de me restreindre dans le présent mémoire au simple examen de savoir , « si la loi Sa- » lique a continué d'avoir force de loi, et jusqu'à quand, dans )) les Pays-Bas et les Gaules, entre ceux qui l'avaient adoptée, )) après même que les Francs et les autres nations germaniques yy furent établis dans les Gaules? » Nul doute que la loi Salique n'ait eu force de loi dans la Bel- gique sous les Carlovingiens , et , par conséquent , jusqu'à la lin du IX^ siècle ; car les Francs n'eurent pas d'autre loi na- tionale, et la Belgique faisait partie intégrante de l'empire des Francs. Le soi-disant régne féodal , auquel la chute des Carlovin- giens donna naissance , n'a commencé que vers le X^ siècle. 4. Ce règne féodal, bien loin d'avoir aboli la législation civile qui existait, n'eut rien de commun et ne se trouva pas même en contact avec elle; or la loi Salique était une loi civile ; elle ne fut donc pas abolie. Les instituts féodaux ne se portèrent que sur rabaissement du pouvoir féodal et sur l'usurpation des domaines de la cou- ronne, que les révolutionnaires possédaient à titre révocable de bénéfices , mais qu'ils s'approprièrent à la charge de les tenir du roi par hommage et relief. C'est à ces possessions ainsi usurpées que, non pas la loi, mais l'usage seul, vulgd , a donné le nom Aafief, comme je le démontre dans mon ^na- SUR LA LÉGISLATION DES GAULES. 297 lyse , liv. 3, clia^. 16, et liv. 4? chap. i. Ainsi, tout ce que cette révolution a opéré et tout ce que ces grands révolution- naires en ont voulu obtenir, s'est borné à s'approprier irrévo- cablement et héréditairement ces bénéfices qu'ils tenaient au- paravant révocablement, et pareillement à foi et hommage; il n'a donc pas fallu, pour atteindre ce but, ni une nouvelle lé- gislation civile, ni l'abolition de l'ancienne. Si, dans ce nouvel état de choses, la justice s'administrait par ces grands vassaux, au lieu de l'être encore par le roi, elle n'en continua pas moins d'être toujours encore rendue suivant les anciennes lois , alors même que les codes de ces lois furent perdus , parce qu'on continua de suivre ces mêmes lois à titre d'usages ; de sorte, comme le remarque Montesquieu, qu'on suivait encore toujours la loi sans la connaître. Ainsi , au milieu des événemens de ces trois siècles , quelle ouverture peut-on y trouver à une nouvelle législation civile? 5. Gomment se peut-il , d'ailleurs , qu'on ait voulu faire croire que la féodalité a établi une nouvelle législation sur les ruines de la législation précédente? l'organisation de la féoda- lité forme-t-elle donc une législation ? Non , certes ; la féodalité n'est autre chose qu'une institution conventionnelle entre le seigneur et le vassal , qui , loin d'avoir la généralité et ï unifor- mité pour caractère, est au contraire, susceptible de toutes les conditions contractuelles, qui ne répugnent point aux bonnes mœurs , à la religion ou aux lois. La féodalité ne forme pas plus une législation que n'en forme une emphytéose; l'une et fautre, au lieu de former une légis- lation , sont soumises aux lois générales des contrats. 298 TROISIÈME MÉMOIRE Nos lois et nos coutumes n'en ont pas fait aussi une législa- tion ; car elles abandonnent le régime des fiefs respectifs aux coutumes de chaque cour féodale, d'où ils relèvent; il y aurait donc autant de législations différentes qu'il j a de cours féoda- les , et ce serait un système de législation bien étrange , que celui dont les lois ne seraient pas les mêmes pour tous et par- tout, et que les parties pourraient changer à toute heure sui- vant leur caprice ou leur convenance. Je n'ignore point que la jurisprudence féodale présente quel- ques règles générales que l'on suit dans le silence des actes d'investiture; mais tous les contrats ne présentent-ils pas aussi de pareilles règles , sans constituer cependant la législation du royaume et sans empêcher les parties d'y déroger? Ces règles générales , quant aux fiefs , sont encore les mêmes qu'on suivit avant la naissance de la féodalité pour les bénéfices ; toute concession de fonds en bénéfice se réglait suivant les règles gé- nérales du contrat de concession de fonds , c'est-à-dire, sui- vant les règles générales pour les contrats ; et quant aux con- àïûow?, particulières y suivant la volonté des parties. Les Lihri Feudorum, qui sont à la suite du Code-Justinien , appellent les fiefs des bénéfices , et ne leur donnent d'autres règles générales qui celles que régissaient les bénéfices , ni d'autres particulières que celles convenues par les actes d'in- vestiture. La féodalité n'a donc point aboli, ni dû abolir la législation préexistante. Enfin , si la féodalité eut étabU une législation nouvelle sur les débris de l'ancienne , elle eut dû avoir statue sur les cdleux SUR LA LÉGISLATION DES GAULES. ^99 et sur les droits des personnes en général, tandis qu'elle n'a statué que sur les fiefs, sur les seigneurs et sur les vassaux. Il faut donc bien convenir que les anciennes lois ont conti- nué d'exercer leur empire après la naissance de la féodalité, et que c'est une erreur insoutenable d'avancer ou de croire que la féodalité ait aboli toutes les anciennes lois, paradoxe d'au- tant plus absurde, qu'on ne saurait produire aucune loi de cette nouvelle législation qui porte sur les alleux et les person- nes libres. 6. Sans doute que pendant l'anarchie du Xe au XII^ siècle il y a eu des seigneurs qui, au mépris des anciennes lois, des droits et de la liberté, ont arbitrairement et par violence en- trepris sur les personnes et les biens de leurs sujets ; mais ce despotisme , qui ne pourrait jamais passer pour une nouvelle législation, n'a pas été aussi général qu'on voudrait le faire croire, comme je le démontre dans la part. III de mon ana- lyse, où je traite de V origine de nos keuren et de nos com- munes ; il n'a porté que du plus fort au plus faible, et les vil- les et les bourgs libres, comme tous les autres lieux qui ont su en imposer à leur seigneur, se sont maintenus en leur état de liberté et ont continué à être régis par les anciennes lois , en les invoquant maintes fois, nommément dans leurs actes et contrats. Telles ont été les lois Salique et Bipuaire , qui ont été deux des lois générales des royaumes réunis de ces deux nations dans les Gaules. Elles ont continué d'y exercer leur empire jusqu'au XIII^ siècle qu'elles ont été fondues dans nos keuren. En voici les preuves : En 855 , Folkerus fait une donation à l'abbaye de Werte Tome ÏII. /\o 3oo TROISIEME MEMOIRE de plusieurs terres situées en Brabant, secundum legem Sali- cam et Ripuariani , et de plusieurs fonds situés dans la Betuwe, pays des Frisons, secundum Euna Frisonum. Mirœi, tom. 3, p. 56i (i). Les BoUandistes rapportent un acte de manumission ou af- franchissement de trois serfs, passé à Diest en Brabant, en 899, secundum legem Salicam. ^cta sel. S. S. Belgii , tom. i , pag. 3o6, 7zo 112. Godfroid , comte de Namur , fut condamné ^ en 1 1 52, à ren- dre divers biens à l'abbaye de S>\.diY^\o , judicio principum et maxime salicorum. Mirœi, tom. i ^ pag. 698. Louis, comte de Loz, fît une donation à l'abbaye d'Ever- bode, en 11 55, obseryatâ Salicœ legis cautelâ. P^redius, addit. adprodrom. 2. Hist Fland. P. 2., p. 11. Le savant Heineccius, dans son traité clelege Salica, prouve que cette loi était encore en vigueur à Lyon et Fribourg en 1290. Otlionde Frisinghe rapporte, au XlJe siècle, que les plus no- bles des Francs la suivaient encore : ce lege , quse Salica , usque yy ad hœc tempora vocatur , nohilissimos Francorum adhuc y> uti. » 7. C'est entre le XII^ et le XlIIe siècle qu'ont commencé nos villes à loi ^X nos villes de commune ; les chartes d'établissement (1) Euna ou Euva signifie, en langue frisonne, land-recht , ou loi na- tionale. Voyez Eccard adtit. 19, leg. Sal. et tit. 6, leg. Ripuar. Item Du- cange , verbo Euva, SUR LA LEGISLATION DES GAULES. 3oi de ces villes, sous le nom générique de keuren , ont formé dès lors notre droit municipal tant pour le contentieux, que pour le volontaire ; mais ces chartes elles-mêmes n'étaient , et ne purent être autre chose, qu'une compilation authentique des us et coutumes non écrites, qu'on avait suivies jusqu'alors, et qu'après les avoir purgées des atteintes révolutionnaires , on mettait par écrit, de commun accord du seigneur et des habi- tans, pour les garantir dorénavant contre l'arbitraire du roi et des seigneurs , comme je le prouve dans la part. 3^ de mon analyse. Il devint donc inutile pour la suite, de faire encore mention de ces lois nationales dans les actes, attendu qu'elles étaient fondues dans ces keuren , quant à leurs dispositions , qui par le temps n'étaient pas tombées en désuétude. 8. Sans doute, il j en eut plusieurs qui j étaient tombées, non pas par l'effet de la féodalité, mais par celui des change- mens survenus dans les mœurs et les relations pendant huit siècles; car il ne faut jamais perdre de vue que les Francs Sa- liens avaient rédigé leur loi en 4^^? et les Ripuaires, la leur en 63o; depuis ces époques les deux nations avaient été con- verties à la foi, et leur union avec les Gaulois et les Belges les avait policées. Dès le VI^ siècle , leurs relations leur avaient déjà fait sentir le besoin d'amalgamer et de mettre en harmo- nie leurs usages germaniques, et d'apporter à leur législation nationale plusieurs modifications ; c'est ce que nous apprend le roi Dagobert lui-même en sanctionnant la loi des Ripuaires en 63o : c( ^dclidit, j est-il dit, quœ addenda erant , et impro- y) visa et incomposita resecavit, et quœ erant secundîim con- yy suetudinem paganorum , mutavit secundhm legem christia- » norum. » Capitul. tom. i , col. 25. 4o. 3o2 TROISIÈME MÉMOIRE Le roi Cliildebert avait déjà entrepris une pareille réforme de la loi Salique , en l'assemblée générale , tenue à Cologne l'an 5g5. Capitul. tom. i, coi 17. On y adopta le concours des neveux avec les oncles dans la succession de l'aïeul ; on y fixa les empéchemens de parenté pour les mariages; car le frère épousait encore sa sœur et le fils sa mère; on y adopta la prescription romaine de dix et vingt ans; la peine de mort contre le rapt; la même peine con- tre les homicides volontaires et contre les vols; on y fit des défenses , sous de fortes amendes, de faire tout autre travail que celui de la cuisine, les jours de dimanche et de fête, et finalement, on abolit la loi delà chrenecruda (i), comme in- compatible avec la religion catholique. Lors donc que la révolution éclata avec la troisième race , la législation des Gaules consistait en un amalgame de lois natio- nales avec le droit romain ; mais bien que les gens instruits connussent à laquelle de ces diverses lois appartenait chaque point de cette législation amalgamée, il se conçoit sans peine que ce discernement était au dessus de la portée du vulgaire, qui ne put voir dans cet ensemble qu'une masse d'usages ^ dont il ne connut ni la source ni les auteurs. Aussi, en examinant la jurisprudence du X^ au XII^ siècle, nous voyons tous ces baillis, tous ces jurés, tous ces hommes de fief ne juger que suivant la coutume de leur cour, au point que Beaumanoir , qui écrivit son commentaire sur la coutume (1) Les savans ne sont pas d'accord sur la signification de ce mot. V. Du- cange , verbo Chrenecruda. SUR LA LÉGISLATION DES GAULES. 3o3 du Beauvoisis en i283, atteste qu'il n'y eut pas deux châtel- lenies en France, qui eussent la même coutume. C'est ce qui explique maintenant pourquoi il n'y a jamais existé une coutume générale des Gaules , ni même une cou- tume générale de chaque province-^ mais que la France et la Belgique n'avaient que des coutumes particulières de lieu ; car la législation générale de Charlemagne et les lois nationales une fois perdues dans l'oubli et remplacé par des usages , il devint impossible que ces usages pussent maintenir dans tou- tes les parties du royaume cette uniformité que la loi elle- même ne conserve que par l'autorité du roi , qui se trouvait paralysée par l'anarchie, 9. Après avoir démontré méthodiquement jusqu'ici, comment les lois Saliques et Ripuaires , ainsi que les autres institutions germaniques, ont eu force de loi dans les Pays-Bas et les Gau- les jusque vers le XIII^ siècle qu'elles ont été fondues dans nos keuren , indiquons présentement des vestiges particuliers et positifs de cette fusion. Se doute-t-on, par exemple, que le droit de poursuivre sur d'autres seigneuries le gibier qu'on a levé dans la sienne , re- connu par l'ordonnance de 16 13, nous vient de la loi Salique? Place, de Fland. , tom. o.., p. 399, et Pactus leg. SaL, tit, 36, art. 5 et 6. Que l'obligation de venger tous les affronts de la famille , d'en partager les amitiés et les inimitiés, et le droit de cha- que membre d'avoir part à la rançon ou au prix de la récon- cihation , reconnus par toutes nos coutumes flamandes sous le mot mond-zoen , remontent jusqu'à l'époque de nos institutions germaniques? Tacit. de M. G. c. 2.2, 5o4 TROISIEME MEMOIRE Que lexpression flamande de vrïendscliap hreken, et la fran- çaise rompre V amitié^ n'est que l'indication de \si forme sym- bolique, par laquelle les Francs renonçaient à l'amitié, à des liaisons et même à leur famille? Cette forme consistait à tenir des deux mains, au dessus de la tête, un petit bâton, de le rompre ou casser et d'en jeter les deux bouts loin de soi. Pact, le g. S al. tit. 63. L'on se doute bien moins que le retrait lignager nous vient des Francs, tandis que nos jurisconsultes ont forgé tant de systèmes sur son origine, jusqu'à vouloir par des analogies forcées , la trouver dans le droit romain. Tous les membres d'une famille ne devaient pas seulement partager les amitiés, les inimitiés et la vengeance de chaque membre, mais devaient encore répondre de ses dettes ; il im- portait donc à toute la famille qu'aucun membre n'aliénât ses biens sans le consentement de la famille; celui donc qui se pro- posait d'en aliéner, devait, avant de les délivrer, en donner con- naissance à la famille et les plus proches avaient le droit de les retenir pour le prix qu'on en avait offert au parent vendeur. V. le Saclisenspiegel ou Spéculum, saxonicum, art. 62. Pour se soustraire à toutes ces obligations de famille, on pouvait y renoncer; c'est ce qu'on appelait de parentela tôl- ière, dont on trouve la forme solennelle dans le Pactus leg. Sal. y tit. 61. Le nom, la nature et le partage de Yalleu sont déterminés par la même loi au tit. 62. D'un autre côté, l'exclusion de nos biles au partage des fiefs, dans le concours avec leurs frères , dérive de leur exclusion de SUR LA LÉGISLATION DES GAULES. 5o5 la terra salica, prononcée par Vart. 6, tit. 62 de la même loi; car la terra salica, sur laquelle on a formé tant de conjectures, n'est autre chose que la ten'e de la sale , ou du manoir de la villa indominicata , que nous appelons présentement la môte ou foncier du fief, comme je le prouve dans mon ^Analyse y liv. 6, ch. 7. L'inhabilité des femmes à ester en jugement sans tuteur, éta- blie par la plupart de nos coutumes, dérive de la loi Saliqne et des Gapitulaires. Eccard, addit. ad leg. Sal, pag. 192, et Capital, tom. i , col. 544? <^- S. La défense de faire ce qu'on appelle en Flandre , enfant chéri, c'est-à-dire, d'avantager l'un des enfans au préjudice des autres, est écrite textuellement dans la loi Ripuaire , tit. 69, c. 9. La majorité à quinze ans, proclamée par nos coutumes, est une disposition empruntée de la loi des Bipuaires , tit. 1 8 , coût, d^ ^udenarde , riib. 17, art. 2; des deux villes et pays d^^lost ^ ruh. 17, art. ig et 2.1. L'usage qu'il j avait autrefois en Flandre, et dont j'ai vu des preuves authentiques dans un procès-verbal d'enquête de la lin du XVe siècle, d'assumer des enfans concurremment avec des majeurs , pour consacrer à la postérité des faits ou des actes , dont il importait de conserver le souvenir , et de donner à ces enfans quelques soufflets , en les tirant par les oreilles, est spé- cialement ordonné par la loi Ripuaire , tit. 60, et par la lex Bajuvar., tit. i5, c. 2, § ï. J. J^an Hont, Diensthoeck der stad Leyden, hl. 4, parle aussi de cet usage, et j'ai appris qu'il avait encore lieu à Colo- gne , ancienne capitale des Piipuariens. Ne serait-ce pas un ves- 5o6 TROISIÈME iAlÉMOIRE tige de cet ancien usage que l'évéque, en conférant le sacrement de la confirmation , donne quelques petits soufflets aux enfans pour s'en souvenir? La loi Salique , tit. 62 , et la loi Ripuaire , tit. 56 , excluent les filles de la succession aux hiens pâte j^nels ; il est probable que cette exclusion a subsisté en Flandre jusqu'au XIII^ siècle; car le comte Thomas de Savoie, dans la keuren qu'il donna au pays de Waes en 12,1^1 , ne les reçoit à ce partage que pou?^ r avenir, ce Omnes liberi cujuslibet hominis, sive masculi, sive y> fe mince y de cœtero œqualiter participent in bonis patris et )) matris tam mobilibus , qaam imniohilibus , videlicet allodio )) et hereditate. » Les Francs ne connaissaient point la récompense ou remploi dans la communauté conjugale; lex Rip., tit. 3^, c. 3; elle n'a été introduite en Flandre que par nos coutumes homologuées. Coût, de Gand, ruh. 20, art. i3; ^udenarde, rub. 22, art. ^3; ^lost, rub. 17, art. i3. D'autres usages non écrits nous sont pareillement parvenus des Francs , tels que la légitimation sub pallio , en plaçant les enfans illégitimes sous la robe ou le manteau de la femme, pendant la cérémonie du mariage qui devait les légitimer, et les en faisant sortir au moment de la bénédiction donnée ; on les appelait mantel-kinderen. L'usage de la bague dans le mariage. Le besoin du consentement des plus proches parens au ma- riage, etc., etc. Je renvoie pour ceux-ci à l'ouvrage de M. Laurent van dea SUR LA LÉGISLATION DES GAULES. 307 Spiegel, ayant pour titre Oorspronck en voortganck van onse vaderlandscJie rechten. Hoofds 4- Toutes nos coutumes de Flandre interdisent l'institution d'hoirie; les Germains ne la permettaient pas non plus. Nul- lum testamentum. Tacit. de M. G. c. 2.0. Nos lois n'ont établi aucune peine pour l'adultère ; mais en en abandonnant la punition au mari , elles souffraient que l'on accueillît la femme adultère par un charivari; cette peine hon- teuse et flétrissante qui est énoncée dans toutes nos anciennes keuren, est écrite en toutes lettres dans Tacite, de M. G. c. 19: elle s'appelle encore schaminkelen , et se trouve écrite dans nos chartes de commune rapportées dans le Recueil des ordonnan- ces de France. Je ne finirais pas si je voulais rassembler ici les vestiges de toutes les lois et de tous les usages germaniques qui sont fon- dus dans nos coutumes, et que nous suivons encore quoique non écrits. Ce serait d'ailleurs un travail incohérent. J'ai donc préféré de les classer dans mon analyse sous les divers titres auxquels ils appartiennent ; c'est là que chacun pourra se con- vaincre par lui-même, que les formulaires et les solennités de nos œuvres de loi, nos jura personarum , nos modes de suc- cession, les formes de nos donations entre - vifs , que quel- ques jurisconsultes ont inutilement cherchées dans \qjus vêtus Romanorum , notre donatio propter nuptias {i) , l'origine et (1) L^on sait combien nos jurisconsultes varient sur la signification du Morgengabe ^ c'est évidemment un mot teuton, qui se compose de morgen, matin, et de gab, gave ougefte, dont l'ensemble signifie le don du matin; mais en remontant jusqu'aux lois teutones ^ on trouve la définition de ce Tome III 4* ooî TROISIÈME MÉMOIRE l'organisation de nos voisinages et quartiers et tant d'autres institutions civiles et politiques, nous sont venus des Germains et des Francs. Il résulte de tout ce que dessus, que la législation, qui exis- tait à l'époque de nos keuren , consistait dans des usages des Germains, des Francs et des Capitulaires, modifiés par les lois romaines qui étaient considérées pour la mère de toutes les lois humaines ; il ne faut donc pas demander pourquoi les actes d'homologation de nos coutumes renvoient au droit romain dans le silence des coutumes. don dans l'art. 20 du Spéculum saxonicum ^ ainsi conçu : «Nunc intellige, » quod vir militaris in suam uxorem , sine heredum assensu , nomine dotis » possit erogare antequam cum ea ad prandium discubuerdt ^ servum im- » puberem vel ancillam juvenem , sepes et œdificia carpentata et pecora » pascualia, id est, quibus non laboratur, et libéré confert. Omnes qui de 5) militari non constant progenie , non nisi validioreni equum vel aliud ani- » mal campestre, dotis nomine in siias uxores possunt erogare. » C'est en- core un vestige germanique. Tacit. de M. G. c. 18, et le tamelych juweel of te ca/cyZ de nos coutumes* Voy. coût. d'Audenarde^ 7'uh. 16, art. 20. La Morgengabe ne peut donc consister qu'en meubles ou réputés tels; et ce qu'elle a de particulier, c'est qu'elle se fait entre le mariage solennisé et le mariage consommé , ante prandium', car il était anciennement d'usage, après la célébration du mariage, de se mettre à table, et la table finie, que les époux s^allassent coucher. C'est ainsi que Marie de Bourgogne ayant épousé l'archiduc Maximilien , àl'église de St.-Jean (aujourd'huiSt.-Bavon) , en 1479, se rendit, après la cérémonie, droit au festin que leur avait pré- paré la ville , et le festin fini , se retira avec son époux au lit nuptial , et ne descendit de son appartement qu'à quatre heures de l'après-midi. Chroniq. man. de Gand, appartenante aux héritiers du baron de Neef, a Gand. Comme le mariage se célébra de grand matin , ce festin de la ville ne fut que le déjeûner; \e prandium \\^ awV lieu qu'à quatre heures. SUR LA LÉGISLATION DES GAULES. 509 10. Cependant, ces premières keiiren ne comprenaient point ces usages ; elles sont plus simples et n'eurent d'autre but , que de garantir, convenablement et par écrit, la liberté des sujets contre l'arbitraire des seigneurs, comme je le prouve dans mon analyse sous le titre des keuren; l'anarchie avait rendu l'igno- rance si générale et si profonde , qu'il y eut peu de personnes encore capables de s'élever jusqu'au projet ou système d'une administration municipale et libre. C'est au XII^ siècle que les dévastations et les persécutions excitèrent ces funestes émigra- tions des Belges, notamment des Flamands et des Hollandais, vers le nord de l'Allemagne, dont Eelking nous donne l'his- toire dans une dissertation imprimée à Erfurt en 1774? q^^e M. le marquis de Chasteler rappelle dans son mémoire cou- ronné en i'j'j8,pag. 100. Au milieu de cet état d'oppression et de misère le peuple se crut assez heureux, et crut avoir assez gagné, lorsqu'il avait réussi à mettre des bornes à l'arbitraire et à la violence des petits tyrans de toutes les classes qui l'opprimaient, sans qu'il osât , ou peut-être , sans qu'il pût porter encore ses vœux plus loin. Mais après que ces keuren l'eurent soustrait à la merci de ces despotes, qu'il fut rendu à ses travaux et qu'il eut goûté les avantages de ce premier calme, il comprit le besoin d'organiser ses relations et de consolider son existence civile et politique par une sorte de chartes plus amples et plus détail- lées , qui lui donnassent un code de lois municipales et des magistrats pris dans son sein. Ce sont ces chartes qui sont cou- nues sous les noms de loi et de commune^ et qui ne datent, en général , pour la Belgique et la France, que de la fm du XIIl^ siècle, comme je le prouve dans la III^ partie de mon analyse. 4i- 5io TROISIÈME MÉMOIRE II. On n'a pas assez développé, ce me semble, le passage de nos premièj'e s keuren, qui ne furent que de simples chartes de liberté^ aux lois et aux chartes de commune , qui forment nos constitutions municipales. Après que ces keuren eurent accordé la liberté, la jurispru- dence se trouvait encore toujours sans autre guide que celui de ce chaos d'usages germaniques , amalgamés avec les lois ro- maines et altérés par l'ignorance et le laps de trois siècles ; leurs variations et leur incertitude étaient telles , qu'à défaut de les comprendre ou de les discerner, les juges étaient autorisés à décider les affaires d'après leurs cinq sens , et que dans le si- lence, vrai ou supposé, on renvoya les parties au jugement de Dieu par la voie des ordalies. Heureusement l'étude du droit romain avait repris en Italie, et nos étudians, qui s'y rendirent en foule, en rapportèrent dans leur patrie les notions et y propagèrent les principes; mais le grand point était de mettre tous ces anciens usages en harmonie avec ces principes et d'en former des codes de juris' prudence nationale et locale. Dès lors , chaque pays ou province se mit en devoir de faire un triage de ses usages écrits et non écrits, pour rejeter ceux qui étaient reconnus abusifs, faux, surannés ou incompatibles avec la saine jurisprudence. De ce triage on lit des espèces de codes sous les noms Rassises y de miroirs, de spécula , ôiesta- hlissemens , etc. Ainsi , en ii 85 , le comte Godefroid de Bretagne fit rédiger \assise connue sous le nom di^assise du comte Godefroid ; en 1260, St.-Louis fit rédiger les assises de Jérusalem-, en An- gleterre parurent diverses assises mentionnées par Spelmannj SUR LA LÉGISLATION DES GAULES. 3ii André Hornes donna son the miror of justice que M. Honard a inséré dans ses coutumes Anglo-Normandesj le spéculum saxo- nicum est le plus intéressant pour les Belges, parce qu'on y trouve la fusion des anciennes lois et usages des Francs, Saxons et Frisons, dont le fond est le même que celui des usages des Belges, comme ayant une origine commune avec ces trois au- tres nations; enfin St.-Louis donna, en 1270, ses establisse- mens selon l'usage de Paris et d^ Orléans et de court de haronnie ; ces establissemens , comme les autres assises , ne formeraient donc encore qu'une assise de Paris et d'' Orléans en particulier , mais nullement une loi générale pour tout le royaume. Hé qui eût pu faire une loi générale dans ces temps? l'autorité du roi n'était pas respectée hors de ses domaines ! Toutefois, la confusion qui régnait dans les usages de cha- que province, étant parvenue au point, suivant yindré Hornes , ce dejudger les gents de leur testes par abusions et par exem- 3) pies des autres enfants en lay (loi), plustot que par droits )) rules (règles) » : il fut impossible, que cet état d'adminis- tration de la justice pût encore subsister au milieu des lumiè- res que les lois romaines avaient répandues dans toutes les Gaules. Ces assises locales ont donc eu et dû avoir pour but princi- pal de coordonner les usages reconnus avant, avec les prin- cipes de la loi romaine , comme mère de toutes les lois humai- nes, et qui avait dirigé et modifié ces usages du temps même des Carlovingiens et des Mérovingiens. Il n'y a donc rien qui doive surprendre, de voir toutes ces assises remplies de cita- tions des Pandectes , du code , des décrétales, du décret y à l'appui de chaque article de l'assise , comme on le remarque^ surtout, dans les establissemens de St.-Louis. 5i-2 TROISIEME MÉMOIRE On conçoit présentement sans peine, pourquoi, jusqu'à nos temps, tout le droit civil de la France et de la Belgique n'a consisté qu'en ce nombre infini de coutumes locales ; car, d'une part, les assises dont se composent nos coutumes, n'étaient que locales ; et de l'autre, il n'a pas été plus possible de faire une législation générale depuis le XIII^ siècle , au milieu des guer- res et des cliangemens de dominations, qu'il ne l'a été avant cette époque , au milieu de l'impuissance du pouvoir royal et de toutes les souverainetés particulières des grands du royaume. 12. Il résulte de là aussi que ces assises n'étaient que des essais pour arriver, avec le temps, à un système de jurispru- dence plus régulier et plus parfait. En effet, l'on vit bientôt les jurisconsultes des divers royaumes s'occuper de cet impor- tant travail et le porter à ce degré de perfection , dont il était susceptible dans l'aurore de la renaissance des lettres et de la jurisprudence, Littleton, Brilton, Fleta, Granville, Hornes en Angleterre, s'en occupèrent avec succès dès le milieu du XIII^ siècle; leurs traités ont été publiés par M. Honard qui les a enrichis de no- tes et de remarques très-savantes, que malheureusement on connaît à peine dans notre pays ; Pierre des Fontaines , en France , donna déjà , sous St.-Louis , ses conseils à son ami , dans lesquels il réunit et explique les coutumes du Verman- dois, qui ont tant d'affinité avec celles de l'Artois ou ancienne Flandre. En i283, Beaumanoir écrivit son précieux commen- taire sur les coutumes du Beauvoisis , et Jean Boutiller , natif, selon M. Paquot, de Mortaigne, près Tournai, finit le i6 sep- tembre i4o2, sa somme rurale y dont Cujas fait le juste éloge, en l'appelant optimus liber. SUR LA LÉGISLATION DES GAULES. 5i3 Mais ces assises, en coordonnant leurs usages locaux, au- tant qu'ils en étaient susceptibles, avec l'esprit et les principes des lois romaines, gardèrent par cela même ces usages ainsi régularisés pour leur droit local. Ce sont donc les mêmes us et coutumes que les Belges avaient suivis comme lois ^ sous les Mérovingiens et les Carlovingiens , et comme usages sous la troisième race, qui ont été fondus dans ces assises, dont éma- nent nos coutumes homologuées qui ont été revues et corrigées dans les XVJe et XVIJe siècles. i3. Mais bientôt les Français et les Belges, éclairés et gui- dés par ces jurisconsultes revenus de l'Italie, avaient connu le prix d'un état libre plus parfait , consistant dans le droit de commune , vulgairement appelé poorterye , dont on prétend que les notions avaient aussi été rapportées d'Italie , où l'an- cienne liberté des municipes s'était mieux conservée, pendant l'anarchie des Gaules, que partout ailleurs. Le droit de commune, consiste en une constitution d'une espèce de république locale jouissant des pouvoirs administratif ^X. judiciaire i exercés par un collège de concitoyens. Les vœux de toutes les villes, tant soit peu importantes, ne tardèrent point à se porter vers cette nouvelle institution, et les rois prévoyant dans l'établissement de ces communes le moj^en de ressaisir leur autorité et d'abaisser les grands , s'em- pressèrent de favoriser ces nouveaux municipes , parce que tous les membres de ces communes devaient s'obliger à foi et hommage et par conséquent à aide et conseil envers le roi. V. mon analyse , part. III. L'on sent aisément, que les premières keuren, qui ne con- sistaient qu'en simples chartes d'affranchissement et de liberté. 5i4 TROISIEME MEMOIRE , etc. et ces assises , qui ne consistaient qu'en des compilations d'usa- ges régularisés , étaient insuffisantes pour le nouvel état de commune , parce que ces usages de l'assise n'étaient adaptés qu'au régime royal ou seigneurial , tandis qu'à présent , ces usages devaient être adaptés au régime municipal; en d'autres termes, les habitans n'avaient joui de ces anciens usages que sous les pouvoirs administratif et judiciaire exercés par le roi ouïe seigneur^ tandis que, constitués en commune, ils allaient en jouir dorénavant, sous Y exercice dhin corps municipal de concitoyens élus par eux. Dès lors , ces keuren et ces assises , qui continuèrent à for- mer toujours le droit local, se fondant dans la nouvelle charte de concession royale , ont du être nécessairement mises en har- monie avec l'exercice de ces deux nouveaux pouvoirs munici- paux; c'est ce qui s'est fait de concert avec le roi, par des char- tes royales , sous le nom de chartes de commune , qui nous ont régis jusqu'à répoque de leur abolition par la révolution française. Voilà, tout à la fois, l'histoire du passage et de la fusion des lois Saliques et Ripuaires, et des autres usages germaniques dans nos coutumes homologuées et dans nos usages; la cause de la multiplicité de nos coutumes et de l'absence de toute lé- gislation générale , et enfin , le motif pourquoi , dans le silence des coutumes, nos lois nous renvoient à la disposition du droit écrit. Puisse l'académie accueillir ces recherches avec bienveillance et les lire avec indulgence pour le style , que plus d'une cause m'a empêché de soigner autant que je l'eusse désiré ! FIN. MEMOIRE POUR SERVIR A L'HISTOIPiE D'ALPAIDE , MÈRE DE CHARLES-MARTEL; Par m. DEWEZ, secrétaire perpétuel. LU A LA SEANCE DU 5 MAI 1823. Tome m ' 42 jvimiv%it(vv%%iv«(%ivinjii%i/v\ivi;%i%/i/^iviiifv%mivii«ivv%iv%i^ MÉMOIRE POUR SERVIR A L'HISTOIRE D'ALPAIDE, MÈRE DE CHARLES-MARTEL. Alpaïde, mère de Charles-Martel, tige de la seconde race des rois de France, est un personnage historique très-intéres- sant pour notre pays : elle a vécu à Jupille , village à une lieue de Liège; elle est morte à Orp-le -Grand , vulgairement dit Ste.-A dèle , village du Brabant méridional , à deux lieues de Jo- doigne, et elle y a été enterrée : on y a retrouvé son tombeau avec une inscription qui lui donne le titre d'épouse ou concu- bine de Pépin , contJioralis Pepini. Comme les vieilles légendes ont accumulé une foule de contes plus ridicules les uns que les autres sur cette princesse, j'ai tâché, en pesant et en dis- cutant les diverses opinions des auteurs anciens et modernes qui en ont parlé, de démêler la vérité altérée, défigurée et étouffée par cet amas de mensonges et d'absurdités. Il se présente donc sur ce sujet plusieurs questions , qui sont comme autant de problèmes historiques. Je les réduirai à quatre principales : 42. bli MÉMOIRE POUR SERVIR I. Alpaïde était-elle la concubine ou la femme légitime de Pépin de Herstal? Le plus ancien auteur de la vie de St.-Lambert est un ano- nyme, dont l'ouvrage a été publié en grande partie par frag- mens , dans la collection deDuchesne, tome I. Godeschal, dia- cre et chanoine de Liège, est le second. Il a écrit la vie du même saint par ordre de l'évêque Agilfride en y^ i , conséquem- ment au commencement du règne de Charlemagne. Il parait assez , en confrontant les deux ouvrages , que Godeschal n'a fait que revoir et retoucher celui de l'anonyme. Ces deux écrivains ne parlent d'Alpaïde ni dans un sens ni dans l'autre. Ce sont les légendaires des temps postérieurs, entre autres Nicolas , chanoine de Liège, et Renier , moine de St.-Laurent, écrivant dans le XII^ siècle , le premier vers l'an 1 1 20 , le second vers l'an II 39, qui ont ouvertement traité Alpaïde de concubine. Le premier dit que Pépin ayant renvoyé Plectrude , sa femme légitime, lui substitua Alpaïde, et que cel adultère fut con- sommé à la face de toute la France (i). Le second en parle absolument dans le même sens et à peu- près dans les mêmes termes (â). Un légendaire, nommé Mar- cellinus , dans une vie de St.-Suibert , traite également Alpaïde de concubine , et Charles-Martel de bâtard (3). Mais le continuateur de Frédégaire, historien contemporain, (1) Pipinus Plectrudem uxorem suam legitimam repudiavit eique super- induxit puellam elegantem, Alpaïdem nomine Et factum est in oculis Franciae publicum hoc adulteriuni. Cap. i4. (2) Puellam nohilem et elegantem, nomine Alpaïdem, superinduxit le- gitimaeconjugi suse Plectrudi. Cap. 16. (3) Carolum-Marlellmn illegitimum ex Alpaïde pellice genitum. Cap. 25. A L'HISTOIRE D'ALPAIDE. Sig puisqu'il a repris la chronique de celui-ci à l'an 64 1 , et l'a con- tinuée jusqu'en ^68 , dit clairement et positivement que Pépin épousa une autre femme, appelée Alpaïde, distinguée par sa naissance et sa beauté (i). Si donc, en prenant la chose dans le sens le plus défavorable , Alpaïde avait été la concubine de Pépin , elle devint sa femme légitime , et les historiens contem- porains, dit Adrien Jourdan (2), en parlent dans ce sens. Mais ce point veut une explication. Comment , dira-t-on , Alpaïde pouvait-elle être la femme légitime de Pépin, puisque Plec- trude, sa première femme, était vivante? Il faut remarquer avec Adrien Valois (3) , que telle était la coutume des Francs , qui renvoyaient de bonne grâce leurs femmes, quand elles ne leur convenaient pas, tellement que l'homme et la femme avaient le droit, ou de se retirer dans un monastère, ou de contracter un autre mariage. Marculfe le dit également très- positivement (4). Et ce n'étaient pas seulement, ajoute Valois, les rois et les princes qui usaient de ce privilège, mais même les particuliers, qui, quand cela leur convenait, suivaient l'exemple des rois (5). (1) Pipinus aliam duxit uxorem nobilem et elegantem, nomine Alpaï- dem. Cap. 102. (2) Ce fut au commencement de ce règne , dit encore cet historien de bonne foi et de bon sens, que Pépin se sépara de Plectrude, sa femme, et épousa Alpaïde On ne doit point douter qu'il n'ait épousé Alpaïde dans toutes les formes. Hist. de France et l'orig. de la maison royale , tome 5, p. 569. (3) Notandum est fuisse morem Francis uxores malè convenientes bonâ gratiâ dimittere, ita ut vir et uxor alterius matrimonii contrahendi habe- rent potestatem. Rer. Franc, tom. 3, lib. 23, p. 379. (4) Unusquisque ex ipsis sive ad servitium Dei in monasterio, aut co- ptilse matrimonii sociare se voluerit, licentiam habeat. Lib. 2, cap. 00. (5) Nec reges modo, qui quidquid libuerit licere sibi putani, ita facie- 520 MEMOIRE POUR SERVIR Je crois retrouver l'origine de cette coutume dans les mœurs des Germains. Les Germains , dit Tacite , sont presque les seuls des barbares qui se contentent d'une femme, si l'on en excepte un petit nombre, qui, non par un effet de leur dissolution, mais par un privilège de leur naissance , en entretenaient plu- sieurs, parce que leur alliance était recherchée (i). C'est donc, à ce qu'il paraît, de la Germanie que les Francs avaient ap- porté cette coutume, ou plutôt cette prérogative, que la con- quête, dit Montesquieu, n'avait pas eu le temps de changer. La conversion de Clovis n'apporta point encore de change- ment à cette coutume. Cependant les lois de l'église y ont tou- jours été contraires ; mais ce privilège , accordé par la loi civile, s'est maintenu encore pendant un fort long temps, par- ticulièrement parmi les grands et les princes. Il est donc tou- jours vrai de dire qu'aux yeux de la loi, Alpaïde était la femme légitime de Pépin, et que conséquemment Charles-Martel était leur fils légitime. 1, Alpaïde est-elle coupable du meurtre de St.-Lambert? Les contemporains, ou enfin les anciens historiens n'en par- lent pas. Il paraît que c'est Adon, archevêque de Vienne en Dauphiné , en 860 , qui le premier a imputé la mort de St.-Lam- bert à Pépin et à Alpaïde. Les écrivains des temps postérieurs, bant : Teramtamen privati, qiios uxorum suarum fastidium ceperat, be- neficio legis iitebantur. Vales. Ibid. (1) Quamquamseveraillic matrimonia , nec ullam morum partem magis laudaveris : nam prope soli barbarorum siiigulis uxoribus contenti sunt, exceptis admodum paucis, qui nonlibidine, sed ob nobilitatem , phirimis nuptiis ambiunlur. Germ. cap. 18. A L'HISTOIRE D'ALPAIDE. 52 1 c'est-à-dire, le chanoine Nicolas et le moine Renier ont suivi Adon, et voici comment ils racontent l'histoire. St.-Lambert avait plus d'une fois fait de sévères remontrances au duc Pépin sur sa conduite. Pépin avait écouté les avis de Lambert avec assez de docilité, et paraissait même disposé à renvoyer Alpaïde. Mais celle-ci sut si bien faire valoir son ascendant sur l'esprit du prince, qu'elle parvint à détruire tout l'effet des exhorta- tions de l'évêque , et la passion de Pépin pour la belle Alpaïde n'en devint que plus violente. Pépin, qui consultait souvent Lambert sur les affaires de son gouvernement, l'invita un jour à se rendre à Jupille, vil- lage à une lieue de Liège , où il faisait sa résidence ordinaire. Après la conférence, le duc invita Lambert à un festin qu'il avait fait préparer pour le recevoir, et celui-ci, après s'en être long-temps excusé sans en dire la raison (c'est qu'il ne voulait pas se trouver avec Alpaïde), céda cependant aux instances réunies tant du duc que des seigneurs de sa cour. Quand on fut placé à table selon les rangs, l'échanson vint présenter une coupe à Pépin, qui la renvoya à l'évêque, en le priant de la bénir. Tous les convives firent la même cérémonie. Alpaïde , désirant obtenir la même faveur , mais craignant que l'évêque ne la lui refusât, tâcha de mêler, sans qu'il s'en aper- çut, sa coupe à celles des autres convives. Lambert, qui s'en défiait, remarqua cette ruse et repoussa la coupe. Alors, se laissant emporter à son zèle , peut-être trop inconsidéré , il lui reprocha son impudence (c'est le mot qu'emploient les vieux his- toriens), quitta la table et sortit de la salle. Le duc le suivit, et tâcha par les manières les plus engageantes et les instances les plus honnêtes , de l'appaiser et de le ramener ; mais tous ses 522 MEMOIRE POUR SERVIR efforts et toutes ses paroles furent inutiles. Lambert ne répon- dit aux invitations et même aux excuses du duc , que par les termes les plus durs et les plus offensans. Ce sont ceux du moins que les historiens lui prêtent. Ces propos de l'évêque n'aboutirent qu'à lasser la patience et à émouvoir la bile de Pépin; et Alpaïde, de son côté, ne pouvant supporter la honte de cet affront , ne fit qu'échauffer et animer de plus en plus le duc contre Lambert j et quand elle l'eut amené au point, où, égaré par l'amour et la colère , il n'était plus en état de pren- dre conseil de sa raison, elle ne craignit pas de lui proposer de le faire tuer , et dans ce moment ( ce sont toujours ces vieux historiens qui parlent), il eut la faiblesse d'y consentir. Comme elle craignit, si elle lui eut laissé le temps de la réflexion, qu'il ne changeât de dessein, elle envoya dans la nuit même des émissaires affidés à son frère Dodon pour l'informer de tout ce qui s'était passé, et l'engager à la débarrasser par une prompte mort d'un prêtre fanatique, qui ne cessait de l'insul- ter et de la persécuter (i). Dodon se chargea de l'exécution de cet odieux complot ; et après avoir pris toutes ses mesures, il se rendit de grand matin au palais de l'évêque à la tête d'une troupe de sicaires dévoués à ses volontés : il fit d'abord entourer le palais par une partie de ces brigands, et les autres se répan- dirent en tumulte dans tous les appartemens. Les deux neveux de l'évêque s'étant armés à la hâte , accoururent pour repousser les assassins , et les forcèrent en effet à se retirer. Mais ils re- vinrent plus furieux , et après avoir tué les deux neveux et les fidèles domestiques qui étaient venus au secours, ils se pré- (i) Nicol. canon, in vita S. Lamberli, cap. 16. Rener. S. Laurent, mo- nachus, in vita ejusd., cap. 18. A L'HISTOIRE D'ALPAIDE. 02D cipitèrent dans la chambre où Lambert était couché, et l'as- sassinèrent (i). Tel est le récit circonstancié de cet événement, selon les deux auteurs de la vie de St.-Lambert, Nicolas et Renier. Les anciens, c'est-à-dire, Godeschal et Etienne, s'accordent à peu près avec ceux-ci quant à la catastrophe, c'est-à-dire, quant aux circon- stances de l'assassinat; mais ils ne parlent pas de la scène du festin, qui, selon les autres, en a été la cause et l'occasion, et ils l'attribuent à une toute autre cause, que j'expliquerai plus bas. Anselme, chanoine de Liège, qui écrivait peu de temps après Nicolas et Renier, rapporte les deux causes, et insiste plus par- ticulièrement sur la seconde, c'est-à-dire, la haine d'Alpaïde. Les autres chroniqueurs, annalistes et légendaires ont suivi ceux-là, et Gilles d'Orval, qui florissait dans le XlIIe siècle, s'accorde également avec eux , ou plutôt il les a copiés (â). Mais, dira-t-on, à quoi attribuer ce silence des historiens presque contemporains , qui devaient être mieux informés des faits? Renier l'explique, en disant que si Godeschal n'a pas parlé assez librement de la cause principale du martyre de St.-Lambert , c'est qu'il a craint de choquer les rois de son temps, en rappelant les fautes de leurs ancêtres (3). Mais était-ce (i) Nicol. ibid. , cap. 17. Rener. ibid., cap. 19 et 21. (2) Anselm. cap. 11 , ap. Chapeauv. , tom. 1, p. 117. Mgid. aur. vall. il»., p. 119. (3) Gesta quidem ejus veraciter prosecutus, de causa martyrii parum li- bero ore locutus est : quod hac de causa fecisse creditur , ne sui temporis re- gibus culpam majorum suorum videj etur exprobrare. cap. 28. ToiTie III. 43 52't MÉMOIRE POUR SERVIR bien une raison pour tenir caché un fait, qui, s'il eut été vrai, aurait du être notoire? Hincmar, arclievêque de Reims, n'a-t-il pas avancé (ce qui paraîtra bien plus fort et plus hardi) que Charles-Martel était damné, et c'est sous le règne de Charles- le Chauve, descendant en ligne directe de celui-ci, qu'Hinc- mar écrivait. Au reste, en supposant même que la crainte, le respect humain , la raison politique , auraient pu empêcher Godeschal de dire toute la vérité , pourquoi l'évêque Etienne , qui vivait en goS , et qui , étant conséquemment éloigné de plus d'un siècle et demi de Charles-Martel, n'avait plus de ménagemens à prendre, pourquoi, dis-je , n'en aurait-il pas parlé ? C'est que probablement il ne connaissait pas le fait , ou qu'il ne le croyait pas , comme n'étant pas fondé sur des preu- ves historiques assez dignes de foi. Pourquoi enfin les historiens de SL-Lamhert auraient-ils été plus timides et plus circonspects que la plupart des historiens ecclésiastiques de ces temps-là, qui, ne pouvant pardonner à Pépin d'avoir employé l'argent qu'il avait trouvé dans quel- ques monastères pour payer ses soldats , et d'avoir accordé l'usufruit de quelques terres de l'église à ses capitaines, ont si indignement flétri sa mémoire, en avançant qu'il était damné, mais damné en corps et en âme? C'était cependant pour déli- vrer l'église et l'état du joug mahométan que Charles-Martel avait pris les armes. Mais il parait que ces historiens, qui étaient tous ecclésiastiques, se sont peu inquiétés des causes et des succès d'une guerre entreprise pour la défense de la religion chrétienne; c'est qu'ils étaient sans doute plus sensibles à la diminution de leurs revenus qu'à l'exaltation de la religion et au triomphe de la croix. A L'HISTOIRE D'ALPAIDE. 325 Cette fureur contre Charles-Martel a été poussée à un tel point qu'on lit dans la vie de St.-Eucher, éyéque d'Orléans, que celui-ci étant en prière, fut ravi en esprit et mené par un ange en enfer; qu'il y vit Charles-Martel, et qu'il apprit de l'ange que les saints dont ce prince avait dépouillé les églises , l'avaient condamné à brûler éternellement en corps et en âme. St.-Eucher, ajoute son historien, écrivit cette révélation à Bo- niface, évêque de Mayence, et à Fulrad, archi-chapelain de Pépin-le-Bref , fils de Charles-Martel , en les priant d'ouvrir le tombeau de ce dernier, et de voir si son corps y était. Le tom- beau fut ouvert; le fond en était tout brûlé, et on n'y trouva qu'un gros serpent , qui en sortit avec une fumée puante. Bo- niface ne craignit pas d'adresser directement à Pépin et à son frère Carloman toutes ces édifiantes preuves de la damnation de leur père. Or, si l'évéque Boniface a osé écrire de sembla- bles horreurs à ces deux princes , pourquoi les historiens de St.-Lambert auraient-ils plus ménagé Pépin, leur aïeul, et Al- païde, sa femme? Mais il se présente ici une nouvelle objection. Pourquoi, dira-t-on, les écrivains des siècles suivans ont-ils rapporté ainsi les faits relatifs au martyre de St.-Lambert, en l'attribuant à Alpaïde, et sur quelle preuve les ont-ils fondés? Ils ne le di- sent pas, et c'est ce qui me force à croire que, s'ils ne les ont pas inventés, ils n'ont au moins d'autre autorité que la tradi- tion; le bon historien Bouille le dit, et regarde cette tradition comme irréfragable; c'est son expression. Je ne saurais être de son avis; car on sait avec quelle facihté, dans ces siècles de simplicité et d'ignorance, on accueillait et on accréditait ces sortes de traditions qu'une pieuse crédulité a transmises de siècle en siècle; et à force de les entendre répéter, on s'y est - 43. 326 MEMOIRE POUR SERVIR tellement habitué , qu'on a fini par les regarder comme des faits prouvés. Il y a des choses , dit Montesquieu , que tout le monde dit, parce qu'elles ont été dites une fois. Qu'est-ce donc quand elles ont été vingt fois répétées? C'est sur ces sortes de traditions que sont fondées la plupart des légendes. Je suis loin, encore une fois, de vouloir accuser leurs auteurs d'avoir eu l'intention de tromper les autres : je crois au contraire qu'en général ils ne les ont rapportées que parce qu'ils étaient trom- pés eux-mêmes , ou , en d'autres termes , qu'ils étaient dupes de leur bonne foi. Je suis donc bien tenté de croire qu'on peut sans impiété reléguer toute cette prétendue conspiration d'Al- païde contre la vie de Lambert, au rang de ces fables dont les légendes fourmillent , et que leurs auteurs ne tirent pas toujours des traditions , mais de leur imagination trop exaltée , comme le dit le cardinal Bellarmin de Simon Métapliraste , écrivain grec du X^ siècle, auteur d'un recueil de vies de saints, dans lesquelles, dit ce savant cardinal, ce légendaire a ajouté beau- coup de circonstances de son invention, présentant les faits, non comme ils se sont passés , mais comme il voudrait qu'ils se fussent passés, et qu'il a surchargés d'une infinité de faits romanesques, miraculeux et incroyables , dont les autres his- toriens ne font aucune mention (i). Or, ce n'est pas seulement Métaphraste qui a ainsi défiguré l'histoire. Un très-grand nom- (i) Illud autem est observandum a Métapliraste scriptas fuisse historias de vitis sanclorum , multis additis ex proprio iugenio , non ut gestse resfuerunt, sed ut geri potuerunt. Addit Metaphrastes multa coUoquia sive dialogos inartyrum cum persecutoribus , aliquas etiam conversiones astantium paga- norum in tanto numéro, ut incredibiles videanlur : denique miracula plu- rima et maximain eversione teraplorum et idolorum et occisioue persecu- lorum, quorum nulla est mentio apudveteres historicos. A L'HISTOIRE D'ALPAIDE. 327 bre de légendaires , comme l'observe François Bacon , baron de Vérulam, fils du fameux cbancelier , ont accumulé dans leurs ouvrages une foule de faits absurdes , qui font bien plus de tort que de bien à l'église , et ( c'est l'expression de l'auteur que je cite) rendent les légendes aussi ridicules et aussi mons- trueuses que le Talmud et l'Alcoran. Pour en revenir au sujet qui m'occupe, je m'appuie de l'au- torité du baron Le Roi, qui dit positivement qu'on a débité beaucoup de fables sur Pépin et Alpaïde (i), et il ajoute que ce qu'ont avancé plusieurs écrivains , savoir que St.-Lambert a été martyrisé, parce qu'il avait réprimandé Pépin sur sa liaison criminelle avec Alpaïde, n'est pas vraisemblable. Pour le prou- ver, il s'appuie d'abord sur ce que, comme je l'ai déjà remar- qué, les contemporains n'en ont pas parlé dans ce sens. Gode- schal , qui vivait dans le siècle de Pépin , attribue ce funeste événement à une cause toute différente et toute étrangère aux amours d'Alpaïde et de Pépin , et voici comment il le raconte. Je ne fais que le suivre, ou plutôt le traduire. « Deux frères ap- y) pelés Gai et Rioîd , ne cessaient d'accabler Lambert d'injus- y) tices et d'outrages, et de lui causer les plus grands préju- » dices dans ses intérêts particuliers, en pillant et en dévastant » ses biens. Cette fureur s'étendit même sur les parens et les » personnes attachées à l'évêque , qu'ils molestaient , qu'ils 3» tourmentaient , qu'ils chargeaient de mauvais traitemens. » Les parens de Lambert , ne pouvant supporter plus long- y) temps cette persécution , se vengèrent de tant de vexations » et d'outrages par la mort de Gai et Riold. » Ces parens de (1) Multa de Pipino et Alpaïde fabulosa scripta fuere. Topograph. hist. Gallo-Bi'ab., lib. 7 , p. 24g. 028 MÉMOIRE POUR SERVIR l'évêque étaient Pierre et Andolet, que la plupart des histo- rieos, se copiant les uns les autres, disent être ses neveux. Godesclial ne le dit pas : il dit seulement que c'étaient deux hommes puissans de sa famille ou de sa ïmxison , familiœ suœ; car ce mot peut signifier l'une ou l'autre. Chapeauville , tom. i , p. 337, ann, 2, dit que Godesclial n'accuse pas nominativement Pierre et Andolet d'être les auteurs de cet assassinat. Il se trompe : s'il ne le dit pas dans le passage du cliap. y sur lequel Chapeauville fait cette observation, il parait l'avancer bien po- sitivement dans le chapitre suivant, comme on va le voir. Je reprends donc le récit de Godesclial. ce Un des parens de Gai » et Riold , nommé Dodon , qui était un des premiers seigneurs » de la cour de Pépin, et qui vivait dans l'intimité du prince, » résolut de venger la mort de ses deux parens par celle de » l'évêque. C'est donc dans ce dessein qu'ayant réuni une )) troupe de satellites dévoués à ses volontés, il se rendit pen- » dant une nuit avec eux à la retraite de St.-Lambert, qui était )) à l'endroit qui depuis prit le nom de Liège , et qui alors » n'était qu'une espèce de hameau de peu d'importance, villam w pariai adliiLC nominis (i); et s'étant précipité dans la maison, » ils pénétrèrent dans la chambre de l'évêque, qui s'étant ré- » veillé et levé au bruit , saisit dans le premier mouvement )) une épée, qu'il jeta, pensant qu'il ne pouvait recourir qu'aux 5) armes spirituelles, c'est-à-dire , à la prière. Mais Pierre et An- )) dolet (les voilà bien nommés) opposèrent une vive résistance )) aux assaillans non-seulement pour soustraire Lambert au » coup qu'on lui préparaît , mais pour défendre leur propre » vie, croyant bien que c'était à eux qu'on en voulait pour (1) Godesch. cap. 7. A L'HISTOIRE D'ALPÀIDE. Sag » venger la mort de ceux qu'ils avaient immolés à leur co- j> 1ère (i). » Que l'on confronte maintenant ce récit avec celui que j'ai rap- porté plus haut. Dans celui que je viens de copier fidèlement et qui est d'un contemporain , on ne voit ni le nom de Pépin , ni celui d'Alpaïde. Si l'auteur s'était borné à garder ini silence absolu à cet égard, on pourrait croire que c'était dans la crainte d'offenser, sinon Pépin, qui était mort depuis trente ans, du moins ses descendans. Mais il s'explique , ou plutôt , ce n'est pas lui, c'est St.-Lambert même qui parle, quand, au moment où il allait recevoir le coup fatal, il exhorte ses deux parens à subir patiemment la mort pour expier le crime dont ils s'é- taient rendus coupables (2). Voilà certainement la cause de l'événement dont il s'agit expliquée d'une manière qui ne doit laisser aucun doute, c'est-à-dire, par les propres paroles de Lambert, fidèlement rapportées par un historien, dont le récit porte un caractère de vérité qui annonce qu'il était bien convaincu de la vérité du faitj €t si, après cela, on vient avancer €[ue quoi- que Lambert ait dit aussi clairement à ses deux parens que c'était pour venger la mort de Gai et de Riold , que Dodon s'est (1) Duo autem familise suse prœstantiores, et apud ipsum habiti gratiae po- tioris, Petrus et Andoletus vocati, hostibus obsislere nitebantur..... et hoc (juideni pontificis dilectioni et ei^eptioni prsestabant : sibi etiam providebant, tj^uorum mors petebatur in ultionem illoi'um qiios supi-a sibi infestes , extiiixerant. id. cap. 8. (2) Recordamini verô vos reos fuisse criniinis hujus cujus nunc ultio éxpetitur 5 idcirco non subterfugiatis prœsentis mortis correptione expiari ^ certi quôd Deus puniat omne peccatum quod ad pœnam vel pœnitentiam x^ea conscientia non adduxit. 55o MEMOIRE POUR SERVIR armé, on ne peut pas inférer qu'il n'existait aucune autre cause du martyre du saint évêque, je me borne à répondre que dès qu'on peut tirer de pareilles inductions du silence d'un écri- vain, on peut tout supposer en histoire, et en faire une science systématique et arbitraire, et il suffira toujours de dire, quand on voudra présenter un fait sous un point de vue favorable à une opinion ou à un parti, que si un historien a tu telle cause ou telle circonstance , c'est qu'il n'a pas voulu ou qu'il n'a pas osé la rapporter. Mais je crois avoir assez démontré que cette crainte qu'on suppose aux historiens qui n'ont pas compromis les noms de Pépin et d'Alpaïde , n'a pas du les arrêter plus que d'autres qui n'ont pas été si timides ni si circonspects. D'après toutes ces circonstances, il me paraît raisonnable- ment, j'oserais presque dire juridiquement démontré qu'Alpaïde a été absolument étrangère à cet assassinat. Le récit de Gode- schal est simple , naturel ; c'est le ton d\in homme qui raconte bonnement ce qu'il croit. Celui des écrivains des temps posté- rieurs où l'on trouve le nom d'Alpaïde compromis , paraît, au contraire, forcé, confus; ils ont tout mêlé, tout confondu. Parmi les modernes, Fisen n'a fait que copier Renier. Foullon, après eux, ne sachant trop que faire, s'empara des deux versions, qu'il tâcha, par une espèce de tour de force, de lier tellement l'une à l'autre, qu'il n'en fit qu'une même histoire. C'est ce qu'on peut appeler un roman historique. En voyant la ma- nière dont les faits ont été arrangés, je dirais mieux défigurés et dénaturés par tous ces écrivains, on ne peut guère douter qu'ils n'aient eu l'intention de faire une histoire adaptée à un système imaginé pour flétrir la mémoire d'Alpaïde et de Pé- pin. C'est sans doute pour appuyer ce système qu'ils ont dit A L^HISTOIRE D'ALPAIDE. 55 1 que Dodon était frère d'Alpaïde ; car qui a avancé cette cir- constance ? Ce n'est pas l'ancien anonyme, ce n^est pas Go- deschal : ceux-ci se bornent à dire , comme je l'ai rapporté , que ce Dodon était un des seigneurs de la cour de Pépin. Or , je le demande, s'il avait été le frère d'Alpaïde, cela devait être connu de tout le monde, et les historiens, qu'on prétend que la crainte a forcés au silence, n'avaient-ils pas un véritable sujet de craindre de déplaire à Alpaïde en nommant Dodon , si réellement il avait été son frère? car enfin, n'était-ce pas compromettre indirectement cette princesse? Citer le nom de l'exécuteur du complot, n'est-ce pas, par un retour naturel d'idées, rappeler à l'esprit celle de l'auteur? Ces hommes qu'on fait si timorés , eussent donc été bien inconséquens. On ne doit pas le supposer, et l'on peut au contraire inférer de ces ré- flexions, qui se présentent si naturellement, que Dodon n'était pas le frère d'Alpaïde. Qui sont ceux en effet qui font dit? C'est, selon le père Pagi , dont je parlerai plus bas , Anselme qui l'a avancé le premier. Je crois que Pagi se trompe, et que c'est plutôt le chanoine Nicolas, et après lui le moine Re- nier, qui l'un et l'autre, je pense, étaient antérieurs, mais de fort peu de temps à Anselme. Ainsi peu importe ; car ils écri- vaient à peu près à la même époque, de l'an 1120 à ii5o. C'est Sigebert de Gembloux, qui a copié ce que les derniers avaient dit sur la cause du martyre de St.-Lambert, sans rap- porter celle qui avait été transmise par Godeschal. Pourquoi encore cette réticence? S'il y avait de la bonne foi, ne fallait-il pas rapporter l'une et l'autre? Mais non; il fallait tout arranger ou plutôt tout déranger pour assortir la chose au système ou au parti de ceux qui ne voulaient voir la chose qu'à leur ma- nière. Qui encore? C'est Gilles d'Orval, qui est encore celui qui Tome III. 44 00 2 MEMOIRE POUR SERVIR paraît avoir le plus altéré la vérité. C'est ce que lui reproche en termes assez durs le baron Le Roi (i), de sorte que plus on s'éloigne du temps de l'événement , plus on dirait qu'on s'éloigne de la vérité. C'est sans doute encore dans la même intention qu'ils ont tous rapporté que Dodon, par un châtiment visible du ciel, fut rongé de vers , d'autres disent de vermine , et déchiré de dou- leurs d'entrailles si vives , qu'il vomit ses intestins ; Bouille ajoute même son âme. Je ne nie pas le fait ( quant aux intes- tins , bien entendu), il est possible. L'abbé Velly , Hist. de France, tom. i, pag. 3 12, le rapporte même sur la foi des chro- niques liégeoises; mais il est bon de faire attention que cet his- torien observe que cette maladie vermiculaire était alors fort commune, et comme épidémique. Tous ces légendaires qu'ont-ils donc fait autre chose que dé- naturer les faits et embrouiller l'affaire? et en les jugeant ainsi je suis d'accord avec un écrivain très-religieux, qui en parle dans le même sens ; c'est dom Mabillon , qui , dans son com- mentaire sur la vie de St.-Lambert, insérée dans les actes des saints de l'ordre de St.- Benoit, après avoir rapporté les noms des différens écrivains de la vie du saint évêque , qui sont ceux que j'ai cités, ajoute qu'il eut été plus heureux, s'il n'en avait eu qu'un, mais qui eut été plus exact. Felicior certè fu- turiis , si vel unicum , eumque diligentem hahuisset. Mais, dit ce savant et pieux bénédictin , il est arrivé à St.-Lambert ce qui est arrivé à tant d'autres saints, c'est-à-dire, que, quand, pour toujours renchérir les uns sur les autres, les auteurs font tous leurs (1) At ubi senno de martyrii causis instituit^ prae ceteris verifatern odisse visus est. Topogr. hist. Gallo-Brab. , lib. 7 , p. 262. A L^HISTOIRE D'ALPAIDE. 335 efforts pour donner du lustre, de l'éclat et du merveilleux à la vie et aux actions de leurs héros, ils font précisément le con- traire; ils les défigurent et les souillent par les fables, les inep- ties et les mensonges grossiers dont ils les surchargent (i). Je suis encore d'accord avec un autre écrivain , non moins distingué par sa piété que par sa profonde science; c'est un prince de l'église, Godeau, évéque de Vence, qui dit positive- ment que ceux qui ont cru qu'Alpaïde avait fait assassiner St.-Lambert, se sont appuyés sardes narrations fabuleuses ou corrompues. Je suis d'accord avec le savant et judicieux Antoine Pagi, cordelier, qui a relevé avec une critique si sage les nombreu- ses méprises de Baronius. Il n'hésite pas d'accuser d'imposture les différens auteurs des vies de St.-Lambert, à commencer par Anselme, qui, dit-il, pour nouer le tissu de sa fable et la rendre plus vraisemblable, feignit le premier qu'Alpaïde était la sœur de Dodon. Renier inventa d'autres particularités, et Gilles d'Orval, continue le père Pagi, plus coupable encore, a amplifié la narration d'Anselme, en omettant ce qu'il y a de plus croyable, et en recueillant ce qu'il y a de plus douteux. Ce jugement sur le moine d'Orval est bien conforme à celui qu'en porte le baron Le Roi, que j'ai cité plus haut. Après ceux-ci, je pourrais citer Fleuri, Baillet, les Bollan- distes , les auteurs de V^rt de vérifier les dates , qui , tous , (i) At S. Landeberto id quod pluribus sanctis accidit, ut dum auctores, alius post ahum, ipsius res gestas ilhistrare exornando araplificandove mo- liii sunt, eas e contrario incertis ac fabulosis narrationibus inepte obscvirâ- riuit atrocibusque mendis fœdârunt. 53i MÉMOIRE POUR SERVIR ont attribué la mort de Lambert, non aux instigations d'Al- païde, mais aux démêlés que les parens de Dodon eurent avec ceux de Lambert; et c'est bien plutôt, je pense, à ces sages écrivains qu'il faut s'en rapporter, qu'à tous ces pesans chroni- queurs du moyen âge , souvent égarés par une crédulité aveu- gle, ou entraînés, tranchons ici le mot, par un fanatisme gros- sier, qui, écrivant dans un siècle où la saine critique était absolument inconnue, où il eut peut-être même été dangereux de l'employer, rapportent les faits tels qu'ils les avaient appris, c'est-à-dire, comme ils étaient passés de bouche en bouche , sans examen , sans discussion , sans en chercher les preuves , ou selon qu'ils les trouvaient mieux assortis à leurs préjugés, à leur crédulité et à leur système. Je remarque d'ailleurs que ce ne sont que les écrivains liégeois, même ceux des derniers temps, qui, toujours dans l'intention de donner du lustre à leur église, ont accusé Alpaïde d'être l'instrument de la mort de St.-Lambert, afin de le présenter, non comme victime d'une querelle particulière, mais comme martyr d'un zèle apostoli- que. Mais les critiques modernes et les écrivains étrangers, dégagés de toute prévention, de toute partialité, de tout esprit national, ont pesé les preuves, ont distingué ce qui était ab- surde de ce qui est raisonnable, n'ont, en un mot, cherché que la vérité, et c'est dans ceux-là, selon moi, que ceux qui aiment à la découvrir, iront la trouver. Je sais qu'un savant liégeois, René-François de Sluse, cha- noine de St.-Lambert, a publié sur ce sujet une dissertation (i), (i) De tempore et causa raarlyrii S. Lamberti, timgrensis episcopi , dia- Iriba chronologica et historica. A L'HISTOIRE D'ALPAIDE. 535 dans laquelle il tâche de fixer le temps et d'assigner la cause du martyre de son saint. Mais, en le lisant attentivement, on ne peut guère se méprendre sur son intention , et l'on s'aper- çoit aisément qu'il cherche à jeter du lustre sur l'histoire de son pays, et que c'est pour cela qu'il accompagne la mort du patron de Liège , de toutes les circonstances qui lui donnent le caractère d'un véritable martyre. Il s'efforce donc, non par des faits avérés , mais par des probabilités et des apparences , de prouver que la véritable cause de l'événement a été l'in- fluence et le crédit d'xAlpaïde. Mais le silence de Godeschal l'em- barrasse; car c'est un terrible argument contre son système. Il cherche donc, comme Renier, à exphquer ce silence par les ménagemens politiques que devait employer cet écrivain, pour ne pas choquer la race puissante des Pépins. Je crois, pour mon compte, avoir suffisamment démontré la faiblesse de cette raison, par celles que j'y ai opposées plus haut. Du reste, que St.-Lambert soit honoré comme martyr, j'y souscris : l'église de Liège l'honore comme tel; elle a bien tou- jours également honoré comme tels Pierre et Andolet, et leurs reliques étaient encore dans les derniers temps exposées à la vénération publique à côté de celles de St.-Lambert ; et l'on sait d'ailleurs que , dans ce temps et long-temps après, on don- nait le titre de martyr à ceux qui , après avoir bien vécu , pé- rissaient injustement. Or, que St.-Lambert ait été injustement assassiné, je le crois; mais cela ne prouve pas que c'est Alpaïde qui en a été la cause. J'ajouterai encore ici un témoignage que je regarde comme bien respectable; c'est celui du père Daniel Papebroch, bollan- diste , qui , à l'occasion de Ste.-Adèle , patrone d'Orp-le-Grand , 356 MÉMOIRE POUR SERVIR (lit, en parlant de l'assassinat de St.-Lambert , qu'Alpaïde n'y eut aucune part, comme l'ont cru les écrivains modernes, contre l'autorité de Godeschal, contemporain : nullam in eo scelere ^artem habente Alpdide , ne quidem occasionalem y ut posterioreé; scriptores passim credidere , contra proximioris Godescliaïki fidem. Acta SS. Belg. sel., tom. 2, p. 634, n. 6. On voit que ce savant bollandiste regarde aussi l'autorité de Godeschal , comme la plus sure. 3. Qu'est devenue enfin Alpaïde "^ Ce n'est que pour ne laisser rien ignorer de tout ce qu'on a écrit sur cette princesse, que je rapporterai ce qu'on a inventé sur sa fin. N'a-t-on pas dit qu'un frère de St.-Lambert , alla , après la mort de Pépin , arra- cher Alpaïde de sa retraite d'Orp-le-Grand , et qu'il la jeta dans un grand feu, où elle périt? Augustin Wichman , Brabant. Mariana, lib. 3, cap. 3o, p. 690, le dit positivement. Il ap- pelle ce frère de St.-Lambert le comte Flaudus (i). Un manus- crit que j'ai sous les yeux, sans date et sans nom d'auteur, rapporte aussi que Landris , comte de Looz, frère de St.-Lam- bert (a) (il y a, comme on voit, différence dans le nom), fit brûler Alpaïde. C'est le titre d'un chapitre, et voici comment le fait y est raconté, ce Un jour que cheuarchoit Landris avec ses (1) On lit en effet dans la vie de St.-Hubert que le frère de St.-Lambert, appelé Plaudus 3 comte à'Osterne , a vengé la mort de son frère vers l'an 725. Qu'est-ce que ce comté d'Osterne? Les opinions varient à ce sujet; mais cette discussion serait étrangère à l'objet de ce mémoire. On peut voir au reste le tome I des Act. SS. Belg. , p. 507. (2) Je doute que les comtes de Looz remontent si haut. Manlélius , écri- vain judicieux, qui a donné une bonne histoire du comté de Looz, place l'origine de ces comtes à Cliarleraagne. A L'HISTOIRE D'ALPAIDE. 357 )) gens à Orpes, où Alpaïs estoit demourante , laquelle Lanclris » hayoit (haissait) à mort pour la meurde de S. Lambert, son )) frère , qu'elle auoit fait faire et procuré : pourquoy il la feit ï) prendre et brusler en ung feu tellement que personne ne la » sceut rescliojr (secourir) ni en dissuader ledit Landris, tant » il la hayoit. » On sent qu'il faut reléguer ce récit au rang de ces misérables contes dont sont remplis tous ces mauvais recueils : aussi je ne rapporte celui-ci que pour faire compren- dre que c'est comme par une sorte d'acharnement à poursuivre la mémoire de cette princesse, qu'on s'est en quelque sorte plu à imaginer les contes les plus absurdes, qui, après tout, ne peu- vent que faire manquer le but de ceux qui les inventent; car à force de surcharger leurs histoires pour leur donner une ap- parence miraculeuse, ils ne les ont rendues que ridicules et incroyables. Qui nbnis probat, nihil prohat. La vérité est qu'Alpaïde se retira à Orp-le-Grand, où elle fonda une abbaye de religieuses, qui fut détruite par les Nor- mands. C'est ce qu'attestent tous les historiens. Le baron Le Roi dit que le tombeau d'Alpaïde avait existé dans la grande église d'Orp-le-Grand , avec cette inscription : alpaïs comitissa contlioralis Pipini Diicis , mais qu'il n'en restait plus de ves- tiges. Cependant Mirseus , dans ses Fastes Belgique s , dit que ce tombeau a été découvert dans l'église paroissiale d'Orp-le- Grand, devant l'autel de la Vierge, l'an 16 18. C'est ce que le baron Le Roi ignorait sans doute. Mais ce qui était aussi géné- ralement ignoré, c'est que le i\ mars 1674? cette église fut entièrement consumée par les flammes avec tout ce qu'elle ren- fermait, les autels, qui étaient au nombre de sept, ainsi que la tour avec les cloches. Cet incendie a été constaté par l'extrait 0J( MÉMOIRE POUR SERVIR d'an registre déposé dans les archives de cette paroisse. J'en transcris ici en note le contenu littéral (i). S. M. le roi des Pays-Bas, informé de l'existence présumée de ce monument dans cette église, a chargé S. E. le ministre de l'instruction publique de demander à cette académie son avis sur cet objet. La compagnie s'est en conséquence concer- tée, par l'intermédiaire de son secrétaire perpétuel, avec M. le gouverneur du Brabant méridional, qui a délégué M. le commis- saire du district de Nivelles , dans le ressort duquel est situé Orp-le-Grand, pour faire toutes les perquisitions qu'on jugerait convenables à l'effet de parvenir, s'il était possible, à la dé- couverte de ce tombeau. Ce commissaire s'est en conséquence (i) Voici cette pièce, signée pour copie conforme à l'original par M. Mi- di otte, maïeur, et M. Defays , desservant d'Orp-le-Grand. yidperpetuciTn rei memoriam. Notum sit qubd anno 1674 die vigesimd prima Tnartii , quœ erat vigi- lia jouis sancti , sive cœnœ Domini, inter undecimam et duodecimam lio- ram matutinam , incendio infausto consumpta fuerit ecclesia nostra Or~ piensis , quœ tempore helli repleta erat mohilihus totius parocJiiœ , quœ omnia consumpta fuerunt , occasione, utfertur, infantis sine bapti,smo de- functi, qui offerehatur ante altare Sanctœ Adiliœ , utper iniercessionem prœscnptœ a Deo gratiam, vitœ et baptismireciperet. Omnia altaria quœ erant septem , navis , turris cum campanis et omnia fuerunt igné con- sumpta. JSunc verb ecclesia nostra^ quam Deus conservare dignetur , fuit multis expensis per decimatores restaurata, Ita accepi a Deodato Du- moulin œtatis suœ •j'j. Ita testor hac iSfeh, 17 38. Inferius est signatum . F. B. Du Bois ,past. in Orpio. Pour copie conforme à son original faite à Orp-le-Grand , ce 2 3 décem- bre 1823. Signés, J. D. J. De Fays, desservant d'Orp-le-Grand, 1825. Mi- cliotte, maïeur. A L'HISTOIRE D'ALPAIDE. 309 rendu sur les lieux, et à l'intervention de M. le maïeur d'Orp- le-Grand et de M. le desservant , il a procédé à cette opération, en faisant les fouilles et les démolitions qu'on a cru nécessaires. Mais toutes les recherches ont été inutiles, comme il en conste par le procès-verbal qui en a été dressé le 20 novembre iS^S. Le tombeau d'Alpaïde aura donc été consumé avec le reste dans l'incendie de 1674. Mais quand Alpaïde s'est-elle retirée du monde? Les uns en fixent l'époque avant, les autres après l'assassinat de St.-Lam- bert, car on varie beaucoup sur la date de cet événement. Les uns la fixent à Fan 696 , les autres , à l'an 699 ; ceux-ci , à l'an yoo; ceux-là, à 707 et 708; les Bollandistes, à 709; et c'est ce qui fait dire positivement à Adrien Jourdan qu' Alpaïde n'eut point de part à l'assassinat de St.-Lambert, puisquelle était sé- parée de Pépin depuis le commencement du siècle , et retirée dans un monastère. Cette preuve serait décisive , si la date de la mort de St.-Lambert était certaine; mais comme Jourdan n'en est pas plus sur qu'un autre, on ne peut pas adopter^ aveuglément son raisonnement. Mirseus dit au contraire que ce ne fut qu'après la mort de Pépin (il mourut en 714) qu' Alpaïde se retira à Orp. Dans ce conflit de contradictions, il faut donc, à de'faut de preuves positives sur l'époque , se borner à rappor- ter le fait , savoir , qu Alpaïde se retira à Orp , qu'elle y mou- rut , et qu'elle y fut enterrée , puisqu'on y a retrouvé son tom- beau. 4. Alpaïde, comtesse de Hougarde, a donne à l'église de St.-Lambert les terres de Hougarde, de Lumai , de Touri- nes, etc.; elle a fondé dans le premier de ces villages un chapitre de chanoines, et a donné son comté de Jodoigne au Tome III. 45 D±o MÉMOIRE POUR SERVIR A L'HISTOIRE D'ALPAIDE. comte de Brabant, à condition qu'il se déclarerait avoué de l'église de Hougarde. Est-ce Alpaïde, mère de Charles-Martel? Non, Miraeus, Divaeus et d'autres l'ont cependant avancé; mais ils se trompent, confondant ainsi deux dames de ce nom. Cette Alpaïde, comtesse de Hougarde, est différente de l'autre : elle a réellement légué à l'église de Liège les terres dont je viens de parler , et la preuve s'en trouve dans l'inscription qu'on lit sur une grande pierre de marbre qui recouvre un tombeau dans l'église de St.-Paul à Liège, et où l'on voit taillée la figure d'une femme, avec une inscription latine, qui signifie en français :Ici gît^lpdide, comtesse de Hougarde^ qui nous a légaté Jodoigne et Tourines , et qui a fait de son propre château de Hougarde une église ou elle a fondé des prébendes. J'ai cru devoir, en finissant, relever encore cette bévue, pour tâcher, autant que possible, à travers tant d'absurdités, d'incertitudes et de contradictions, d'éclaircir la vérité sur tou- tes les circonstances relatives à ce point si embrouillé de notre histoire. FIN. MEMOIRE SUR LES INVASIONS, L'ÉTABLISSEMENT ET LA DOMINATION DES FRANCS DANS LA BELGIQUE. Par m. DEWEZ, secrétaire perpétuel. LU A LA SÉANCE DU 5 MARS iSl/]. 45. MÉMOIRE SUR L'ETABLISSEMENT DES FRANCS DANS LA BELGIQUE. Les Francs, originaires, selon les uns, de la Scandinavie, selon les autres, des Marais Méotides et des Pannonies, qui correspondent à la petite Tar tarie et à la grande Hongrie , ou qui, plus vraisemblablement, étaient passés d'un pays à l'au- tre , étaient une ligue ou association de différens peuples ger- maniques. Ces peuples , qui probablement vinrent dans la suite habiter le pays situé entre l'Elbe et la mer Baltique., se trou- vant trop resserrés dans ces bornes étroites , cherchèrent un établissement plus vaste et plus commode, et vinrent se fixer dans le pays situé entre les Allemands , qui avaient avancé leurs limites jusqu'aux rives du Mein, et les Saxons, qui avaient étendu leur domination jusqu'à la partie maritime de la Frise, de la Belgique et des Arraoriques. Inter Saxones et ^lemannos gens est non tam lata qudm valida.; apud historicos Ger- niania y nunc verô Francia vocatur (i). Il paraît qu'ils ne pri- (i) D. Hieronym. in vita Hilarion. 3±rt MEMOIRE SUR L'ETABLISSEMENT rent le nom de Francs qu'au temps où ils occupèrent ces con- trées; car ce nom n'est point originairement un nom de peu- ple , mais un titre d'honneur , que ces peuples , unis par l'a- mour de la liberté, se donnèrent pour indiquer leur intention commune, qui était de défendre leur indépendance contre la domination des Romains. Franck, ou plutôt vrank , signi- fiait dans leur langue , comme il signifie encore en flamand , libre. Les Francs étaient partagés en plusieurs tribus. Les Sicambres, ou Sjcambres, ou Sygambres , qui habitaient le pays borné par la rive droite du Rhin , entre les cours de la Lippe, de la Roer et de la Sieg, étaient une de ces principales tribus. Ils ont probablement pris leur nom de la rivière de Sieg, qui prend sa source non loin de Dillenbourg, petite ville du comté de Nassau , et se jette dans le Rhin, à peu près vis-à- vis de Bonn , après un cours de vingt lieues. Cette étymologie ne paraît pas du moins forcée, comme tant d'autres. Ainsi, l'on peut fixer comme limites des Sicambres, à l'occident, le Rhin et la Meuse-, au midi, la Niers, et plus bas, la Sieg; et, pour le nord , qu'on trace une ligne transversale , de l'endroit où se fait la première division du Rhin à la pointe de l'île des Bata- ves ( c'est où depuis fut bâti le fort de Schenck) jusqu'à la pe- tite ville de Luynen, sur la Lippe , dans le comté de la Marck (car les Sicambres s'étendaient dans cette partie sur la rive droite de cette rivière), et qu'on prolonge cette ligne jusqu'à sa source ; pour l'orient , qu'on tire également une ligne de la source de la Lippe à celle de la Sieg, et l'on aura la démarca- tion du pays des Sicambres aussi juste qu'il est possible de la figurer. Il en résulte qu'ils habitaient le pays où sont actuelle- DES FRANCS DANS LA BELGIQUE. S-iô ment les villes de Siegen , dans la Wétéravie , à 6 lieues de Dillenbourg et de Siegeberg, dans le duché de Berg, à 2 lieues de Bonn. Cette nation des Sicambres était une race cruelle, qui se plaisait dans le sang et le carnage, dit Horace (i). Les Tenchtres et les Usipètes, peuples germaniques, qui, persécutés par les Suéves , avaient passé le Rhin en très-grand nombre sous le consulat de Pompée et Crassus (2), s'étaient établis dans la Belgique tant par ruse que par force, c'est-à- dire, par une invasion subite, une retraite simulée-et un re- 1;^ur imprévu (3). César les en chassa après un grand combat, dans lequel ils furent cruellement défaits. Leur cavalerie, ou au moins la plus grande partie, qui avait passé la Meuse pour y chercher des vivres et des provisions (4), ajant appris la déroute de leurs compatriotes, se hâtèrent de repasser le Rhin (5), et vinrent se réfugier chez les Sicambres, qui leur accordèrent un asile. On peut croire que cette cavalerie nom- breuse formait la majorité de la nation, puisque l'art de l'é- quitation était l'exercice dans lequel elle excellait, selon Tacite. Tenchteri, super solitum hellorum decus , equestris disciplinée arte prœcellunt (6). Boucher (7) place les Usipètes dans la par- (1) Cœde gaudentes Sicambri. Lib. 4, ode i4. (2) Csss. lib. 4, c. 1. Pompée et Crassus ont été consuls ensemble deux fois, savoir, Pan de Rome 684, 70 avant J. C. ; 699 de Rome^, 55 avant J. C. C^est de cette dernière année qu'il s'agit ici. (3) Cses. lib. 4, c. 4. (4) Id. ibid. , c. 9. (5) Id. ibid. , c. 11 , 12 , i3, i4, i5 , 16. (6) Gerjnan. c. 52. (7) Belg, Rom. lib. 1, c. i4, n. 7. 346 MEMOIRE SUR L'ETABLISSEMENT tie basse da Rhin et de la Lippe , et les Tenchtres dans la par- tie hante du fleuve, c'est-à-dire, plus au midi. La position que leur assigne M. Raepsaet, dans son Précis topographique ele V ancienne Belgique , paraît beaucoup plus exacte. Il les place entre Wezel et Lipstad, de sorte qu'ils occupaient une partie du comté de la Marck , des duchés de Berg et de Clèves , depuis Wezel jusqu'à Dusseldorf. Cette position s'^explique naturelle- ment par celles des peuples -voisins. Le Rhin servait aux Tench- tres et aux Usipètes de limite et de boulevard, et ils avaient au levant les Cattes , qui , j^lacés entre le Rhin , le Mein et le Wéser, occupaient les environs de Paderborn. Au nord, ils touchaient aux Bructères, qui habitaient la Westphalie, et s'étendaient dans le comté de la Marck (i). Ces trois nations, les Sicambres, les Tenchtres et les Usipëtes, qui, ainsi réunies, n'occupaient que le petit espace du Wahal à la Sieg, devin- rent cependant si redoutables, qu'elles purent non-seulement résister aux Romains, mais qu'elles osèrent même les braver pendant 4^ ans environ, c'est-à-dire, depuis l'arrivée des Tenchtres et des Usipètes l'an de Rome 699 jusqu'à l'an 738, qu'Auguste les soumit à l'empire romain. Il leur accorda la paix, et cet événement fut regardé comme un des plus im- portans et des plus glorieux de cette époque, et chanté par Horace (2). (1) Après avoir fait toutes mes recherches et fixé mon opinion sur la de- meure des Tenchtres et des Usipètes, j'ai vu avec une extrême satisfaction , en lisant le Précis topograpJdque de M. Raepsaet, que j'avais pris la même route que mon savant et honorable confrère. Cette heureuse rencontre m'a autorisé à croire que je ne me suis pas égaré, (2) Te cœde gaudentes Sicambn Compositis venerantur armis» Lib. é, ode i4. DES FRANCS DANS LA BELGIQUE. 54^ Angaste, à qui l'expérience avait appris que la fidélité des Germains était si chancelante , que les sermens et les otages n'étaient que de faibles garans de leurs promesses (i), en transplanta un grand nombre au delà du Rhin , dans la Gaule- Belgique, entre la Meuse et le Wahal (2). Le nombre de ceux qui passèrent dans ces vastes solitudes, qu'ils peuplèrent et qu'ils défrichèrent, est de 40,000, selon Suétone (3). Il n'en resta qu'un très-petit nombre dans leur ancienne patrie , dit Strahon , sed et exigua Sicambrorum restât portio , c'est-à-dire, ceux que l'âge ou les infirmités rendaient incapables de sup- porter les fatigues du voyage, ou qui purent par adresse échapper aux recherches et aux perquisitions des a gens char- gés de cette opération. C'est ainsi, comme le dit Tacite (4), que le nom et la nation des Sicambres furent anéantis , Slgam- hri excisi. Ils furent à la fin connus sous la dénomination gé- nérique de Francs , comme on le voit dans la table de Peutin- ger où on lit le mot FRANCIA en gros caractères , dans l'endroit où étaient situés les anciens Sicambres. On retrouve encore cependant leur nom dans les auteurs des siècles suivans , dans Martial, dans Claudien, dans Sidonius, et St.-Remi lui-même, administrant le baptême à Clovis , le traite de Sicambre , Mi- tis depone colla Sicamberi^)^ parce que les Francs, dont Clovis (1) Buclier. Belg. Rom. , lib. 1 , c. 20. • (2) Sic ripœ duplicis tumore fracto Detonsus V^ahalim bihat Sicamber. Sidon. in Major. , carm. i3. (3) Sueton. in Aug. c. 21 , et in Tiber. c. 9. On a prétendu qu'au lieu de XL , il fallait lire XC. Eutrope en compte 4oo,ooo. (4) Ann. lib 12 , c. Sg. (5) Greg. Tur. lib. 2, cap. 3i. Tome III. 46 3±8 MÉMOIRE SUR L'ÉTABLISSEMENT était le chef, étaient les descendans des anciens Sicambres. Les Chamaves, qui avaient habité dans le même espace de terrain que les Sicambres, c'est-à-dire probablement dans là partie qu'occupèrent dans la suite les Tenchtres et les Usipètes , comme on le voit encore dans la même table de Peutinger , où l'on trouve, dans la position assignée à ces deux dernières nations, le mot Chamavi avec la dénomination de Franci : Chamavi qui et Franci, les Chamaves, dis-je, étaient aussi puissans que les Sicambres, auxquels ils paraissent avoir succédé, quand ceux-ci eurent été anéantis. Ainsi, après avoir cédé leur place aux Tenchtres et aux Usipètes, ils reprirent plus tard celle des Sicambres. C'est du moins ce qui paraît le plus probable. Les Saliens , qu'Ammien Marcellin appelle les premiers des Francs , primas omnium Francos, ayant été chassés de leur ancienne demeure par les Saxons, vinrent se fixer sur les bords de l'Yssel et du Zuiderzée. Mais ont-ils tiré leur nom de la Salle ou Salz, rivière qui coule dansla Haute-Saxe, oudel'Ysse], en latin Sala ou Ijala , qui passe dans le duché de Clèves? C'est ce que l'on ignore. Quand l'ont-ils pris? C'est encore ce que l'on ignore. C'est la coutume, ditAmmien Marcellin, qui le leur a donné. Francos eos quos consuetudo Salios appellavit. Mais ne sont-ce pas eux, peut-être, qui ont communiqué leur nom à ces rivières? C'est ce qui me paraît le plus probable. Quoi qu'il en soit, le pays de Salland ou Zalland, c'est-à-dire, terre ou pays des Saliens , où sont les villes de Zwol, Kampen, Deven- ter, Hasselt, dans la province d'Over-Yssel , la ville à'Olden- zaal, Salia vêtus , comme si l'on disait ancienne demeure des Saliens , paraissent rappeler bien clairement le séjour de celte DES FRANCS DANS LA BELGIQUE. 349 nation clans ce pays. C'est donc clans l'Gver-Yssel, le comté de Zutplien, et le Welawe ou Welaw, dont la ville principale est Arnhem, qu'il faut placer les Saliens, qui, de ces contrées s'avancèrent dans l'île des Bataves , dont la partie orientale a conservé le nom de Betuwe ou Betaw. Voilà donc les trois principales tribus des Francs , les Sicam- JDres, les Chamaves et les Saliens. Mais quelle est celle qui doit avoir la prééminence? C'est ce qu'il serait difficile de décider. Les Sicambres et les Chamaves sont désignés dans la table de Peutinger sous la dénomination de Francis et c'est ce qui fe- rait croire que , si l'on a donné le nom du tout aux parties , il est à présumer que ces deux parties sont les plus éminentes et les plus distinguées. D'un autre côté, Ammien donne aux Saliens le titre de premiers Francs. Voilà donc ces trois tribus placées à peu près sur la même ligne. Ainsi , sans disputer sur la préé- minence, il faut se borner à voir ce que ces peuples sont de- venus. Les Sicambres furent anéantis : il n'en restait que le nom et le souvenir. Les Chamaves avec les autres peuples dé- signés sous le nom général de Francs, ayant été chassés de leur pays par les Saxons, qui s'étaient avancés jusqu'au Rhin, reprirent peu à peu une étendue équivalente de terrain sur les Allemands, dont le pays s'étendait au delà de la rive droite du Mein jusqu'à la rivière de Lohn dans la Hesse ; et les ayant forcés à se retirer jusqu'au Necker, ils s'emparèrent de tout ce pays, qui, du nom des nouveaux possesseurs, fut appelé Francia et enfin Franconie. Les Bructères avaient d'abord habité le pays qui correspond en grande partie à la Westphaliéj car Tacite rapporte (i) que (1) AnnaL lib. 1 , c. 60. 35o MÉMOIRE SUR L'ETABLISSEMENT l'armée romaine traversa le pays des Bructères, qui, pour l'ar- rêter dans sa marche, saccagèrent et brûlèrent leur propre pays. Mais les Romains , leur ayant donné la chasse , continuè- rent leur route jusqu'aux extrémités de ce pays , et dévastè- rent toute la partie qui se trouvait entre l'Ems et la Lippe. Eructer os sua urentes Stertinius fuclit. Ductum inde agmen ad ultimos Bructerorum , quantumque ^misiam et Luppiam omnes inter, vastatum. Or cette position ne con- vient qu'à la Westphahe. Les Bructères , toujours au rapport de Tacite (i), furent exterminés et entièrement anéantis par les Chamaves et les Angrivariens, d'accord avec les nations voisines. Chamavos et ^ngrivarios immigrasse narratur , pul- sis Bructeris ac penitus excisis, vicinaj^m consensu nationum. Ce pays touchait à la Forêt Hercinie (2), qui, du temps de Cé- sar, couvrait toute la Germanie. Elle avait (c'est César lui- même qui en donne cette idée ) une si vaste étendue qu'il fal- lait neuf jours pour en traverser la largeur , et ceux qui l'a- vaient suivie dans sa longueur pendant soixante jours, n'ont pu dire qu'ils en avaient trouvé le commencement. Herciniœ Silvœ latitudo IX dierum iter expedito patet Neque quisquam est liujus Germaniœ qui se aut adisse ad initiuni ejus silvœ dicat, cura dierum iter LX procès serit , aut quo ex loco oriatur. Lib. 6 , c. 26. Le Schwarts-Wald , Forêt Noire , et le Wester-Wald sont des restes de la Forêt Hercinie. C'est à cette dernière que les Bructères confinaient. Elle a 7 lieues d'éten- due, près de Herbon, dans la Vettéravie , contrée de l'Allemagne, (1) Gernian. , c. 33. (2) Venit accola Silvœ Bructerus Herciniœ, Claud. de 4 Honoi'. cons. DES FRANCS DANS LA BELGIQUE. 55 1 divisée, comme on sait, par la rivière de Lolin oii Lahn, qui l'a traverse d'orient en occident. Il était couvert de marécages, hroek, d'où ce peuple a très-probablement pris son nom (i), comme plusieurs villages du nom de BrucJi , Bruck , Bnickten, dans ce pays, paraissent encore le retracer. La carte de Peu- tinger indique la situation des Bructères au delà de Cologne , où l'on voit en gros caractères BRUGTURI. Ils reprirent, comme les Sicambres et les Chamaves , leur ancien nom dans la ligue des Francs. Les Attuaires , voisins des Bructères, habitaient primitive- ment au delà du Rliin, ce canton montueux, d'où prennent leurs sources, aux environs de Borken , Borkolt , GroU , ces petites rivières, qui, après avoir arrosé le comté de Zutphen, se jettent dans l'Ysselj et ayant dans la suite passé le Rhin, ils s'étendirent dans le pays situé entre le Rhin et la Meuse , vers la rivière de Neerse , qui se jette dans ce dernier fleuve à Gen- nep, dans le duché de Clèves. C'est vers le milieu du troisième siècle, c'est-à-dire, vers l'an 24o , que les Francs firent les premiers efforts pour péné- trer dans les Gauks. Depuis la conquête de la Belgique par Cé- sar , le Rhin avait servi de barrière entre les Romains et les Germains qui habitaient la rive droite de ce fleuve. Mais ces peuples, qui, à cette époque, n'étaient encore connus que sous le nom générique de Germains, commencèrent à former des entreprises sérieuses contre l'empire, et parvinrent à passer le Rhin. Aurélien, qui commandait la sixième légion des Gaules (i) Bûcher. Belg. Rom., lib. 6 , c. i3, n. 9. Mém. cour, par l'Aca- démie de Bruxelles, en 1771 , p. 8. 002 MÉMOIRE SUR L^ÉTABLISSEMENT près de Majence, les défit complètement (i) : il en tua sept cents et en prit trois cents , qu'il vendit comme des esclaves , mb corona, c'est-à-dire, en leur mettant, selon la coutume, une couronne de fleurs sur la tète. C'est à l'occasion de cette fameuse victoire que fut faite cette chanson rapportée par Vo- piscus : 31ille Franco s, mille Sarmatas semel et semel occidi- mus : mille ^ mille , mille ^ mille , mille Fer sas quœrimus. C'est le plus ancien monument historique où l'on trouve le nom de Francs. Or cette chanson ayant été composée à l'époque de l'expédition contre les Perses, c'est-à-dire, en 24 1, prouve que les Francs e'taient déjà connus dès ce temps. Aurélien, parvenu à Fempire, sut contenir les Francs sous son règne. Un déluge de ces barbares , suivis de plusieurs au- tres nations germaniques ayant passé le Rhin, pénétrèrent, sous le règne de Tacile et Florien, par les confins de la Belgi- que dans les Gaules, où ils surprirent des villes fortes, riches et puissantes. C'est ce qu^atteste le rapport adressé au sénat le 25 septembre 276 par le consul Gordien. Mais il ne donne pas le nombre de ces villes. . Probus, qui venait d'être élevé à l'empire, s'étant mis à la tête d'une puissante armée (2) , défit ces barbares dans diffé- rens combats, leur reprit les villes dont ils s'étaient emparés, leur tua quatre cent mille hommes, et leur enleva plus de bu- tin qu'ils n'en avaient fait, força neuf de leurs rois à lui de- mander grâce à ses genoux , bâtit des forts et plaça des garni- sons dans leurs terres, en tira des otages, qu'il dispersa dans (1) Vopisc. in Aux^el. (2) Vopisc. in Probo. DES FRANCS DANS LA BELGIQUE. 353 les différentes provinces pour servir contre les ennemis de l'empire. Probus, dans une lettre emphatique, adressée au sé- nat et rapportée par Vopiscus (i), fait le détail de ces diffé- rens exploits. Il y porte le nombre des villes qu'il a reprises à soixante et dix : Vopiscus n'en compte que soixante ; c'est déjà bien assez. Qu'il nous soit donc permis de croire que ce nombre est singulièrement exagéré. Celui de quatre cent mille hommes l'est-il moins? Quant aux villes , il est d'autant plus raisonnable d'en douter, qu'il n'y avait alors dans tout le pays borné par le Rhin que des bourgades sans murs, défendues seulement par de mauvaises palissades et entourées de fossés. Ce n'est guère que sous Henri l'Oiseleur, comme on sait, vers Tan 920, que la Germanie eut des villes murées et fortifiées. Il faut donc reléguer ces exagérations ridicules au rang des mensonges grossiers et des extravagantes hyperboles dont les écrivains de ces temps, amateurs du merveilleux, ont rempli leurs histoi- res; et on peut le dire surtout de Vopiscus et de Zozime, qui ont écrit l'histoire de Probus. Ce dernier ne dit-il pas qu'au moment où les vivres manquaient , il tomba du ciel une pluie abondante mêlée de grains de froment, dont il se forma en plusieurs endroits des tas considérables , que les soldats re- cueillirent? Quand un historien raconte sérieusement de pa- reilles absurdités , on est , je crois , autorisé à révoquer le reste en doute. Selon le récit de Zozime, il transféra les pri- sonniers au delà de l'Océan, dans l'Ile Britannique, et selon le rapport de Vopiscus , au delà du Necker et de l'Elbe. Les rapports qui, au premier aspect, paraissent contradictoires, peuvent cependant très-aisément se concilier. Le vainqueur aura (1) Vopisc. in Probo , c. i5. 354 MÉMOIRE SUR L'ÉTABLISSEMENT probablement dispersé ces barbares, composés de différentes nations. Les Allemands, par exemple, auront été transportés au delà des fleuves, et les Vandales, au delà de l'Océan. C'est la conjecture très-probable de Boucher, qui explicpie de cette manière les deux passages de Vopiscus et de Zozime , relatifs à cet événement (i). Les Francs furent en grande partie en- voyés sur les bords du Pont^Euxin, comme le dit positivement l'orateur Eumenius (2) , d'où ces nouveaux colons , dont la plupart étaient Belges, s'étant emparés de tous les vaisseaux de cette mer, portèrent la désolation sur toutes les côtes de l'Asie mineure, de la Thrace et de la Macédoine; pénétrèrent dans la Grèce dont ils dévastèrent les différentes provinces; abordèrent dans la Sicile, dont ils pillèrent la capitale; entrè- rent dans l'Afrique, dont ils ravagèrent les côtes, et revinrent par le détroit de Gibraltar , chargés d'un immense butin , sur les côtes des provinces belgiques (circonstance qui concourt à faire présumer qu'ils étaient Belges ) , sans avoir été arrêtés dans leurs courses ni inquiétés dans leurs brigandages. Zozime et Eumène font le récit de cette étonnante expédi- tion , qui retrace en quelque sorte l'idée de celle des Argonau- tes. Les légères variations qui se rencontrent dans le récit de ces deux écrivains, ont porté quelques historiens à croire qu'ils parlaient de deux expéditions différentes. Ceux qui adop- tent cette opinion, croient que ce fut sur les bords du Rhin queProbus transporta cette colonie de Francs, qui y établirent une marine très-formidable, avec laquelle ils parcoururent et (1) Belg. Rom. , lib. 7 , c. 1. ^2) Eiimen. in Panegyr, DES FRANCS DANS LA BELGIQUE. 555 infestèrent les mers. Cependant je ne pense pas qu'on puisse douter qu'ils ne parlent de la même expédition. Depuis cette époque, les Francs étendirent insensiblement leurs établissemens sur la rive gauche du Rhin , se mêlant aux difîérens peuples de la Belgique et de la seconde Germani- que (i) et se contentant de s'j fixer comme alliés ou comme tributaires des Romains. Un grand nombre même qui, s'étant enrôlés dans les légions romaines, étaient parvenus aux pre- mières dignités de la milice et du palais , amenèrent même des corps de troupes de leur nation au service de l'empire. Ceux à qui était confiée la garde de la Belgique et de la seconde Ger- manique, sous le nom de milites limitanœi et riparii, ont été composés depuis ce temps de Belges et de Francs, à qui les empereurs accordaient des terres à cultiver ou à défricher. Les peuplades de Francs, qui n'avaient point été soumises à la domination romaine , s'étaient réunies aux Saxons , et ne cessaient d'infester les côtes de la Belgique. Ils avaient cepen- dant été contenus sous le règne de Constance ; mais , après la mort de ce prince , ces barbares ( c'est ainsi que les Romains les appelaient), méprisant la jeunesse de Constantin, son fils, se répandirent de rechef dans la Belgique. Constantin irrité fond à l'improviste sur cette horde, dont il fait un vaste car- nage. Tous ceux qui tombèrent dans ses mains, les enfans (i) Qu'on se rappelle que la Belgique, troisième partie des Gaules fut divisée par Auguste en trois provinces , la Belgique et les deux Germani- ques, première ou supérieure , seconde ou inférieure , de sorte que la pro- vince dite Belgique n'était qu'une partie de la Gaule-Belgique , comme l'une et l'autre Germanique. Tome III 47 356 MÉMOIRE SUR L'ÉTABLISSEMENT mêmes , furent indistinctement livrés aux plus affreux suppli- ces (i) : il donna à Trêves mi spectacle horrible, où les pri- sonniers, avec deux de leurs rois, Ascaric et Gaïze, furent ex- posés aux bétes féroces (2). Cette vengeance terrible, quoi qu'en ait dit avec plus d'esprit que de vérité, le flatteur Emnenius, ne servit, comme il était aisé de le prévoir, qu'à irriter leur haine contre les Romains , et à perpétuer la guerre. Les Francs, en effet, profitant de l'éloignement de l'empe- reur, qui était retourné à Rome, repassèrent le Rhin , et re- nouvelèrent leurs ravages dans la seconde Germanique. Cons- tantin , accourant des rives du Tibre à celles du Rhin , contint et arrêta les barbares par sa seule présence, et il usa d'une feinte afin de les attirer sur les terres de fempire et de pouvoir ainsi, avec plus de facilite et d'avantage, déployer ses moyens contre ces éternels ennemis du nom romain : il fit circuler le bruit qu'un mouvement plus dangereux l'appelait avec toutes ses forces dans la première Germanique , et il dirigea en effet sa route de ce côté; mais il eut soin de laisser en embuscade des troupes cachées qui empêchassent les Francs de revenir dans leurs retraites, après qu'ils se seraient avancés, comme il le prévoyait, sur le territoire romain. L'événement répondit à son opinion , et le succès à ses désirs. Dès que les Francs eu- rent franchi le passage, il fit débarquer une partie de son monde sur leurs terres, qu'il livra à la plus effroyable dévas- tation ; et la horde des Francs qui était passée , surprise et at- taquée des deux côtés , c'est-à-dire , par ceux qui s'étaient re- (1) Eutrop. Eumen. (2) Eumen. DES FRANCS DANS LA BELGIQUE. 35; tirés pour les attendre, et par ceux qui s'étaient cachés pour les poursuivre, essuya une si terrible défaite, qu'on croyait que le nom et la nation des Francs étaient anéantis. Mais ces peuples indomptables étaient toujours repoussés, et jamais réduits. Leurs désastres ranimaient, pour ainsi dire, leurs forces (i), et ils n'attendaient, après avoir été battus, que le moment favorable pour se relever et se venger de leurs défaites. Ils profitèrent des troubles causés par les querelles des fils de Constantin , que la soif de régner arma l'un contre l'autre, et ils saisirent la circonstance où Constantin, qui avait voulu envahir les états de son frère Constant, venait d'être assassiné à Aquilée par ordre de ce frère. Ils se répandirent donc sur les terres de l'empire; c'est dans la deuxième Germa- nique qu'ils exercèrent les plus grands ravages, c'est-à-dire, dans les provinces belgiques actuelles (2). Constant, accouru de l'Italie dans les Gaules, livra deux grandes batailles à ces barbares, qui furent battus, mais pas domptés, et tout le fruit que Constant retira de cette victoire , fut de forcer les Francs à souscrire un traité de paix et d'alliance avec les Ro- mains. Cette paix ne fut pas plus durable qu'elle n'était sincère. La haine invétérée des Francs n'était que concentrée , leur audace (1) Duris ut ilex tonsa hipennihus , Nigroe feraci frondis in Algido , Per damna ^per cœdes , ah ipso Ducit opes animumque ferro. Hor. lib. 4 , ode 4. (1) Bûcher. Belg. Rom., lib. 9 , c. 3 , n. 5. Socrat. lib. 1, c. 7. 47- Joc MEMOIRE SUR L'ÉTABLISSEMENT n'était que comprimée. Ils attirèrent donc de nouveau les Saxons et les Allemands à leur parti, et ils vinrent infester toutes les Gaules: ils prirent et détruisirent Cologne, ruinèrent quarante-cinq villes sur le Rhin , massacrèrent une partie des habitans , en enlevèrent une autre , et emportèrent un immense butin (i). Des bords du Rhin aux rives de l'Océan, les barba- res exerçaient leurs horribles brigandages , et les malheureux habitans gémissaient sur les débris fumans de leurs remparts. Julien les arrêta et les défit , et tous ces barbares , frappés de terreur, repassèrent le Rhin. Julien, que les soldats venaient d'élever à l'empire, conçut le hardi projet d'aller les chercher dans leurs habitations. Les Germains effrayés envoyèrent des députés à Julien pour lui demander humblement la paix, et il leur accorda une trêve de dix mois. Mais ils n'attendaient qu'un moment favorable pour renou- veler leurs hostilités ou plutôt leurs brigandages. Julien, qui le soupçonnait, profita de l'intervalle de repos que la paix lui laissait, pour s'occuper des moyens de prévenir leurs entre- prises-, et sans attendre la saison, il tomba à l'improviste sur ces barbares. Le mois de juillet était, au rapport d'Ammien Marcellin (2), le temps où les opérations militaires commen- çaient dans les Gaules. Cette circonstance prouve combien la température de nos climats est changée. Or on ne peut attri- buer la longueur des hivers dans ce temps-là qu'aux grandes forets qui couvraient la surface des Gaules, et surtout de la Belgique. (2) Juliani ep. ad S. P. Q. Athéniens. (1) Lib. 17 , cap. '6. DES FRANCS DANS LA BELGIQUE. 55g Déjà Julien était arrivé à Tongres, où une députation de Saliens vint lui demander la paix, qu'il leur accorda. Ayant passé le Rhin et la Meuse , il entra dans le pays des Chama- ves , qui se soumirent volontairement à ses lois. Mais la mort de Julien ranima toutes les espérances des barbares, qui re- commencèrent leurs incursions. Le temps approchait où l'Europe, menacée d'une invasion générale , devait être la proie des barbares qu'avait vomis l'Asie. Déjà ils avaient poussé sur mer leurs incursions jusqtfà l'em- bouchure du Rhin, et sur terre jusqu'aux environs de Colo- gne. Ces barbares, devenus plus forts par leur réunion avec les Alains, pénétrèrent dans la seconde Germanique, qui com- prenait la plus grande partie de la Belgique actuelle, où ils dévastèrent entr'autres la ville de Tongres, qui , dès ce temps , était, au rapport d'Ammien, une cité vaste et populeuse. Les Francs, profitant de ces circonstances où les embarras que les barbares suscitaient à l'empire, rendaient leurs servi- ces nécessaires, prirent insensiblement une grande influence et un puissant ascendant dans cet empire chancelant. Parvenus aux premières dignités civiles et militaires, ils prêtèrent leurs secours aux Romains contre leurs ennemis ; mais ce secours même devint funeste aux premiers. Les Francs, en effet, en combattant pour les Romains, se formèrent à leur tactique et à leur discipline , qui furent comme les instrumens dont ils se servirent pour renverser le colosse, dont ils avaient été les soutiens et les appuis. Les rapports intimes qu'ils avaient avec les Romains leur avaient découvert d'ailleurs l'état d'affaiblis- sement où était l'empire , sourdement miné par ses discordes intestines et entraîné par son propre poids. Les empereurs se 5bo MÉMOIRE SUR L'ÉTARLISSEMENT trouvant, par cette fatale nécessite', comme asservis à leurs turbulens protecteurs , se virent réduits à la déplorable alter- native d'être ou leurs jouets ou leurs victimes, et ils étaient ainsi forcés ou à plier sous leurs lois, ou à tomber sous leurs coups. L'intérêt, ou pour mieux dire, le danger commun réunit les Francs et les Belges. Les Vandales , les Alains , les Marcomans , les Hérules, les Suèves, les Saxons, les Bourguignons, se pré- cipitèrent comme un torrent dans la première Germanique et la seconde Belgique. La ville de Majehce fut détruite, et les territoires de Worms, Spire, Strasbourg, Reims, Arras, Bou- logne et Tournai furent livrés à la dévastation et au pillage , et les malheureux habitans de ces cantons, arrachés à leurs foyers, furent traînés dans la Germanie. Les Francs et les Belges se joignirent aux Romains pour combattre ces ennemis communs des nations. Ces barbares furent complètement dé- faits dans une grande bataille, qui se donna sur les limites du pays des Nerviens. Ce n'e'tait pas par attachement pour les Romains ( car leur soumission n'était que forcée ou apparente) que les Belges avaient pris leur parti; c'était pour leur propre sûreté, et ils ne cherchaient que les moyens de se soustraire à une domina- tion, qui leur était devenue insupportable. Ils resserrèrent donc plus étroitement les nœuds de l'alliance qu'ils avaient contractée avec les Francs, qui, comme eux, supportaient impatiemment le joug des Romains. Les Francs et les Belges , liés par leur origine commune , et plus encore peut-être par leur malheur commun , se liguèrent donc contre les Romains pour envahir la Gaule. DES FRANCS DANS LA BELGIQUE. 36i Cette association , qu'on fixe à l'an 4^9 environ , commença par les Bataves , les Sicambres , les Ménapiens , les Taxandres , les Pémaniens et les Tongrois. Les Arboriches , les Atuatiques et les Condrusiens renforcèrent cette union, tellement que tous ces peuples ne formèrent plus qu'une même nation. Les barbares de la Germanie, suivant cette tendance qu'a- vaient tous les peuples à secouer le joug de la puissance ro- maine , secondèrent leurs efforts et parvinrent à en affranchir une partie des Gaules, dans lesquelles étaient compris les Ar- boriches , les Taxandres , les Tongrois et les Belges voisins. Les Francs devenus plus forts tant par l'alliance des Belges que par la faiblesse des Romains, se maintinrent dans leurs conquêtes, qu'ils avaient étendues dans la grande partie de la seconde Germanique , c'est-à-dire , dans les principales provin- ces de la Belgique moderne, où ils établirent le gouvernement monarchique. Les Francs , dit Grégoire de Tours , ayant passé le Rhin, se fixèrent dans la Tongrie (ou Thoringie) où ils cre'èrent par cantons et par cités, des rois chevelus, de la fa- mille la plus distinguée de leur nation (i). On sait que ces rois sont appelés chevelus, parce que c'était un usage établi chez les rois francs de laisser dès leur enfance croître leurs che- veux. C'était comme une prérogative attachée à la famille royale. (i) Tradunt multi Francos de Pannonia fuisse digj^essos, et primicm quidem littora Rheni amnis coluisse ^ dehinc transacio Rheno Thorin- giam remeasse ; ibique juxta pagos vel civitates reges crinitos supra se creapisse 3 de prima, et ut ita dicam , nobiliore suorum familia. Gx^eg. Tur. lib. 2 , cap. 9. 562 MÉMOIRE SUR L'ÉTABLISSEMENT Les différentes éditions de Grégoire de Tours portent Tlio- ringiam. Cette dénomination a embarrassé les savans pour dé- terminer la situation de ce pays. Mais un ancien manuscrit, qui a été dans les mains de Morel , directeur de l'imprimerie royale de Paris , porte les deux versions Thoringiam et Ton- griam , écrites de la même main, dit ce savant imprimeur, que citent à ce sujet Boucher et Mirœus (i). L'édition de Ba- dins de i5i2 porte même dans un passage, souvent rapporté, de Grégoire de Tours, Tongrorum , au lieu de Tlioringoriim. Les commentateurs et les disserta teurs qui ont adopté la leçon de Thoringia et Thoringi, ont entendu par ce pays la Thuringe, dans la Saxe. Mais je m'appuie sur deux raisons, qui me pa- raissent décisives, pour prouver que cette opinion est une er- reur grossière. Je dis d'abord qu'il est certain que jamais les Francs n'ont établi des rois dans ce pays, et j'ajoute qu'il est évident que les Francs, qui, comme le dit Grégoire de Tours, venaient de la Pannonie , qui est la Hongrie , ne devaient point passer le Rhin pour venir de ce pays dans la Thuringe. Je conclus donc avec Boucher {2) , qu'il est très-clair que quand même le nom de Tongria et de Tongri ne se trouverait dans aucun manuscrit , il n'en serait pas moins vrai qu'il faut en- tendre par ce pays la partie de la Belgique habitée par les anciens Tongrois. Je crois même que les Thoringiens ou Ton- griens, ne formaient dans l'origine qu'une nation, dont la se- conde dénomination n'est que la contraction de la première, comme il arrive presque toujours dans les noms de pays. Je trouve une nouvelle preuve de ce que j'avance dans l'autorité (1) Bûcher. Belg. Rom. lib. i5 , cap. 10, n. 3. Mii-œi Ann. Belg. (2) Bu cher. ihid. DES FRANCS DANS LA BELGIQUE. 363 des anciens historiens lie'geois , tels que Harigère et Gilles d'Orval, qui désignent la ville connue dans l'ancienne géogra- phie sous le nom d^^tuatuca TongroruTiiy sous la dénomination de Thoringorum metropolis. Cette expression prouve évidem- ment que les noms de Thoringi et Tongri ont été souvent confondus, parce que, très - vraisemblablement , comme je viens de le dire, c'était une même nation. Ces peuples, en effet, qui, dans l'antiquité, habitaient la partie de l'Allemagne arrosée par le Tanger ^ qui se jette dans l'Elbe àTangermund, dans la Basse-Saxe, ont probablement pris le nom de Thorin- giens, et par contraction Tongriens, de celui de cette rivière de Tanger f que Dithmar , évêque deMersbourg, auteur d'une chronique estimée, et qui était de ce pays, appelle Tonger ; ce qui donne pour cette ressemblance de nom , à l'étymologie de Tongriens^ une probabilité toujours plus fondée (i). Ces peuples, qui auront, comme toutes les nations du Nord, abandonné leur ancienne patrie , où ils étaient trop resserrés , seront venus fixer leur demeure dans une partie de la Belgi- que , où ils ont été dans le principe désignés sous le titre de Germains , qui , ayant d'abord été restreint , comme le dit Cé- sar (2), aux Éburons , aux Condrusiens, aux Cére'siens, aux Pémaniens et aux Ségniens, fut appliqué dans la suite, comme le dit très-positivement Tacite (3) , à toutes les nations germa- niques qui avaient passé le Rhin pour venir habiter la Belgi- (1) Bûcher. Belg. Rom. lib. i5, cap. 10, n. 1. (2) Condrusos :, Eburones , Coeresos 3 Pœmanos , qui uno noniine Ger- niani appellantur. Lib. 2, cap. 4. (3) Qui primi Rhetium iransgressi Gallos expulerint , ac nunc Tongri , twn Germani , vocati sunt. Gernian. Tome III. 48 564 MÉMOIRE SUR L'ÉTABLISSEMENT que. Ces nations, dont les Tongriens devaient être une des principales, abandonnèrent, dès qu'elles en eurent la liberté, ce nom de Germains pour prendre celui de Tongriens , parce que, très-probablement, il leur retraçait celui de leur ancienne origine et de leur première patrie. Le nom de Tongrie resta donc à ces contrées. C'est le Brabant et le pays de Liège, dit le marquis de Sainte-Foix (i), qui, par le Brabant, entend cer- tainement la Belgique, comme en général les écrivains fran- çais, qui, prenant la plus grande partie pour le tout, donnent très-souvent à la Belgique le nom de Brabant ou de Flandre. Je n'iiésite donc pas de conclure de toutes les raisons que je viens d'exposer, que c'est la Belgique qu'il faut entendre par la Ton- grie, où les Francs établirent leur domicile et leur gouver- nement. Les Francs s'étant donc définitivement établis dans ce pays , se constituèrent comme en assemblée nationale pour délibérer sur la forme du gouvernement que la nation voudrait adop- ter, et elle se décida pour le monarchique. Pliaramond, fils de Marcomir, fut élevé sur le pavois, selon l'antique usage des Germains , qui élevaient sur le bouclier et soutenaient sur leurs épaules celui qu'ils appelaient au commandement. Cependant l'existence de ce Pharamond a quelquefois été contestée. Gré- goire de Tours, qui nomme Marcomir, qui nomme Clodion , dont l'un, selon les autres écrivains, était le père, et l'autre, le successeur de Pharamond, ne parle pas de ce dernier. Ce n'est que sur le silence de cet historien qu'est fondée l'opinion de ceux qui nient fexistence de ce dernier , et cette existence (i) Essais liist. sur Paris , tom. 3. DES FRANCS DANS LA BELGIQUE. 565 est en effet encore un problême. Ce serait donc, au lieudePha- ramond, Clodion qui serait le premier roi des Francs. Mais quel qu'il soit, Pharamond ou Clodion (car ce n'est point le per- sonnage qui doit ici nous occuper, c'est le fait), il reste à peu près démontré quje le berceau de la monarchie française est la Belgique. Le savant Wendelin en désigne même l'endroit , qu'il place le long de la Dénier entre Herck et Haelen , province de Limbourg, district de Hasselt. On le nomme en effet Vrank- ryck, c'est-à-dire, royaume des Francs. Une étymologie sans doute n'est pas toujours , pas souvent même une preuve solide -, mais celle-ci paraît si juste, qu'elle est du moins bien propre à appuyer cette opinion, déjà si bien établie par les autres preuves. Je rapporterai le texte même de Wendelin. Ego qui- dem Faramundum levatum crediderim in campo Vrankrijch, Haelen inter et Hercam , inque illo admodum prœdiolo regni h et Konincryck dicto , ubi anno MDCXXII effbssœ sunt urnœ cinerum et ossium ex adverso sacelli Donkani (t), haud pro- cul apratis halensibus. On voit que ce savant suit ici l'opinion commune , qui regarde Pharamond comme le premier roi des Francs. Mais c'est le cas de dire que le nom ne fait rien à la chose. Il s'agit du chef, quel qu'il soit, qui le premier a été mis à la tête des Francs. Il ne faut_, en tout cas, comme l'ob- serve l'abbé Ghesquière sur ce passage , que substituer le nom de Clodion à celui de Pharamond ; le fait subsistera toujours (2) , indépendamment du nom , et le prince qui a été élevé sur le pavois et placé sur le trône dans la Taxandrie, doit être con- (1) C^est le village de Doiick près de Haelen , à une lieue et demie de Diest. (2) Acta SS. Belg. sel. , tom. 1 , p. 3o8, n. f. 48. 566 MEMOIRE SUR L'ÉTABLISSEMENT sidéré autant comme le roi des Belges que comme celui des Francs. Clodion, devenu maître de la plus grande partie de la se- conde Germanique, établit le siège de son empire dans le lieu appelé Castrwn Dispargum par Grégoire de Tours (i)j Castel- liim Dishargum, par Aimoin (2); Castrwn Dispartum, par Trithémius (3). Cette ville, qui, selon Ortelius et Pontanus, est Daisbourg , €ntre Wesel et Dusseldorf , sur le Rhin (4); selon Du Bos, Duyshoingf entre Bruxelles et Louvain, à deux lieues et demie de la première de ces villes; selon Eccard, Dishorg , près de Smalkald , dans la principauté de Henneberg en Fran- conie, est, selon Chififlet, Hensclienius,Vredius, Boucher, Man- telius et Wendelin, Diest. Ce dernier surtout a prodigué son immense érudition pour prouver que le Dispargum de Gré- goire de Tours est cette dernière ville (5). Quelle que soit la déférence que l'on doive à l'opinion d'un savant aussi profond que Wendelin, qu'il me soit cependant permis de la discuter. Le texte de Grégoire porte que Clodion avait fixé sa résidence dans le château appelé Dispargum , sur les limites du pays des Tongriens (6), et ceux qui placent Dis- pargum à Diest, s'appuient sur ce texte, parce que Dispar- gum est placé dans la Tongrie, qui est la Belgique. Le passage (1) Lib. 2 , cap. 9. (2) Lib. 1 , cap. 4. (3) De orig. Franc, cap. 4. (4) Ou pour parler plus exactement sur la Roer, à 5 lieues de Dusseldorf. Elle était autrefois sur le Rhin , qui s'en est écarté d'une demi-lieue. (5) Acta SS.Belg. sel. , tom. i, p. 296. (6) Ferunt Chlogionem regum Francorum fuisse qui apud Dispargum castrum habitabat, quod est in termino Tongrorum. Greg. Tur. loco cit. DES FRANCS DANS LA BELGIQUE. 367 d'Aimoin porte que Clodion, voulant étendre les limites de son empire, envoya des espions de Dishargum au delà du Rhin, et que les ayant suivis à la tête de son armée, il s'empara de Cambrai (i); et ceux qui mettent Dishargum à Duisbourg, se fondent sur ce passage, parce que Duisbourg est au delà du Rhin , et qu'il ne faut pas passer le Rhin pour aller de Diest à Cambrai. Voilà donc une contradiction apparente entre ces deux historiens. Voyons s'il n'est pas possible de les concilier. Une seule réflexion suffit peut-être pour cela. Les limites de l'ancienne Tongrie s'étendaient au delà du Rhin , où est Duis- bourg. Grégoire qui place son Dispargum sur les limites de la Tongrie, in termina Tongrorum, a fort bien pu entendre Duis- bourg, qui est en effet sur la limite de la Tongrie de ce côté. Aimoin, qui écrivait plus de trois cents ans après Grégoire, a suivi le récit de cet historien, qu'il comprenait probablement; et si, en fixant, comme celui-ci, la résidence de Clodion à Duisbourg, il a ajouté que ce lieu était au delà du Rhin, c'est qu'il était convaincu que Grégoire ne voulait parler que de Duisbourg. Sigebert de Gembloux_, en rapportant le même fait, dit que Clodion , pour venir de Dispargum à Tournai et à Cam- brai , passa le Rhin (2). Il était donc également convaincu que (1) Rex Clodio angustos regni fines dilatare cupiens exploratores a Dis- hargo trans Rlienum dirigit, et ipse cum exercitu subsecutus Cameracnm. .civitatem obsidens expugnavit. Aimoin. loco cil. (2) Clodius rex Francorurn missis exploratoribus de Disbargo castello adurbem Cameracum, transit Rhenum et protrito multo Romanorum po- pulo circa Rhenum usque Ligerim C^) fluvium habitantium , Carbonariam Silvam ingressus Tornacum urbem obtinuit , et inde usque ad urbem Ca- meracum properavit. Sigeb. ad an. 445. (*) Il fa at peut-être lire Schaldim. 568 MÉMOIRE SUR L'ÉTABLISSEMENT Dispargiim était Duishourg. Mais, dira-t-on, Grégoire, dans le même endroit de son histoire, dit que. les Francs, après avoir passé le Rhin, vinrent dans la Tongrie. Cette contrée était donc au delà du Rhin. Oui, la très-grande partie; mais est-ce à dire qu'elle ne s'étendait pas un peu en deçà, et que les hords du Rhin, dans la partie où est Duishourg, n'en formait pas à peu près la limite? et Clodion, en y réunissant cette partie, n'y aura-t-il pas fixé sa résidence, par la raison même qu'elle for- mait la limite du pays? Conjectures pour conjectures, celles-ci ne paraissent pas au moins dépourvues de fondement, et la res- semhlance de nom entre Dispargum et Duishourg lui donne un nouveau degré de prohabité. La ville de Diest, d'ailleurs, dès le sixème siècle , portait le nom , non de Dispargum, mais de Diosta, et dans le neuvième, elle avait son district sous la dénomination âepagus Diestensis. Cette dénomination se trouve pour la première fois dans un acte de l'an 838 (i). Or, après que Diest fut connu sous ce nom, on trouve encore en 986 celui de Dispargum (2), qui paraît toujours être Duishourg: C'est la plus forte preuve (et elle est comme le complément des autres) contre l'opinion de ceux qui prétendent que Dispar- gum est Diest. Clodion donc, établi à Dispargum, ne tarda pas à envoyer des espions à Camhrai pour connaître l'état des villes et des for- ces du pays. Les avis favorables qu'il reçut, le déterminèrent à poursuivre le cours de ses conquêtes : il entra à la tête d'une puissante armée dans la Forêt Charbonnière, qui couvrait la (1) In pago Hasbaniewsi sive Diestensi. Mir. op. Dipl., tom. 1 , p. 499. (2) Marlot, MeLrop. Rhem. hist., lom 2 , p. 3-2. DES FRANCS DANS LA BELGIQUE. 669 plus grande partie du Hainaut, défit et dissipa les légions qui s'opposaient à son passage, prit Tournai, emporta Cambrai, détruisit Bavai et Famars , et borna l'empire des Francs aux rives de la Somme. Les Francs sont donc, à dater de cette époque, décidément établis dans les Gaules. Cet établissement, qui avait commencé en 280 sous Probus, qui avait été consolidé par Julien en 358, fut fixé en 445 par Clodion, qui établit le siège de son em- pire à Cambrai. La première race des rois Francs est donc véritablement originaire de la Belgique. C'est dans la Belgique en effet que le premier roi des Francs a été proclamé; c'est dans la Belgi- que que les rois ses successeurs ont été établis. C'est donc la Belgique qui est réellement le berceau de la monarcbie fran- çaise. Mérovée prince du sang royal des Francs, qui avait accom- pagné et secondé Clodion dans la fameuse expédition qui assura aux Francs l'empire des Gaules, avait obtenu pour prix de sa valeur et de ses service la vile de Tournai. C'est pour cette raison que St.-Ouen , qui écrivait au septième siècle, appelle Tournai, ville royale, regalem civitatem (i). Mérovée, affermi par ses conquêtes sur le trône qu'il avait usurpé, profita de la faiblesse des empereurs pour pousser ses conquêtes dans les Gaules, où il eut tant de succès, qu'il pa- raît certain qu'il réunit la première Germanique à l'empire des Francs (2). (1) Audoen. in vita Elig., lib. 2 , cap. 5. (2) Buclier. , ibid , lib. 17, cap. 5, n. 2; et cap. 8, n. 6, et in anac. , cap. 7, n. 42. 070 MÉMOIRE SUR L'ÉTABLISSEMENT Childéric, son successeur, après avoir perdu et repris ses états, s'empara de Cologne, qui était la capitale de l'une des deux cite's qui formaient la seconde Germanique^ emporta Trêves et Metz, et soumit à ses lois toute la première Belgique. Il mourut à Tournai, et y fut enterré. Son tombeau y a été dé- couvert en i653. Clovis, fils de Childéric, conquit le reste des Gaules; il s'em- para, dans la seconde Belgique des cités de Reims, de Soissons et de Châlons, et transféra le siège de la monarchie à Soissons. Il prit Tongres, qui était la capitale de l'autre des deux cités qui composaient la seconde Germanique , et soumit par la prise de cette ville le reste de cette grande cité. Il ajouta à ces im- portantes conquêtes celles de Senlis et de Beauvais, et acheva ainsi la conquête de la seconde Belgique. Tout ce qui formait la Gaule Belgique, divisée par Auguste en quatre grandes provinces , est donc désormais soumis à l'empire des Francs. La première Belgique fut conquise par Childéric, la seconde par Clovis, la première Germanique par Mérovée, la seconde par Childéric et Clovis. La domination des Romains est ainsi entièrement abolie dans toute l'étendue de la Belgique. Tandis que les descendans de Clodion établissaient ainsi leur empire dans les Gaules, Cléodébald, un de ses fils (du moins c'est à lui que l'opinion commune l'attribue), fondait vers l'an 463, entre la Meuse et le Rhin, un royaume particuher sous le nom de Francs Ripuaires. L'esprit guerrier des souverains qui les portait toujours à étendre les limites de leurs états , en empiétant sur ceux de leurs voisins, a empêché que les bornes des Ripuaires aient jamais été justement déterminées,. Cepen- DES FRANCS DANS LA BELGIQUE. 371 dant il paraît que ce pays , qui s'étendait tant du côté gauche ou français du Rhin, que du côté droit ou germain, était borné du premier côté par la Meuse et la Moselle, et de l'autre par la foret nommée Biiscluvald , près de Fulde (r). Cette foret était même très -probablement comprise dans les Ripuaires, puisque Sigebert, roi de ce pays, fut tué à la chasse dans cette foret par ordre de Clovis en 5 10. La capitale de ce royaume était Cologne, qu'Eginhart appelle pour cette raison Ripuariœ metropolis. Childéric, comme on l'a yu , s'empara de cette capitale, et c'est ainsi que les Ripuaires ont successivement appartenu , sans interruption et sans division , aux rois d'Aus- trasie, et dans la suite, aux rois de Lotharingie et de Germanie, tellement que la partie des Ripuaires qui était à la gauche du Rhin, fut attribuée à la Lotharingie, et celle qui était à la droite, à la Germanie. Après la mort de Clovis , ses états furent partagés entre ses fils. Thiéri eut pour partage le royaume de Metz, Clodomir celui d'Orléans , Childebert celui de Paris , et Clotaire celui de Soissons. La Belgique est donc ainsi partagée entre Thiéri et Clotaire, de sorte que le premier eut la partie qui était com- prise entre le Rhin et l'Escaut, et le second celle qui était ren- fermée entre l'Escaut et l'Océan. Clotaire, ayant survécu à ses frères et à ses neveux, devint roi de toute la monarchie. Les quatre fils de Clotaire, après la mort de leur père, par- tagèrent, comme ceux de Clovis, ses états en quatre royaumes, (1) Mém. hist. de Facad. Théod. -Palatine des sciences et belles-letires , tome 4. Tome III 49 572 MÉMOIRE SUR L'ÉTABLISSEMENT qui n'eurent point d'autre nom que celui de leur roi ou de leur capitale. Le crapuleux Caribert régna à Paris, le faible Gon- trand à Orléans, le brave Sigebert à Metz, et le féroce Chil- péric à Soissons. Clotaire II , fils de Cliilpéric , ayant réuni , comme son aïeul Clotaire I, toute la monarcbie, affermit sa domination par le massacre de tous les princes de son sang. Dès ce moment, il abandonna le gouvernement de l'Austrasie à ces espèces de vice-rois, si connus sous le nom de maires du palais, auxquels il conféra le titre de duc pour exercer l'autorité souveraine en son nom. Ces officiers, profitant de la faiblesse des rois, aug- mentèrent insensiblement leur pouvoir, en affaiblissant, en enchaînant , en absorbant , s'il est permis de parler ainsi , l'au- torité royale, avilie par l'imbécillité et les vices des rois, qui n'étaient plus que des fantômes décorés, dont la dénomination de fainéans exprime assez la nullité et la stupide inertie. La dignité de maire, en devenant héréditaire, devint illimitée, et ces officiers suprêmes prirent un titre propre à exprimer toute l'étendue de leur autorite', celui de dux Francorum. La France, qui, après Clotaire II, passa à son filsDagobertI, fut partagée, après la mort de ce dernier, à ses deux fils, Sige- bert II, qui eut l'Austrasie ou France orientale, et Clovis II, qui eut la Neustrasie ou France occidentale. Le nam d'Austrasie était inconnu dans les Gaules avant l'an 532, et celui de Neus- trie avant l'an 662. C'est dans le partage qui fut fait, cette an- née, entre les quatre fils de Clotaire I, que le nom de Neustrie fut donné, par contraction de Nova TP^e stria , à la France oc- cidentale. Mais cette division si célèbre, de la France en deux portions, ne commença proprement qu'après la mort de Cari- DES FRANCS DANS LA BELGIQUE. 373 hert, roi de Paris, en 566. Ces deux royaumes furent dans la suite appelés en langue teutonne Oosterryck et TVesterryck, nommes, l'un, par corruption , ^iister, .Aastria , Austrasia, et l'autre , par contraction , Neustria. Les limites de ces deux grandes contrées, qui avaient tou- jours été indéterminées sous les princes qui y avaient régné depuis l'an 662, furent fixées, positivement en 638, après la mort de Dagobert I, dans le partage qu'il lit du royaume à ses fils, Sigebert II, qui eut l'Austrasie, et Clovis II, qui eut la Neustrie. Le pays situé entre l'Escaut et la Scarpe formait la limite de l'Austrasie, comme paraît l'indiquer l'étymologie du nom de ce pays, qui était appelé udusterhan , d'Austrasia, et de ban, qui, en langue flamande, signifie limite. Ce pays fut dans la suite appelé par corruption Ostrevan , avec le titre de comté, dont Bouchain était la capitale. L'Austrasie comprenait dans sa vaste étendue les quatre provinces qui formaient la division de la Belgique ancienne, c'est-à-dire, la première et la seconde Belgique, la première et la seconde Germanique. C'est ce qui est très-clairement traité dans une très-savante dissertation , insérée au tome 3 des Acta SS. Belg. Sel. , page 34 ? dans laquelle l'auteur démontre par des passages extraits des annales et des diplômes du temps que ces diverses provinces étaient du ressort de l'Austrasie. Les anciens diocèses d'Arras, de Terouanne et de Tournai, qui comprenaient l'Artois et la Flandre , étaient seulement restés à la Neustrie. La Belgique fut, comme le reste de l'Austrasie, gouvernée par les maires du palais, à commencer en 6i3 par Pépin de Landen, qui possédait, tant dans le pays qui depuis fut appelé 49- 574 MÉMOIRE SUR L^ÉTABLISSEMENT Brabant que dans les contrées voisines , des terres et des sei- gneuries considérables. Il prit le nom de Landen, de la petite ville de ce nom dans la Hesbaie , parce qu'elle était le lieu de sa naissance ou de sa résidence ordinaire. Il avait à Nivelles une vaste maison, qu'après sa mort, Itte, sa femme, et Ger- trude, sa fille, convertirent en monastère. C'est l'origine du chapitre noble de Nivelles. Le roi Clotaire II, devenu en 6i3 maître de toute la France, se déchargea d'une partie du fardeau de l'administration , en confiant le gouvernement de la Basse-Austrasie à Pépin. La se- conde Germanique, dans laquelle il ne faut pas oublier qu'était comprise la plus grande partie de la Belgique moderne, dé- pendait de ce gouvernement. C'est pour cette raison qu'un ancien historien, cité par BoUandus (i), donne à Pépin la dé- nomination de prince de la seconde Germanique ; dénomina- tion plus exacte que celle de duc d'Austrasie, qu'on lui donne communément. Il mourut à Landen le 21 février de fan 63g ou 640, selon les uns, de 646 ou 647, selon les autres, et il y fut enterré. Ce ne fut que quelques siècles après, sans que l'on puisse en déterminer le temps précis, que son corps fut transporté à Nivelles. Grimoald , son fils , et Begge , sa fille , lui succédèrent l'un après l'autre. Cette dernière fonda le chapitre noble d'Andenne, à trois lieues de Namur. Pépin, fils de Begge et d^Anségise, succéda à sa mère. Il mourut le 16 décembre 714. Avant sa mort, il avait nommé pour succéder aux vastes états dont il avait l'administration, (1) Acta SS, Belg, sel., loin, 2, p. 34j , 11, 10. DES FRANCS DANS LA BELGIQUE. 375 son fils Charles, qu'il avait eu de la belle Alpaïde, et que son courage et sa force firent surnommer Martel, c'est-à-dire , inar- teau; car, dit la Chronique de Si.-T)ems , comme le marteau débrise et froisse le fer, aussi froissoit-il et hrisoit par la bataille tous ses ennemis. Ses fils Carloman et Pépin partagèrent ses états. Le premier eut r Austrasie , et le second la Neustrie, la Bourgogne et la Provence. Carloman, dégoûté des agitations du monde et des embarras du trône, abdiqua la royauté et embrassa l'état mo- nastique au Mont-Cassin. La retraite de Carloman fiicilita à Pépin le moyen de réaliser le projet qu'il méditait depuis long- temps. Ses prédécesseurs lui avaient frayé la route au trône; mais ils n'avaient osé franchir le pas. Pépin , plus hardi ou plus heureux, consomma cette révolution, en renversant Ghildé- ric, troisième du nom, du trône chancelant des Mérovingiens. La nation solennellement assemblée à Soissons le i^rmars y5i ^ déclara et proclama Pépin roi de France, et il fut sacré en cette qualité par St.-Boniface , archevêque de Mayence et légat du pape. Cette cérémonie sanctionna l'usurpation , et Pépin , dit le Bref, commença une nouvelle race de rois légitimes. Cette deuxième dynastie des rois Francs , dite des Carlovin- giens, est donc, comme la première, originaire de la Belgique, puisqu'à remonter à la source de la famille des Pépins, tous les princes de cette illustre race ont vu le jour ou fixé leur ré- sidence dans la province de Brabant ou le Pays de Liège, à Landen, à Nivelles, à Herstal. Ils ont exercé la souveraineté sous le titre de maires du palais pendant i38 ans, à commen- cer en 6i3 par Pépin de Landen et à finir en 761, date de l'avènement de Pépin, dit Bref, père de Charlemagne, au trône de France. MEMOIRE SUR LE GOUVERNEMENT ET LA CONSTITUTION DES BELGES, avant l^invasion des romains. Par m. DEWEZ 3 secrétaire perpétuel. LU DANS LA SÉANCE DU 3o OCTOBRE l824. MÉMOIRE SUR LE GOUVERNEMENT ET LA CONSTITUTION DES BELGES AVANT L'INVASION DES ROMAINS. l^ES Belges doivent être divisés en septentrionaux et en méridio- naux. C'est la distinction que la nature indique. Les premiers étaient issus des Germains, les seconds des Gaulois, et ils avaient conservé les uns et les autres les mœurs, les usages, les arts, le langage et les institutions de leurs ancêtres. Ainsi tout ce que Tacite et César , Pline , Strabon et Diodore ont dit des Germains et des Gaulois, appartient aux Belges, du moins en partie; car on risquerait beaucoup de se tromper, si l'on croyait que tous les traits que rapportent ces écrivains , con- viennent indistinctement à ces derniers. Les peintures géné- rales qu'ils en tracent , renferment des nuances qu'on peut leur appliquer; mais il faut les saisir avec discernement, c'est- à-dire, qu'il ne faut leur attribuer que celles dont on trouve des traces visibles soit dans l'histoire, soit dans les lois, soit dans les usages. Tome III, 5o 38o MÉMOIRE SUR LE GOUVERVEMENÏ DES BELGES Pour se former une idée du gouvernement des anciens Belges, il faut donc examiner d'abord quel était le gouvernement des Gaulois et des Germains. Si l'on remonte à la plus haute antiquité , la multitude , chez les Gaulois, choisissait tous les ans, un prince, c'est-à-dire, un premier magistrat pour veiller aux intérêts de la républi- que, et un directeur de la guerre (i). Voilà, sinon une démo- cratie, du moins une monarchie tempérée, si toutefois on peut donner le nom de monarchie à un état dont le chef était changé o tous les ans. C'étaient plutôt des consuls que des rois. Ce gou- vernement était donc dans un sens aristocratique. Le peuple, à la vérité , choisissait ses chefs ; mais il ne pouvait les prendre que dans la classe des nobles. Les Germains avaient une organisation politique qui res- semblait assez à celle des Gaulois. Ils choisissaient également leurs rois et leurs généraux ; c'était la noblesse qui déterminait le choix des premiers , comme c'était la valeur qui fixait ce- lui des seconds (2). Les rois avaient cependant très souvent le commandement des armées , et les généraux leur étaient subordonnés. Le roi ou le chef, quel que fut son titre, était élevé sur un bouclier, que les principaux de la nation por- taient sur leurs épaules, à la vue de tout le peuple, qui témoi- gnait son consentement par des acclamations. C'était la manière (1) Plerœque eorum respublicœ ah optimalibus guhernabantur. Anti- quitus unum quotannis pri?icipeni , itemque unum helli clucem multiiudo deligebat. Slrabo, lib. 4. (2) Reges ex nohilitate , duces ex vlrtute sumunt, Nec regibus infinita auL libéra jJotesias. Tac, Gevni. y ca]). 7. AVANT LINVASION DES ROMAINS. ÙHl de l'installer (i). C'est ainsi que les Bataves proclamèrent leur chef le Caninéfate Brinno , auquel Tacite donne le titre de dux. Mais je ne crois pas qu'il faille entendre par cette dénomina- tion un simple géne'ral, tel que les Germains en choisissaient parmi ceux qui s'étaient signalés par leur valeur, uniquement pour commander les armées. Le titre de dux signifie ici plus que général ; c'est le chef de la nation , c'est le roi enfin ; et ce qui le prouve, c'est que ce Brinno était distingué par son il- lustre naissance (2). Or c'était dans la classe des nobles que les Germains choisissaient leurs rois. L'autorité de ces rois était circonscrite dans des bornes si étroites qu'à peine peut-on dire que les Germains étaient sou- mis au pouvoir monarchique (3). Les chefs que Tacite appelle principes ne réglaient que les affaires ordinaires; mais les af- faires majeures devaient se traiter et se décider par l'assemblée générale de la nation. Les affaires dont la décision appartenait au peuple, étaient portées de même devant les chefs on prin- ces (4). La manière concise dont Tacite s'explique (5) , laisse (1) Impositusque scuto, more gentis, et sustinentiinn liumeris vïbratus , dux deligitur. Tac. Hist. lib. 4, cap. i5. (2) Claritate natalium insigni. Ibid. (3) In quantum Germani regnantur. Tac. Ann. lib. i3, c. 54. (4) On conçoit qu'il ne faut pas prendre ici ce mot de prince dans Fac- ceplion française, mais dans le sens de Tacite, qui entend les chefs ovi les magistrats supérieurs. (5) De minoribus rehus principes consultant , de majorihus omnes , ita tamen ut ea quoque quorum pênes plebem arhitrium est, apud principes pertractentur Considunt armati. Silentium per sacerdotes , quibus tinn et coercendi jus est , imper atur. Mox j^ex vel princeps ,prout cuique œtasj 5o. 082 MÉMOIRE SUR LE GOUVERNEMENT DES BELGES sur ce point une obscurité qui résulte d'abord d'une simple difficulté grammaticale. Est-ce avant ou après la délibération du peuple que les affaires étaient portées à celle des chefs? La solution de cette question dépend d'un seul mot, diversement adopté par les différens éditeurs de Tacite. Les uns lisent j^r^e- tractentur ; ce qui, d'après le sens de la préposition pr^ ^ si- gnifierait que c'était avant; les autres Yisç^nX. perù^actentur ; ce qui , d'après la force de la particule jjer _, qui exprime la per- fection de l'objet ou de la qualité, dans les noms, ainsi que le complément de l'action dans les verbes , indiquerait que c'é- tait après. Ainsi, selon que l'on admettra fune ou l'autre le- çon, on aura un sens diamétralement opposé. Dans cette incer- titude , c'est d'après l'ordre qui parait le plus naturel et le plus généralement adopté dans les temps postérieurs, qu'il faut tâ- cher d'interpréter la pensée de l'auteur. Quelle est-elle ? C'était la nation entière, omnes , dit-il, qui délibérait sur les affaires majeures, et il ajoute, par manière d'explication, que cependant les affaires dont le peuple était l'arbitre , se traitaient aussi de- vant les chefs. Je pense donc que c'était le peuple qui avait, comme on dit maintenant , l'initiative, et que la délibération était portée à la connaissance des chefs. C'e'tait, pour expli- quer la chose par les institutions modernes, comme aux Pays-Bas, la première et la seconde chambre. C'était donc, alors, comme aujourd'hui, les chefs ou princes qui mettaient la dernière main à l'œuvre. J^adopte conséquemment la leçon qui "porte perlractentur y et je pense que c'est l'idée la plus juste prout nohilitas , prout decus hellorum , prout facundia est^ audiuntur i caiclorikUe suadendl magis , quamjuhendi potestate. Id. Germ., cap. ii. AVANT L'INVASION DES ROMAINS. 583 que l'on puisse se faire de la forme des anciennes assemblées des Germains. Voilà à peu près la démocratie. Ils s'assemblaient à des jours déterminés , à la nouvelle ou à la pleine lune, à moins qu'il ne survînt des cas urgens. Ils ne comptaient pas par jours, mais par nuits (i). Les membres de l'assemblée ne pouvaient y siéger qu'en armes. Le droit de commander le silence et de maintenir l'or- dre était réservé aux prêtres. C'était le roi ou le prince qui prenait la parole. Ceux qui étaient recommandables par l'âge , par la naissance, par les services militaires, par les talens ora- toires, avaient également le droit de s'y faire entendre. Mais les uns et les autres avaient la faculté de conseiller et d'invi- ter, plutôt que d'ordonner et de contraindre. Ils employaient donc plutôt l'ascendant de la persuasion que la puissance du com- mandement, parce que l'autorité était plus dans la raison que dans la personne. Si la proposition déplaisait , ils la rejetaient par des murmures; si elle était accueillie, ils agitaient leurs (i) Coeunt, nisi quid fortuitum et suhitum inoiderit , cum inclwatur luna , aut impletur Nec dieruni numerum , sed noctium computant. Tac. ib. Je pense comme M. Raepsaet, Mémoire sur V origine des Belges^ qu^il ne faut entendre les assemblées mensuelles que de celles des peuplades entre elles; car il n'est pas naturel de croire que toute la nation s'assemblait deux fois par mois ; c'eût été en effet ime véritable cohue. Il est plus pro- bable qu'elle s'assemblait seulement deux fois par an , au printemps et en automne, comme l'ont fait les Francs depuis, d'où, selon Van Loon, sont venus les herft-en-lente-heden , de Jierft , printemps , lente , automne , et hidden , prière, demande; ce qui s'entend des deraandesde subsides que les souverains faisaient deux fois par an aux états des provinces , au prin- temps et en automne. 5'ô± MÉMOIRE SUR LE GOUVERNEMENT DES BELGES fraraëes. Le plus honorable témoignage d'assentiment était d'aj3plaudir avec les armes (i). Telle était la constitution des Germains, plus démocratique qu'aristocratique. Chez les Gaulois, au contraire, l'autorité du peuple, au temps de César, était tellement déchue, tellement avilie , qu'il était relégué dans la classe des esclaves. Ce n'est pas à dire, je pense, qu'il fût réduit à la servitude absolue. Le peuple conservait la liberté individuelle; mais il n'était point admis aux assemblées nationales ou aux délibérations publi- ques, comme en Germanie. Cette exclusion des assemblées n'était toutefois relative qu'à l'exercice des droits politiques, et non à celui des droits civils. Les Gaulois qui appartenaient à la classe du peuple , n'avaient pas perdu leur qualité d'homme , mais seulement celle de citoyen. Le plus grand nombre, acca- blé sous le poids des dettes , l'énormité des impôts et les injus- tes vexations des nobles, vendait sa liberté à ceux-ci, qui trai- taient ceux-là comme leurs esclaves. Ces malheureux étaient en effet réduits au véritable état de servitude. Je crois du moins que c'est ainsi qu'il faut entendre le texte de César (2); car en parlant de la masse du peuple, il ne dit pas précisément qu'elle était condamnée à la condition servile : il emploie une (1) Si displicuit sententia,fremitu aspernantur ^ sin placuit , frarneas concutiunt. Honoratissimum assensus genus est armis laudare , Id. (2) In omni Gallia eorum hominum qui aliquo sunt numéro atque ho- nore, gênera sunt duo; nam plehs ^qhq serporum hahetur loco , quœ per se nihil audet, et nuUi adhihetur co?icilio. Plerique, cum aut œre alieno ^ aut magnitudine trihutorum , aut injuria potentiorum premuntur , sese m servitatem dicant nohilihus : in hos eadem omnia sunt jura , quœ dominis in servos. Cses. lib. 6 , cap. i3. AVANT L'INVASION DES ROMAINS. 585 expression restrictive ; il dit que la multitude était presque considérée comme au rang des esclaves. Mais pour ceux qui étaient réduits à la triste nécessité de se vendre, il dit positi- vement que les nobles avaient à leur égard les mêmes droits que les maîtres sur leurs esclaves. Le peuple était donc nul dans l'ordre politique. C'étaient les druides et les chevaliers, c'est-à-dire, les prêtres et les nobles qui exerçaient toute l'autorité. Voilà bien l'aristocratie. L'autorité royale était par conséquent très -peu prépondé- rante dans ce gouvernement. La dénomination de roi , qui existait, à la vérité, n'était qu'un titre qui ne donnait à celui qui le portait, que le premier rang parmi ses égaux. La royauté dans les Gaules , rigoureusement parlant, n'était pas héréditaire. Après la mort de Caramentalède , qui avait long-temps régné sur les Séquanais (habitans de la Franche- Comté), la royauté était restée vacante. Il avait cependant un fils, nommé Casticus. L'Helvétien Orgétorix lui conseille de s^ emparer du pouvoir souverain, que son père avait exercé (i). L'expression paraît indiquer assez que ce n'était pas le droit qu'il fallait faire valoir, mais la force qu'il fallait faire agir. Après la mort d'Induciomare, l'un des deux rois des Trévi- riens, l'autorité suprême fut déférée à ses parens par la na- tion (i). Est-ce à dire que la royauté était héréditaire dans sa (i) Orgétorix persuadet Castino, Caramantaledis filio ^ Sequcmo , cujiis pater regnum multos annos ohdnueratj ut regnum in civitate sua occuparet quodpater anle liabuerat. Id., lib. i , cap. 5. (2) Interfecto Indaciomaro , ad ejus propinquos a Treviris imperium defertur. Ici. lib. 6, cap. 2. ^86 MÉMOIRE SUR LE GOUVERNEMENT DES BELGES famille? Je ne le crois pas; car dans un royaume héréditaire, la royauté n'est jamais vacante : l'héritier naturel prend sans formalité la place du prince qui vient de mourir. Mais chez les Tréviriens, c'est la nation qui défère le pouvoir au parens du roi défunt. Si la royauté avait été héréditaire, qu'était*il be- soin de l'intervention de la nation ? L'héritier légitime eût suc- cédé de droit. Si donc la nation a appelé cette famille à la roj'^auté, n'est-il pas clair que c'était dans la nation que rési- dait la souveraineté, qu'elle déférait au mandataire de son choix? Et dans cette occasion, elle l'aura fixé de préférence sur celle du brave Induciomare, qui avait si justement mérité la confiance et la reconnaissance de la nation par la valeur qu'il avait déployée pour défendre l'indépendance de son pays. La conduite opposée que tinrent les Tréviriens à Fégard de Cin- gétorix, leur autre roi, qui avait lâchement abandonné la cause de la patrie , en se jetant dans le parti des Romains , prouve bien que le droit de souveraineté résidait dans la nation , puis- que dans une assemblée générale, le traître Cingétorix fut unanimement proscrit et déclaré ennemi delà patrie (i). Ainsi, la nation avait le droit non-seulement de nommer ses chefs , mais de les déposer. Voilà bien la souveraineté du peuple dans toute sa force et toute son étendue. ■ On peut avancer, je crois, qu'en général la royauté, j'en- tends la royauté absolue, était odieuse aux Gaulois. Orgétorix, chez les Helvétiens, est accusé par ses concitoyens d'aspirer à la royauté ; il est arrêté , poursuivi ; il se sauve et se donne la mort (2). Chez les Éduens (habitans de la Bourgogne), Dum- (i) Id. lib. 5, cap. 56. (2) Id. lib. 1, cap. 3, 4, AVANT L'INVASION DES ROMAINS. 387 dominé par la même ambition, s'était publiquement vanté que César voulait le faire roi. Ce propos imprudent lui aliéna entièrement l'esprit de ses concitoyens (i). Chez les Arver- niens (peuples de l'Auvergne), la royauté existait soixante ans avant César , et c'était Bituitus qui y était roi. A l'arrivée du conquérant , Celtillus avait été mis à mort par ses conci- toyens, parce qu'il aspirait à la royauté (2). Si je sors de la Belgique, c'est que je veux prouver que le même esprit régnait dans toute l'étendue de la Gaule. « Que conclure de là, demande M. Berlier , dans son excel- » lent Précis historique sur les Gaules ? Qu'il n'était peut-être y) en Gaule aucun état qui fut essentiellement Çil perpétuellement » monarchique ; mais que plusieurs le devenaient temporai- » rement f selon le besoin des circonstances ou l'influence des » personnes. » Cependant, quelque restreinte que paraisse être l'autorité royale chez toutes les nations gauloises, l'histoire montre quelques rois qui semblent avoir été revêtus d'une assez grande puissance. Tel avait été ce Bituitus , roi des Arverniens , qui s'é- tait rendu célèbre dans la guerre des Allobroges. Tel fut ce Galba à qui les Gaulois confédérés déférèrent la direction de la guerre à cause de sa prudence et de sa justice (3). Mais était- ce bien leur titre de roi qui leur avait valu cette grande con- sidération dans leur pays.^ Je crois bien plutôt (et c'est aussi la pensée de l'auteur que je viens de citer) qu'ils ne la devaient (3) Id. lil>. 5,cap. 6. (4) Id. lib. 7 , cap. 4. (1) Id. lib. 2, cap. 4. Tome 111. 588 MÉMOIRE SUR LE GOUVERNEMENT DES BELGES qu'à leurs éminentes q ualitcs personnelles et à leurs actions éclatantes. Il n'est pas étonnant au reste que le pouvoir des rois fut si J30rné dans la Gaule. J'en trouve plus d'une cause. Dans un pays aussi divisé, ou pour mieux dire, aussi morcelé, com- posé de tant de petits états qui ne formaient, chacun, qu'une peuplade aussi peu importante par sa population que par son influence politique , voisine d'ailleurs très-souvent d'une autre peuplade qui n'admettait pas la même forme de gouvernement, il était impossible qu'un chef, dans un tel état, eut une autorité très-imposante. Les grandes prérogatives des prêtres et des nobles balançaient d'ailleurs, et éclipsaient, pour ainsi dire, l'autorité royale, qui, d'un autre côté, ne pouvait être que bien précaire et bien chancelante , n'étant ni héréditaire dans la famille, ni perpétuelle dans l'état. Les Romains ne jugeaient pas même ces chefs dignes du titre de rois-, ils les appelaient le plus ordinairement reguU, comme nous disons par dérision roitelets. César en faisait et en défaisait selon ses intérêts ou sa volonté. Cicéron avait recommandé Orfius aux faveurs du gé- néral, qui lui répondit qu'il le ferait roi de la Gaule (i). Si l'on veut donc se former une juste idée de ce qu'était ce qu'on appelait un roi dans les Gaules, que l'on regarde l'homme revêtu de ce titre comme un chef de la nation, pris dans l'une des familles les plus nobles, occupant le premier rang dans les conseils et dans les armées. (i) M. Orfiumqueminilii commendas , regem Gallice faciam, Cic, ep. ad fam. lib. 7, ep. 5. AVANT L'INVASION DES ROMAINS. 089 Toutes ces républiques gauloises étaient partagées en deux factions (i), à la tête desquelles étaient deux chefs, auxquels on renvoyait toutes ks affaires et toutes les délibérations pour y statuer définitivement, comme Induciomare et Cingétorix chez les Tréviriens(2), comme Ambiorix et Cativulcus chez les. Éburons (3). Ces factions n'étaient point l'effet de Fambition ou de la rivalité des grands; c'était une espèce d'institution politique très-ancienne, qui tenait en quelque sorte à la nature et à l'essence du gouvernement. Le but de cette institution était de prévenir les excès et d'arrêter les entreprises du pouvoir arbitraire. Le chef d'une faction avait intérêt de ménager et de protéger ses partisans pour les retenir dans son parti, afin de balancer par une force égale, le pouvoir du chef de la faction opposée, et il n'aurait osé par conséquent les molester ni les opprimer, parce qu'il aurait craint qu'ils n'embrassassent et qu'ils ne renforçassent le parti contraire. Je reviens à la classe du peuple, et je crois devoir répéter ici qu'il ne faut jamais perdre de vue que les Belges sont ori- ginaires des Germains et des Gaulois, et que pour se faire une juste idée de la constitution des premiers, il faut chercher ce qui peut leur être commun avec les deux autres. Tacite ne dit dans aucun endroit que le peuple était considéré comme nul. On voit au contraire qu'il avait conservé toute son influence dans la Germanie, surtout dans fintérieur, dont les immenses forêts étaient encore l'asile de la liberté ; et quoique , d'un autre (1) Cses. lib. 6, cap. 11. (2) Id. lib. 5 , cap. 3. (3) Id. ibid., cap. 24. 5r, 590 MÉMOIRE SUR LE GOUVERNEMENT DES BELGES côté, César dise que l'autorité de la multitude était tout-à-fait anéantie dans la Gaule, il parait qu'il en parle en termes trop génériques, ou plutôt il avait principalement en vue la Celti- que et l'Aquitaine, de sorte que ce que ces deux historiens di- sent, l'un de la Germanie, l'autre de la Gaule, ne peut corjve- nir précisément aux Belges. Si donc le peuple était réduit à l'esclavage, ce n'était probablement pas dans la partie belgique où les Germains s'étaient anciennement établis. Ce n'était pas, par exemple, chez les Éburonsj car Ambiorix, l'un des rois de cette nation, dit positivement à César, qui le rapporte (i), que la constitution de son pays était telle que le peuple n'avait pas moins de pouvoir sur le roi, que le roi n'en avait sur le peuple; que ce n'était point par un effet de son propre mouve- ment ou de sa hbre volonté qu'il avait pris les armes contre les Romains, mais parce que sa nation l'y avait forcé. Le peuple était si turbulent ( et s'il avait été contenu par le frein de l'esclavage , il eût été moins remuant) , que la noblesse était obligée de le dominer et de le contenir par son influence, comme on le voit dans différentes circonstances, dans celle, entr'autres, où Induciomare, l'un des rois tréviriens, allègue, pour s'excuser de ce qu'il ne s'était point rendu auprès de César, qu'il n'avait osé s'éloigner, parce qu'il craignait que, dans l'absence de toute la noblesse, qui aurait dû l'accompa- (\) Necjue ici cjuocl fecercct , de oppiignatione castrorinn, aut juclicio aut voluntate sud fecisse , sed coactu civitatis: suaque esse ejusmodi im- peria , ni non minus haberetin sejuris multitudo, quàm ipse in multitiv- dinem : civitati porro hanc fuisse helli causant quod repentinœ Gallormn conjarationl resistere nonpotuerit. Id. ibid., cap. 27. AVANT L'INVASION DES ROMAINS. 591 giïer , le peuple ne se fut livré à quelques excès ou à quelque démarche imprudente (i). Je pense donc que, dans cette espèce de confusion, tout ce que l'on peut dire de plus juste à l'égard de la constitution des anciens Belges, c'est que l'on y reconnaît un mélange de celles des Germains et des Gaulois , c'est-à-dire , les principes et les formes de la constitution primitive des premiers, modifiés et tempérés par les institutions des seconds. Cette constitution laissait au peuple moins de liberté et d'influence que dans la Germanie, et lui donnait plus de considération et de dignité que dans la Gaule. De même que chez les Germains , les chefs ou magistrats su- périeurs étaient aidés par des comtes ou compagnons , ainsi chez les Gaulois, ils l'étaient parleurs cîiens ou ambactes (c'est ainsi que César les appelle). Le nombre des cliens n'était pas plus limité dans la Gaule que celui des comtes dans la Germanie. Il était proportionné aux richesses et à la naissance des patrons ou chefs (2). Chez les Germains , le chef et les compagnons étaient ani- més et stimulés par un mutuel sentiment d'émulation. Les com- pagnons tâchaient d'avoir un grade plus éminent (car cette place de comte avait divers grades à la disposition du chef), (1) Induciomarus legatos ad Cœsarem mittit , sese idcirco a suis disce— dere atque ad eum venir e noluisse , qubfaciliîis civitatem in qfficio conti— neret , ne omnis nohilitatis discessu plebs propter imprudentiam laberetur. Id. ibid., cap. 3. (2) Ut quisque est génère copiisque amplissimUs , ita plurimos circurn se amhactos clientesque habent. Id. lib. 6, cap. 1,5. 392 MÉMOIRE SUR LE GOUVERNEMENT DES BELGES et celui-ci ambitionnait d'avoir un plus imposant et plus nom- breux cortège, qui, en temps de paix, formât autour de lui une cour brillante, et en temps de guerre, un rempart redou- table. Le nombre des comtes n'était donc pas limité, et ils atta- chaient une grande importance à tenir le premier rang auprès de leur chef. Dans les combats, c'eût été une honte pour celui-ci de montrer moins de bravoure que ses compagnons, comme c'eût été un affront pour eux de ne pas montrer autant de valeur que leur chef. C'eût été une infamie et un opprobre pour toute leur vie de sortir du combat en lui survivant. Le ]3ut de l'un était de remporter la victoire, celui des autres de défendre leur chef (i). Chez les Gaulois, c^étaient les plus faibles qui se mettaient sous la protection des plus puissans. Voilà ce qu'il faut enten- dre par les chefs et les cliens. Cette dénomination de cliens ou ambactes était celle qui généralement était adoptée dans toute la Gaule. Mais chez les Sotiates, habitans du pays de Soz en Gascogne, c'étaient des solduriens , espèces de cliens qui s'at- tachaient d'une manière si intime au sort de ceux auxquels ils étaient associés, qu'ils partageaient avec eux les commodités, (i) Graclus quin etiam et ipse comitatushahet , judicio ejus quemsec- tantari magnaque et comitum œmulatio, quibus primus apud principem suum locus f et principum ^ cui plurimi et acerrimi comités. Hœc dignitas^ hœ vires , magno semper electorum juvenum globo circumdari^ in pace decus, in hello prœsidiuin. Tac. Germ. , cap. i3. Cum 'uentwn in aciem , turpe principi virtute vinci ^ turpe comitatui virtutem principis nonadœ- quare. Jean verb infâme in omnem. vitam ac prohrosum superstitem, prin- cipi suo ex acie recessisse. Principes pro Victoria pugnant, comités pro principe, Id. cap. i4. AVANT L'INVASION DES ROMAINS. SgS comme les maux de la vie (i). Adiatonus, roi de cette nation , avait auprès de lui, une élite de six cents hommes (ici, comme on voit, le nombre est déterminé), qui partageaient en quel- que sorte les honneurs de la royauté (2) , et étaient résolus de vivre et de mourir avec lui, soit qu'il mourût de mort violente ou de mort naturelle. C'est Athénée qui rapporte le fait, et il porte, comme César, le nombre des solduriens à six cents. Ce que dit César d'Adcantuannus, roi des mêmes Sotiates, est à peu près conforme avec ce que l'écrivain grec rapporte d'Adia- tomus. On ne trouve entre les deux récits qu'une légère diffé- rence; c'est que, selon César, ce n'était que dans le cas où le chef périssait de mort violente, que les solduriens faisaient le sacrifice de leur vie, et suivant Athénée, ils se dévouaient à la mort de quelque espèce que fut celle du chef. Ces mœurs se conservèrent long-temps ; car Ammien Mar- cellin (3) rapporte que, lorsqu'après la fameuse bataille de Stras- bourg, le roi franc Cnodomaire fut forcé de se rendre aux Ro- mains, sa suite, qui était composée de deux cents hommes et (1) Adcantwmniis , qui summam imperii tenehat^ cum DC devotis {quosilli soldurios appellant, quorum hœc est conditio, ut omnibus in vita commodis unà cum Jds fruantur quorum, se amicitice dediderint : si quid iisper vim, accidat, aut eumdem, casum unà ferant , aut sibi mortem con- sciscant; neque adhuc hominum memorid repertus est quisquam qui, eo interfectOy cujus se amicitice devovisset , mori recusaret). Id. lib. 5, cap. 22. (2) Quodammodo participes regni. Athen. lib. 6, cap. i3. On peut voir sur les chevaliers le chap. 3, et sur les cliens et les solduriens le chap. 5 du Préc. historiq. (3) Lib. 16, cap. 12. 3^t MÉMOIRE SUR LE GOUVERNEMENT DES BELGES de trois de ses intimes amis, regardant comme un opprobre de lui survivre ou de l'abandonner, voulurent imiter son exem- ple et subir son sort. On voit donc que les principes et les élémens constitutifs de l'état politique de la Germanie et de la Gaule étaient les mêmes quant aux points fondamentaux, et que ces constitutions ne différaient que dans quelques dispositions spéciales. Mais il y avait dans les Gaules une institution particulière; c'étaient les sénats , corps composés de la réunion des notables habitans ; car les mots nobles ou grands, nobiles, optimales y proceres et senatores étaient tellement synonymes, qu^au temps même de Grégoire de Tours, on les prenait encore dans la même accep- tion (i). C'étaient donc les druides et les chevaliers qui en- traient essentiellement dans ces corps , existait dans tous les principaux pays de la Gaule. Le sénat était le conseil général de la nation, que César appelle concilium^ dont il dit que le peuple était exclus. Le nombre des membres n'était pas fixé; mais il parait certain qu'il était d'un sur cent, comme on le voit clairement chez les Nerviens, d'après César, qui rapporte que, dans le tableau que les députés de ce peuple lui exposè- rent du déplorable état de leur cité après leur défaite , ils por- tent le nombre d'hommes dont leur nation était composée avant la bataille, à soixante mille, et celui des sénateurs à six cents (2). Le sénat formait donc le gouvernement général de la con- (1) Nohiles ipsi senatores appellantur apud eumdem Gregorium Turo- nensem. Du Gange , V° Senator. (2) Cses, lib. 2, cap. 28. AVANT L'INVASION DES ROMAINS. 5q5 trée. Mais il y avait en outre des administrations locales, c'est-à- dire 5 des magistrats préposés par cantons ou districts au main- tien de l'ordre et à l'administration de la justice, réunissant ainsi les fonctions administratives et judiciaires. C'était dans les assemblées générales de la nation qu'on choisissait ces ma- gistrats, que Tacite aippelle principes. L'assemblée adjoignait à ce juge ou magistrat du canton cent hommes qu'il appelle comités^ qui formaient son conseil et faisaient respecter ses dé- cisions, c'est-à-dire, qui avaient la voix consultative et le pou- voir exécutif (i). Ces adjoints étaient élus dans la classe du peuple. En temps de guerre, ils marchaient à la tête de cent hommes (c'était le contingent déterminé par chaque bourgade), et on les appelait pour cette raison centeni, centeniers , dénomi- nation qui, dans l'origine, n'était qu'une désignation de nom- bre, et devint un nom de grade et un titre d'honneur (2). Les fonctions de ces compagnons ou adjoints étaient donc civiles et militaires (3). (1) Eliguntur in iisdem conciliis et principes ^ qui jura per pagos vi~ cosque reddunt. Centeni singulis ex plèbe comités , consilium simul et auctoritas j adsunt. Tac. Germ., cap. 12. (2) Definitur et numerus. Centeni ex singulis pagis suni : idipsum inter suos vocantur : et quod primo numerus fuit , jam nomen et lio- nor est. Id., cap. 6. (5) Desroches observe que cette dénomination de centenaire s'est con- servée dans les temps postérieurs , et qu^on retrouve cette institution dans la loi salique, dans les lois des Allemands et des Visigotlis, dans les capitu- laires , etc. On y voit qu'un officier, subordonné au comte, et appelé centenier, était chargé de la double fonction d'intervenir dans l'administration de la justice et le commandement des armées. Cette institution , ajoute-t-il, fut connue, dès les temps les plus reculés, dans la Suède sous le nom de liundari. Tome III. 52 396 MÉMOIRE SUR LE GOUVERNEMENT DES BELGES Ces administrations du second ordre existaient aussi très- probablement dans la Gaule; car César dit qu'il y était ordonné par une loi formelle que tout citoyen, qui apprendrait par le bruit public un événement qui pourrait intéresser l'état, était tenu d'en informer le magistrat (i). Quel était ce magistrat? Ce ne pouvait être le sénat; car d'abord, que l'on fasse atten- tion que César emploie le nombre singulier. Or, je doute que le mot magistratus se prenne collectivement pour désigner un corps de magistrature. Si je ne me trompe , il ne se dit que d'un individu. Si donc César avait entendu la magistrature composée de la réunion des individus qui formaient le sénat, et en Angleterre dans le moyen âge sous celui de liondreda , qui ressemble si visiblement au mot flamand lionderd, qu'on ne peut méconnaître sa dé- rivation. Ces titres se sont conservés en Flandre sous les noms de lionderd- manschap et honderdman, et en France, sous ceux de centenie et centenier. Le honderdmanscliap était composé de dix dizaines de maisons; car, comme le dit M. Raepsaetj, Mémoire sur l'Origine des Belges, V- 7^ •> toutes les an- ciennes cbartes des villes de la Flandre prouvent que la division politique et militaire de cette province était organisée par dizaine. Chaque dizaine formait ce qu'on appelait un voisinage , gebuerte , dont le chef était appelé ihiendeman, dizainier , ou delen , doyen. Cette organisation existait éga- lement en Brabant , comme on le voit entr'autres par une charte de Bruxel- les, du 11 février i420 , insérée dans le recueil intitulé Luystervan Bra- bant, part. 2, p. 25, qui porte , art. 33 , que, dans le cas de mouvement, de cris dans la ville, soit à cause du feu ou autrement, les dix chefs de fa- mille demeurant dans un voisinage , thien in eene gebuerte ivonende , de- vront avec le consentement des bourgmestres, échevins et conseillers , choi- sir un capitaine , et iront, marchant sous son commandement, se réunir à un autre voisinage, et ainsi successivement, pour former une réunion de cent hommes ou plus , een getal van honderd ofmeer. (1) Habent legibus sanctunisi quis cjuid de republicd rumore aut famd acceperity uli ad inagislratum déférât. Cses. lib. 6, cajD. 20. AVANT L'INVASION DES ROMAINS. Sg; je crois qu'il se serait exprimé au nombre pluriel. D'ailleurs, le sénat n'était pas permanent; il ne s'assemblait qu'à des temps déterminés et à des intervalles éloignés. Il ne peut donc être ici question que du magistrat du lieu. J'oserai contredire ici l'opinion de Desroches, qui confond les centeniers avec le sénat, parce que, voyant dans la grande bataille où les Nerviens furent défaits , soixante mille combat- tans et six cents sénateurs, il suppose et il avance que ces derniers étaient des centeniers. Le mot sénateur, qu'il fait sy- nonyme de centenier, était au contraire synonyme de noble. Le sénat, concilium, qui était l'administration supérieure, le conseil général, était pris dans la classe des prêtres et des no- bles, et les centeniers, qui étaient la magistrature subalterne ou locale, étaient tirés de celle du peuple. Je crois donc que Desroches se trompe. Ainsi , après avoir examiné la conformité et la différence qui existe entre les constitutions germanique et gauloise , je crois pouvoir conclure que les anciens Belges avaient une constitu- tion qui tenait de l'une et de l'autre , de sorte qu'ils étaient sou- mis à des chefs qui avaient le titre de rois; que l'administra- tion générale était confiée à un sénat chargé des grands intérêts de l'état, et qu'il y avait des administrations locales, établies dans les districts ou cantons, pour rendre la justice et régler les intérêts des particuliers (i). (i) Le gouvernement qu'établit Constantin pour tout Fempire, était à peu près fondé sur ces bases. Les Gaules, l'Espagne, la Bretagne étaient gouvernées par le préfet du prétoire des Gaules , dont Trêves était la rési- 52. 398 MÉMOIRE SUR LE GOUVERNEMENT DES BELGES. J'ai dit, d'après César , que les druides entraient dans le gou- vernement général de la Gaule comme premier membre. Mais, dira-t-on , cela devait être différent dans la Germanie , où il n'y avait pas de druides, comme César le dit positivement (i). Sans s'attacher au mot, il faut voir la chose, c'est-à-dire, exa- miner si les prêtres, quels qu'ils fussent, y avaient part à l'administration. Il n'y a pas de doute à cet égard ; car Tacite attribue aux prêtres germains, qu'il appelle simplement sacer- dotes y une autorité qui paraît approcher de celle des druides gaulois. Dans les assemblées, c'étaient les prêtres qui ordon- naient le silence, et qui exerçaient la police (2). Cette seule attribution prouve toute leur prépondérance. Je ne parle pas des autres fonctions ou prérogatives qui leur étaient attribuées, deiice. (Honorius transféra ceUe préfecture à Arles en 4 18.) Cette dignité était si éminente qu'Ammien l'appelle le faîte des honneurs, un second empire, apicem lionoruin et secundum imperium. Eunape en donne la même idée, quand il l'apelle une royauté à laquelle il ne manque que la pourpre, regnum cid sola purpura deest. Elle embrassait les finances , la justice et l'adminislration générale. Le prétoire des Gaules était composé de trois régions ou districts, dans lesquels il y avait un vicaire sous les ordres du préfet. Celui qui était pré- posé à la Gavile , résidait à Trêves. Il y avait pour chaque province un président qui siégeait dans la métro- pole , et dont la principale fonction était de rendre la justice. On appelait de ses jugemens au préfet. Les villes avaient un sénat, un président et un grand nombre d'officiers. Le seul droit romain y était en usage. (1) Germani multiim ab hac consuetudine differunt ; nam neque drui- des hahentqui rehus divinis prœdnt. Cses. lib. 6, cap. 21. (2) Tac. Germ., cap. 7 et 10. AVANT L'INVASION DES ROMAINS. 099 et que Tacite rapporte. Je pense donc qu'on peut en inférer que les prêtres partageaient l'autorité publique chez les Belges, originaires soit de la Germanie , soit de la Gaule , puisque dans l'un et l'autre pays , les prêtres , sous des dénominations diffé- rentes, intervenaient dans les affaires générales. FIN. DISSERTATION HISTORIQUE SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES ET SUR L'ANCIEN BELGIUM; Par m. RAOUX. LUE DANS LES SÉANCES DES 2 FEVRIER ET 28 MARS l825. DISSERTATION HISTORIQUE SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES, ET SUR L'ANCIEN BELGIUM. i». 1_jE nom de Belges fut-il apporté dans la Gaule septentrionale par les peuples de la Germanie qui vinrent s'y établir, ou ce nom était-il déjà porté par les habitans indigènes ayant l'inva- sion des Germains? 2P. Quelle est la position et l'étendue du Belgium de César ? Comprenait-il quelques-uns de ces peuples germaniques qui ont passé le Rhin ? 3^. Observations sur un passage remarquable de la chroni- que de Cambrai et d'Arras, par Balderic, écrite vers la fin du onzième siècle , relativement à l'origine du nom de la Belgique. Jules-César, qui a conquis notre pays et célébré la valeur de ses habitans, a écrit que la troisième partie des Gaules était habitée par les Belges. Gallia est omnis divisa in partes très quarum unam incolunt Belgœ.La Seine et la Marne étaient nos limites au midi. Le Rhin nous séparait de la Germanie To?ne III. 53 4o4 DISSERTATION HISTORIQUE vers l'orient : Proxbni sunt Germanis qui trans Rhenum inco- lunt. Comment. Lib. i, c. i. Les historiens et géographes anciens qui ont écrit après César, ont donné la même étendue à la contrée occupée par les Belges. L'origine du nom de Belges et de Belgique a beaucoup oc- cupé les auteurs des derniers siècles qui ont écrit sur l'histoire ou la géographie des Pays-Bas. Plusieurs ont pensé que la nation des Belges et leur pays avaient tiré leur nom d'une ancienne ville nommée Belgis , sur la situation de laquelle ils ne sont pas d'accord. Des auteurs plus instruits ont cru que l'ancien Belgium , le Belgium proprement dit, dont parle César, était le pays des Bellovaques , aujourd'hui le Beauvoisis en Picardie, dont la ville de Beauvais est le chef-lieu; ils ont tiré de là l'origine du nom de Belges. Une troisième opinion est que le nom de Belges nous a été apporté de la Germanie par ces peuplades teutoniques, qui, déjà long-temps avant Jules César, ont envahi une partie de notre pays , et qu'ils lui ont imposé leur nom. C'est le système favori de Desroches. Je me propose de prouver dans cette Dissertation que les deux premières opinions ne sont pas exactes, et que la troi- sième n'est qu'un faux système contraire aux monumens de l'histoire. Je me propose de prouver que les noms de Belgium et de Belges , ne nous viennent pas des peuples germaniques , dont parle César; que l'ancien Belgium n'était pas une ville, mais SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES. 4o5 une contrée -, que cette contrée ne se réduisait pas au pays des Bellovaques, mais contenait plusieurs peuples; que le Belgium n'a pas été envahi par les Germains , et n'a pas cessé d'être occupé par les Gaulois indigènes; que si les Tréviriens, les Éburons, les Nerviens et autres peuples germaniques qui se sont emparés d'une partie de la Gaule septentrionale , ont été comptés parmi les Belges, c'est qu'ils auront pris spontané- ment , ou qu'on leur aura attribué le nom général de la nation à laquelle ils s'étaient aggrégés. Examen de la première opinion. Isidore, évêque deSéville, en Espagne, décédé en 638, a dit dans son livre f/e^ Origines, liv. i4j chap. 4 '- Belgis civi- tas est Galliœ a quâ provincia Belgica dicta est. Dans les écrits du moyen âge , le mot civitas signifiait tou- jours une ville, et ordinairement une ville épiscopale. (Debast, Introduct. au Recueil des antiquités , p. 28. ) Plusieurs auteurs modernes se sont emparés de ce texte , et ont cherché à découvrir quelle était cette ville fameuse dont tout notre pays aurait emprunté son nom. Jacques de Guyse, né à Mons, qui a écrit ses annales et chroniques du Hainaut dans le quatorzième siècle , a employé deux chapitres du premier livre de son ouvrage , pour prouver que cette ville était Bavai, en Hainaut, et pour réfuter l'opi- nion , déjà alors accréditée , qui attribue cet honneur à la ville de Beauvais , en Picardie , ancienne capitale des Bellovaques. Jacques de Guyse, religieux Franciscain, a été long-temps professeur de philosophie et de théologie dans les couvens de 53. 4o6 DISSERTATION HISTORIQUE son ordre, et il est assez curieux de voir la méthode scholas- tique d'alors, qu'ilemploie dans ses raisonncmens pour parve- nir à sa preuve. Mais comme il est aujourd'hui reconnu que le premier livre de de Guy se est rempli de contes fabuleux , je n'en transcrirai rien ici. Cependant, il a été suivi dans cette opinion en faveur de la ville de Bavai par quantité d'autres auteurs , qu'Abraham Or- telius appelle avec raison vulgus scriptorum dans son Thésau- rus GeograpJiicus f au mot Belgis. Il y a lieu de regretter qu'un géographe aussi savant, dont notre patrie s'enorgueillit à juste titre, ajoute au même endroit que s^il avait quelqu'ancienne autorité à citer, il serait porté à croire que le village de Veltsig en Flandre, entre Audenarde et Alost a e'té cette ville de Belgis dont parle Isidore de Séville; car , dit-il , outre qu'on y a découvert beaucoup d'antiquités ro- maines , il n'y a qu'à changer le V en B et la lettre S en O, et il y aura peu de différence entre Veltsig et Belgis. Quelques auteurs ont pris le Belgium de César pour une ville et l'ont confondu avec Beauvais. Un peu de critique dans l'examen des commentaires de César nous servira à prouver que le Belgium dont il parle, n'est pas une ville, mais une contrée dont les Nerviens et les Morins sont positivement exclus, et par conséquent Bavai et Veltsig. Quant au passage d'Isidore mentionné ci-dessus, il ne mérite pas beaucoup d'attention. Cet auteur était un homme savant pour son siècle, comme le prouve ce même livre des Origines qui est une sorte d'encyclopédie ou de sommaire des connais- sances littéraires de son temps, mais il s'y trouve beaucoup SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES. 407 d'étymologies et d'opinions hasardées, sans critique et sans jugement. Isidore vivait à Séville dans le midi de l'Espagne , et n'était guère à portée de connaître exactement le nord de la Gaule. Grégoire de Tours et Frédegaire, les seuls historiens fran- çais qui aient écrit dans le même temps qu'Isidore , ne font aucune mention de la ville de Belgis. Le témoignage de cet évêque espagnol ne pourrait donc être admis que pour autant qu'il serait conforme à quelqu'autre autorité plus ancienne. Or, les historiens et les géographes de l'époque romaine ne parlent pas de la ville de Belgis dont la Belgique aurait tiré son no m. Examen de la seconde opinion. Des écrivains notables, tels que Marlianus, Guichardin dans la description des Pays-Bas, à l'article Bavai en Hainaut, Clu- vier dans sa géographie universelle, L. â, chap. 12, Divseus, de antiquitatihus galliœ Belgicœ , c. i et 8, ont très-bien observé que le Belgium de César, n'était pas une ville, que c'était un pays ; mais ils l'ont borné à celui qu'occupait le peuple des Bellovaques. Nous allons examiner ce que c'est que cet ancien Belgium , et nous verrons qu'outre les Bellovaques , il comprenait aussi le territoire des Amiénoiset des Atrebates et probablement en- core un autre plus voisin de la Seine. Après son expédition d'Angleterre, Ce'sar ramena son armée dans la Gaule pour y passer ses quartiers d'hiver , et la conte- nir dans la soumission. Il convoqua à Amiens une assemblée 4o8 DISSERTATION HISTORIQUE générale des députés de la nation gauloise, et comme cette an- née il y avait disette de grains, par suite d'une grande séche- resse, il fut obligé de placer ses quartiers d'hiver autrement que de coutume, et de distribuer ses légions entre plusieurs cités, c'est-à-dire entre plusieurs peuples. Il en envoya une chez les Morins , ( ancien diocèse de Terouane ) sous le commande- ment de Fabius , une seconde chez les Nerviens ( ancien dio- cèse de Cambrai) , sous la conduite de Quintus Cicéron frère de l'orateur, une troisième chez les Essuens (qu'on croit être un peuple maritime de la Normandie actuelle) , une quatrième chez les Rémois, sur les confins des Treviriens, commandée par Labienus, une cinquième légion et cinq cohortes chez les Éburons, sous les ordres de Sabinus et de Cotta. Enfin il plaça trois légions dans le Belgiiim , et leur donna à chacune un chef, savoir : Crassus , Plancus et Trebonius. Très in Belgio collocavit. C'est lui-même qui nous a transmis tous ces détails et les suivans dans le cinquième livre de ses commentaires, chap. ^4. De ce texte il résulte déjà deux conséquences. La première que les Morins , les Nerviens , les Essuens , les Rémois et les Éburons n'étaient pas dans le Belgiiim. La seconde que ce Belgiuin n'était pas une ville, mais une contrée, car Jules César, qui parlait bien sa langue, n'aurait pas écrit très collocavit in Belgio, mais il eut dit collocavit Belgii: c'était même une contrée assez étendue comprenant plusieurs cités ou peuples, comme nous le verrons positivement tout-à- l'heure, et comme l'indique déjà le placement de trois légions, car lorsque la disette de vivres obligeait ce général à disper- SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES. 4o9 ser cinq de ses légions dans cinq pays différens pour qu'elles pussent subsister plus facilement, comme il le dit lui-même, il n'en aurait pas fait hjverner trois dans le territoire d'une seule cité, encore moins dans une yille. Une légion contenait alors cinq à six mille hommes, ad hune modiim distribiitis legionibus , faciUimh inopiœ frumentariœ se se mederi posse existimavit. Ibid. c. 2.^. Il avait cependant eu la précaution de les placer de manière qu'elles étaient toutes contenues dans un espace de cent mille pas; ce qui veut dire, je pense, que les légions les plus éloi- gnées les unes des autres , ne l'étaient pas de plus de cent mille pas, pour qu'elles fussent à portée de se secourir mutuelle- ment. A peine les légions étaient-elles séparées et campées dans leurs quartiers d'hiver, qu'il se manifesta un esprit de révolte chez la plupart des peuples gaulois, qui souffraient impatiem- ment le joug de Rome et la perte de leur liberté. Sabinus et Cotta, trompés par les artifices d'Ambiorix chef ou roi des Éburons, abandonnèrent leur camp retranché, sans prendre des mesures de sûreté et tombèrent dans une embus- cade où ils périrent avec leurs quinze cohortes. Les Nerviens enhardis par ce succès de leurs voisins assiégèrent Cicéron dans son camp , mais ne purent le déterminer à se rendre ni à en sortir. Nous lisons dans les Commentaires comment après plusieurs tentatives infructueuses, il eut enfin le bonheur de faire par- venir une lettre à César pour l'informer du péril de sa po- sition. César était alors à Amiens , ( Samarobriva ) où il avait 4io DISSERTATION HISTORIQUE placé le quartier-général de son armée, les magasins de Me', les archives et les otages des cités. L. 5, c. 45. Il se trouvait là dans un endroit intermédiaire entre les Ner- viens et les Bellovaques, et, ayant reçu la lettre de Cicéron vers la onzième heure du jour, il dépêcha sur le champ un courrier à Crassus, chez les Bellovaques, dont le quartier d'hiver était éloigné de aS milles romains, et lui ordonna de venir promptement le trouver avec sa légion et de la faire partir à minuit. Ibid. c. 45. Cœsar, acceptis litteris circiter liorcl undecimâ diel, stat'nn nunciwn in Bellovacos ad M. Crassam quœsto- rem mittit, ciijus hiberna aberant ah eo millia passiium viginti quinque, jubet média nocte legionem proficisci , celeriterque ad se venire. Puisque la légion de Crassus avait pris son quar- tier d'hiver dans le Belgium, il est prouvé par là que ce pays comprenait la cité des Bellovaques. Mais où étaient les deux autres légions placées aussi en quar- tier d'hiver dans le Belgium. Il me paraît certain que l'une était à Amiens, car César n'aurait pas laissé sans défense une ville, où il avait réuni les bagages de son armée et tant d'autres ob- jets importans. Par conséquent la cité d'Amiens faisait aussi partie du Belgium. Après avoir reçu avis de l'arrivée de Cras- sus, il lit ce jour-là même vingt mille pas de chemin allant au secours de Cicéron avec une légion , et ordonna à Crassus de rester avec la sienne à Amiens, pour la garde de tout ce que contenait cette ville. Eo die millia passuum viginti progre- ditur, Crassum Samarobrivœ prœfidt , legionemque ei attribuit , quod ibi impedimenta exercitûs relinquebat? Ihià. César continua sa route avec une seule légion jusqu'aux fron- SUR L^ORIGINE DU NOM DE BELGES. 4]i tières des Atrebates , où il avait ordonné à Fabius de venir le joindre avec la sienne; il attendait aussi sur les frontières des Nerviens la légion de Labienus campée chez les Rémois , mais celui-ci n'ayant pas pu venir , César fut réduit à deux légions ^ Cœsar consilio Labieni prohato, etsi opinione triam legionuni dejectiLS, adduas redierat. Ibid. c. 46 , et n'en marcha pas moins à grandes journe'es vers le camp de Gicéron qu'il délivra. L. 5, c. a6. Puisque César laissa Crassus à Amiens avec une légion , et qu'il en partit aussi avec une autre légion, il en résulte que l'une de ces deux légions y était en quartier d'hiver, et comme c'était une des trois placées dans le Belgium , j'en tire encore la conséquence que la cité des Amiénois était comprise dans le Belgium. Si César avait fait venir cette légion d'un autre en- droit que d'Amiens, il n'aurait pas manqué de le dire, comme pour celles placées chez les Bellovaques, les Morins , et les Rémois. Nous donnerons encore ci-après une autre raison pour la- quelle la cité d'Amiens doit être comprise dans le Belgium. Il reste une troisième légion à laquelle César avait aussi assigné son quartier d'hiver dans la même contrée. L'usage qu'il en fit ne nous indique pas précisément la cité où elle se trouvait, mais on peut en conclure qu'elle était dans la partie du Belgiumla. plus méridionale, la plus rapprochée de la Seine, puisque dans l'ordre de sa narration , il l'avait déplacée la pre- mière pour l'envoyer promptement du Belgium à Chartres, où il craignait aussi une rébellion , à cause que les habitans avaient assassiné le roi, nommé Tasget, que César leur avait donné. Tome III. 54 4i2 DISSERTATION HISTORIQUE Cœsar veritiis ne civitas deficerety La. Plancum ciimlegione ex Belgio celeriter in Carnutes projîcisci jahet, ihique hiemare. L. 5, c. s5. Ce récit et l'urgence des circonstances indiquent assez que cette légion de Plancus se trouvait dans le midi du Belgiimi^ et la plus à portée d'arriver promptement dans le pays des Carnutes , en passant la Seine à Paris. L'on peut donc conjecturer que si elle n'était pas dans la cité des Bellovaques, où se trouvait déjà celle de Crassus, elle était chez les Sylva- nectes , c'est-à-dire à Senlis. Il est encore dans le même livre cinquième des Commentai- res de César un autre passage, qui, combiné avec ceux que nous venons d'examiner, indique la situation et la circonscrip- tion de la contrée qu'il appelle Belgium. C'est dans le récit qu'il fait de sa seconde expédition d'Angleterre. L'intérieur du pays, dit-il, est habité par des indigènes, mais la côte maritime est occupée par des habitans qui y sont passés du Belgium, qui ex Belgio transierant y et qui ont presque tous retenu les noms des peuples dont ils sont sortis. Britanniœ pars maritima ah lis incolitur qui prœdœ ac helli inferendi causa ex Belgio transie- rant, qui onines fere iis nominibus civitatum appellantur quibus orti ex civitatibus eo per^^enerunt, L. 5, c. 12. En effet, Ptolémée et autres géographes qui ont donné des descriptions de la Grande-Bretagne peu après César, présen- tent ses cotes méridionales, en face de la Picardie et de la Nor- mandie , comme habitées par des peuples nommés Belges et ^trebates. Voilà donc des ^trebates qui sont passés du Bel- gium en Bretagne et qui ont conservé le nom de leur ancienne patrie; donc les Atrebates du continent faisaient aussi partie du Belgium de César. Gela résulte encore d'un passage du SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES. 4i5 8^ liv. des Gomment, c. 46 et 47? où. il est dit que César, dans la distribution des quartiers d'hiver, mit quatre légions dans le Belgium... et qu'après avoir passé quelques jours dans la pro- vince Narbonnaise, il revint dans le Belgium et passa l'hiver à Nemetocenna. ^d legiones in Belgium se recepit, liibernavit que Nemetocennœ. Or, la ville de Nemetocenna, aujourd'hui Arras, était la capitale des Atrebates. Et comme le Belgium formait un tout continu , car les enclavemens n'étaient pas alors connus , il en résulte un nouvel argument que le pays des Amié- nois, qui est entre les Bellovaques et les Atrebates était com- pris dans le Belgium. Gomme d'un autre côté Gésar en exclut les Rémois à l'orient, les Éburons, les Nerviens, et les Morins au nord, nous voyons que le Belgium, proprement dit ne contenait avec certitude que les pays qui ont été ensuite représentés par les diocèses de Beauvais , d'Amiens et d'Arras , et probablement aussi une partie de l'Isle de France et de la Normandie à la droite de la Seine. Tous les auteurs tant soit peu exacts ont fait la remarque qu'il ne faut pas confondre le Belgium avec la Gaule belgique, ni même avec la province que l'empereur Auguste a fait nommer Belgique, Ql que ses successeurs ont divisée en deux, Belgique première et Belgique seconde. Mais il est bien étonnant qu'en reconnaissant cette distinction , des auteurs savans et respecta- bles tels qu'Abraham Ortelius, aient pu écrire que par Belgium César avait entendu la partie septentrionale de la Belgique, composée de la Hollande, de la Zélande, de la Flandre, du Bra- bant et de la Gueldre. 54. ^l-± DISSERTATION HISTORIQUE Cette opinion singulièrement erronée est émise en toute s lettres, quoiqu'avec quelque doute, dans le Thésaurus geogra- phicus au mot Belgium : Belgium in quo scribit Cœsar se très legiones collocasse..,.Nec etiam sub Belgio totam Belgicam in- telligit. ^ Belgio enim Nervios , Morinos et Essuos distingua, Parteni Belgicœ itaque Belgiwn videtur vocare eam forte quœ versus septentrionem est, quo Jiodie Hollandiam^ Zelandiam , Flandriam , Bnibantiam , Geldriam et Cliviani hahemus. Si les Belges de la Bretagne , dont parle César , étaient partis de la Hollande et de la Zélande, ils se seraient établis sur les côtes occidentales de cette île, à la gauche de la Tamise 5 mais Ptolémëe et les autres géographes les placent tous sur la droite de ce fleuve , sur la côte qui €st en face de la Picardie , où sout aujourd'hui le Somersetshire , Wilshire et Hamsliire, selon Cam- den et Cluvier , et comme le dit Ortelius lui-même au mot Belgœ. Dans les temps antérieurs à César où l'art de la navigation était encore dans l'enfance chez des peuples peu civilisés, le passage des Gaules en Bretagne a du se faire par le trajet le plus court et le plus facile en partant des embouchures de la Somme , et de la Candie et du port de Boulogne , d'où l'on aper- çoit les côtes d'Angleterre, tandis que la mer qui sépare la Hollande de cette île , est beaucoup plus large et présente une navigation plus difficile par les bancs de sable dont elle est parsemée. Examen de la troisième opinion. Les véritables et anciens Belges étaient certainement les SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES. 4i5 peuples du Belgium. Mais comment s'est-il fait que ce nom se soit communiqué aux peuples des contrées voisines, et même à ceux qui étaient venus de la Germanie en passant le Rhin? C'est ce que les écrivains de l'antiquité ne nous ont pas appris , mais dont nous avons plusieurs exemples dans l'histoire mo- derne. Il est très-apparent que les Tréviriens, les Éburons, les Atuatiques et les Nerviens, qui étaient fiers de leur origine germanique, ne se sont pas appelles eux-mêmes Belges , et n'ont pas été appelles de ce nom par les anciens habitans du pays qui le portaient. Il me semble qu'il résulte assez claire- ment de quelques passages de César et de son continuateur, que ces peuples germaniques ne se donnaient pas le nom de Belges, et que ce nom ne leur était pas donné par les anciens Belges qui les appellaient Germains^ Germani ; c'était aussi ce dernier nom que ces peuples portaient en général, indépen- damment d'une dénomination particulière à chacun d'eux , telle que Tréviriens f Nerviens , etc. Voici ces textes qui jettent sur ce point historique une lu- mière qui ne paraît pas avoir été bien apperçue jusqu'ici. Lorsque César , des sa seconde campagne , vint pour subju- guer la Gaule-Belgique, les Rémois se soumirent d'abord sans se défendre, et offrirent de lui donner des otages et des vi- vres. Ils lui dirent aussi que tous les autres Belges étaient sous les armes pour se défendre , et que les Germains qui habitaient en deçà des rives du Rhin s'étaient joints avec eux. Reliquos 4i6 DISSERTATION HISTORIQUE omnes Belgas in armis esse , Germanosque qui ripas Bhenï in- incohmt sese cum his conjunxisse. Lib. 2 , c. 3. J'entends ces dernières expressions des seuls Germains quijha- bitaient en deçà du Rbin , et qui avaient conquis ci-devant une partie de la Gaule-Belgique. Je le prouve par la suite du discours de Rémois, et le dé- nombrement qu'ils font des peuples belges et germains, qui se pre'parent à combattre César. Ils n'y comprennent que des peu. pies tous connus pour habiter en deçà du Rhin ; et les opéra- tions de cette campagne mémorable, qui a immortalisé le cou- rage de nos ancêtres , prouvent aussi qu'il n'y a aucun peuple d'au delà du Rhin qui j ait pris part, ni proposé de le faire. D'où il résulte que les Rémois, qui connaissaient parfaitement comment s'appelaient leurs voisins, ont distingué la dénomi- nation des Belges d'avec celle des Germains établis en deçà du Rhin. Reliquos omnes Belgas Germanosque qui ripas Rheni incolunt. Cette différence de dénomination nationale se retrouve en- core dans la suite du récit des Rémois qui , dans le dénombre- ment des peuples armés , désignent sous le nom commun de Germains, quatre ou cinq des peuples germaniques établis en deçà du Rhin; car, après avoir fait passer en revue les Bello- vaques, les Suessoniens, les Nerviens, les Amiénois, les Atre- bates, etc., ils finissent par cette phrase : Atuaticos if^nnillia, Condrusos , Eburones , Cœresos, Pœmanos , qui uno nomine Germani appellantur, arhitrari ad 4o millia Ibid. L. 2 , c. 4- Ainsi les Éburons , les Condrosiens et leurs voisins ou chens SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES. 4^7 étaient appelles du nom général de Germains; et les Rémois ne leur donnaient pas celui de Belges. • Nous trouvons des passages non moins convaincans dans le continuateur de César. Ce grand capitaine a consacré un livre de ses Commentaires à chacune de ses sept premières campa- gnes de la guerre des Gaules; la huitième a été décrite par un de ses compagnons d'armes, témoin oculaire de tout ce qui s'y est passé , dont le nom importe peu ; mais qu'on croit as- sez généralement' être Hirtius. Dans cette huitième année de son gouvernement, César chercha à pacifier les Gaules , et à traiter les habitans avec plus de modération, pour se les attacher et les faire servir à ses vues d'ambition sur Rome. C'est pour cela que cette hui- tième année offre peu d'événemens militaires, et qu'il ne les jugea pas dignes d\in huitième livre de sa main. Cependant Corveus, chef des Bellovaques, était un ennemi mortel du nom romain, et parvint à faire révolter son peu- ple et ceux des cités voisines , les Amiénois , les Aulergues , les Caletes, les Vélocasses et les Atrebates. C'étaient presque tous des habitans du Belgium proprement dit, et conséquemment d'anciens et véritables Belges. Les combattans s'étaient retirés sur une montagne entourée de marécages et adossée à une grande forêt. Il était resté peu d'habitans dans le pays ouvert aux Romains. Ceux-ci s'étant in- formés de ce qui s'était passé , apprirent de ces habitans que Commius, chef des Atrebates, était parti depuis peu de jours du camp pour chercher et amener les secours des Germains du voisinage. Paucis ante diehus ex liis castris Commium 4i8 DISSERTATION HISTORIQUE discessisse ad auxUia Germanorum adducenda , quorum et vicinitas propinqua et multitudo esset infinita. Commen. lib. 8 , cap. 7. L'on ne peut pas douter qu'il ne s'agisse ici des Germains établis dans la Gaule Belgique , à cause des mots vicinitas pro- pinqua, car les Germains d'au delà du Rhin, n'étaient pas dans le voisinage des Bellovaques ni des Atrebates, encore moins dans un voisinage proc7z«i;z. Ainsi voilà encore des Belges qui, en parlant des Germains établis en deçà du Rhin, ne les appel- lent pas Belges, mais Germains. Peu de lignes après, l'auteur ajoute que les coureurs de César apprirent que Commius était déjà revenu, avec un secours de cinq cents cavaliers germains, et que ce secours avait enflé le courage des barbares, c'est-à-dire des Belges gaulois. Com- mius quem profectum ad auxilia Germanorum accersenda dixeram cum equitibus venerat, qui tametsi numéro non am- plius erant quingentis , tamen Germanorum adventu harhari inflabantur. Ibid. Lib. 8, c. 10. Corveus , chef de la révolte combattit vaillamment , mais il fut vaincu et il périt dans la mêlée. César pardonna aux Bel- lovaques et aux autres insurgés. Commius s'enfuit chez les Germains d'où il avait amené quelques secours. Commius ^tre- has ad eos profugit Germanos a quitus ad id hélium auxilia mutuatus erat. Ibid. L. 8 , c. 21. La suite de la narration prouve que Commius n'était pas sorti de la Gaule , et qu'après avoir blessé et tué dans une ren- contre particulière un officier romain nommé Volusenus, qui SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES. 419 avait cherché ci-devant à lui ôter la vie par trahison, il obtint néanmoins son pardon en donnant des otages. Ainsi l'on voit dans César et dans son continuateur, que lorsque les Belges avaient à parler des peuples germaniques établis en deçà du Rhin , ils ne les appelaient pas Belges mais Germains. Si notre preuve avait besoin d'un dernier complément , nous le trouverions dans l'ouvrage de Tacite sur la Germanie , où il dit, chap. 2, que ce nom de Germanie est récent, que ce sont les peuplades qui les premières ont passé le Rhin et chassé les Gaulois, qui ont pris alors le nom de Germains et l'ont ajouté au leur. Cœterum Germaniœ vocabulam recens et nuper addi- tum : quoniam qui primi Rhenum transgressi Gallos expule- rint, ac nimc Tiingri , tune Germani vocati sunt. Tacite, par une phrase dont le texte est un peu obscur et entortillé, ajoute qu'ils avaient pris ce nom pour inspirer la terreur et qu'insensiblement il a été adopté par tous leurs com- patriotes d'au delà du Rhin. Ita nationis nomen, non gentis, evaluisse paulatim ut omnes primum a victore oh metum, mox a se ipsis inventa nomine Germani vocarentur. Nous croyons donc avoir démontré que les peuples Germa- niques, qui après avoir passé le Rhin, ont conquis une partie de la Gaule belgique, ne se donnèrent pas le nom de Belges, et que les anciens Belges ne leur donnaient pas non plus ce nom, mais celui de Germains. Cependant les Romains qui ont soumis les uns et les autres à leur empire, leur auront donné le nom commun de Belges, parce qu'ils formaient ensemble une même confédération , et Tome III, 55 4-0 DISSERTATION HISTORIQUE parce qu'ils habitaient tous le pays qui était occupé, pour la plus grande partie, par d'anciens Belges, et que les Romains ont appelle Gallia Belgica. C'est ainsi que les peuples de l'Alsace, de la Lorraine et d'une partie de la Flandre, réunis au royaume de France, sont au- jourd'hui appelés Français, et confondus avec les anciens sujets de ce royaume, quoique pendant une longue suite de siècles ils aient formé des nations séparées et parlant des langues diffé- rentes. Nos Pays-Bas espagnols et autrichiens ont offert un exem- ple semblable. Quoique les Brabançons, les Hainuyers, les Na- murois ne s'appelassent pas Flamands et ne le fussent réelle- ment paSj cependant les étrangers et nommément les Italiens et les Français nous confondaient tous sous le nom de Fla- mands et désignaient tout notre pays par le mot Flandre. Bentivoglio a intitulé son ouvrage : Histoire des guerres de Flandre. Les officiers et soldats français disaient avoir fait la guerre en Flandre , les campagnes de Flandre , ce qui était synonime des Pays-Bas. C'est une remarque que Guichardin a faite dans sa Description générale des Pays-Bas, p. 4? imprimée pour la première fois en 1667, et que Bucherius a renouvelée dans son Belgium Romanum. Lib. i ^ cap. 4- On a vu également que les habitans de la république des Sept Provinces-Unies des Pays-Bas étaient généralement con- nus et désignés sous le nom de FloUandais j quoiqu'ils ne fus- sent pas de la province de Hollande. Tous les historiens ne SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES. 42 1 disent-ils pas les colonies hollandaises, Vannée , la flotte hol- landaise ? Nous avons un autre exemple plus singulier chez les Suisses qui ont pris en Europe cette dénomination d'un des plus petits et des plus chétifs cantons de leur confédération , de celui de Schwitz, en allemand Swittser, dont les Français ont fait le mot Suisses. Desroches a donc commis et soutenu une erreur grave dans les deux premiers chapitres de ses Recherches sur V ancienne Belgique, où il a voulu prouver que le nom de Belges avait été imposé à notre nation par ces Germains que César dit avoir passé le Rhin et s'être établis dans quelques cantons de la Bel- gique; et ces Germains, Desroches les fait venir des terres situées au delà de la mer Baltique, dans la Scandinavie. ce Les Celtes, dit-il, chap. i, p. 2, furent les premiers habi- y> tans des contrées belgiques, avant qu'elles fussent connues » sous ce nom , avant que les Belges issus des peuples Scjthi- » ques, qui remplissaient la Germanie, eussent passé le Rhin y> qui barrait l'entrée des Gaules. a Nous ignorons en quel siècle les descendans des Scythes, y) sous le nom de Belges, sortirent de la Germanie, chassèrent » la postérité des Celtes et s'établirent dans les champs fertiles » que ces derniers avaient cultivés. «: P. 12. Ce qu'il importe d'observer, c'est que si les Belges » repoussèrent les Cimbres et les Teutons i ii ans avant J.-C., » ils habitaient donc notre patrie avant cette époque, ils lui » avaient imposé leur nom. » 55. 422 DISSERTATION HISTORIQUE Là et ailleurs, Desroclies suppose, mais ne prouve pas que ces Germains qui se sont emparés d'une partie de la Belgique , s'appelaient Belges et ont imposé leur nom au pays, comme si ce nom lui avait été étranger auparavant. Il commence son chapitre second par de pareilles supposi- tions, en ces termes : Tous les écrivains de V antiquité s^ accor- dent à dire que les Belges étaient sortis de la Germanie. Mais il n'en cite aucun, excepté César et Tacite qui disent au con- traire, que quelques-uns des Belges seulement étaient sortis de la Germanie. L'assertion de Desroches ne serait soutenable que pour aU' tant qu'il n'eut entendu parler que des Belges des Pays-Bas autrichiens dont il a entrepris l'histoire. En ce sens il est vrai que les différens peuples qui, du temps de César, occupaient les contrées qui forment les provinces méridionales du royaume actuel des Pays-Bas, étaient originaires de la Germanie, mais il n'en était pas de même des autres Belges, qui occupaient tout l'espace entre les frontières méridionales de notre royaume et les rivières de Seine et de Marne : ces Belges étaient Gaulois d'origine. Nous avons démontré ci-dessus que le Belgiwn proprement dit, dont parle César, ne comprenait aucune partie des pro- vinces de notre royaume actuel, ni des peuples connus alors pour être issus des Germains. Il n'est donc pas vrai que ce soient eux qui aient imposé leur nom au Belgium, ni aux Belges, puisque ces noms existaient dans la Gaule septentrio- nale indépendamment d'eux, et avant leur invasion. SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES. 423 Desroches , forcé par le texte de César de convenir qu'il y avait des Belges d'origine celtique, tâche de les réduire à peu de chose; encore une fois, il aurait raison, si l'on n'envisageait que la Belgique de nos jours; mais ce système choque toutes les autorités anciennes, si l'on considère les Belges comme s'étendant jusqu'à la Seine et à la mer, et formant la troisième partie des Gaules. Après avoir hasardé de dire que selon tous les auteurs de l'an- tiquité, les Belges étaient sortis de la Germanie, il ajoute ,p. 28: ce Cependant le plus ancien, celui dont l'autorité est la plus y> grande, semble restreindre un peu cette assertion. La plu- » part des Belges, dit-il, descendaient des Germains, plerosque » Belgas esse ortos à Germanis. Cette origine n'était donc pas y) commune à tous. Il est très- possible que lorsque ce peuple » étranger eut envahi la terre qui porte son nom, une petite y) partie des anciens liabitans issus des Celtes ou Gaulois ait y> conservé sa demeure dans quelque canton , après l'expulsion » de ses compatriotes. Mais où chercher les restes des pre- )) miers Celtes? Seraient -ce les Velocasses et les Caletes, qui » cantonnés dans le voisinage de la mer, entre les embouchures )) de la Seine et de la Somme, échappèrent à la poursuite des y> vainqueurs? 9 Je réponds à cette interrogation qu'il faut les chercher chez tous les peuples Belges que César et les auteurs anciens ne di- sent pas être descendus des Germains ; car , puisqu'ils ont dési- signé les noms de ceux qui ont cette origine , tels que les Tré- viriens , les Atuatiques , les Éburons , les Nerviens , les Ména- piens, etc., il s'ensuit que tous les autres sont des Celtes ou Gaulois indigènes, non-seulement les Velocasses et les Caletes, 424 DISSERTATION HISTORIQUE mais aussi les Médiomatriques, les Leucois, les Vérodaniens, les Catalauniens, les Rémois, les Suessonniens, lesSjlvanectes, les Bellovaques , les Amiénois, les Véromanduens, les Atréba- tes et les MoriDS , tous peuples considérables , dont les chefs- lieux ont été érigés dans la suite en sièges épiscopaux. Desroches, en passant sous silence tous ces peuples Belges si connus , et qu'il connaissait lui-même si bien , continue ainsi : « S'il faut joindre aux Vélocasses et aux Calètes une petite par- )) tie des Celtes qui occupaient nos provinces, je ne vois que » les Atre'bates et les Morins, c'est-à-dire, les habitans de l'A r- » tois et de la Flandre française, à qui la restriction puisse » convenir, puisque toutes les autres nations , les Nerviens et y) leurs alliés, les Tréviriens et leurs cliens, les Atuatiques, les )) Éburons et les Ménapiens, se vantaient de leur origine ger- » manique, et sont appelés distinctement les descendans des » Germains. Ainsi , à l'exception peut-être des Morins et des » Atrébates , tous les autres Belges sortirent de la Germanie. » Je combats Desroches par lui-même, et sans sortir de son texte. Car en énumérant toutes les nations Belges d'origine germanique, il n'en nomme que cinq que je ne lui conteste pas, mais qui étaient entièrement distinctes des quatorze que j'ai nommées ci-dessus. Il a donc avancé un fait absolument contraire à la vérité de l'histoire, en disant qu'à l'exception des Vélocasses, des Calètes, et peut-être des Morins et des Atré- bates , tous les autres Belges sortirent de la Germanie. Dira-t-on, pour l'excuser, qu^il n'a voulu parler que des Pays- Bas autrichiens et français? Mais, dans ce cas, pourquoi s'ex- primait-il généralement de tous les Belges ? Pourquoi surtout SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES. ^ 42 5 a-t-il mentionné les Velocasses et les Calètes comme étant des Belges non issus des Germains? Assurément le Vexin et le pays de Caux , en Normandie, qu'habitent ces deux peuples, n'ont jamais fait partie des Pays-Bas autrichiens ni français : .ainsi, puisqu'il les a exclus de l'origine germanique, il aurait dû, au moins, s'expliquer sur les dix autres peuples bien plus considérables que j'ai nommés ci-dessus , et qui remphssent aujourdhui la Picardie , la Champagne , la Lorraine et les trois évêchës de Metz, Toul et Verdun. En supposant gratuitement que les Belges d'origine germa- nique eussent été en plus grand nombre que les Belges d'ori- gine gauloise, la question principale est de savoir si ce sont eux qui ont apporté ce nom dans la Gaule , et qui l'ont imposé à tous les peuples depuis l'embouchure de la Meuse jusqu'à la Seine et à la Marne. Nous avons déjà d'avance démontré le contraire par la corré- lation nécessaire entre Belgium et Belgœ , par l'usage oii étaient les Belges de ne pas donner ce nom aux Germains établis dans la Gaule-Belgique, et par l'affectation de ceux-ci de ne pas prendre le nom de Belges, mais celui de Germains. Malgré toutes ses savantes recherches , Desroches n'a cité aucun au- teur ancien ni moderne qui ai dit que les Tréviriens, lesNer- viens, les Éburons, ni les Ménapiens, s'appelassent Belges, en Germanie, avant d'avoir passé le Rhin. Quant aux Atuatiques qui étaient très-puissans, lors de l'arrivée de César , puisque les Éburons étaient devenus leurs tributaires , leur origine est connue , ils faisaient partie des Cimbres et des Teutons que Marins avait vaincus dans les célèbres batailles d'Aix et Ver- ceil. C'est ainsi que les Rémois l'ont rapporté à César, et cet 420 DISSERTATION HISTORIQUE événement était alors assez re'cent pour être bien connu, puisqu'il ne remontait guère qu'à un demi-siècle. Ce ne sont donc pas le& Atuatiques qui nous ont donné le nom de Belges. Quant aux quatre autres nations germaniques, le moment de leur invasion a échappé à l'histoire. Desroches en convient. L'on ignore donc complètement s'ils sont arrivés ensemble, ou successivement les uns après les autres; s'ils sont venus de la même contrée ou de contrées différentes de la Germanie, sous laquelle on comprenait alors le nord de l'Europe à la rive gauche du Da- nube , et à la droite du Rhin. S'ils sont venus de contrées dif- férentes, ils ne portaient pas le même nom commun de Belges, qui n'était pas le nom générique des Teutons ni des Scythes. Mais y avait-il même une tribu ou une peuplade, dans la Germanie ou dans le nord de l'Europe qui fut connue sous le nom de Belgœ ? Aucun auteur ne nous l'a transmis. Seulement l'érudit M. Desroches a fait la découverte d'un passage dans un auteur latin du premier siècle de notre ère , nommé Pompo- nius Mêla , qui a écrit que les terres septentrionales de l'Eu- rope, depuis. la région des Sarmates jusqu'à la mer qui baigne les côtes de la Norwége , étaient habite'es par des peuples Scy- thiques connus sous le nom de Belcœ. Scythici populi incolunt , ferè omnes in unum Belcœ appellati. p. 3o. Je n'ai pas vérifié la citation, mais je la suppose juste. Des- roches s'est emparé de ce texte unique et en a conclu que nos Tréviriens et nos Nerviens étaient de cette nation scythique, nommée Belcœ, et étaient venus jusqu'au Rhin qu'ils avaient traversé pour chasser les Celtes, s'emparerd'une partie de leur contrée, et imposer leur nom à la nation et au pays, en chan- geant Belcœ en Belgœ, Il faut avouer que voilà une singulière SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES. 427 manière d'écrire l'histoire, et de chercher, sans la moindre preuve, l'origine de notre nom, aux extrémités de la terre habi- tée, chez un peuple inconnu , dont Pomponius Mêla est le premier et le seul auteur qui ait parlé plus de cent ans après César; tandis que cette origine est chez nous-mêmes, dans notre pro- pre pays, attestée par tous les auteurs, dont aucun n'a contre- dit le récit de César ; attestée par le nom d'une contrée qu'il a connue et dans laquelle il a séjourné plusieurs années avec ses légions. Desroches avait aussi connaissance de cette contrée et de sa situation à notre porte, mais il n'en a rien dit dans ses recherches sur l'ancienne Belgique; il n'en a parlé que très- laconiquement, mais pourtant avec assez de justesse, dans le cinquième chapitre de son histoire, p. SS^, en ces termes : ce Trois autres légions furent placées dans le Bel^ium propre- » ment dit, qu'il ne faut point confondre avec la Belgique dont il y) différait comme la partie diffère du tout, puisque le Belgium y> était renfermé dans la Picardie et dans cette partie de l'Isle- j) de-France que la Seine borne au sud. » Ce peu de mots pouvait suffire à l'auteur pour découvrir l'origine du nom de Belges, sans l'aller chercher au fond de la Scandinavie, sur une conjecture très-hasardée. Si l'on voulait imiter Desroches et tirer parti du mot Belcœ rencontré fortuitement dans un auteur ancien, l'on pourrait prétendre avec plus d'apparence de fondement que les Belges qui remplissaient le nord des Gaules étaient descendus des Tectosages , peuples gaulois des environs de Toulouse, très- célèbres dans l'antiquité, car Ausonius , poète latin du qua- trième siècle qui était de leur pays, nous a laissé un vers où il est dit que leur nom primitif était Belcœ : Usque in Tec- Tome III. 56 42 8 DISSERTATION HISTORIQUE tosages^ primœvo nomine Belcas. Ce qui est probablement une faute de copiste pour Volcas. Ortelius, dans son Thésaurus geographicus a cité les Belcœ d'AusoniuSj mais il ne fait pas mention de ceux que Pomponius Mêla place dans la Norwége. Cluvier n'a parlé ni des uns ni des autres. Dernier point. Observations sur un passage de la chronique de -Cambrai par Balderic. J'ai fait récemment une découverte, qui m'a d'abord surpris, sur Porigine des noms de Belges et de Belgique. En parcou- rant le CJironicon Cameracense et Atrehatense par Balderic, décédé en logô, j ai trouvé le passage suivant, Livre 2, c. 24. Item in territorio ^trehatensi ^ in vico videlicet qui Belgicus ab incolis nuncupatur , extat Basilica canonicorum sancti Re- migii. Notandwn vero quod locus iste antiquitus adeo prœe- minehat, ut ah eo omnis nostra regio etiam usque inprœsens , Belgica diceretur. Ce passage a été inséré dans le dixième volume du Recueil des historiens de France , par Dom Bouquet , et a attiré l'at- tention des savans éditeurs de ce Recueil, qui y ont fait la note suivante : Quod hic offert Baldericus ingens disputandi et dubitandi argumentum peritioribus aliis discutiendum relin- quimus. Cette Chronique a été imprimée pour la première fois en 161 5, à Douai, avec des annotations de Colvenaire docteur et professeur en théologie. Il dit qu'il a pris plusieurs informa- SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES. 429 lions sur la situation de ce lieu, mais qu'elles ne présentent rien de certain. Voici les indications les plus ressemblantes au texte deBalderic, et que j'ai vérifiées sur une carte très-nette de la province d'Artois, qui se trouve dans la description géogra- phique des 17 provinces des Pays-Bas imprimée à Amsterdam par Kerius en 1617, ainsi deux ans après l'édition de la chro- nique deBalderic. Il existe un village nommé Belge sur la rive droite de la rivière de Ternois; mais Colvenaire observe que ce village n'est pas du diocèse d'Arras, mais de celui de Boulo- gne qui a été formé d'un démembrement du diocèse de Térouane, après la terrible destruction de cette ville antique par feffet de la vengeance de fempereur Charles-Quint , et il ajoute que les limites du diocèse d'Arras n'ont pas été changées par l'érec- tion des nouveaux évêchés. Dans le territoire du diocèse d'Arras, il existe un autre vil- lage nommé Beauvois , Bellovacum in ^rtesia, et enfin un au- tre village voisin nommé Belle. Mais, dans aucun de ces trois endroits, il ne restait ni vestige ni souvenir d'un chapitre de chanoines ou d'un autre monastère. Gomme cependant Balderic devait bien connaître les églises collégiales du diocèse d'Arras, alors encore uni à celui de Cam- brai, dont il fait la description, et dans lequel il avait été élevé et secrétaire de deux évêques successifs, (car c'est par erreur qu'on a attribué cette chronique à Balderic, évéque de Nojon, comme font prouvé les auteurs de fHistoire littéraire de France, t. 8, p. 4oo? et comme l'ont reconnu les continuateurs de Dom Bouquet, t. XI, p. 122, et à la préface, p. 3o.) l'on doit supposer que cette collégiale a été détruite et ruinée ou réunie 56. 43o DISSERTATION HISTORIQUE à une autre, dans l'intervalle de plus de cinq cents ans qui s'est écoulé entre le décès de Balderic et l'impression de son livre. Mais que doit-on penser de l'observation du chroniqueur, que ce bourg ou village, nommé Belge ou Belgique , avait été autrefois si considérable que toute la Belgique en aurait tiré son nom? C'e'tait sans doute une tradition populaire dans ce pays-là, que Balderic aura recueillie , sans la discuter , comme faisaient les historiens de ce temps qui manquaient de critique. Cette tradition parvenue jusqu'au temps de Balderic, dans le diocèse d'Arras , s'était égarée dans sa marche à travers tant de siècles; mais elle n'était pas sans quelque mélange de vrai. Le pays des Atrébates forme le diocèse d'Arras. Or , ce pays avait fait partie de l'ancien Belgium , cela est prouvé ci-dessus. Les Belges tirent leur dénomination du Belgium , ou si l'on veut , et ce qui revient au même résultat , les premiers et les plus anciens des Belges ont donné leur nom au Belgium qu'ils ont habité. Ainsi, le territoire d'Arras est pour quelque chose dans la source du nom de Belge et de Belgique. La remarque de Balderic, quoique inexacte, n'est pas entièrement fausse. Ce n'est pas le vicus Belgicus dans le territoire d'Arras qui a communiqué son nom à toute la Belgique, mais du moins cet endroit a tiré et conservé son nom du Belgium dont il a fait partie, et d'où notre dénomination de Belges tire sa véritable origine. La tradition, que nous a transmise Balderic, a quelque chose de national, et quoique défigurée par le laps des siècles, elle se rattache à la vérité historique que nous puisons dans les SUR L'ORIGINE DU NOM DE BELGES. 45i Commentaires de César , et que nous voulons faire triompher sur les fictions de Jacques de Guyse et de Desroches, dont le premier fait venir les Belges et leur nom des rivages et des ruines de Troie, et le second des frimats glacés de la Scandi- navie. Ne faisons pas de romans pour chercher si loin l'origine de notre antique et honorable nom; l'histoire nous l'indique avec certitude dans le Belgium qui existait déjà dans nos con- trées long -temps avant César , et elle ne ne remoate pas plus haut sur cet objet. M. Raepsaet a fait imprimer en 1 8 1 1 un Mémoire sur Vo- rigine des Belges; mais, dès la première page, il annonce qu'il entend par là les habitans des ci-devant Provinces-Unies et des Pays-Eas autrichiens , c'est-à-dire de ceux que, dans le langage de nos jours , l'on appelle Belges. Personne ne doute ^ d'après César et Tacite, que les ancêtres de ces peuples ne soient originaires de la Gerafianie. M. Raepsaet ne s'occupe pas des au très peuples, qui formaient la Gaule belgique avant et sous la domination des Romains. Il ne traite pas non plus la question si les peuples germaniques qui ont conquis une partie de la Gaule belgique avant César , s'appelaient Belges, avant leur conquête, et si ce sont eux qui ont imposé le nom de Belges à la nation qui occupait la troisième partie des Gaules. Mais dans plusieurs passages de son Mémoire, il suppose et admet la négative de ces deux pro- positions. C'est ainsi que, p. r 17, en parlant de la première époque où les Germains ont passé le Rhin et se sont établis dans la Belgi- que, il s'exprime ainsi : « Comme les Ménapiens., les Advati- 432 DISSERTATION HISTORIQUE » ques , les Éburons et les Nerviens étaient du nombre de ces » nations sorties de la Germanie , on ne peut rapporter qu'à » cette époque l'établissement de ces quatre peuples dans la » Belgique , et qui depuis ont été comptés parmi les Belges. » Page 119, il pose une seconde époque au temps de César, « qui, dit il, tant qu'il a régné, n'a pas souffert de nouveaux y> établissemens de Germains , en deçà du Rhin. Ainsi à la fin ;> de la seconde période, il n'y avait pas encore de Germains » établis sur la rive gauche du Rhin , excepté ceux qui . y » étant venus sous la première période, étaient devenus Bel- » ges de fait et de droit. » S'ils sont devenus Belges après leur invasion, ils ne l'étaient donc pas auparavant. C'est ainsi, en effet , que César les con- fond souvent avec les anciens Belges, comme habitant tous la Gaule Belgique. Le Mémoire de M. Raepsaet a pour objet de prouver que les peuplades germaniques, qui se sont emparées d'une partie de la Gaule Belgique, étaient venues de la petite Tartarie, et non de la Scandinavie , comme l'a dit M. Desroches. Voici comme il annonce lui-même le plan de son ouvrage, pag. I. Après avoir énuméré les nations germaniques qui occupaient , du temps de César , le royaume actuel des Pays-Bas , il dit : « M. Desroches, dans son Histoire ancienne des Pays Bas, in- » cline à donner pour patrie à toutes ces nations les îles de la » Scandinavie. Je ne partage pas son opinion , etc. » Page 12, il ajoute : « J'aurai résolu le problême si je par- » viens à étal^lir i^ que toutes ces nations ont, anciennement SUR L'ORIGINE DU NOM DE RELGES. 435 » et à une époque d'antiquité indéterminée , demeuré dans la » Pannonie ou grande Hongrie , qu'arrose le Wolga, dans la » petite Tartarie ou Palus-Méotides , et sur les côtes du Pont- » Euxin. » ^o. Que celles de ces transmigrations qui concernent prin- » cipalement notre objet , se sont faites par le Nieper et la » Dwina vers la mer Baltique. » 3^. Qu'à l'embouchure de la Dwina dans la mer Baltique , » elles se sont répandues les unes au nord dans la Livonie, et )) les autres en longeant les côtes occidentales de la mer Balti- » que, et sans s'en écarter , sont venues jusqu'à l'Oder j que de » là elles se sont répandues sous le nom commun de Suéves ï) jusqu'au Danube d'un côté, et de l'autre sur toutes les côtes » de la Baltique en Danemarck, jusqu'au Rhin, et enfin dans » la Belgique , la Hollande et la Frise. » L'ouvrage de M. Raepsaet est une description du voyage conjectural qu'il fait faire à nos ancêtres, depuis les Palus Méotides jusqu'en deçà da Rhin par la longue route qu'il leur trace. Je n'entends pas me rendre juge entre MM. Desroches et Raepsaet. Comme Fun et l'autre ne s'appuient que sur des con- jectures, ils pourraient bien se tromper tous deux. Tout ce que nous savons sur ce point avec une certitude historique, c'est que César nous apprend, et qu'il avait appris lui-même des Rémois, que plusieurs des Belges étaient issus des Ger- mains qui avaient anciennement passé le Rhin pour s'établir dans nos contrées. Du reste , il me paraît assez peu important de se perdre dans les conjectures, pour savoir si ces peuples à 454 DISSERTATION HISTORIQUE SUR L'ORIGINE , etc. demi sauvages étaient venus de près ou de loin, et notam- ment si leur point de départ était la Scandinavie ou la petite Tartarie. FIN. MEMOIRE SUR L'ORIGINE DE LA DIFFÉRENCE RELATIVE A L'USAGE DE LA LANGUE FLAMANDE OU WALLONNE dans les pays-bas ; Par m. J. D. MEYER. hV DANS LA SÉANCE DIT 8 MAI l825. Tome ni. 57 MÉMOIRE SUR l'origine DE LA DIFFÉRENCE RELATIVE A L'USAGE DE LA LANGUE FLAMANDE OU WALLONNE DANS LES PAYS-BAS. Il est dans l'état des peuples des différences très-marquées; les unes sont le résultat des circonstances locales, de la nature du terrain qu'ils occupent, des moyens de leur existence, des relations sociales; d'autres proviennent de causes étrangères, qu'on peut tracer historiquement et dont l'origine se rapporte à des guerres, des conquêtes, des invasions, des émigrations, attestées par les annales; mais il en est aussi qui, quoique d'une singularité ou d'une bizarrerie frappante, ne peuvent être ex- pliquées, et au sujet desquelles il faut dire avec le jurisconsulte: non omnium quœ à majoribus accepimus ratio reddi potest. Entre ces phénomènes dont l'origine se perd dans la nuit des temps, mais que le flambeau de l'histoire pourrait éclair cir, l'Académie avait cru pouvoir placer la différence qui existe en- tre les langues usitées dans les provinces des Pays-Bas, diffé- rence particulièrement remarquable, sous ce rapport, que des 458 MÉMOIRE SUR L'USAGE DE LA LANGUE provinces qui n'ont jamais appartenu à la France, mais soit à l'empire germanique , soit à des souverains indépendans, comme le comté de Hainaut, le comté de Namur, l'évéché de Liège, le duché de Limbourg et une partie des duchés de Brabant et de Luxembourg, ont de tout temps parlé un dialecte français, tan^ dis que le comté de Flandre, qui a été long-temps un des fiefs de la France, et dont une partie est incorporée à ce royaume depuis des siècles, n'a jamais abandonné l'usage d'un dialecte tudesque. Ce sujet ayant été mis au concours, le prix a été adjugé à un mémoire, rempli d'érudition et de mérite, qui re- produit l'opinion énoncée par le célèbre abbé Dubos, dans son histoire critique de l'établissement de la monarchie française dans les Gaules, et attribue cette différence aux colonies des Germains établies dans la Belgique avant l'occupation des Gau- les par Jules César , et à la transplantation des Saxons par Char- lemagne. En décernant le prix , l'Académie a rendu justice à l'auteur du mémoire; mais elle n'a point déclaré adopter son système; il peut encore être permis d'examiner ce problème historique, et cette recherche peut donner lieu à quelques ob- servations, peut-être nouvelles, sur la grande influence de la France sur les usages et la littérature des Pays-Bas en général , dans des temps où l'on pouvait facilement la méconnaître. Il n'est point aisé d'obtenir des notions sures ni même très- probables sur la langue des peuples que les Romains désignaient sous le nom de barbares : le peu de connaissances que nous ont transmis un nombre très -borné d'auteurs qui se sont occupés de décrire l'état de ces peuples, prouve à feVidence qu'ils ne s'étaient point donné la peine d'en apprendre la langue, et les bévues les plus singulières attestent cette ignorance. C'est ainsi FLAMANDE OU WALLONNE. 439 que nous voyons des désignations changées en noms de peu- ples, des titres en noms de personnes ou de famille, des déno- minations identiques de la même peuplade reçues comme in- diquant des nations différentes. On a fait un nom de peuple des Germains (i), des Alamans (2), des Saxons (3), des Suè- ves (4), des Lombards (5); on a donné à des chefs les noms d'Arioviste (6), d'Arminius (7); on a distingué comme peu- ple séparé les Francs (8) ; on a regardé comme différens les Décumates , les Marcomans , les Bourguignons , (9) , et mille autres pareilles inconséquences qu'on pourrait relever facile- (1) Germani n'est autre chose que Hermenni, Hermanni , Arimanni ;, en tudesque Heermannen , c'est-à-dire , hommes de guerre ou d'armée. (2) Alimanni est une autre dérivation de Heermannen, de même que hallebarde s'est formé de heerherte^ hache de guerre. (5) Sasses sont ceux qui habitent à demeure fixe : Einsaisen sont en- core les régnicoles en allemand. (4) Suèpes sont les Nomades. Zweeven en hollandais., Schwaben en allemand, signifie encore planer sur la terre, n'avoir aucun lieu fixe soit pour se reposer ou pour fixer sa demeure. V. Csesar de bell. gall., lib. 4, cap. 1. (5) Longoberdi sont les guerriers armés de longues haches, /«^^e berten, comme on a dit depuis des hallebardiers, lanciers, mousquetaires, etc. (6) Arioviste^ heerverter, celui qui fortifie ou commande l'armée. (7) Arminius est encore connu en Allemagne sous le nom de herinann, homme de guerre , ainsi dit par excellence. (8) Francs , c'est-à-dire, libres de la domination romaine. - (9) Décumates étaient chez les Romains des militaires établis sur les frontières pour les garder 5 cette frontière s'appelait en allemand mark (d'où dérive le titre de marhgraaf, margrave ou marquis), et les soldais qui la gar- daient, marco77z«/z;zi ; lorsqu'elle était fortifiée par des châteaux (bergen) c'étaient des burgundiones. Ces mêmes soldats étaient dans un autre sens liermunduri. 4±o MÉMOIRE SUR L'USAGE DE LA LANGUE ment. Probablement la langae peu cultivée , dure et gutturale fie ces peuples n'offrait aucun attrait à celui qui était habitué aux idiomes plus formés et plus harmonieux de la Grèce et de l'Italie : les premiers Romains, qui parlèrent des Gaules et de la Germanie, s'efforçaient de rendre en latin la signification des mots qu'ils entendaient, et que leur expliquaient les natifs; plus tard des Romains, nés ou établis dans ces contrées, ayant perdu la grande habitude du latin, et s'étant familiarisés avec le jargon du pays , ou des barbares qui se servaient avec peine de la langue universelle, reprirent les noms originaires avec une inflexion latinisée (i), et corrompaient la langue qu'ils employaient. Dans la profonde obscurité où e'taient plongés ces peuples, lors des conquêtes des Romains et long-temps après, dans une ignorance absolue et presque totale de l'art d'écrire, s'ils avaient des ouvrages de sciences, d'histoire, de mytholo- gie, de htte'rature; si leurs bardes étaient autres que des rhap- sodes, dont les chants se transmettaient de mémoire des géné- rations précédentes à celles qui les suivaient, rien du moins n'est parvenu jusqu'à nous, rien ne peut nous donner une con- naissance exacte de la langue qu'on parlait dans les Gaules et la Germanie avant et même depuis Jules César. Lorsque les Romains entrèrent dans les Gaules proprement dites ou Transalpines, qui composent le royaume actuel de la (]) Tacite en parlant des révoltes des Germains, fait dire à un de leurs chefs : liberi inter liberos eritis , lîb. 4, Hist. cap. 64 : plus tard on dit Franci. César parle des ambacti , clientes, des chefs gaulois (de bell. gall. lib. 6, cap. i5) , Tacite des comités, des chefs germains (de morib. Germ. cap. i3) : plus tard on les a nommés geselles (ce qui signifie encore compa- gnon en allemand et en hollandais), el l'on en a formé le nom de guasalli et vasalli. Les fidèles sont devenus des antrustiones y et ainsi de suite. FLAMANDE OU WALLONNE. 44.i France et quelques pays adjacens, cette importante région était bornée au midi par les Pyrénées , à l'orient par les Alpes et le Rhin, qui en était également la limite septentrionale; elle s'étendait à l'occident jusqu'à la mer. Les Gaules étaient divisées en trois parties; la Gaule aquitaine ou aquitanique, qui était la plus proche des Alpes et des Pyrénées; la Gaule Celtique, qui s'étendait jusqu'à la Seine et la Marne (i) ; la Gaule Belgique, qui comprenait le pays entre la Seine, la Marne et le Rhin. Chacun de ces peuples avait non-seulement des lois et des for- mes de gouvernement différentes , mais ils ne parlaient pas la même langue (2). L'idiome des Germains était encore tout au- tre; et si un de leurs chefs, connu sous le nom d'Arioviste, savait se faire comprendre des Gaulois, c'était parce qu'une longue habitude, un long séjour dans les Gaules lui avaient rendu familière la langue du pays (3). 31 n'entre point dans notre projet de rechercher à quelle époque appartient le nom de Germain, que Tacite regarde comme récent (4), et qui cepen- (1) Les Gaulois celtiques étaieilt ceux que les Romains nommaient Gau- lois par excellence et par opposition à tous les autres; Cësar dit que ces peu- ples qui s'appelaient Celtes dans leur propre langue, étaient appelés Gau- lois par les Romains. De bell. gall. , lib. 1 , cap. 1. Cependant le nom de Gaules était générique et comprenait non-seulement l'Aquitaine et la Bel- gique [Gallia est omnis divisa in partes très), mais encore le nord de l'Italie. (2) « Hi omnes lingua, institutis^ legibus inter se différant. » Csesar de bell. gall. lib. 1 , cap. 1. (3) « Et propter linguse gallicse scientiara , qua multa jam Ariovistus » longinqua consuetudine utebatur. » Csesar de bell. gall. lib. 1 , cap. 47. (4) « Cœterum Germanise vocabulum recens et nuper additum : quo- » niam qui primi Rhenum transgressi Gallos expulerunt^ nunc Tungri, » nunc Germani vocati sunt : ita nationis nomen non gentis evaluisse pau- 4i2 MÉMOIRE SUR L'USAGE DE LA LANGUE dant était très -connu du temps de César, environ un siècle et demi avant que Tacite ait écrit son fameux ouvrage, ni com- ment il se fait que le nom de Germains leur ait été donné d'abord par les vainqueurs, et ensuite par eux-mêmes, qui étaient les vainqueurs (i) : il suffit d'observer la différence de langage qui existait entr'eux et les Aquitaniens , les Celtes et les Belges. Indépendamment des trois langues différentes , celle de l'Aqui- taine qui parait s'être conservée dans les montagnes des Bas- ques, celle des Celtes qu'on prétend être l'origine du bas-breton, du langage du pays de Galles, et de l'Irlande, comme des mon- tagnards de l'Ecosse et de la Cornouaille, et celle des Belges, sur laquelle nous n'avons aucune notion, cette partie septentrionale des Gaules devait présenter une autre bigarrure. Plusieurs peu- plades germaniques, originaires de la rive droite du Rhin, s'étaient fixées dans la Belgique (2) ; ces nations tiraient gloire de leur origine (3), et il est probable qu'elles n'auront point abandonné leur langue nationale (4). Cette langue était la même » latim, ut omiies primum a victore ob metum, mox a se ipsis invento no- » mine Germani nomine vocarentur. » Tacitus de raor. Germ. cap. 2. (1) Les traducteurs de Tacite ont été singulièrement embarrassés de ce passage. V. la Germanie de Tacite trad. par G. L. Panckoucke , Introd. pag. 69. (2) Plerosque Belgas esse ortos aGermanis, Rhenumque anli quitus trans- ductos. Cœsar de bell. galL , lib. 2 , cap. 4. (5) Treveri et Nervii circa affectationem germanicœ originis ultro am- bitiosi sunt. Tacitus de mor. Germ. c. 28. (4) Il est cependant remarquable que St. -Jérôme observe Pidentité de la langue que parlent les Galates ou Gaulois depuis long-temps fixés en Grèce et de celle qui était en usage à Trêves. Hieronymus in ep. ad Galatas lib. 2 , proem. FLAMANDE OU WALLONNE. 443 que celle des peuplades indépendantes, qui après avoir secoué le joug des Romains et même leur avoir tenu tête vinrent fon- dre sur l'empire et principalement sur les Gaules; toutes ces peuplades Sicambres, Tongres et autres s'étaient donné le nom de libres ou francs , nom qui devint bientôt propre à celles qui se rendirent maîtresses de la principale partie des Gaules (i). Non-seulement les Romains ne connaissaient pas et ne s'ap- pliquaient guère à connaître la langue des vaincus; mais habitués à la douceur et à l'harmonie du grec et dul atin , ils ne pouvaient même prononcer les sons durs et gutturaux qui distinguent en général les idiomes du nord de ceux du midi; lecv_, qui d'après toutes les apparences désignait un son aisé fortement aspiré, devait les embarrasser, et aucune lettre dans leur alphabet ne pouvait le rendre compréhensible : ils y substituèrent un ^ dur, ou légèrement aspiré gu, et cette substitution se rencontre également dans la basse latinité et dans tous les idiomes d'ori- (i) On a beaucoup discuté sur le pays qu'occupaient originairement les Francs, dont Tacite ne fait aucune mention, et sur leur distinction en Francs 3aliens ou Ripuaires. En admettant notre supposition que les Ro- mains, ne connaissant pas la langue des Germains, prenaient des désignations pour des noms propres, ce problême est facile à résoudre. Toutes les peu- plades indépendantes étaient franques ou libres; des hordes qui avaient occupé les frontières comme decujnateSf et qui avaient récupéré leur liberté, prirent le nom de Ripuarii (du mot ripa, pris dans ce sens. Tacitus, Ann. lib. i3, cap. 54. Juste Lipse ad Tacit. de Mor. Germ. cap. 29 not. 82), comme les gardes des frontières entre peuples germains, celui de Marco- mans, de Hermundures ou de Bourguignons. On chercherait aussi vaine- ment la patrie des FranCiS que celle des Lansquenets (Lanz-knechter, lanciers allemands) ou des iîeiVer* (Reuter, cavaliers allemands), qui servaient en France au seizième sièclct Tome III 58 444 MÉMOIRE SUR L'USAGE DE LA LANGUE giiie latine. Le glossaire de la basse latinité donne les mots gâcha, gacJiia y guacha pour le mot allemand waclie , garde; garantire , garandiare, du mot waren, garantir, dont les An- glais ont fait leur warrant; guerra, guerre, du mot welire et weere défense ; guiderhora , du mot wiederhoi^en ; guùnpa, guimpe, du mot wimpel, pavillon; gaaldus y forêt, du mot wald, etc. Plus tard les deux factions qui déchirèrent si long- temps l'Italie furent appelées l'une Guelphe , d'après le nom propre ^^TVelf, duc de Bavière, l'autre Ghibelline ow. Gibeline, d'après le nom de la terre ou comté de TJ^aiblengen, qui faisait partie du patrimoine des empereurs de la maison de Souabe. C'est ainsi qu'il est très-probable que le nom de Galli n'était âutre que celui de Thalles ou JVales , que ces mêmes peuples prenaient dans leur propre langue, de même qu'en français on nomme jusqu'à ce jour la principauté de Galles , ce que les Anglais appellent TVales. Ce nom de Walles ou Wales s'appli- que d'ailleurs particulièrement tant au pays de Galles en An- gleterre, {TVales (i), qu'au comté de Cornouaille {Corn- Tf^allis), où les anciens Gaulois et Bretons Celtes se sont ré- fugiés dans les montagnes, ainsi qu'à la langue originaire des Irlandais et des montagnards Écossais, également descendans des Celtes, langue des poèmes vrais ou prétendus d'Ossian, fils de Fingal, connue sous le nom de Gaëlic. Dans ce sens le mot de Wallon s'appliquerait plus propre- ment à tout ce qui tient à une origine celtique, à ce qui ap- partient à la partie de la France depuis le Rhône et la Garonne (i) Dans les lois galloises de Hoell le Bon , publiées par Wotton, à Lon- dres, en lySo, la principauté de Galles, qui est traitée de royaume, est nommée Cymru. FLAMANDE OU WALLONNE. 445 jusqu'à la Seine et la Marne, dans laquelle on parlait une lan- gue différente, selon César, de celle des Belges , même de ceux qui n'étaient point d'origine germanique. C'est ainsi que les an- ciens auteurs ou poètes hollandais et flamands se servent du mot waelen pour désigner, non les Wallons des Pays-Bas, mais les Français en général , et de walsch pour la langue fran- çaise (i), de même que les Allemands, étendant cette dénomi- nation à la Gaule Cisalpine , entendent par JValscliland l'Ita- lie, et plus spécialement le nord de cette contrée, ou la Lom- bardie, l'ancienne Gaule Cisalpine des Romains. Non - seulement le nom de Wallon ne peut pas se rapporter aux anciens Belges, d'après toutes les connaissances que nous ont laissées les anciens auteurs sur la géographie de cette partie des Gaule; mais c'est justement dans le pays actuellement wallon, qu'étaient fixés les peuples d'origine germanique qui habitaient la Belgique. César (2) dit en propres termes, que, sous le nom générique de Germains, dans cette partie des Gaules étaient compris les Condruses, les Éburons, les Cserseses et les (1) L'auteur d'une ancienne traduction du conte du Renard, traduction qui remonte aux i3^ et 14" siècles , imprimée à Gouda en 1479 , dit: Ende hise na den walschen boucken In diekche den hevet begonnen. — Introd. v, 10, p. t 1. qu'il a commencé son récit en langue Tudesque d'après des livres wallons , c'est-à-dire français , probablement bretons ou normands. Ce passage prouve encore, pour le dire en passant, que les Allemands ont pris ce fa- meux conte du Renard d'un original français. La même signification est toujours attachée au mot walsch dans les ouvrages de Maerlant et autres écrivains contemporains. (2) « Condrusos, Eburones, Csersesos, Psemanos, qui uno nomine Ger- mani appellantur. n De bell. gall. L. 2 , c. 4. 58. 446 MÉMOIRE SUR L'USAGE DE LA LANGUE Pgemanes; on croit retrouver les Conclruses dans le pays de Condroz, quoique l'analogie de nom ne puisse être considérée comme une preuve certaine j mais ils étaient limitrophes des Tréviriens et des Éburons, et ces Éburons occupaient en par- tie le terrain entre le Rhin et la Meuse, en partie ils étaient établis en deçà de la Meuse (i)j leur pays est évidemment la province actuelle de Liège. Les Nerviens étaient également une colonie allemande ou germanique, et ils s'en faisaient gloire (2). Or, ces Nerviens demeurant à l'extrémité de la grande forêt des Ardennes, laquelle, selon César, s'étendait à une longueur de plus de cinq cent milles, depuis le Rhin jusqu'aux frontières des Nerviens (3), étaient les anciens habitans du Hainaut et du Tournaisis. S'il était vrai par conséquent que la différence de langue qui existe entre les provinces flamandes et wallon- nes , dût. être rapportée à l'origine germanique d'une partie des habitans de la Gaule Belgique, indiquée par Jules César, c'est chez les anciens Nerviens dans le Hainaut, chez les Ébu- rons dans la province de Liège, qu'on devrait, comme chez les Tréviriens aux environs de Trêves, chercher la langue d'origine tudesque, tandis que le nom de Wallon et la langue wallonne conviendraient bien plutôt aux deux provinces de Flandre, dont les habitans étaient des Gaulois Belges. (1) « Eburones, quorum pars maxima est inter Mosaiu et Rlienum. » De heU. galL, lib. 5, c. 24. Le Rhin étant la frontière orientale des Gaules , le reste des Éburons devait demeurer sur la rive gauche de la Meuse. (2) Nervii circa afFectationem geraïamcœ originis ultro ambitiosi sunt. Tacitus, denior. Germ. cap. 28. (1) « Arduennam silvam, quse est toti us Galliœ maxima, atque ab ripis » Rheni finibusque Trevirorum ad Nervios pei^tinet, millibusque amplius » 5oo in lougitudinem palet. » Cœsar de bell. gall. lib. 6, cap. 29. FLAMANDE OU WALLONNE. 447 En effet les Ménapiens, que César ne compte point au nom- bre des peuples Germains de la Belgique (i), voisins des Ébu- rons (2), n'étaient pas les habitans de la Flandre, mais occu- paient un pays couvert de forêts et de marécages (3) sur les bords du Rliin (4). Les véritables babitans de la Flandre étaient les Morins, que César et Tacite rangent avec les Ménapiens d'après leur origine Gauloise, mais qui demeuraient sur les bords de la mer (5). C'est de ce pays des Morins, comme dans ce temps, le plus- proche de la Grande-Bretagne (6), que César partit pour la conquête de cette île 5 c'est là que ses vaisseaux retournèrent pour débarquer l'armée victorieuse et des troupes détachées (7). Les Caleti , peuple que César désigne comme faisant partie des Armoriques (8) et par conséquent Celtes, oc- cupaient les côtes de Calais et de Boulogne, et il parait que ce (1) Caesar, debelL gan.,lib. 2, c. 4. V. aussi Tacite, Hist. lib. 4, cap. 28. (2) « Erant Menapii propinqui Eburonum finibus. » Csesar, de belL galL, lib. 6, cap. 5. (3) « Perpetuis paludibus silvisque munitî » Csesar, ibid. « Menapii se » omnes in densissimas silvas abdiderant. » Gaesar, de beU. galLjlib. 4j cap. 38. (4) « Ad Rhenum pervenerunt, quas regiones Menapii incolebant, et ad » utramque ripam fluminis agros, sedificia vieosque habebant. » Cœsar, de belL galL, lib. 4, cap. 4. (5) Caesar, de bell. galL, lib. 4, cap. 21 ad 37. (6) « Quod inde erat brevissimus in Brilanniam transjectus. » Csesar, de bell. gall., lib« 4, cap. 21. (7) Csesar, de bell. gall., lib. 4, cap. 37. (8) « Universis civilatibus quse Oceanum attingunt, quœque eorum con- » suetudine Armoricse vocantur, quo sunt in numéro Curosolites, Rlie- » dones, Ambibari, Caletes^ Osismiij, LemoYices,Venetî, Unelli. » Ccesar, de bell. gall., lib. 7 , cap. jb. 448 IMEIMOIRE SUR L'USAGE DE LA LANGUE n'est que par suite de grands changemens topograpliiqnes, at- testés encore aujourd'hui par les nombreux bas-fonds sur les côtes de la Flandre, que la distance du pays des Morins avec celui des Bretons est plus grande que le de'troit de Calais. Les Morins étaient voisins des Nerviens, avec lesquels ils sont tou- jours réunis (i), et ces Morins étaient bien décidément Gaulois Belges (2). C'est donc en Flandre qu'on devrait rencontrer le langage wallon , s'il se rapportait à l'ancienne diversité des peu- ples d'origine gauloise et germanique, dans la partie la plus septentrionale des Gaules, dans la Belgique (3). Il est indubitable que la langue wallonne est formée, ainsi que tous les dialectes ou patois français, du latin rustique, et depuis de la langue romane; mais cette dérivation elle-même (1) « Nerviis, Morinis, Nictiobrigibus quina millia. » Csesar, ibid. (2) (( At Civilem immensum universa Germania extollebat, societale » iiobilissimis obsidum formata. Ille, ut ciiique proximum, vastari Ubios » Trevirosque , et alia manu Mosam amnem. transire jubet, utMenapios et » Morinos et extrema Galliarum quateret. » Tacit., lib. 4, hist., cap. 28. V. aussi Cœsar, de belL galL, lib. 2 , cap. 4. (5) M. Raepsaet a bien apprécié ce raisonnement dans son analyse his- torique et critique de l'origine des Belges et Gaulois, n° 8, et suppose que les Nerviens parlaient le tudesque comme les autres habilans, mais que le wallon du Hainaut doit son origine à la vengeance que César a tirée de ce peuple , qu'il aurait exterminé et remplacé par des colonies picardes et champe- noises. Malheureusement pour ce système. César, debell. galL, hb. 6, cap. 5, parle de la soumission des Nerviens, du pillage de leur pays, d'un enlève- ment d'otages, mais il n'est pas question d'extermination ou de repeuple- ment j aussi Tacite parle- t-il souvent des Nerviens. Lib. 4, hist. cap. i5 , 35 à 795 de mor. Germ. cap. 23. La notice des dignités de l'empire du 5® siècle parle du Tractus Nervicœius. FLAMANDE OU WALLONNE. 44^ fait le nœud de la difficulté, et on se demande toujours pour- quoi telle partie de la Gaule Belgique a adhéré plus fortement à la langue latine, tandis que d'autres l'ont entièrement aban- donnée. En examinant la manière dont s'est formée cette langue rustique ou romane, on ne trouve rien qui puisse rendre raison de cette différence. Lorsque les Romains étendirent leurs conquêtes, il était aussi naturel que la langue de leur pays devînt plus répandue ; et cette universalité de la langue latine devait être d'autant plus marquée, que les Romains étant un peuple essentiellement guerrier, ils ne s'appliquaient point, surtout dans les premiers temps, à apprendre des langues étrangères. Le grec fit à la vé- rité, dans les derniers temps de la république et sous les pre- miers empereurs , partie d'une éducation soignée 5 mais elle n'était réservée qu'aux personnes les plus distinguées, et tous les jargons barbares étaient absolument négligés (i). Vainqueurs, ils n'avaient qu'à intimer des ordres, et les vaincus s'estimaient trop heureux de pouvoir les comprendre; les Ibères, les Gau- lois , les Bretons , les Germains soumis n'avaient point d'autre moyen de communiquer avec le souverain et sa cour, avec la capitale, avec les principaux magistrats, avec les commandans militaires, avec les armées et les garnisons, qu'en latin. La politique entrait pour quelque chose dans cette manière d'être, et les Romains croyaient, non sans raison, consolider leur puissance en faisant adopter aux peuples soumis leurs usages., (1) Lucien dans un de ses dialogues fait dire à Mercure qu^il ne sait com- ment s'y prendre pour inviter les dieux gaulois de venir à POlympe, at- tendu qu'il ne connaît pas leur langue. 45o MÉMOIRE SUR L'USAGE DE LA LANGUE leurs mœurs, leurs lois et surtout leur langue (i), quoique nous ne croyions pas que jamais il ait été porté une loi qui prescri- vît l'usage exclusif du latin (s). Cependant, et c'est ce que l'expérience de tous les siècles a démontré, on n'impose pas une langue à un peuple, quoique vaincu et asservi ; ce n'est pas même le nombre de ceux qui la parlent dont dépend son adoption par la totalité de la nation ; il faut encore dans la langue même un avantage réel, et c'est seulement la facilité, le nombre, l'harmonie, la précision, la clarté, l'énergie d'une langue qui peuvent la faire prévaloir : aussi malgré tous les efforts des Romains, malgré leur pouvoir long-temps maintenu en Grèce et en Orient, malgré la force de leurs armées stationnées régulièrement dans cette même Grèce, malgré la plus grande facilité des communications avec ce pays, ils n'ont jamais pu introduire le latin dans les provin- ces orientales de l'empire, où ils rencontrèrent des langues et des littératures formées : en Sicile la langue grecque s'est sou- tenue en concurrence avec le latin; dans la Grèce et l'Asie mi- neure elle a toujours été la langue du pays, et en moins de quatre siècles elle a remplacé le langage des conquérans. Les (i) <( Opéra data est ut imperiosa civilas non solum jugum , verum etiani » iinguam suam gentibus demissis imponeret. » Augustinus, de Civ. Dei, lib. 19, cap. 7. (2) Une pareille loi aurait trop fait crier pour qu'on n'en trouvât pas une mention expresse ; elle aurait d'ailleurs trop réveillé l'esprit natio- nal, que la politique romaine tâchait au contraire de gagner par la séduc- tion : c'est aussi ce que suppose St.-Augustin j data opéra ne s'appliquerait point à une loi pénale. C'est ce qui est encoi-e confirmé par le récit de Ta- cite, vita Agricolïc, cap. 21 , où on trouve les moyens employés à cette fin par le général romain. FLAMANDE OU WALLONNE. 45i peuplades germaines qui ont détruit l'empire romain, ont cédé à cette même influence ; l'infériorité de leur langue (i) les a empêchés de l'introduire en aucun pays , la seule Angleterre exceptée, où les anciens habi tans, si ce n'est ceux qui se sont retirés dans les montagnes du pays de Galles , de la Cornouaille et de l'Ecosse, ont été presqu'entièrement détruits; l'Allemagne a con- servé son ancien langage d'origine teutonique ou tudesque-, les Gaules, les Espagnes, l'Italie, quoiqu'assujéties par des na- tions originaires de la Germanie, ont repris une langue déri- vée du latin ; l'Afrique avait également rejeté la langue dure et barbare des Goths, des Gépides etdes Alains, pour le grec et le latin, lorsque l'invasion des Sarrazins y fit recevoir une nouvelle langue douce, harmonieuse et cultivée. Nous aurons bientôt l'occasion de faire la même observation à l'égard des Normands établis dans la Neustrie sous leur chef ou duc Rollon. De tous les pays conquis, les Gaules offraient aux Romains le plus de facilité pour introduire leurs moeurs, leurs usages, leur langue. Les Gaulois, ceux surtout qui portaient plus spé- cialement ce nom, c'est-à-dire les Celtes, n'avaient point fait preuve de valeur, ni de patriotisme dans la guerre qui amena [i) C^est ce que les peuples Germains reconnaissaient eux-mêmes à tel point, que depuis le quatrième siècle, auquel on attribue la loi des Francs Saliens, jusqu'au dixième, toutes leurs lois sont écrites en latin, soit que leur langue ne fût pas assez forme'e pour se prêter à un ouvrage de quelque étendue, soit que les législateurs n'y aient pas trouvé assez de précision. Les histoires , annales et chroniques sont également toutes en latin ; mais comme ces livres étaient écrits uniquement par des clercs, comme les laïqnes n'y re- couraient que rarement , il se peut que les relations du clergé avec l'église de Rome seraient pour quelque chose dans cette prédileclion. Tome III. 5g 452 MÉMOIRE SUR L'USAGE DE LA LANGUE leur soumission totale; ils n'inquiétaient guère leurs vainqueurs que par des conspirations ourdies dans des momens, où ils supposaient les Romains occupes ailleurs; encore étaient-ils aussi prompts à abandonner leur parti à l'instant qu'il fallait lever le masque, ou du moins aussitôt que la trame était décou- verte, qu'à capter les bonnes grâces des Romains en dénonçant, en trahissant, en livrant leurs alliés (i) : toute la relation de César ne présente aucune guerre ouverte , mais des machina- tions secrètes bientôt dévoilées, des entreprises partielles faci- lement déjouées, des jalousies, des trahisons, des complots qui ne pouvaient manquer d'assurer la suprématie aux Romains, quelque peu considérables que fussent leurs forces en compa- raison de l'étendue et de la population des Gaules, ou du pou- voir que déployaient au besoin quelques nations gauloises. Toutes les Gaules étaient divisées (2) ; chaque nation appelait à son secours ou les Romains ou les Germains, soit pour se défendre, soit pour opprimer ses voisins ; dans chaque peuplade il se trouvait des factions qui imploraient également l'appui du premier venu, et Ton peut dire que les Gaulois eux-mêmes ser- virent bien plus César pour subjuguer ce pays, que les légions qu'il avait amenées d'Italie ou ses cavaliers numides. Aussi les (1) Cette manœuvre était très-connue des Romains, qui en profitaient sans se fier aux traitres. Tacit., lib. 5, Aun. cap. 58. Les Germains n'étaient guère plus délicats. « Reperio apud scriptores senioresque eorumdem tem- » porum, Adgandestrii principis Caltorum lectas in senatu litteras, quibus » mortem Arminii promittebat, si patrandae neci venenum mitteretur. » Tacit. , lib. 2 , Ann. cap. 88. (2) Tacite dit la même chose des Bretons. « Nunc per principes factioni- » bus et studiis traliuntur : nec aliud adversus validissiraas gentes pro » nobis utilius , quam quod in commune non consulunt. » Vita Agri- colse, cap. 12. FLAMANDE OU WALLONNE. 455 Gaulois ne sont-ils pas bien traités clans les Commentaires de César; s'il distingue les Helvétiens, c'est qu'ils avaient des re- lations continuelles avec les Germains (i); s'il mentionne les Belges comme les plus valeureux des Gaulois , il ne manque pas d'attribuer cette qualité à ce que la plupart sont d'origine ger- manique (2). La faiblesse des Gaulois leur est souvent reprochée par les Romains (3), et ce n'est qu'avec défiance que Tacite dit, d'après César, qu'anciennement les Gaulois avaient fait preuve de valeur contre les Germains (4). (1) « Helvetii quoque reliques Gallos virtute px^oecedunt , quod fere » quotidiaiiis prœliis cum Germanis contendunt. » Csesar , de belL gaU. lib. 1 , cap. 1. (2) « ïlorum omnium fortissimi Belgse, quod proximi sunt Ger- » manis, quitrans Rlienum incolunt, quibuscum continenler bellum ge- » runt. » Caesar, ibid. « Plerosque Belgas esse orlos ab Germanis, Rhenum- » que antiquitus transductos , propter loci fertilitatem ibi consedisse , )) Gallosque qui ea loca incolerent expulisse : solosque esse qui patrum » nostrorum memoria, omni Gallia vexata, Teutonos Cimbrosque intra » fines suos ingredi prohibuerunt : qua ex re fieri uti earum rerum me- » moria magnam sibi auctorilatem raagnosque spiritus in re militari sume^ » rent. » Csesar, de bell. gall. lib. 2 , cap. 4. (3) « Pudendum ipsis, quod Germaniarum victores ad versus Gallos tau- » quam in hostem ducerentur : una nuper cohors rebellem Turonium , una » ala Treverum, paucse hujus ipsius exercitus turniœ profligavere Sequa- » nos : quanto pecunia dites et voluptatibus opulentos, tanto magis imbelles » ^duos. » Tacitus, lib. 3 , Ann. cap. 45. (4) « Validiores olim Gallorum res fuisse, summus auctorum D. Julius » tradit; eoque credibile est, etiam Gallos in Germaniam transgresses. » Ta- citus de mor. Germ., cap. 28. « Gallos quoque in bellis floruisse accepimus j » mox segnitia cum otio intravit , amissa virtute pariter ac libertate. » Id. in vita Agricolœ , cap. 1 1 , 59, 454 MÉMOIRE SUR L^USAGE DE LA LANGUE Si les Belges opposèrent plus de résistance aux Romains que les autres Gaulois, si les Germains inquiétèrent souvent César, il s'en faut de beaucoup que leurs faits et gestes dans la guerre des Gaules fassent honneur à leur courage ou à leur union ; les e'ioges que leur prodiguent les relations ne sont fondés que comparativement au reste des Gaulois, qui jamais n'avaient osé attendre l'approche des Romains. Les Belges avaient pro- mis de mettre sur pied une armée de près de deux cent cin- quante mille hommes, au nombre desquels se trouvaient cinquante mille Nerviens et quarante mille Germains (i); toutes les troupes que Jules César avait sous ses ordres ne se mon- taient pas à la cinquième partie de cette force , et il n'est point probable qu'il se serait aventuré jusqu'en Champagne sans laisser derrière lui une partie de son armée pour contenir les provinces des Gaules à peine conquises, et dont les liabitans ne pouvaient être des alliés sûrs; une seule campagne suffit pour réduire cette masse imposante, à laquelle s'étaient joints d'autres Germains, et avant l'hiver César put retourner à Rome, et laisser les Gaules pleinement pacifiées. Les Helvétiens, sortis de leur pays au nombre de trois cent soixante-huit mille hom- mes, furent contraints d'j rentrer par un nombre de troupes beaucoup inférieur; les prisonniers reconduits dans leurs foyers au nombre de cent et dix mille excédaient de plus du double (i) Caesar, de bell. gall. , lib. 2, cap. 4. Il se peut qu'il y ait de l'exagé- ration dans les Commentaires de César comme dans les bulletins d'une date plus récente ; mais non-seulement la simplicité de la narration et les preu- ves extrinsèques de la vérité de son contenu , doivent donner beaucoup de poids à ce témoignage; il n'est pas même étonnant de voir des nations, qui déployaient toute leur énergie pour conserver leur existence, armer des for- ces pareilles, surtout lorsqu'elles se bornent à défendre leur territoire. FLAMANDE OU WALLONNE. 455 les forces romaines (i). Arioviste avait dans les Gaules une armée de cent quarante-quatre mille combattans (2) ; le jour de la bataille sa cavalerie se composait de six mille hom- mes, auxquels s'étaient joints six mille hommes d'infanterie légère d'élite ; les Romains ne pouvaient compter que sur vingt mille hommes , dont à peine deux mille de cavalerie ; cepen- dant la bataille ne fut douteuse qu'un seul instaat (3). Des peuples aussi peu unis, presqu'entiërement dépourvus de patriotisme, ne pouvaient manquer de déployer après leur soumission une servilité peu commune; les Gaulois étudiaient les moyens de participer aux avantages des Romains, lesquels encourageaient de leur côté, autant qu'ils pouvaient , une fusion complète de la nation vaincue dans celle des vainqueurs ; les peuples moins civilisés sont en général jaloux de titres et d'hon- neurs insignifîans , et les Romains ne manquaient pas de les prodiguer aux Gaulois; ils leur accordaient même de véritables privilèges lorsqu'ils se modelaient sur eux ; et les Gaulois , en imitant autant qu'ils le pouvaient, les mœurs, les habitudes, la langue des vainqueurs, reniaient leur origine (4). Les Ger- mains qui vivaient sous la domination romaine, n'étaient pas plus attachés à leurs anciens usages; ils rivaUsaient de zèle pour (1) Cœsar de belL galL, lib. 1 , cap. 29. (2) Cœsar de beU. galL , lib. 1 , cap. 3 1 . (5) Caesar de belL galL , lib. 1 , cap. 48 - 53. (4) C'est ce qui est prouvé par une multitude de passages de César , de Suétone, de Dion, de Tacite. L'abbé Dubos, Hist. crit. de l'établissement de la monarchie française, liv. 1, chap. 1 , a rassemblé plusieurs faits relatifs à ce que nous avançons. Lui-même n'a pu dissimuler cette tendance ser- vile, quoiqu'il eût pris à tâche de justifier le caractère des Gaulois. 456 MÉxAIOIRE SUR L'USAGE DE LA LANGUE plaire aux vainqueurs et pour obtenir leurs faveurs ; ils s'em- pressaient de faire disparaître tout ce qui aurait pu faire re- connaître leurs liaisons avec les peuples non soumis, et cette lâche complaisance leur était souvent reprochée par les Ger- mains indépendans, libres et francs (i). Les nations moins asservies de la Germanie , celles mêmes qui n'appartenaient pointa l'empire, mais qui, sous le nom plus honorable d'alliés, n'étaient pas moins soumises aux vexations les plus intoléra- bles (2), comme les Bataves, présentaient le même spectacle; les personnes les plus distinguées, portaient des noms romains, occupaient des charges civiles ou militaires, et envoyaient leurs en fans à Rome pour j recevoir leur éducation; ils profitaient des connaissances acquises, de l'autorité que leur donnaient leurs places , pour les faire tourner contre les Romains mêmes lorsque l'occasion se présentait dans les révoltes assez fréquen- tes ; Arminius s'était long-temps montré dévoué aux vainqueurs; il avait adopté les mœurs romaines et obtenu non-seulement le droit de cité, mais aussi le rang de chevalier romain (3) ; c'étaient même ces honneurs , joints à l'illustration de sa nais- sance, qui lui firent naître l'idée et l'occasion de tramer en secret une conspiration soutenue avec tant de gloire, qu'il mérita (1) (( Infestius inUbiis, quos genus germanicse originis, ejuratâ patriâ, » Roraanorum nomine Agrippinenses vocarentur. » Tacit., lib. 4, Hist. cap. 28. (2) Civilis se plaint que les Bataves sont traités comme des esclaves. « Non » enim societatem ut olim, sed tanquam mancipia haberi. » Tacit., lib. 4, Hist. cap. \\. (5) « Assiduus militise nostrse prions cornes , et jam civitatis romanae jus )) equcstremque consecutus gradum. » Vellejus Paterculus, éd. de Juste Lipse,pag. 73. FLAMANDE OU WALLONNE. 45 7 de transmettre son nom à la postérité la plus reculée, soit par Je chant des Bardes, soit par l'éloge du plus célèbre des histo- toriens (i). Claudius Civilis, le chef de l'insurrection qui éclata sous le règne de Vitellius et de Vespasien, Batave de nation, était à la tête d'un détachement de l'armée romaine, et avait assez d'autorité pour prendre parti dans la rivalité de Vitellius et de son concurrent au trône (2)-, Julius Paulus, Claudius La- beo, qui ont figurés dans cette même guerre, étaient des Bataves qui, élevés chez les Romains, avaient adopté leur langue, leurs noms et leurs usages et occupaient des charges militaires (3). Bien long-temps après, et lorsque l'empire romain n'était plus qu'un vain fantôme quant aux parties occidentales de l'Europe, un des plus fameux chefs des Germains indépendans , après avoir conquis presque toutes les Gaules , Clovis, roi des Francs, se glorifiait du titre depatrice ou consul;, que lui avait accordé l'empereur de Constantinople (4)Anastase, bien moins puissant que lui. Tant était grande finfluence qu'exerçait encore sur les esprits l'ancien pouvoir des Romains! Quelle que fut l'abnégation servile des Gaulois, ils ne purent (1) Tacit. , Ann. , lib. 2 , cap. 88. (2) Tacit. , Hist. , lib. 4, cap. i3. (3) Tacit. , Hist., lib. 4, cap. i3 et 18. (4) «. Igitur Chlodoveclius ab Anastasio imperatore codicillos de consu— » latu accepit ». Grégoire de Tours, liv. 2, chap. 58. « Rébus ergo cunctis » ex sententia compositis Turonis iter Clodoveus dirigit , ubi dum sta- » tivorum gratia aliquantisper nioratus legalionem suscepit Anastasii, » principis constantinopolitani , munera epistolasque mittentis in quibus » yidelicet litteris hoc continebatur, quod complacuerit sibi et senatoribus >> eum esse amicum imperatorum , patriciunique romanum. )> Aimoin , liv. i,cliap. 22. 458 MÉMOIRE SUR L'USAGE DE LA LANGUE jamais se défaire de la contenance gênée de tous les imitateurs. Leurs efforts pour faire oublier leur origine étrangère n'empê- chaient pas que la langue latine ne dégénérât dans leur bouche, et ne perdit de ce qu'elle avait été. Cette de'pravation devint plus sensible à mesure que le pays fut plus exposé aux incur- sions des Barbares et que l'influence de la métropole diminua de jour en jour; elle fut à son comble lorsque le siège de l'em- pire fut transféré à Constantinople; que non-seulement les re- lations politiques cessèrent, mais que dans toutes les provinces la langue grecque succéda au latin, et devint la langue de la cour, des grands, de la législation et des correspondances of- ficielles. Il parait que les Aquitaniens furent ceux qui parlèrent la langue latine avec le plus de pureté, et Sulpice Sévère introduit dans un de ses dialogues (i) un interlocuteur qui s'excuse, comme Gaulois, de parler latin devant des habitans de l'Aqui- taine : la réponse de son interlocuteur , qu'il peut parler en celtique, ou s'il le préfère, en gaulois, prouve que le peuple avait conservé des restes de leur ancien idiome. Il est difficile de déterminer ce qu'il entend par celtique et gaulois, puisque ces deux noms désignaient la même chose; peut-être le gaulois était la langue que parlaient ceux qui affectaient de conserver la langue de leurs pères, ou les habitans des lieux peu fréquen- tés des Romains, qui n'avaient pas pris l'habitude du latin; le celtique, un jargon mêlé de latin et de gaulois, dont le bas peu- ple se servait habituellement, et que le même dialogue avait déjà mentionné comme vîer/TZO rusticus. Une distinction à peu (i) Dialog. 1. Cet auteur qui appartient au cinquième siècle, était lui-même Gaulois. FLAMANDE OU WALLONNE. 459 près semblable devait nécessairement se rencontrer dans toutes les provinces 5 partout la haute société, les fonctionnaires pu- blics, ceux qui avaient reçu leur éducation à Rome ou en Italie, parlaient le latin plus ou moins pur-, les campagnards isolés, les habitans des montagnes et des lieux écartés avaient con- servé la langue nationale, telle à peu près qu'elle avait existé avant la conquête ; le peuple des grandes villes, des places de garnison ou de commerce, des endroits les plus fréquentés avait mêlé le latin qu'on apprenait par la communication avec la classe la plus élevée, avec l'ancienne langue du pays, et à dé- faut de connaissance des deux langues il se formait unme'iange, un idiome rustique, un latin barbare, qui devait varier d'un pays à l'autre. Dans l'Aquitaine le latin rustique devint langue d'oc, langue romane, provençale et catalane; dans la Gaule celtique il produisit la langue d'oil et par suite le français; l'histoire de la langue dans la Belgique est entièrement in- connue. Ce n'était pas seulement dans les Gaules proprement dites, mais encore dans les provinces frontières, occupées par des peuples germains, que la langue latine était cultivée et en usage journalier. Trêves était la ville la plus considérable au nord des Alpes (i); elle était d'après la nouvelle division de l'empire, le siège du gouvernement de la seconde Germanique; désignée comme une seconde Rome (2), elle avait été pendant les guerres civiles qui déchiraient l'empire, la résidence, soit temporaire, (1) Quœ urbs transalpinarum genlium. maxima est. Zosimus, lib. 5, cap. 7. (2) Jacques Godefroy ad. 1. 11 Cod. Theodos. de medicis et professoribus , lib. i3, tit. 3. Tome III 60 46o MÉMOIRE SUR L'USAGE DE LA LANGUE soit permanente de plus d'un empereur (i). Non - seulement Trêves avait comme toutes les métropoles de la Gaule et de la Germanie, une école publique, mais celle de Trêves avait été élevée au dessus de toutes les autres par une constitution ex- presse des empereurs Valens, Gratien et Valentinien II, de l'année 876 (2); et on connaît une longue liste de rhéteurs, de poètes et d'auteurs d'ouvrages latins sortie de cette école. Les princes ou chefs germains abandonnèrent souvent leur lan- gue nationale et peu harmonieuse, pour adopter la langue la- tine, et le poète Fortunat fait l'éloge de deux petits -fils de Clovis, nommés Charibert et Chilpéric, tous deux rois des Francs, qui s'exprimaient avec facilité et même avec élégance en latin (3). Les Germains indépendans avaient leur langue tudesque, qu'ils ne quittaient que lorsqu'un séjour plus ou moins long dans les provinces romaines leur avait fait sentir les avantages de la civilisation et d'une langue qui se prétait à rendre toutes les idées; ils avaient des lois et des usages, qui ne se conservaient probablement que par tradition aussi long -temps qu'elles ré- gissaient des peuples entièrement dénués de toute communica- tion avec les Romains, mais qui étaient rédigées par écrit en latin, aussitôt que la nation avait appris à connaître la néces- sité d'une législation plus stable, et que les progrès des lumières leur eussent offert les moyens d'exprimer avec plus ou moins (1) Constantin le Grand y résida en 3i3, 3i4et3j6; Constantin le jeune en 339 ; Constant en 545 j Valentinien depuis l'an 367 jusqu'à Syô ; Gi'atien depuis 375 jusqu'à 38o. (2) C'est la loi 1 1 au Code Théodosien, de medicis et professoribus. (5) Fortunatus, lib. 6, carm. i,etlib. 9 carm. 1. FLAMANDE OU WALLONNE. 46 1 de clarté ce qu'ils n'avaient guère défini avant cette époque. La langue tudesque était générale au delà du Rhin, et les pays qui bordaient le côté gauche de ce fleuve durent se ressentir de cette proximité; le teuton pouvait devenir la langue générale des deux bords du Rhin; elle le devait être dans la Frise, où les Romains n'avaient jamais exercé un pouvoir absolu, et qu'ils avaient abandonnée depuis long-temps. Charlemagne, en reconnaissant la supériorité de la langue latine , dans laquelle seule il rendit toutes ses lois et fit rédiger les coutumes des pays les plus reculés de son empire, celles des Saxons, parlait lui-même le tudesque; son génie lui fit aper- cevoir les motifs, qui à la longue devaient introduire l'usage du latin dans tous ses états ; jaloux de fonder une monarchie nouvelle, désirant éterniser les conséquences de l'établissement de son empire, envieux peut-être de la gloire durable des Ro- mains, auxquels il voulait, se substituer, il entreprit de faire participer le tudesque aux avantages d'une langue policée; il fit arranger une grammaire tudesque, afin de donner plus d'uni- formité et de stabilité à la langue; il introduisit des noms nou- veaux composés de mots tudesques ; il fixa l'alphabet et l'écriture; il fonda des écoles; et s'il est absurde de lui attribuer l'inven- tion d'une langue, ce qui est une impossibilité absolue et démentie par les faits, il créa l'enseignement de la langue tudes- que, qui ne doit qu'à ses efforts de s'être élevée au dessus'd'un jargon obscur et inconnu (i). Toute la Germanie se latinisait insensiblement; partout, les lois, les histoires, les chroniques étaient écrites en latin ; c'était exclusivement la langue de tous ceux qui cultivaient les lettres ; c'était celle du clergé , et elle (i) Voyez surtout Eginhard in vita Caroli Magni» 60. 462 MÉMOIRE SUR L'USAGE DE LA LANGUE n'aurait pas manqué de faire disparaître la langue teutone ou tudesque, qui ne s'écrivait point (i), comme elle avait déjà élimine la langue aquitaine et celtique : Charlemagne en fon- dant des études, en fixant quelques idées de grammaire, en faisant adopter une méthode quelconque , préserva cette langue d'un oubli total et éternisa l'usage du teuton par la possibilité de s'en servir à tous les usages. Les nations d'origine germanique, qui ne s'étaient point déjà habituées à la langue latine, durent saisir avec empressement l'occasion qui se présentait de conserver leur ancien, langage ; ils profitèrent de la voie qui leur était indiquée, et régularisè- rent insensiblement ce qui peut-être jusqu'à cette époque si mémorable et si peu appréciée, n'avait été qu'un jargon; la langue latine se dénaturait de jour en jour et n'avait plus les avantages qu'elle aurait pu opposer avec succès à Fhabitude ; le teuton ou tudesque put se maintenir dans fAllemagne et dans les contrées les plus voisines sur la rive gauche du Rhin, dans lesquelles même il parvint à remplacer la langue latine dans l'usage journalier ; le clergé, seul en possession du peu d'ins- truction connu dans ces siècles de barbarie , savait partout le latin; mais il pouvait par motif de jalousie et pour soustraire aux laïques tout moyen de parvenir à des connaissances qu'il se réservait exclusivement, encourager le perfectionnement de la langue soit tudesque, soit rustique, pour que le latin , comme la langue sacrée des Égyptiens et des Hindous, demeurât réservé (i) Il n'existe guère d'ouvrage écrit en langue tudesque avant Charlemagne, à l'exception d'une version mésogotliique des évangiles, par l'évêque Ulplii- las : tous les monumens, dont on peut parler avec connaissance de cause, sont dépourvus d'inscriptions lisibles, ou portent des inscri]3tions latines. FLAMANDE OU WALLONNE. 465 aux seuls ecclésiastiques, lesquels avaient ainsi la clef de toutes les sciences et un moyen de communication hors de la portée du commun. Le succès répondit pleinement aux desseins de Cliarlemagne, et la langue tudesque se forma peu à peu -, mais ce qu'il n'avait pas pre'vu, fut que cette cause même contribua à la chute de l'empire qu'il avait fondé. Les peuples barbares qui s'emparè- rent des provinces romaines étaient essentiellement guerriers ; très-peu avancés dans la civilisation, ils ne faisaient aucun cas des arts et des sciences; ils méprisaient toutes les douceurs de la vie, qui leur étaient absolument inconnues; les Romains, et plus encore les habitans des pays conquis par les Romains et qui imitaient gauchement leurs manières, n'étaient à leurs yeux que des êtres avilis par la mollesse et à peine dignes de leur attention; ce mépris est attesté par tous les auteurs du temps, et confirmé par les lois de ces nations. A mesure cepen- dant qu'ils se fixaient dans les provinces ci-devant romaines, qu'ils apprenaient à goûter les avantages d'une existence tran- quille et paisible, qu'ils se formaient au luxe, aux arts d'agré- ment, aux sciences, ils perdaient de leur dureté originaire, et présentaient aux peuples qui suivaient leurs traces le même spectacle que leur avaient offert les Romains (i). Il s'établissait (i) Une preuve évidente que Cliarlemagne voulait prévenir la confusion deses sujets Francs avec les Germains, et qu'il tenait à ses anciennes habitudes comme signe distinctif, se trouve dans une anecdote que raconte de cet empe- reur Aventinus. « -Relinentissimus antiqui moris Carolus fuit, adeo quidem » ut visa Brascatorum tnrhâindignabundus exclamaverit : En liberos Fran- » cos qui eorum quos vicere vestimenta inaiispicato usurpant. Edixitigitur » ne amplius his vestibus uterentur. « Il voulait qu''on continuât jusqu'aux 464 MÉMOIRE SUR L'USAGE DE LA LANGUE une lutte entre la civilisation et la barbarie, qui devait se ter- miner en faveur des mœurs et des habitudes plus douces; cette lutte avait existé sourdement, depuis que les premières tribus germaines se fixèrent dans les Gaules jusqu'à ce que les incur- sions des Normands, des Hongrois et des Slaves cessèrent 5 mais la stabilité de la langue tudesque donna une forme plus visible, un signe distinctif à cette opposition. Jusqu'à ce temps les Ger- mains, à mesure qu'ils se civilisaient et se fixaient dans une des provinces romaines, abandonnaient peu à peu leur langue et adoptaient le latin soit pur ou rustique deshabitans; dès lors ils purent conserver leur langage tudesque, et la différence entre les Germains qui s'étaient défaits de leur férocité ou de leur grossièreté ancienne, et ceux qui les avaient conservées, se changea en différence de langue tudesque, langue d'oil ou langue d'oc. La civilisation s'étendit au delà du Rhin, mais la langue y demeura fixée, et ce fut un nouveau motif de divi- sion. Chariemagne mourut en 8i3 et transmit son empire, sans opposition comme sans partage, à son fds Louis le Débonnaire; mais à la mort de Louis, après un règne malheureux et faible, pas tout-à-fait trente ans après le décès de Chariemagne, la division éclata entre les peuples qui avaient obéi au grand monarque, et la différence de langue en devint le signal. Le serment de l'empereur Charles le Chauve, et de son frère Louis le Germanique, en 842, auquel se rattache déjà la grande lutte de TAllemagne contre l'Italie et la France, est en même temps anciennes modes d'habillement , afin de prévenir le triomphe de la civilisa- tion romaine, comme depuis, Pierre le Grand proscrivit l'ancien costujne russe pour introduire cette civilisation chez les Moscovites. FLAMANDE OU WALLONNE. 465 le premier monument de la séparation des langues d'origine tudesque et latine (i) : Louis se servit de la langue romane afin de se conformer aux usages des sujets de Charles, qui prê- tèrent leur serment dans cette même langue; Charles au con- traire et les sujets de Louis employèrent la langue tudesque. Il est vrai qu'en 84^ le partage ne fut point consommé et que Lothaire demeura en possession d'une partie de l'empire, dont ses frères ne purent s'emparer qu'après sa mort en 870 (2) ; il est vrai que tous les états de Charlemagne se trouvèrent depuis réunis, au moins en apparence et pour un moment, sous Charles le Chauve, sous Louis le Bègue et sous Charles le Gros; mais de fait la séparation était consommée, l'opposition existait, et elle s'est maintenue avec de petites variations jusqu'à ce jour. En remontant à cette division deTempire, on trouve des traces de la différence de langue déjà existante entre les parties de la ci-devant Gaule-Belgique ; Louis le Germanique eut dans sa part non-seulement tout ce qui est au nord et à l'ouest du Rhin, mais encore une partie du pays entre le Rhin et la Meuse, ainsi que des Ardennes; Charles le Chauve eut en partage la Cam- pine, le Cambresis, le Hainaut, le comté de Namur, la partie de l'évêché de Liège sur la rive droite de la Meuse, une partie du Brabant (3). Ceci n'est cependant qu'une conjecture , parce (i) Ce seraient, conservé par Nithard et autres auteurs contemporains, est très-connu et se trouve partout, entr'autres dans la Collection des Capi- tulaires, par Baluze, tom. 2 , col. 59 et suiv. (2) L'acte de ce partage a été publié entr'autres par Baluze, tora. 2, col. 221 et suiv. (3) Dewez, Histoire générale de la Belgique, quatrième époque, chap. 5, tom. 2 , pag. 59 et suiv. 466 MÉMOIRE SUR L^USAGE DE LA LANGUE qu'il est de fait que les pays échus à Charles, ne parlaient pas tous la langue d'oil ou une autre quelconque d'origine latine; une partie de la Frise lui avait été assignée, et quelqu'étendue qu'on veuille donner à cette dénomination, il est hors de doute que jamais on n'y a parlé une langue latine. D'ailleurs le traité de 870 ne parle aucunement de la Flandre, parce qu'il ne s'agis- sait que du partage de cette partie de l'empire, qui jusqu'à cette époque avait appartenu à Lothaire; les deux frères con- servèrent chacun ce qu'il avait obtenu à la mort de leur père Louis; Charlesavait eu la France, et la Flandre était comprise dans ce royaume, dont elle faisait partie tellement intégrante, qu'en 987 le comte de Flandre fut l'un des grands feudataires qui disposèrent de la couronne de France après la mort de Louis V (i), et que le traité conclu à Cambrai entre l'empereur Charles-Quint et le roi de France François 1er en 1629, contient la renonciation expresse de la part de ce dernier prince à la souveraineté sur la Flandre. Ce n'est donc ni la différence d'origine des habitans de la Gaule-Belgique du temps de son occupation par les Romains, ni les motifs qui ont fait dégénérer la langue latine, ni ceux qui ont fait adopter une langue d'origine tudesque à quelques (1) Il pai'aît que le comte de Flandre avait lui-niême des vues sur la cou- ronne de France , et que par ce motif il refusa l'hommage à Hugues Capet. Les historiens ne s'accordent pas sur le point de savoir si Hugues Capet con- traignit le comte de Flandre à la soumission; le décès de ce dernier dans l'année 988, et le mariage de sa veuve avec Robert, fils de Hugues Capet, son associé et son successeur à la couronne de France, rendent plus proba- ble, que cet hommage a été rendu depuis volontairement. Oudegherst, Annales de Flandre, chap. 33. FLAMANDE OU WALLONNE. 467 provinces sur la rive droite du Rhin , qui peuvent rendre raison du phénon\ène de la diversité de langue dans les provinces méridionales du royaume des Pays-Bas; d'après tout ce que nous savons des anciens Belges, et en accordant que leur langue fut la gauloise , la langue d'oil et par Suite le français ou wal- lon aurait dû être la langue universelle, ou s'il y avait eu quel- que diversité, la partie septentrionale et occidentale des Pays- Bas aurait du avoir une langue tudesque ; le français aurait dû prévaloir principalement dans la Flandre, occupée dans le principe par des Gaulois et depuis échue en partage aux rois de France. Comment se fait-il que cette province et une partie du Brabant quil'avoisine aient une langue d'origine teutonique? que le wallon soit au contraire la langue habituelle (i) du Hai- naut, du Namurois, du pays de Liège, d'une partie du Brabant et du Luxembourg, quoique ces pays soient interposés entre la Flandre et l'Allemagne? Aucun événement historique ne justifie d'une liaison plus intime de ces provinces entre elles ou avec la France, tandis que la Flandre y a été long-temps réunie : c'est toujours la même question qui se reproduit à toutes les épo- ques. Pour obvier à cette difficulté, l'abbé Dubos, après avoir in- diqué l'origine germanique de la plupart des Belges comme cause de l'usage général de la langue flamande dans une pro- vince qui avait si long-temps fait partie de la France, suppose comme cause secondaire de ce phénomène, la transplantation des milliers de Saxons, que Charlemagne aurait établis en Flan- (1) C^est surtout par rapport au comté de Hainaut que ce fait est prouvé par les pièces intéressantes que contient le mémoire de M. Raoux, couronné par Facadémie. Tome III. 61 468 MÉMOIRE SUR L'USAGE DE LA LANGUE dre, et qui y auraient fait triompher leur langue teutone(i). Il suppose que, de même que les autres parties de la Belgique, la Flandre aurait eu une langue wallonne, si cette colonie de Saxons ne se fût jointe aux anciens habitans germains, et n'eut formé une imposante majorité en faveur de la langue teutoni- que, qui par ce moyen serait devenue, ou plutôt demeure'e la langue du pays. Quelque séduisante que paraisse au premier coup d'œil cette explication, elle n'est rien moins que satisfai- sante. Déjà nous avons observé que ce n'est pas dans la Flandre qu'il faut chercher les peuplades germaniques fixées dans la Belgique, mais qu'au contraire les Gaulois habitaient les pays situés près de la mer, tandis que les Nerviens, Germains d'ori- gine, occupaient le Hainaut et d'autres parties du pays wallon, et que par conséquent si le système primitif de l'abbé Dubos était admis, il pourrait tout au plus justifier qu'on parlât wal- lon dans la Flandre, et flamand dans le Hainaut et le pays de Liège : mais ce qui seul suffirait pour détruire la prétendue influence de la transplantation des Saxons sur l'usage de la langue d'après l'ancienne origine des peuples de la Gaule-Bel- gique, c'est que depuis les guerres de Ce'sar dans cette partie de l'Europe et la description qu'il en a laissée, jusqu'aux guerres de Charlemagne contre les Saxons, il s'est écoulé bien au-delà de huit siècles, et que pendant un laps de temps aussi consi- dérable, l'histoire ne faitmention d'aucun événement particulier soit à la Flandre, soit aux provinces wallonnes, qui puisse motiver la différence de lansage. Ces huit siècles sont d'autant (i) Hist. cril. de l'établisseiTieTit de la Mon. Franc, dans les Gaules, liv. 6, chap. 5 , torn. 2 , pag. 452. FLAMANDE OU WALLOMNE. 469 plus intéressans sous ce rapport, que dans cet intervalle le latin a dégénère, que la langue romaine rustique s'est formée, que le gaulois a entièrement disparu ; dans cet intervalle aurait dû. se former ou du moins se préparer la séparation marquée, que l'arrivée des Saxons pouvait confirmer; dans cet intervalle nous, trouvons dans d'autres parties de l'Europe les traces du chan- gement, qui s'est manifesté depuis dans toutes les langues. Ensuite quelle était cette transplantation des Saxons? Était- ce l'établissement de quelques prisonniers de guerre ou de quelques turbulens chefs de parti, qu'on voulait éloigner du foyer des troubles, pour les fixer dans des pays lointains ? Était-ce une colonie de Saxons, que Charlemagne fit conduire sur les côtes de la mer du nord? Ou bien avait-il le projet de faire quitter aux habitans de la Saxe leur pays natal, pour le repeupler de nouveau? Il faut se fixer sur cette migration forcée avant de pouvoir en calculer les conséquences possibles ou pro- bables -, il faut examiner ce que Charlemagne a fait ou pu faire dans une circonstance aussi importante, pour juger de l'effet de cette migration sur les usages de la Flandre. On désignait au huitième siècle sous le nom de Saxe tous les pays situés au nord et à l'orient du Wéser, sans que les limites de ce pays à l'extrémité opposée aux frontières du territoire occupé par les Francs, fussent arrêtées. Les peuples qui habi- taient cette étendue considérable de terrain, lors même qu'on ne considère que la partie de l'Allemagne au nord de ce fleuve, n'étaient pas Nomades ; au contraire c'est à leurs demeures fixes qu'ils devaient leur nom générique (i); mais ces habitations (1) Nous avons dëjà observé cette dërivation du nom de Suisses. 61. 4:70 MÉMOIRE SUR L^USAGE DE LA LANGUE elles-mêmes n'étaient point contiguës ni importantes; de misé- rables huttes situées au milieu des terres occupe'es par chaque famille ser suaient d'abri à tous les individus qui la composaient avec leurs serviteurs, leurs animaux domestiques et le produit de leur industrie agricole, seules richesses qui leur fussent con- nues (i). La nation était plongée dans la barbarie et l'ignorance la plus profonde, livrée à la superstition la plus atroce; et quoique les Germains- Francs ne fussent pas très-avancés sous le rapport de la civilisation, une distance presque aussi mar- quée que celle des Romains à eux les séparait des Saxons. Ce qu'on nomme maintenant Allemagne avait été partagé entre deux grandes confédérations; l'une des peuples nomades, l'autre des hordes à demeure fixe; les premiers ou les Suèves occu- paient le midi depuis les frontières de l'Italie et des Gaules jusqu'à la foret Hercynienne; unis par une ligue offensive et défensive, ils étaient Germains ou Allemands; indépendans de la domination romaine, ils étaient Francs; ceux qui occupaient les pays adjacensà la ligne septentrionale, étaient Hermundures ou Marcomans, si ces pays étaient ouverts, ou Bourguignons (2), (1) Môser osnabruckische geschichte, secl. 2, « Colunt discreli ac diversi, » ut foiis, ut campus, ut nemus placuit. Vicos locant, non in nostruni )) morem, connexis et cohœrentibus œdificiis : suam quisque donium » spatio circunidat, sive adversus casus ignis remediura , sive inscitia œdifi- » candi. )) Tacitus, de mor. germ. , cap. 16. (2) Il est difficile de croire que les Bourguignons fussent tous maçons, charpentiers ou marëcliaux ferrans ; cependant des garnisons frontières , exposées à des incursions ennemies, comme nous croyons qu'étaient les Germains, que d'après cette destination on nommait Burghewoners , Bur- gundiones , pouvaient avoir des compagnies de travailleurs. Mais il faut être d'une crédulité à toute épreuve, povn* admettre sur la foi d'un mauvais jeu FLAMANDE OU WALLONNE. 471 s'ils étaient munis de forteresses; leurs communications avec les Romains leur avaient fait acquérir des notions plus étendues, quelques connaissances, surtout celles des agrémens de la vie sociale (i). Les Saxons et les Frisons qui occupaient les pays septentrionaux , étaient à peine connus des Romains ; ils ne com- mencent à paraître dans fhistoire (2) que lorsque l'empire d'Occident avait presque cessé d'exister ; ils n'eurent de contact avec les Francs que lorsque ceux-ci, après avoir conquis les Gaules entières, entreprirent de consolider leur domination en étendant leurs frontières à l'est, ou lorsque poussés par des nations plus éloignées, ils se virent contraints de chercher un asile dans la Germanie. Clotaire, Dagobert, Charles Martel et Pépin firent successi- vement la guerre aux Saxons; tantôt vainqueurs, tantôt vain- cus^ le sort des combats paraissait indécis entre les Francs et les habitans de la Saxe, lorsque Charlemagne entreprit de les réduire. Il porta la guerre au delà du Wéser et soumit bientôt tout le pays jusqu'à l'Elbe; mais connaissant à fond ce qu'il devait faire pour assujétir des peuples aussi inquiets, aussi peu habitués à l'obéissance et impatiens du joug , et en même temps, aussi ignorans et superstitieux (3), il réunit à la force de mots d'un poète , que la taille ordinaire des Bourguignons était de sept pieds; une telle observation n'est point dans la nature; s'il y eût eu quelque fondement à ce conte, aucun auteur n'aurait manqué de signaler une cir^ constance aussi extraordinaire et aussi frappante. (1) Môser osnabruckisclie geschiclite, sect. 1 et 5. (2) Tacite nomme la Frise et les Frisons; mais ni eux ni les Saxons ne jouent aucun rôle que bien long-temps après son temps. (3) Voyez le catalogue de ces superstitions (indiculus superstitionum ) , à la suite du capitulaire de Carloman del'an 745. . 472 MÉMOIRE SUR L'USAGE DE LA LANGUE des armes tout ce que la politique la plus habile pouvait sug- gérer. Il traita avec douceur toute la partie de la Saxe qui te- nait de près aux anciennes provinces de son royaume et qui était voisine du Wéser ; il fit au contraire peser tout le fardeau de la guerre sur les provinces qui avoisinaient l'Elbe, plus éloignées du centre de ses états, et dont la dévastation couvrait ses frontières nouvelles par un immense désert (i); il fit mar- cher de front, avec l'introduction d'un régime nouveau, celle du christianisme, dont le clergé lui était dévoué; il répandit des lumières anciennement inconnues, destinées à lui attacher tous ceux qui se prêtaient aux innovations. Cependant à peine d'au- tres soins eurent détourné son attention, et sur lout son armée, que les Saxons se soulevèrent en masse, secouèrent le joug des Francs, de la religion chrétienne et du gouvernement royal, et se portèrent à tous les excès ; Vitikind les guidait, et plus d'une campagne fut nécessaire avant que Charlemagne obtmt la possession de ce pays ; Vitikind ne fut pas à l'épreuve des ten- tations que lui offrit le monarque ; mais la Saxe fut traitée avec la plus grande dureté et régie avec un sceptre de fer; l'obéis- (i) Môser Osn. Gescli., sect, 33, 34. C'était l'ancien usage des Germains. « Civitatibus maxima laus est, quam latissiraas circum se vastatis finibus » solitudines liabere. » Caesar de bell. galL, lib. 6, cap. 23. On appelait cette frontière marh ou marca ; les soldats qu'on y établissait des marco- nians: leur chef marhbode (Maroboduus était le roi des Marcomans, Tacit. lib. 2 ann. , cap. 62 et 63) ou nuirlcgraf, marquis, en latin cornes limitaneus. Cette frontière était le rempart de la nation [heer-mund); c'était le terrain que décrit Tacite, lib. i3 ann. , cap. 54, sous le nom de ripœ, « agrosque » vacuos etmilitumusuisepositosoccupavere. » Les colonies militaii-es qui garnissaient les frontières étaient donc liinitanei , ripuarii, niarcomanni , hermundun et hurgundiones, sans qu'aucune de ces dénominations indiquât une nation séparée. FLAMANDE OU WALLONNE. 473 sance an souverain et le nonvean culte furent assurés par des lois sanguinaires et féroces (i), clans lesquelles on ne cesse de reconnaître le mélange le plus bizarre de fanatisme religieux et de cruauté; les officiers militaires et civils, de même que les prélats et les ministres des autels furent chargés de l'exécution de ces lois (2). La domination franque et la religion chrétienne marchaient de front; la révolte et le sacrilège étaient punis comme crimes de même nature; l'apostasie et une levée de boucliers contre le prince étaient absolument synonymes (3). Pour assurer l'exécution de ces lois, les réunions de la nation sans la permission des magistrats est interdite, l'autorité des comtes augmentée, et le clergé doté des dîmes, de nombreux paysans et serfs et d'une partie des terres; les sorciers, les de- vins, les idolâtres qui n'auraient pas renoncé aux anciennes superstitions, lui sont cédés en propriété, s'ils ne peuvent satis- faire à l'amende. Indépendamment de toutes ces mesures qui devaient assurer la sujétion de la Saxe à ses nouveaux conquérans, plusieurs auteurs prétendent que Charlemagne transplanta cette nation , (1) Le capitulaîre departibus Saxonice, qu'on rapporte à Fan 788, con- tient onze crimes difFéi^ens, tous passibles de la peine de mort, d'ailleurs si rare dans des lois de cette époque. (2) Capit. de parlibus Saxonisejcap. 34. (5) La peine de mort est staluée contre ceux qui conspirent contre le prince ou la religion, qui manquent à la fidélité envers le souverain, qui assas- sinent leur seigneur ou violent sa fille, qui incendient les églises, qui tuent les évêques ou prêtres, qui brûlent des sorciers, qui sacrifient des hommes au diable, qui réduisent en cendre des cadavres, qui refusent le baptême ou qui mangent de la viande pendant le carême. 47'i MÉMOIRE SUR L^USAGE DE LA LANGUE du moins en grande partie, dans l'intérieur de ses états, et qu'il appela en Saxe une population nouvelle : nous croyons pouvoir révoquer en doute une supposition aussi hardie, qui d'ailleurs n'est appuyée d'aucune preuve directe. Il est des annales du temps, qui ne font aucune mention de cette entreprise si extraordinaire (i)-, il en est d'autres qui parlent de la transpor- tation du tiers des hommes qui avaient porté les armes contre les Francs (2) ; personne n'a osé avancer que la nation entière ou une partie notable aurait été réduite en colonie. D'ailleurs si Charlemagne traita les Saxons avec la plus grande dureté (3), s'il n'était pas éloigné des mesures les plus gigantesques, il est presqu'impossible de se faire une idée d'un projet aussi vaste et aussi inexécutable. Dans les petites républiques de la Grèce ou de l'Italie on pouvait réduire en esclavage, déporter en masse et coloniser une cité de quelques milliers d'habitans; mais faire changer de domicile les habitans d'un pays aussi étendu, dont la population, même dans l'état de barbarie où se trouvait la Saxe du temps de Charlemagne, devait se monter à des millions d'hommes, est d'une impossibilité physique; toutes les forces du nouvel empereur n'auraient pas suffi pour contraindre cette multitude, et les traces d'un pareil événement sans autre exem- ple dans l'histoire, ne pourraient être équivoques. Il est indubitable que des Saxons furent établis dans d'autres parties de l'empire ; mais nous croyons que cette migration n'a été qu'individuelle. Il est de fait, que plusieurs des chefs Saxons, (1) Les annales d'Eginliart. (2) C'est ce que porlent les annales de Fulde. (3) Il snfnt de mentionner le massacre de 45oo prisonniers Saxons, que Charlemagne fit décapiter à Yerden sur l'Aller. FLAMANDE OU WALLONNE. 4.^5 et notamment le célèbre Vitikincl furent corrompus par des présens et des faveurs (i); il est plus que probable que l'em- pereur les aura éloignés de la Saxe, où ils pouvaient trop facile- ment donner des inquiétudes. Des prisonniers de guerre furent trop heureux d'être déportés avec leurs familles après l'exem- ple terrible que le monarque avait statué à Verden 5 ils recevaient l'exil comme une grâce. D'autres habitans furent également en- couragés à suivre cette voie, et une loi expresse statua que tout Saxon condamné à mort pourrait obtenir comme une faveur, la faculté de s'établir avec sa femme, ses enfans et tous ses biens dans une autre partie de l'empire ou sur les frontières; la commutation de peine emportait mort civile et déliait ainsi le déporté de tout ce qui l'attachait à son ancienne patrie (2). Cette loi à laquelle on n'a pas assez fait attention , prouve que la migration était individuelle, et qu'elle était considérée comme une grâce ; cependant la fréquence des cas où la peine de mort était statuée, fopiniâtreté des Saxons en faveur de leurs an- ciennes superstitions, leur amour pour l'indépendance, le zèle, l'ambition et fintérêt personnel des magistrats et du clergé (1) Môser Osn. Gesch., sect. 3, § 38. Aussi la chronique d^Albertus Scadius, ad ann. 886, parle de l'établissement en France et du mariage de « Widis- » cindus ex gerraaniaprofugus. )) (2) {( De malefactoribus , qui vitœ periculum dum arva Saxonum incur- » rere debent, placuit omnibus, ut qualiscumque ex ipsis ad regianipotesta- » tera confugium fecerit, aut in illius sit potestate, utrum interficiendum » illisreddat, aut una cum consensu eorum habeat licentiam ipsummale- » factorera cum uxore et familia et omnia sua foris peniam infra sua régna , » aut in marca, ubi sua fuerit voluntas collocare, et habeant ipsum quasi » mortuum. » Capit. Saxonum, ann. 797, cap. 10. Tome III. 62 476 MÉMOIRE SUR L'USAGE DE LA LANGUE devaient en rendre l'application extrêmement nombreuse, et la quantité des déportés peut avoir fait naître l'idée d'une migra- lion nationale. S'il n'est point prouvé que la nation saxonne ait été trans- plantée force'ment en tout ou en partie, s'il n'est pas même possible de reconnaître l'établissement d'une colonie de Saxons dans quelque autre partie de l'empire, si au contraire tout porte à croire que nombre de Saxons ont été obligés de s'ex- patrier isolément et individuellement, sans aucune loi et dis- position générale, mentionnées nulle part, il est également sans motif qu'on prétende que cette colonie saxonne aurait été con- duite dans la Flandre. Ce n'est que l'opinion individuelle de quelque auteur postérieur de beaucoup à cette époque, et tous les contemporains gardent le silence le plus profond sur la transmigration des Saxons, ainsi que sur le lieu où ont été éta- blis ceux qui abandonnaient leur patrie : des annalistes posté- rieurs, qui ont parlé d'une colonie de Saxons, la disent établie dans la Gaule-Belgique sur les bords de la mer (i), ce qui ne convient pas seulement à la Flandre, mais à une partie de la France et même de la Normandie. Il est d'ailleurs peu vraisem- blable que Charlemagne, déportant en masse une partie de la nation saxonne, connue par son goût pour la navigation et (1) « Saxones cum liberis el uxoribus traduxit in Galliam Belgicam, » Oceaui orâ ad incolendum eis data, jussoque eam tuLari Lyderico maris » pi-aefecto. » Meyerus, ann. Flandr. , ad ann. 783. Rec. des hist.de France, tom. 5,pag. 65. Cette histoire est non-seulement suspecte, parce qu'elle fait partie des contes sur Lyderic, forestier de Flandre, mais encore qu'elle dé- signe un pays comme Gaule-Belgique , nom qui depuis plus de sept siècles n'existait plus. FLAMANDE OU WALLONNE. 477 la piraterie (i), l'aurait établie le long de la mer, et facilité son retour dans la patrie ou exposé ses autres états à des brigan- dages continuels. Aussi peut-on rencontrer dans la Hollande quelques traces du séjour des Saxons, soit comme nation sépa- rée, soit individuellement; la Flandre n'a aucun souvenir de ce séjour. Mais admettons comme un fait que Charlemagne ait tiré de la Saxe une colonie pour la fixer en Flandre, cette supposition n'explique en rien pourquoi ce fief de la France a conservé ou adopté une langue inconnue ou oblitérée dans le reste du royaume. L'histoire prouve par plus d'un exemple que des co- lonies , quelque nombreuses qu'elles puissent être , quelque isolement qu'elles éprouvent , quelque favorables que soient les circonstances, ne conservent point la langue du pays dont elles sortent, mais que, conduites dans un pays qui n'est point en arrière sous le rapport de la civilisation (2), elles adoptent la langue de ce pays, et même ne l'altèrent pas visiblement. Un double exemple d'autant plus frappant qu'il est pris dans les nations mêmes dont nous nous occupons, à une époque peu distante, dans des provinces presque adjacentes, prouvera in- contestablement cette vérité. (1) Sidonius Apollinaris, lib. 8, epist. 6. (2) C'est pourquoi on ne peut nous opposer ni les colonies des anciens Phéniciens et des Grecs, ni celles des Européens dans les deux Indes ; c'étaient des peuples policés qui s'établissaient chez des Barbares, avec lesquels ils ne pouvaient s'identifier, qu'en leur donnant la langue , les moeurs, les usages des colons. Dans les deux Indes l'établissement des colonies européennes n'a été que trop souvent marqué par la destruction totale ou partielle des natifs. 62. 478 MÉMOIRE SUR L'USAGE DE LA LANGUE Dès les premiers temps que les Romains eurent connaissance de la Germanie, et que l'humeur belliqueuse, inquiète et chan- geante des habitans leur fat connue, ils soudoyèrent des nations ou peuplades, qui les assistaient contre d'autres Germains ou des Barbares venus de contrées plus lointaines ; souvent ces alUés perdaient leur ancien territoire, et venaient implorer un asile sur les terres de l'empire; d'autres fois ils se mettaient en possession des provinces qui, plus fertiles et plus riches que leurs anciennes demeures, étaient plus à leur gré, ou bien les Romains leur assignaient des terres incultes ou abandonnées, des frontières ou d'autres régions dans lesquelles ils croyaient utiliser des colonies militaires (i). Il paraît que dès le troisième siècle l'empereur Probus envoya une colonie de Saxons dans la Grande-Bretagne (2), et que, soit le même empereur, soit un autre en fixa une dans les Gaules, particulièrement dans l'Ar- morique, appelée depuis Neustrie et plus tard Normandie; du moins la notice des dignités de l'empire, faite sous le règne d'Honorius au commencement du cinquième siècle, mentionne la cote des Saxons dans le gouvernement de l'Armorique (3), (i) Les Romains avaient des colonies niilitairxîs dans l'intérieur de l'em- pire, qui ont peut-être suggéré l'idée de celles qui ont récemment été établies en Russie. Ils en avaient sur leurs frontières, dans les forts et les châteaux. Le Code Théodosien parle des Riparienses, Ripenses (les mêmes que les Ri- puaires), des Limitanei (Marcomanni, Hermunduri des Germains ), des Castriciani, Castellani, Burgarii (Burgundiones). V. le Comm. de Jacques Godefroy sur le Code Théodosien, Paratill. ad. lib. 7, tom. 2, pag. 247. Ces colonies étaient de préférence composées d'étrangers. L. 16, t. 4, de terris liraitaneis. (2) Zosimus in Probo. (3) « Sub dispositione viri speclabilis ducis Iractiis Arraoricani et Nervi- FLAMANDE OU WALLONNE. 479 et au nombre des troupes qui, vers le milieu du même siècle, marchèrent sous les ordres d'Aetius contre Attila, on trouve des Saxons, lesquels, à en juger par le rang qu'ils occupent dans la relation d'un auteur contemporain, ne peuvent être que ceux de l'Armorique (i). On retrouve ces mêmes Saxons plus décent vingt ans plus tard établis auprès de Bayeux (2), formant non- seulement une nation distincte et séparée, mais ayant conservé de leurs ancêtres plusieurs usages différens de ceux de leurs voisins, entr'autres la chevelure longue (3). Cependant jamais on n'a parlé une langue tudesque dans la Neustrie. A peine deux siècles et demi plus tard cette même Neustrie, qui souvent avait été infestée par des pirates et des brigands Normands ou Saxons (4), devint la propriété d'un des chefs les » cani, tribu nus cohorlis primse novae Armoricae, Grannona in littore )) Saxonico. » (1) <( His enim adfuere auxiliares Franci, Sarraalœ, Annoritiani, Li- 5) tiani, Burgundiones, Saxones, Riparioli, Briones. « Jornandes de rebiis geticis. (2) « Sed ille dolose super Saxones Bajocassi nos ruensmaximamparletn » inlerfecit. » Grégoire de Tours, lib. 5, cap. 27. Quelques auteurs placent des Saxons près d'Angers. Epitom. Gr. Tur.,cap. 12. Gesta Francorum, cap. 8 ; mais comme ces auteurs n'ont fait qu'abréger un passage de Grégoire de Tours, qui lui-même est obscur, nous n'alléguons point celte autorité. (3) Frédégonde appelant ces Saxons au secours des Bretons. « Bajocassinos » Saxones juxla ritum Britannorum tonsos atque cultu veslimenti compo- » sitos, in solatium Warochi abire prsecepit. » Grégoire de Tours, lib. 10, cap. 9. (4) Les Normands sont désignés comme puissance, avec laquelle les mo- narques négociaient dans le premier traité, apud Merinam, de l'an 847, art. 1 1 (Baluze, tom. 2 , col. 42), et dans le capitulaire de Charles le Chauve de 853, apud. Silvacum, art. 9 (Baluze, tom. 2, col. 66) j ces Normands 48o MËxMOIRE SUR L'USAGE DE LA LANGUE plus hardis de cette nation; Cliarles le Simple crut, en 917, de- voir acheter la paix et la tranquillité de ses états en cédant cette province à Rollon, chef, roi ou duc des Normands, auquel il donna de plus la main de sa fille. C'était bien alors qu'on pou- vait s'attendre à voir s'établir dans la Normandie une langue d'origine tudesque; les Francs, les Bourguignons, les Alains avaient parcouru l'Armorique comme les autres parties des Gaules et les avaient soumises; sur les côtes de la Normandie une peuplade saxonne avait été établie depuis long-temps et avait probablement conservé son ancien langage, comme ses autres habitudes; les incursions des Normands ne pouvaient manquer d'j entretenir cette langue familière à ces barbares, comme à un grand nombre des habitans; enfin une colonie de ce même peuple venait de prendre possession de la province en conquérans et maîtres; qui aurait pu douter du triomphe de leur langue ? Et cependant tout le contraire eut lieu. Non- seulement il n'existe aucun vestige d'une langue d'origine teu- tonique dans la Normandie ; mais il est reconnu que dans un intervalle assez court la langue d'oil, évidemment dérivée du latin, était tellement la langue journalière des Normands, que sous ce rapport ils ne différaient nullement du reste de la France septentrionale. Lorsqu'en 1066 Guillaume le Bâtard fit la con- paraissent avoir particulièrement infesté les côtes voisines de la Bretagne. On sait que Rouen fût brûlé par ces pirates en 845 ; Régnier remonta la Seine depuis son embouchure jusqu'à Paris en 845 ; les Normands contre lesquels Eudes défendit Paris en 885 et 886, avaient également occupé la Neustrie. Un capitulaire de Charles le Chauve de 877 (Baluze, tom. 2,pag. 257) parle des Normands établis ou campés sur les rives de la Seine (qui erant in Sequana) et dont on achetait la retraite. FLAMANDE OU WALLONNE. 48î quête de l'Angleterre (i), tous ses guerriers parlaient le français et prenaient indistinctement le nom de Normands ou de Fran- çais; un peu plus tard cette dernière dénomination leur resta seule (2). Le nouveau roi, trouvant établie la langue saxonne ou danoise, toutes deux teutoniques, en Angleterre, crut ne pouvoir mieux assurer sa dynastie, qu'en introduisant, tant par des voies de douceur que par la force de son autorité, l'usage du français (3). (1 ) La fierté nationale des Anglais n'a pas voulu reconnaître cette conquête, et supposant un droit éloigné de Guillaume a la couronne d'Angleterre, ils ont rapporté le titre de conquérant (ou comme disent les anciennes chroni- ques conquerour) au in ot conquêt usité en jurisprudence pour acquisition. Spelman , in Cod. Legg. , dans Honard, Anciennes Lois des Français, tom. 2, p. i83. Des auteurs plus éclairés se sont moqués de cette explication. Reeves, Hist. of the English Law, tom. 1, chap. 2, pag. 29. (2} Dans les Lois de Guillaume, art. 5i, 53, 54, 62, 68, 69, 70 et 71 , ils sont appelés Normanni , Franci ou Francigense j les lois de Henri P'^, succes- seur de Guillaume, sont intitulées : « Henricus, Dei gratiâ, rex Anglorum )) omnibus baronibus et fidelibus suis, PVancis et Anglis salutem. » Honard, Ane. Lois des Franc., tom. 2, pag. i53 et suiv. et Coutum. anglo-norm., tom. I , pag. 264. (5) « Et pueris in scholis principia literarum grammatica, gallice et non » anglice traderentur. — Nai^rant historiée, quod cum Willielmus dux )) Normannorum regnum Anglise conquisivisset , deliberavit quomodo » linguam saxon icam possit destruere et Angliam et Normanniam in idio- » mate concordare ; et ideo ordinavit quod nullus in curia régis placitaret » nisi in gallico, et iterum quod puer quilibet ponendus ad litteras addis- » ceret gallicam et per gallicam latinam, quse duo hodie observantur; » ut modus etiam scribendi anglicus omitteretur, et modus gallicus in » chartis et libris omnibus admitteretur. » Spelman apud Honard, Ane. Lois des Franc., tom. 2 , pag. ] gi. 482 MÉMOIRE SUR L'USAGE DE LA LANGUE Si la langue teutonique ne s'est point soutenue clans une partie de la Gaule, dans laquelle, dès le quatrième siècle, -des Saxons furent établis en nombre assez considérable pour don- ner leur nom à la côte qu'ils habitaient, où des Francs et d'au- tres peuples d'origine germanique ont vaincu les Romains et les Gaulois, où les Saxons ont fait nation à part au moins jus- qu'au sixième siècle, où les pirates de cette nation n'ont cessé de faire des incursions, où enfin des Normands se sont fixés comme vainqueurs et conquérans; si au contraire la langue d'origine latine y a tellement prévalu qu'au onzième siècle, cent cinquante ans après la conquête des Normands, les habi- tans étaient appelés Français et ne parlaient que le français; qu'ils introduisirent même cette langue dans un pays où le saxon formait la base du langage, comment pourrait-on admet- tre qu'une colonie de ce même peuple, rédxiite en captivité par le vainqueur, ait pu fixer en Flandre une langue tudesque? Il faudrait rejeter tout raisonnement par analogie pour recon- naître la justesse d'une pareille conséquence. La langue et les usages de la France ont exercé une influence très-puissante sur la langue et les usages des Pays-Bas en gé- néral; dans quelques provinces on a dès les temps les plus reculés adopté la langue d'oil, dont le patois wallon est évi- demment dérivé; dans les provinces qui se servent du flamand, du hollandais, du frison ou de tout autre dialecte ou idiome d'origine tudesque, cette influence est surtout visible en ce que les caractères alphabétiques ne sont et n'ont jamais été ceux en usage dans toute l'Allemagne, et qu'au contraire tous les Pays-Bas, sans aucune exception, se servent exclusivement des caractères italiques. Cette observation mérite d'autant plus une FLAMANDE OU WALLONNE. 485 attention spéciale, que toutes les langues d'origine tudesque, comme l'allemand proprement dit dans toutes ses variétés, le danois, le suédois, le norwégien s'écrivent avec des caractères particuliers, tandis que l'anglais et le hollandais ou flamand suivent ceux qui sont adoptés en France, en Italie, en Espagne et en Portugal. Dans les premiers temps de la société, lorsque les relations de nation à nation ou entre les individus de différentes nations étaient moins fréquentes et moins bien établies, chaque peuple avait non-seulement une langue séparée, mais chacune de ces langues avait une écriture distincte. L'alphabet des Égyptiens n'était point celui des Hébreux ; l'écriture grecque différait de la romaine; et indépendamment des autres difficultés qui s'op- posaient au libre échange des idées, celle de devoir apprendre une langue étrangère était augmentée par celle de devoir com- mencer par étudier un nouvel alphabet. Les Germains, ainsi que nous l'avons déjà observé, et quoi qu'en puissent dire quel- ques auteurs (i), avaient une écriture; il est possible qu'elle n'ait point été portée à quelque degré de perfection; nous n'avons que des données très-vagues sur le caractère qu'ils em- ployaient; presque tous leurs ouvrages, s'ils en avaient d'écrits, se sont perdus et probablement ne valaient pas la conservation; mais il est moralement impossible qu'une nation aussi grande et aussi étendue, qui, quoique barbare en comparaison des Ro- mains, avait néanmoins fait des progrès dans la civihsation, eut ignoré absolument un art aussi nécessaire; le témoignage de César est irrécusable (2), et si Tacite paraît dire le contraire, (1) V. la Germanie de Tacite, traduite par Panckoucke, cliap. 5, not. 9. (2) Cœsar de belL gall., lib. 1, cap. 1 , et 29, lib. 6, cap. i4, Tome 111. 63 4S4 MÉMOIRE SUR L'USAGE DE LA LANGUE il parle de la grande majorité et non de la totalité de la na- tion (j). Il est même plus d'une raison de croire que les carac- tères germaniques étaient ressemblans à ceux dont on se sert encore actuellement en Allemagne; les alphabets anglo-saxon et mésogothique s'en rapprochent assez, et il y a une similitude frappante entre l'écriture allemande actuelle et celle des Grecs, qui peut rendre raison de ce que les auteurs anciens attribuent aux Gaulois et Germains des caractères grecs (2). Ce n'est point ici le lieu d'examiner si cette différence des caractères alphabétiques, quoique nuisible au développement et à l'échange mutuel des idées, n'a point de véritables avan- tages, et si la facilité apparente de pouvoir lire et écrire les mots d'une langue étrangère n'est point compensée par la dif- ficulté d'attacher des significations différentes aux mêmes signes; le fait n'en est pas moins indubitable. Certainement le Romain qui, pour lire les auteurs grecs, devait apprendre à connaître falphabet grec, avait à vaincre cet obstacle, mais il n'avait pas (1) « Literaruni sécréta viri pariter ac feminse ignorant. « De nior. Germ,, cap. 19. M. Raepsaet, Orig. des Belges et Gaulois, liv. 1, n° i4, prétend que ce passage signifie que les Germains ignoraient le comnaerce épistolaire, et qu'en bon latin literamm est toujours pris pour epistolarum. Il est cepen- dant une foule de passages de Cicéron qui prouvent le contraire. Ernesti in clavi ciceroniana au mot literœ. Peut-être Tacite n'a-t-il entendu par lltera- rimx sécréta que les connaissances ou la lltlératui^e en général, ce qu'on ap- pelle les belles-lettres. (2) « In castris Helvetiorum labulœ repertœ sunt literis grœcis confectœ. » Cœsar de bell. gall. lib. i, cap. 29. « In reliquis fere rébus, publicis priva- » tisque ralionibus, grœcis utuntur literis. » Id. lib. 6, caj). i4. « Monuraen- » laque et tumulos quosdam grœcis literis inscriptos in conlinio Germanise » Rliacliœque adliuc exislere. » Tacit. de mor. Gcrm., cap. 5. FLAMANDE OU WALLONNE. 485 à craindre que l'habitude de prononcer telle lettre d'une ma- nière déterminée lui fît faire une faute de prononciation dans la langue étrangère, il n'avait pas à se rappeler sans cesse que la voyelle ou la consonne qu'il voyait devant ses yeux exprimait un son différent de celui qu'il avait coutume d'y attacher; dès qu'il savait lire et écrire il était sur que toute la Grèce comprendrait ce qu'il aurait dit ou écrit. Il existe dans chaque langue des prononciations inconnues dans toute autre, et qu'il faut cependant, lorsqu'on n'a point de caractères divers, exprimer par les mêmes signes ; il est impossible de rendre en français le son du ^^ anglais, du x espagnol, du c/z allemand, du g" hollandais, quoique toutes ces langues n'aient qu'un seul et même alphabet; le caprice a donné d^ailleurs aux mêmes lettres des significations différentes dans chaque langue, et il faut connaître la prononciation exacte de chacune d'elles pour savoir que chi en français , sci en italien , schi en allemand et she en anglais expriment absolument le même son. A mesure que les nations se sont rapprochées par le besoin mutuel de la civilisation , la différence des écritures a sensible- ment diminué (i); l'écriture des Romains s'est introduite dans tous les pays où le latin a formé la base de la langue, comme en Italie, en Espagne, en Portugal, et dans toute la France, sans aucune distinction des pays de langue d'oc ou d'oil; l'écri- ture des Germains s'est conservée dans presque toutes les con- trées où la langue tudesque a prévalu , et si l'anglais , quoiqu'é- (i) La plus grande partie des peuples orientaux se servent du caractère arabe pour écrire leurs langues. 63. 486 MÉMOIRE SUR L'USAGE DE LA LANGUE videmment d'origine teu tonique s'écrit en caractères italiques, il est facile de rendre raison de ce phénomène (i) en consul- tant l'histoire. L'Angleterre, anciennement peuplée de Gaulois celtiques ou Lelgiques (2), était devenue province romaine, et suivait en tout les usages des vainqueurs, lorsqu'elle fut successivement sac- cagée et occupée par les Scots et les Pietés, les Saxons, les An- gles, les Frisons, les Danois, tous ayant une origine commune avec les Germains : ce pays avait souffert plus que les autres, et les habitans latinisés étaient tombés au dessous de ce qu'é- taient ceux des provinces continentales de l'empire; les plaintes des Bretons à Aetius prouvent et leur position malheureuse, et leur désespoir affreux , et en même temps une lâcheté, une bassesse peu communes (3)- Les Romains avaient abandonné la Grande Bretagne vers le milieu du cinquième siècle -, il est probable que tous leurs cliens, tous ceux qui avaient affiché leurs mœurs suivirent cet exemple, et que ceux qui ne pou- vaient trouver leur salut dans la fuite, périrent victimes de leur esprit d'imitation , ou ne firent aucune difticulté de reprendre les anciens usages; du moins les lois anglo-saxonnes ne nom- ment pas les Romains, dont le nom se retrouve à chaque article (1) Il paraît que les langues d'origine slave ou esclavonne oui suivi la même marche ; le russe a conservé ses anciens caractères ; la grande influence tant de la cour de Rome que de la France a fait adopter aux Polonais les caractères italiques; les relations conli unes avec l'Autriche et l'empire ger- manique ont au contraire introduit les caractères allemands en Hongrie et en Bohême. (2) Cœsar de bell. gall., lib. 5, cap. 12. (3) Beda, Hist. Eccles., lib. j,cap. i3. FLAMANDE OU WALLONNE. 48; des lois saliqaes, ripuaire, gombette, visigothe ou bavaroise; les habitans du pays, autres que les conquérans barbares, sont désignés dans ces lois sous le nom de Wallons, c'est-à-dire Gaulois (i), La prétendue histoire qui se trouve dans ce qu'on donne pour les lois d'Edouard le Confesseur ou de Guillaume le Conquérant, ne mérite pas une réfutation sérieuse (2). Les Anglo-Saxons établis dans la Grande Bretagne, avaient- une écriture qui leur était particulière et qui est encore connue; cette écriture était peut-être celle de tous les Germains, ou du moins elle était modelée sur un type commun à tous les ca- ractères usités dans le petit nombre d'écrits de ces peuples barbares ; les invasions des Danois, leur occupation tantôt d'une partie de la Grande Bretagne, tantôt de File entière, ne pou- vaient apporter aucun changement dans la manière d'écrire qui devait leur être commune, si ces hordes sauvages culti- vaient cet art indispensable aux nations policées; et jusqu'à Guillaume le Conquérant, les caractères anglo-saxons étaient les seuls usités dans l'Angleterre. Soit que les Normands, qui vin- rent se fixer en Neustrie sous leur chef Rollon, plus occupés de brigandage que de littérature, ignorassent absolument l'art (1) « Wallus censum peiidat 120 solidos. » Legg. Jnœ, cap. 28. V. aussi cap. 24, 32, 46, 54, 74. Plus tard et à compter du règne d'Alfred, on trouve dans les lois des rois, soit saxons, soit danois, la distinction des An- glais, des Merciens, des Danois; mais il n'est plus question de Gaulois ou de Wallons, qui, à l'exception de ceux qui occupaient le pays de Galles et la Cornouaille , avaient disparu ou s'étaient amalgamés avec les vainqueurs. (2) Leges boni régis Edovardi quas confirmavit Guillelmus, à la suite du chap. 35. Ces lois ont été publiées par Welkius, par Honard et par Can- ciani. 488 MÉMOIRE SUR L^USAGE DE LA LANGUE d'écrire, soit qu'en adoptant les usages et la langue du pays qui leur avait été cédé, ils eussent également abandonné leur ancien alphabet, Guillaume et ses sujets ne connaissaient que les caractères italiques, et un des premiers soins du conquérant, qui désirait faire passer en Angleterre les coutumes de son pays et opérer une fusion complète des divers peuples soumis à sa domination, fut de prohiber l'usage de l'écriture saxonne (i). Le français et le latin furent les seules langues admises à la cour comme au barreau; dans toutes les chartes et pièces au- thentiques, dans les assemblées de la nation comme dans toutes les circonstances solennelles, ces langues remplacèrent l'anglo- saxon; et la langue nationale, qui ne fut autorisée de nouveau qu'après plusieurs siècles, (2), avait déjà pris une tournure et adopté une écriture différente de ce qu'elle avait été dans le principe. Le clergé d'ailleurs qui, en Angleterre comme dans toute l'Europe, avait conservé le peu de connaissances répan- dues dans ce temps de barbarie, était habitué à la langue latine et favorisait les caractères italiques. Dans les Pays-Bas, nul doute que la langue teutonique ne s'écrivît anciennement comme dans tous les autres pays de l'empire germanique; l'empereur Charlemagne, le grand pro- (i) ({ Ordinavit ut modus etiam scribendi anglicus omitteretur, » et modus gallicus in chartis et in libris omnibus admitteretur. » Spelman, Cod. Legg. ap. Honard, Anciennes Lois des Français, tom. 2, pag. 194. (2) Jusqu'à ce jour les formules dont se sert le parlement anglais sont en français; les plaidoiries ont continué dans cette langue j usqn au quatorzième siècle. Reeves, Hist. of the English law, cliap. 17 et 28, tom. 5, pag. 96 et 425. Beaucoup de lermes teclmiques de la procédure anglaise doivent leur origine à cet usage. FLAMANDE OU WALLONNE. 489 tectenr des lettres germaniques, celui auquel on a même voulu attribuer l'invention et l'introduction des caractères allemands, résidait habituellement, ou à Nimègue dans la Gueldre, ou à Aix-la-Chapelle sur les frontières de la Belgique-, toute sa fa- mille avait habité ces provinces, et le village de Herstal, dont son père Pépin porte le nom, est dans l'évéché de Liège; Louis le Débonnaire (i) a daté une grande partie de ses lois du grand duché de Luxembourg (â). Il serait donc assez peu probable que l'écriture de la langue du pays eut été différente de celle qui était usitée et protégée par la cour et les grands de fempire : seulement il ne nous reste de ces temps éloignés que des pièces écrites en latin et par conséquent en caractères italiques. Sans aucune disposition législative, sans aucun événement dont l'histoire fasse mention, la seule force des choses^ la grande influence de la France, de la langue, des usages, de la littéra- ture de ce royaume a fait prévaloir dans tous les Pays-Bas cette écriture, même dans les provinces où la langue tudesque est demeure'e en vigueur. L'établissement des Lombards dans les villes maritimes, le commerce que depuis long-temps les Pays-Bas et surtout la Flandre entretenaient avec le midi de l'Europe pouvaient contribuer à cette introduction; mais de même (i) Louis le Débonnaire résidait à Aix-la-Chapelle, où il tint un concile en 816, un autre concile d'abbés en 817, et un parlement ou de grands plaids de la nation en 819, comme le prouvent les capitulaires de ces années. Baluse, vol. 1, pag. 555 — 598. Il y tint de nouveaux plaids en SSy. Baluse , ib. pag. 685. (2) Un oapitulaire de 821, ap. Baluse, tom. 1, pag. 621 , prouve que Louis le Débonnaire avait tenu les plaids de la nation en 820 à Tliionville ( apud Theodonis villara). C'est encore de Thionville qu'est daté un capitulaire de Chai-les le Chauve, ap. Baluse, tom. 2, pag. 7. 490 MÉMOIRE SUR L'USAGE DE LA LANGUE qu'il est impossible de méconnaître les effets prépondérans de la littérature française sur celle de la Hollande et de la Flandre dès les premiers temps des écrivains flamands, de même que tous les anciens poètes flamands reconnaissent avoir rendu en leur langue des ouvrages de goût ou de science , écrits en fran- çais, de même aussi cette influence a déterminé l'écriture hol- landaise et flamande. La Frise avait été long-temps un pays très-indépendant; les Frisons aimaient leur liberté avec enthousiasme et n'obéissaient que très-imparfaitement aux empereurs ; la charte des immu- nités de la Frise qu'on a souvent attribuée à Charlemagne (i), n'est à la vérité qu'une fausseté reconnue 5 mais il n'en est pas moins vrai que la Frise avait une république , sous la protec- tion de l'empire, qui se soutint assez long-temps, et qui ne se perdit que pour avoir choisi ses chefs dans des maisons souve- raines, dont les états étaient trop près de son territoire pour ne point prêter un appui facile aux usurpations : il n'est donc pas étonnant que les anciens Frisons aient, pendant un temps assez considérable, conservé une écriture qui leur était propre. Cette écriture quoique modelée sur le même type que celle des Allemands, en diffère cependant sous plus d'un rapport, et peut servir de nouvelle preuve, que Charlemagne n'a fait que remettre en honneur et encourager un genre d'écriture connu des Allemands ou Germains, qui commençait à tomber en (1) Chartes et placards de Frise , recueillis par le baron de Schwar Isenberg, et Holielandsberg , vol. 1, pag. 44. Chartes de Hollande par Van Mieris, vol. 1, pag. 8. Ce diplôme a été reconnu non-seulement par des auteurs frisons et hollandais, mais beaucoup d'autres auteurs l'ont allégué, quoiqu'il soit delà fausseté la plus évidente. FLAMANDE OU WALLONNE. 491 désuétude. Cependant la Frise a, comme toutes les autres pro- vinces des Pays-Bas, succombé à cette influence française, et insensiblement les Frisons, quelque tenaces qu'ils aient toujours été de leurs anciens usages , ont adopté les caractères italiques ; quoiqu'il soit difficile d'en déterminer l'époque précise, l'alpha- bet frison a disparu lorsque les relations de cette province avec les évêques d'Utrecht, les comtes et ducs deGueldre et les au- tres seigneurs de ces contrées, sont devenues plus étroites. L'Ost-Frise tombée au pouvoir de quelques princes allemands, a suivi toute l'Allemagne. En résumant toutes nos observations, nous croyons pouvoir établir, que l'influence de la langue et de la littérature française sur celle de toutes les provinces des Pays-Bas a été très-mar- quée et suffisante pour faire adopter dans quelques-unes le langage wallon, qui est évidemment d'origine latine ou fran- çaise, et dans les autres, pour faire substituer à l'alphabet allemand les caractères italiques ; que la différence de langage du pays wallon et flamand ne remonte point à l'époque de la conquête des Gaules par les Romains ; que la transplantation des Saxons par Charlemagne ne motive point cette diversité , et qu'il n'y a aucun fait historique qui puisse expliquer ce phénomène bizarre, que probablement le hasard seul a fait naître. FIN. Tome III. 64 MÉMOIRE SUR les lois des naissances et de la mortalité a bruxelles. Par m. a. QUETELET. 64. l%i%l%l%illtlli«l\IIJVinkJ^ /%!%!% \l\l||%j%lll%J%|%|%/V%IV«l%i%/%l%(\IV%l«J%/\l%/V«l^ MEMOIRE SUR LES LOIS DES NAISSANCES ET DE LA ^MORTALITÉ A BRUXELLES. I. L'introduction de sociétés d'assurances sur la vie, dans nos provinces, et le désir de voir se consolider parmi nous ces établissemens qui peuvent devenir si utiles quand ils sont diri- gés dans de louables intentions, nous ont porté à faire des recherches sur les lois de la mortalité et à examiner en même temps ce qui concerne les lois des naissances. Les seules tables de mortalité connues pour notre royaume, sont celles que Kersehoom a dressées pour les rentiers viagers de la Hollande : mais, comme on Ta fort bien observé, la position de ces indi- vidus ne peut guères être assimilée à celle des hommes, pris dans l'état ordinaire de la société; et, par là même, ces tables deviennent moins propres à déduire des conclusions sur la vé- ritable marche de la nature. Les élémens des tables que nous proposons, ont été puisés dans les registres de la ville de 496 MÉMOIRE SUR LES NAISSANCES Bruxelles (i). La concordance que nous avons généralement trouvée entre les résultats particuliers et les résultats généraux semble être un garant de leur exactitude. 2. Nous commencerons par ce qui concerne les naissances; nous examinerons quels sont les mois de l'année les plus pro- pres à la réproduction , et nous chercherons en même temps s'il est possible de déterminer à cet égard quelque loi de la nature; nous examinerons ensuite les variations auxquelles est assujétie la mortalité dans le cours de l'année; et enfin nous déduirons des tables de mortalité pour les hommes et pour les femmes, différens résultats qui pourront offrir quelqu'intérêt, surtout en ce qui a rapport aux sociétés d'assurances. 3. En suivant attentivement la marche régulière de la nature dans le développement des plantes et des animaux, l'analogie nous autorise à croire que l'influence de ses lois doit s'étendre jusque sur l'espèce humaine. On pourrait cependant s'égarer en ne consultant que l'analogie et en négligeant de soumettre à un calcul rigoureux les élémens qui caractérisent ces lois et qui sont à notre disposition. C'est en comptant les naissances à chaque époque de l'année, qu'on peut espérer au bout d'un certain temps de parvenir à un résultat qui s'éloigne peu de la vérité; c'est aussi la marche que nous avons suivie pour les dix-huit années qui viennent de s'écouler. Nous n'en avons pu employer un plus grand nombre sans nous exposer à des er- reurs, à cause du désordre qui régnait dans les registres de l'état civil avant cette époque. (1) J'ai été aidé dans cette partie pénible de mon travail par M. Morren, l'un de mes élèves, qui a eu la constance de faire la plupart des extraits dont j'avais besoin. ET LA MORTALITE. 497 Or , en prenant pour unite*"ou pour terme moyen , le douzième du nombre des naissances qui ont eu lieu pendant ces années, nous sommes parvenu à former le tableau suivant, dans lequel nous avons aussi indiqué les époques des conceptions, en sup- posant le temps moyen de la grossesse de neuf mois et en re- gardant ses dangers comme étant constamment les mêmes. ÉPOQUES DES NAISSANjCES. EPOQUES DES CONCEPTIONS. RÉSULTATS. Janvier. , Avril. i,o4o3. Février. Mai. 1,1570. Mars. Juin. 1,0991. AvriL Juillet. 1,0790. Mai. Août. 0,9893. Juin. Septembre. 0,9559. Juillet. Octobre. 0,9012. Août. Novembre. 0,9033. Septembre. Décembre. 0,9401. Octobre. Janvier. 0;9492- Novembre. Février. 0.9679- Décembre. Mars. 1,0175. Il résulterait donc de ce tableau que l'époque la plus favo- rable à la conception aurait lieu au mois de mai, tandis que l'époque la plus défavorable se trouverait vers la fin d'octobre. Le rapport entre les nombres des conceptions qui se font à ces époques serait d'environ 5 à 4- La régularité de ces résultats n'est pas moins remarquable que la singulière coïncidence des époques que nous venons d'indiquer, avec celles de Tannée où tout ce qui nous entoure, semble également prendre un nou- veau degré de force et de vie, ou bien languir pendant quelques instans pour se ranimer encore. 498 MÉMOIRE SUR LES NAISSANCES Des recherches à peu près semblables ont été présentées par Je docteur Baily à l'Académie des Sciences de Paris (le i4 février 1825). Dans ce mémoire, dont on ne connaît encore que des extraits, l'auteur est parvenu à des résultats assez irréguliers et qui paraissent peu conformes à la marche simple de la na- ture. Il attribue ces écarts à différens motifs particuliers, qui peuvent être plus ou moins bien fondés : c'est ce qu'une plus longue observation pourra seule nous apprendre. Ces recher- ches intéressantes se rattachent de trop près à la connaissance physiologique de l'homme, pour ne pas être suivies par le na- turaliste avec tout le soin qu'elles méritent. 4. Quand on veut se représenter géométriquement la loi des naissances comme celle de la mortalité, on trouve une courbe transcendante qui ressemble beaucoup à la sinusoïde. On pour- rait lui donner pour équation : y = « + Z> sinx. Il faudrait prendre, pour abscisses, les différentes époques de l'année; et l'ordonnée représenterait le nombre des naissances à ces épo- ques. La quantité constante a est le nombre moyen des nais- sances que nous avons pris pour unité dans notre tableau, et l'autre constante b est la différence entre cette valeur moyenne a et le nombre maximum ou minimwn des naissances. Or, quand on replie le plan de la courbe de manière à for- mer un cylindre sur lequel l'axe des abscisses s'enroule circu- lairement, tous les points de la sinusoïde vont se placer sur une ellipse. Cela posé, si l'on a égard à la loi que suit l'accrois- sement des populations, on pourra se représenter la succession des générations par une succession de bandes de papier qui, étant enroulées, forment un cylindre droit, ayant pour bases d'une part un cercle et de l'autre une ellipse : chaque tour fi- ET LA MORTALITÉ. 499 gurerait la révolution d'une année. Ces bandes présenteraient d'autant plus de surface et les sinusoïdes d'autant plus d'étendue qu'on s'éloignerait davantage de l'axe du cylindre ; on conçoit cependant que cet accroissement aurait des limites et que l'épais- seur du rouleau aurait un certain terme dans sa croissance, à peu près comme l'arbre de nos forets : ce terme pourrait dépendre de différentes circonstances et surtout de l'e'tendue de terrain que doit couvrir la population. On pourrait porter cette comparaison beaucoup plus loin , et y trouver de nouveaux points de rappro- chemens qui n'offriraient pas moins d'intérêt pour l'observateur. 5. Nous venons d'examiner la loi des naissances aux diverses époques de l'année, cherchons maintenant la loi de la mortalité aux mêmes époques. Ici nous avons été contraint d'avoir égard aux résultats de l'épouvantable catastrophe de Waterloo qui, par sa proximité des murs de Bruxelles, a contribué à déran- ger l'ordre ordinaire de la mortalité et s'est fait ressentir en- core iong-temps après. Nous avons donc négligé quatre années, à partir de i8i5; et, en employant dix-sept années d'observa- tion, nous avons dressé le tableau suivant. Nous avons ici, comme précédemment, pris pour unité le nombre moyen des décès ; et nous avons aussi eu égard à l'inégale longueur des mois. Sur les dix-sept années d'observation, six ont été prises à partir de 1824, et les autres sont celles qui ont précédé la bataille de Waterloo (i). (1) Un fait à remarquer, c'est que pendant que les lois de la mortalité étaient interverties de cette manière, celles des naissances ne subissaient pas la moindre altération, ce qui prouve que la mortalité n^a été augmentée que par la présence des étrangères qui sont morts à Bruxelles, et non par des maladies contagieuses. Tojne III. 65 5oo MÉMOIRE SUR LES NAISSANCES ÉPOQUES DES DÉCÈS. RÉSXJLTATS. Janvier. 1,1724. Février. 1,1096. Mars. 1,1001. Avril. 1,0684. Mai. 0,9955. Juin. 0,9164. Juillet. 0,0057. Août. 0^8439. Septembre. 0,8843. Octobre. 0,9564. Novembre. 0,975 r. De'cembre. 1.1719- On voit qu'ici les termes maximum et minimum sont encore plus fortement prononcés que' dans le tableau des naissances, puisque leur rapport approché est d'environ trois à deux. 6. Une autre observation qui ne peut échapper, à l'inspection des deux tableaux, c'est que le nombre des naissances est le moins grand lorsque le nombre des décès est également le moins fort : ce qui s'accorde très-bien avec la remarque de Malthus, que le nombre des naissances augmente lorsqu'il s'est fait un vide dans la population, même à la suite de fléaux destructeurs. On pourrait croire que cette coïncidence tient à ce que la mor- talité, qui est très-grande parmi les enfans, croit en raison des naissances : nous nous sommes assuré, du moins pour les an- nées que nous avons employées, qu'il n'existe point de diffé- rence sensible pour les différens mois. ET LA MORTALITE. 5oi Il résulte donc de ce qui précède, que la loi dès naissances pendant l'année, est à peu près la même que celle des décès, et que de plus leurs variations coïncident à Bruxelles, et sui- vent, par un nouveau rapprochement assez singulier, à peu près les variations du thermomètre, mais prises dans un sens opposé : c'est-à-dire qu'à l'époque où le nombre des degrés de l'échelle thermométrique est le plus fort, le nombre des nais- sances et des décès est le plus faible; et réciproquement que ce dernier nombre est plus fort quand le premier devient plus faible. D'où l'on est naturellement en droit de conclure que les froids de l'hiver, dans nos climats, sont moins favorables que les chaleurs de l'été. y. Après avoir examiné les inégalités auxquelles est assu- jétie la mortalité pendant le cours d'une année, passons à l'examen des lois d'après lesquelles les générations s'éteignent à Bruxelles. Les tables que nous présentons, ont été dressées séparément pour les hommes et pour les femmes ; nous avons conservé les nombres tels que nous les avons obtenus, sans nous permettre d'y faire aucune correction. La régularité qu'on y remarquera sans doute, devra inspirer quelque confiance, si, d'une autre part, elles ne sont pas basées sur plus de six années d'observation. Nous avons pris soin de comparer les résultats généraux aux différens résultats particuliers, et nous avons constamment trouvé le plus grand accord ; excepté pour l'année 1824? où la mortalité a été plus grande parmi les enfans, que pour les autres années. 65. 5o2 MEMOIRE SUR LES NAISSANCES LOI DE LA IVIORT ALITÉ. LOI DE LA POPULATION . AGES. IIOMaiES. FEMMES. TOTAL. HOMMES. FEMMES. TOTAL. O 7418 6843 I4261 213207 2214.79 434686 I 5674 5536 II2IO 205789 21 4636 420425 2 5o23 4942 99^5 2O0Il5 209100 409215 3 4654 4614 9268 195092 2041 58 399250 4 4431 4409 8840 190438 199544 389982 5 4304 4225 8529 186007 195x35 38x142 6 4194 4209 84o3 181703 190910 372613 7 4x38 4137 8275 177509 186701 3642 I 0 8 4089 4100 8x89 I7337I 182564 355935 9 4061 4069 8i3o 169282 178464 347746 lO 4026 4o38 8064 l6522I 174395 339616 II 4007 4017 8024 161 195 170357 33x552 12 3990 3991 7981 I57I88 166340 323528 i3 3968 3967 7535 153198 162349 3x5547 i4 3951 3939 7890 149230 158382 307612 i5 3936 391 1 7847 145279 154443 299722 i6 3908 3890 7798 141343 i5o532 29x875 17 3886 386 1 7747 137435 146642 284077 18 386 1 384i 7702 I 33549 142781 276330 19 3822 38oi 7623 129688 I 38940 268628 20 3779 3768 7547 125866 i35i39 261005 21 3712 3723 7435 122087 i3i37i 253458 22 3643 3676 7319 118375 I 27648 246023 23 3579 3619 7198 114732 123972 238704 24 353o 355 1 7081 iiii53 i2o353 23i5o6 25 3455 3482 6937 107623 116802 224425 26 3384 3432 68x6 104168 ii332o 2 I 7488 27 3324 3367 6691 I 00784 109888 210672 28 3274 33i8 6692 97460 io652i 203981 29 32x9 3279 6498 94x86 io32o3 197389 3o 3170 3242 6412 90967 999^4 I 00891 3i 3X20 3x8o 63o6 87797 96682 184479 32 3090 3x42 6232 84671 93502 178173 33 3o3i 3i 12 6143 8i58i 90360 17x941 H 2982 3 060 6042 78550 87248 165798 . ET LA MORTALITÉ. -So^ LOI DE LA MORTALITÉ. LOI DE LA POPULATION. IGES. HOMMES. FEMMES. TOTAL. HOMMES. FEMMES. TOTAL. 35 2940 3ooi 5941 75568 84188 159756 36 2893 2954 5847 72628 81 187 i538i5 37 2838 2899 5737 69735 78233 147968 38 2795 2846 564 1 66897 75334 x4223l 39 2744 2787 553 1 64102 72488 I 36590 40 2687 2742 5429 6i358 69701 i3io59 41 2623 2683 53o6 58671 €6959 i2563o 42 2569 2639 5208 56048 64276 I20324 43 25o5 2597 5l02 53479 61637 ii5ii6 44 2458 2547 5oo5 50974 59040 II 001 4 45 2384 2494 4878 485 16 56493 10 5009 46 2328 2427 4755 461 32 53999 iooi3i 47 2271 2386 4657 43804 51572 97376 48 2219 233o 4549 4i533 49186 90719 49 2159 2277 4436 39314 46856 86170 5o 2093 2240 4333 37155 44579 81734 5i 20l5 2174 4189 35062 42339 77401 52 1969 21 36 41 o5 33o47 4oi65 73212 53 1920 2084 4oo4 31078 38029 69107 54 1868 2037 3905 29158 35945 65io3 55 I80I 1989 ' 3790 27290 33908 611 98 56 1735 1949 3684 25489 31919 57408 57 1680 1888 3568 23754 29970 53724 58, 1640 i836 3476' 22074 28082 5oi56 59 1590 1787 3377 20434 26246 46680 60 i549 1738 3287 18844 24459 433o3 61 1445 1666 3iii 17295 22721 4ooi6 62 i4o4 1620 3024 i585o 2io55 36905 63 1329 1557 2886 14446 19435 33881 64 1259 1476 2735 i3ii7 17878 30995 65 1188 1407 2595 II 858 16402 28260 66 1117 1342 2459 10670 Ï4995 25665 67 io4i 1285 2326 9553 i3653 23206 68 978 1219 2197 85i2 12368 20880 5oi MEMOIRE SUR LES NAISSANCES LOI DE LA MORTALITÉ. LOI DE LA POPULATION. AGES. HOMMES. FEMMES. TOTAL. HOMMES. FEMMES. TOTAL. % 917 Il52 2069 7534 II 149 i8683 70 844 1096 1940 6617 9997 16614 71 770 993 1763 5773 890 ï 14674 72 700 929 1629 5oo3 7908 12911 73 612 858 1470 43o3 6979 II 282 74 553 792 1345 3691 6121 9812 75 479 714 II93 3i38 5329 8467 76 4i5 652 1067 2659 461 5 7274 77 366 600 966 2244 3963 6207 78 3i8 522 840 1878 3363 5241 79 283 465 748 i56o 2841 44oi 80 256 402 658 1277 2376 3653 81 2oq 344 553 1021 Ï974 2995 82 173 3o6 479 812 i63o 2442 83 145 273 418 639 l324 1963 84 124 219 343 494 io5i 1545 85 98 186 284 370 832 1202 86 82 i56 238 272 646 918 87 62 118 180 190 490 680 88 42 93 i35 128 372 5oo B9 3o 66 96 86 279 365 90 21 55 76 56 2l3 269 91 4 44 58 35 i58 193 92 7 3o 37 21 ii4 i35 95 6 20 26 14 84 98 94 3 18 21 8 64 72 95 2 i5 . ï7 5 46 5i 96 2 i3 i5 3 3i 34 97 I 8 9 I 18 19 98 5 5 10 10 99 2 2 5 5 100 I I 3 3 101 I I 2 2 102 ^y'k 1 I I ■ î ET LA MORTALITÉ. 5o5. 8. En substituant aux nombres , des figures qui peignent , pour ainsi dire, la loi de la mortalité, on trouve des lignes qui ne s'écartent pas sensiblement de celles qu'on a construites dans plusieurs autres pays. Elles s'abaissent d'abord assez for- tement jusque vers quatre ou cinq ans, pour devenir à peu près horizontales ensuite ; et vers dix-huit à vingt ans, ces courbes s'abaissent de nouveau et s'écartent peu de la ligne droite, jusque vers l'âge de quatre-vingts ans où elles prennent une pente moins rapide, en se terminant. La courbe de mor- talité pour les femmes, d'abord moins élevée que pour les hommes, finit par s'en rapprocher vers l'âge de six à sept ans; puis elle se confond à peu près avec elle, et ne s'en détache que vers fâge de vingt-un ans : à partir de cette époque elle lui reste constamment supérieure sans cependant s'en écarter beau- coup. Il résulte de ce qui précède qu'on pourrait sans trop s'éloigner de la vérité, admettre Thypothèse de Moivre , et n'établir qu'une seule progression depuis fâge de vingt-deux ans jusqu'à celui de quatre-vingts. 9. Quoiqu'à Bruxelles la mortalité soit assez grande parmi les enfans, elle est cependant bien loin d'égaler celle de la plu- part des autres grandes villes. Si Ton cherche en effet quelle y est la vie probable, c'est-à-dire le nombre d'années après lequel la probabilité d^exister et celle de ne pas exister sont les mêmes, on trouve pour ce terme, à compter de la naissance, qu'à Paris il tombe entre huit et neuf ans ; à Londres, un peu avant trois ans 5 à Vienne , un peu avant deux ; un peu après à Berlin ; tandisque, d'après nos tables, ce terme tomberait vers vingt-un ans pour les garçons, entre vingt-six et vingt- sept ans pour les filles, et après vingt-trois ans quand on ne fait aucune distinc- tion des sexes. « La table de V annuaire, moyenne pour toute 5o6 MÉMOIRE SUR LES NAISSANCES la France, le place entre vingt et vingt-un ans-, celle cVAngle- terre, entre vingt-sept et vingt-huit ans 5 celle de Brandebourg, entre vingt-cinq et vingt-six ; celle de Suisse, à quarante-un ans. » Cette prodigieuse différence entre les campagnes et la ville, ne saurait être attribuée qu'aux suites de l'extrême misère, à la malpropreté, au resserrement des demeures et à l'insalubrité qui en est la conséquence dans les capitales : à Montpellier, ville dont la population est d'environ trente-deux mille indivi- dus, et dont on regarde le séjour comme très-sain, le terme dont il s'agit n'est cependant placé que vers six ans. » {Lacroix, Calcul des Prohabilités ). Cette grande disproportion ne peut- elle pas tenir encore à cette loi de la nature, dont nous avons parlé précédemment, qui permet d'autant moins à une popu- lation de se multiplier que le terrain qu'elle couvre, est déjà plus peuplé ? Nous ignorons les moyens qu'elle emploie pour parvenir à ses fins; nous ne savons si le principe destructeur se trouve dans l'air même que nous respirons ; mais, à en juger par les effets, il en est de nous à peu près comme des arbres d'une forêt, qu'on ne saurait multiplier au delà de certaines limites, dépendantes de la surface du sol qui les nourrit. Il est à remarquer d'ailleurs que la mortalité la plus grande atteint surtout les enfans au moment où ils entrent dans la vie, car pendant les deux premiers mois qui suivent leur naissance, il en meurt presqu'autant que pendant le reste de l'année; et c'est surtout sur le premier mois que porte l'excès de cette diffé- rence. Voici ce que nous avons obtenu en cherchant le nombre des enfans morts pendant les quatre premiers mois qui ont suivi leur naissance, io44, 390, sSi, i85 : et pour les huit derniers mois de l'année, i56, i56, 162, 162, i4o, i53, i42, i4o. ET LA MORTALITÉ. 607 De sorte que c'est aux portes mêmes de la vie que les généra- tions se trouvent pour ainsi dire décimées. Nous pensons aussi que c'est sur les premiers mois principalement que doit se tour- ner l'attention des observateurs, s'ils veulent surprendre quel- ques nouveaux secrets à la nature dans sa manière de distribuer la mortalité. 10. Dans l'espace de six années, il est né à Bruxelles vingt mille neuf cent et soixante-quinze enfans; trois mille cinquante- un sont morts pendant la première année et mille quarante- quatre dès le premier mois; de sorte que le vingtième, à peu près exactement, a été moissonné dès le premier mois; et plus du septième après la première année. La probabilité de mourir, le premier mois, était donc à peu près un vingtième, pour chacun d'eux avant sa naissance, et un septième, pour l'année; en divisant le nombre des chances favorables à l'événement at- tendu par le nombre total de chances. On est convenu de calculer cette probabilité d'une manière un peu différente, mais beaucoup plus expéditive, quand on a des tables de mortalité. En effet, on conçoit, comme le fai- sait Halley, que les quatorze mille deux cent soixante et un individus, par exemple, dont nous avons marqué les époques des décès étaient nés en même temps et qu'ils se sont ensuite éteints successivement comme l'indique notre tableau; de sorte qu'à l'âge de i ans, il n'en restait plus que onze mille deux cent et dix. Mais alors les résultats diffèrent un peu de ceux que nous avons obtenus précédemment; cela tient à ce que l'on sup- pose d'après la seconde méthode, une population stationnaire, tandis qu'à Bruxelles, elle est croissante. Tome III, 6Q 5o8 MEMOIRE SUR LES NAISSANCES ir. Si l'état de la population à Bruxelles était stationnaire, on pourrait déduire des tables de mortalité le nombre d'indivi- dus de chaque âge qui s'y trouvent; et en suivant les méthodes connues, on trouverait soixante-douze mille quatre cent et qua- rante-huit âmes. Mais notre hypothèse n'étant point conforme à la vérité, il faudra tenir compte du rapport des naissances aux décès, pour trouver la valeur approchée de la population; je dis valeur approchée, parceque nous ignorons quelles va- riations a subies ce rapport. En comparant les naissances aux décès, pendant les années qui ont précédé l'établissement du gouvernement actuel, on trouve qu'il a beaucoup augmenté dans un espace de temps assez court, ce qui montre qu'il faut augmenter le nombre précédent. On peut tirer de là une autre conclusion, c'est que les dépenses considérables qui ont été faites par la régence pour l'embellissement de Bruxelles, ont eu en- core un autre effet que celui qui concernait l'agrément de la ville, puisque l'air y est devenu plus sain et la mortalité moins grande. La table, intitulée Z/oi de la Population ^ suppose une popu- lation totale de 434686 personnes, comprenant stiSao^y hom- mes et 221479 femmes : elle sert à indiquer combien il y a de personnes parmi elles qui ont un âge donné. Veut-on savoir, par exemple, combien il y a d'hommes ou de femmes qui ont 26 ans ou plus, on trouve 217488 dont 11 3320 femmes et io4i 68 hommes; c'est-à-dire que tia population se partage en deux parties à peu près égales, l'une ayant moins de 26 ans et l'autre, un peu plus forte, ayant 26 ans ou plus. 12. On pourra encore déduire de la même table, le rapport entre le nombre total des hommes et celui des femmes, dont ET LA MORTALITÉ. 509 la population se compose; on trouve en effet 213207 et 221479, rapport qui est d'environ 26 à 27; c'est-à-dire que le nombre des femmes y surpasse seulement de ^ le nombre des hommes. Il ne faut pas confondre ce rapport avec celui des naissances masculines aux naissances féminines ; car, au contraire, comme on sait, ilnait moins de femmes que d'hommes; mais les fem- mes, vivant généralement plus long-temps, doivent accroître considérablement cette partie de la population. i3. Revenons maintenant aux applications du calcul des probabihtés, dans l'hypothèse d'une population stationriaire. Nous avons vu que pour l'enfant naissant, la vie probable avait pour valeur moyenne 28 ans : à l'âge de 5 ans, la vie probable est à son maximum : elle est de plus de 44 '^^^ pour les gar- çons , et de plus de 47, pour les filles : quand on ne fait aucune distinction de sexes, elle est d'environ 45 ans et demi. A l'âge de 3o ans, la vie probable est encore de 32 ans ; à l'âge de 5o, de 18, et à l'âge de 70, d'environ 7 ans. 14. A l'âge de 4o ans, la vie probable est à Paris, de plus de 21 ans (i); en France, terme moyen, 23 ans; à Londres 18; à Vienne plus de 19; à Berlin de même; en Suisse, près de 25. A Bruxelles, la vie probable à la même époque est d'environ 23 ans pour les hommes; de près de 26, pour les femmes, et d'environ 24 , quand on ne fait point de distinction de sexes. i5. Selon Price, la probabilité de parvenir à 80 ans est de fj dans le pays de Vaud, ^ en Brandebourg, ^ à Breslaw, (1) Voyez le calcul des prol)abilités par Lacroix^ à qui nous empruntons la plupart des données dont nous nous sommes servi. Voyez aussi le grand ouvrage de M. le marquis Delaplace. 6Q. 5 10 MÉMOIRE SUR LES NAISSANCES ^ à Berlin, -^ à Londres, ^ à Vienne. A Bruxelles, nous trou- vons que cette même probabilité a pour valeur ^ pour les hommes, -^ pour les femmes et ^ quand on ne fait point dis- tinction de sexes. i6. Enfin si l'on regarde comme mesure de la /o/z^eVz^^'^ l'âge de 90 ans , la table de \ annuaire donne pour la France o,oo38 ; celle de Londres, 0,0020; celle devienne 0,0020; celle de Ber- lin 0,0042, et celle de Suisse, o,oo5o. Celle de Bruxelles don- nera 0,00283 pour les hommes; o,oo8o4 pour les femmes; et o,oo554 pour les deux sexes. La probabilité pour une femme d'atteindre l'âge de 100 ans serait de ^'— • ly. Passons maintenant à l'emploi que l'on peut faire des tables précédentes, dans les spéculations des sociétés d'assu- rances. Comme à Bruxelles la probabilité de mourir est moins grande, pendant la jeunesse, que dans la plupart des autres villes, le prix des assurances y sera aussi moins grand, puis- qu'il doit être proportionné aux dangers que l'on court. Au contraire, le prix deviendra plus grand pour les personnes qui auront déjà atteint un certain âge. De sorte qu'en se servant de nos tables, le tarif sera en général plus avantageux pour les assurés en bas âge que pour ceux qui ont dépassé vingt ans. Voici un tableau qui présente le taux de la prime annuelle d'une assurance de 100 fl. effectuée pour un an, La première colonne est calculée d'après la table de Duvïllard, qui se trouve dans \annuaire du bureau des longitudes. Elle est employée par la compagnie d'assurances générales sur la vie de Paris; elle a été employée aussi par celle qui vient de s'établir à Bruxelles, sous le même nom. La seconde colonne est calculée d'après les tables de Kersehoom et les dernières d'après les nôtres. ET LA MORTALITÉ. Su Taux de la prime annuelle de loo fl. effectuée pour un an. AGE D'APRÈS D'x\PRÈS POUR POUR MOYENNE del'assuké. DUVILLARD. KEESEEOOM. LES HOMMES. LES FEMMES. VALEUR. o 23, 25 19,65 23, 5i 19, 10 21,39 I 12,47 4,45 îi>47 10,73 11,10 2 7,02 4; 19 7,35 6,63 7,00 3 4,16 3, 60 4,79 4,44 4,62 lO 0'77 I, 01 0;47 0,52 0, 5o 20 1,18 I, 10 1.78 1,19 I, 5o 3o 1,55 1,69 1,39 1,9^ 1,69 40 1,89 1.49 2,38 2, i5 2, 26 5o 2, 60 2,37 3,73 2; 95 3,32 60 4, 3o 3,40 6,71 4,<4 5,36 70 8, i5 5,71 8,77 9,40 9,^3 Les résultats donnés par nos tables, s'accordent généralement beaucoup mieux avec ceux indiqués par le tarif de la compa- gnie d'assurances de Paris^ que les résultats qu'on obtient par les tables de Kersehoom. Les petites inégalités qu'on j trouve tiennent, comme on l'a observé généralement (i), à la manière dont se font les déclarations de décès : les personnes qui les in- diquent, ou les savent mal, ou ne donnent que le nombre rond le plus approchant : aussi on trouve souvent 60 ans où il aurait fallu 69 ou 5S. 0r, comme ce sont justement les sortes de nom- bres qui comportent le plus d'erreur, que nous avons employés pour faire la table précédente, c'est sur eux aussi que retom- bent les plus grandes inégalités. Nous ne nous sommes permis (1) Voyez Lacroix^ Traité élém. des Probabilités. 5i2 MÉMOIRE SUR LES NAISSANCES aucune correction à nos résultats, afin qu'on puisse un jour les comparer à d'autres faits également à Bruxelles , ou bien les étendre à un nombre d'années plus grand. Quand on voudra donc se servir de nos tables pour les calculs des assurances, il sera bon de les corriger, en régularisant les différences, comme l'a fait Saint Cjran , pour les tables de Dupré de St. Maur ; et M. de Montférant , pour celles de Duvillard, qu'on trouve dans Vannuaire du bureau des longitudes : il sera bon aussi d'exprimer tous les nombres en parties d'un nombre rond tel qu'un million , par exemple , comme on le fait ordinairement. FIN. EXTRAITS DES OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES FAITIÎS A BRUXELLES, DEPUIS LE I" JUILLET 1822 JUSQU'AU 3i DÉCEMBRE 1824, Par m. J. KICKX. LU DANS LA SEANCE DU 28 FEVRIER l825. %m/vi/\/%v^;vv&/^vv\/v%/iivv%<&ivvv^/^u^'ivv^'^v&r%;v%i^viia%jvvi/v%if^ EXTRAITS DES OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES, DEPUIS LE 1^^ JUILLET 1822 JUSQU'AU 31 DÉCEMBRE 1824. v^ES observations ont été faites dans la partie moyenne de la ville, à environ vingt-six mètres d'élévation au dessus du niveau ordinaire des eaux du canal, et régulièrement cinq fois par jour , à six et à dix heures du matin, à deux, à six et à dix heures du soir, sur des baromètres à fioles, à larges tubes, parfaite- ment gradués, et sur des thermomètres à mercure, divisés en 8o degrés, placés à l'ombre, au nord, à l'abri de toute réflexion des rayons solaires et. élevés à deux mètres au dessus du sol. L'humidité de l'air a été mesurée au moyen d'hygromètres à tuyaux de plume remplis de mercure, surmontés de tubes de verre, placés sur des échelles de cent degrés ; et pour con- naître les rumbs des vents, on les a suivis sur une rose dont la position a été exactement détermine'e par la boussole. A la suite des observations de chaque mois, j'ai cru devoir indiquer les événemens météorologiques qui ont eu lieu en Tome III. 67 5i6 EXTRAITS DES OBSERVATIONS d'autres endroits du royaume et dans les pays étrangers, tels qu'ils sont rapportés par les journaux. Bien que ces événemens ne paraissent avoir le plus souvent aucun rapport avec ce qui se passe dans notre atmosphère, ils ne présentent pas moins un ensemble de faits qui pourra servir, par la suite, de base à quelques principes de météorologie, science qui intéresse émi- nemment la généralité des hommes, et qui laisse encore tant à désirer. ANNÉE 1822. JUILLET. La plus grande élévation du baromètre pendant ce mois a été de 28 pouces et deux lignes, le i, le 2, le 8 et le 9. Sa moindre élévation a été de 27 p. 8 lign. , le 12. La plus grande dilatation du thermomètre a été de 18 de- grés 7 au dessus de zéro, le 4 et le 18 du mois, et sa moindre dilatation, le 3i, de 10 degrés au dessus du point delà glace. Le vent sud-ouest a dominé pendant 16 jours : il a varié pendant les autres entre sud, sud-est, ouest, nord-ouest et nord- nord-ouest. Nous avons essuyé deux ouragans, Pun dans l'après-midi du 5, l'autre dans celui du 19. Cinq orages ont éclaté : le premier dans la nuit du onze au douze, le second dans Faprès-midi du 21, le troisième dans la soirée du 2.6 y le quatrième dans l'après-midi du 28, et le der- nier dans celui du 3o. MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 517 Le temps a été couvert pendant quatorze jours : des dix-sept jours restans il y en eut neuf de pluie et huit de temps clair. EXTRAITS DES JOURNAUX. Une lettre du Bengale, datée du 4 de ce mois, annonce que la Gange a débordé : les dégâts sont immenses , toutes les ré- coltes d'indigo ravagées. On porte en outre à cent mille le nom- bre des victimes de ce désastre. Le 20 , le Vésuve lança beaucoup de lave et de fumée. Le même jour il y eut un orage violent à Mariakerke et Lovendegliem (Flandre orientale). La foudre y est tombée, a tué un enfant et frappé un autre au point qu'il resta entière- ment perclus. Le 2.S à minuit, on a ressenti un tremblement de terre dans plusieurs quartiers de Madrid. AOUT. Le plus grand point d'élévation du baromètre a été de 28 p. 3 lign., le 17 et le 18; sa moindre élévation de 27 p. lolign., le 29 du mois. Le thermomètre à sa plus grande dilatation marquait le 21, vingt degrés et demi; et à sa moindre dilatation, le 3, neuf degrés. Lèvent sud-ouest a soufflé pendant dix-sept jours; il a varié pendant le reste du mois entre ouest, nord-ouest, nord-^-ouest, nord, et nord-est-^-nord. Point d'ouragans ni de vent fort, mais trois orages, savoir le 2, le 12, et le i5. 67. 5i8 EXTRAITS DES OBSERVATIONS Nous avons eu g jours de pluie, 9 de temps couvert, 121 de temps clair et un seul jour de temps serein. Le 19 un brouil- lard très-épais s'est maintenu jusqu'à dix heures du matin. EXTRAITS DES JOURNAUX. Le Vésuve qui avait déjà commencé à vomir de la lave, le 20 du mois précédent, a lancé de nouveau, le cinq août, par un petit cratère vis-à-vis Ottajano, des flammes, de la lave, des cendres et des pierres : cette éruption a duré jusqu'au 12. Le 24 dès la pointe du jour on vit reparaître les flammes : elles s'élevaient alors par le cratère ordinaire. Le 1 3 de ce mois la ville d'Alep , en S jrie , essuya a dix heu- res du soir un tremblement de terre épouvantable : les secous- ses continuèrent par intervalles plus ou moins rapprochés et duraient encore le 3o septembre ; les secousses les plus fortes, au nombre de 43, se firent sentir à 60 lieues à la ronde. On porte à 3o,ooo le nombre des morts : celui des blessés est im- mense. Il ne reste pas une seule maison debout; on ne passe la ville que sur des décombres. La même catastrophe s'est étendue sur plusieurs villes et villages des pachalics d'Alep et de Tripoli, entr'autres à Laodicée et Antioche. Près de cette dernière ville la terre s'ouvrit et vomit des flammes et des laves ; à Alexandrette une eau noirâtre sortit du sein de la terre en telle abondance qu'elle inonda le peu de maisons qui avaient résisté au tremblement. Dans le voisinage de l'île de Chypre deux rochers sont sortis tout à coup du fond de la mer au mo- ment de la secousse. Toute la Syrie est dévastée. MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 5.19 SEPTEMBRE. Le baromètre à son plus haut degré d'élévation , pendant ce mois, indiquait le 10 et le 19, 28 p. 2 lign. |, et 27 p. 5 lign. 7 5 le 5 , à sa moindre hauteur. La plus grande élévation du thermomètre a été de 18 de- grés 7 au dessus de zéro, le 6; et sa moindre élévation de 5 degrés au dessus de zéro, le 28 et le 29. Le vent du nord a dominé pendant i4 jours : il a varié pen- dant le reste du mois entre nord, nord-est, nord-est-^-nord, ouest, et sud-ouest. Nous n'avons eu ni ouragan, ni orage. Le temps a été couvert pendant 1 jours, clair pendant 21 jours; les sept autres ont été sept jours de pluie. Le 21 un brouillard très-épais régna jusqu'à 9 7 du matin. EXTRAITS DES JOURNAUX. Le 4 et le 5 5 le Vésuve a jeté de nouveau des flammes eî des cendres. Le même jour, le 4? à neuf heures moins 5 minutes du matin, tremblement de terre assez violent au port d'Espagne, dans l'ile de la Trinité. Le i5, orage très-fort à Rouen : la foudre est tombée sur l'église métropolitaine et l'a réduite en cendres. Dans la nuit du 27 au 28, un ouragan affreux a totalement ravagé les environs de Charlestow (États-Unis); il a commencé à 1 1 heures et durait encore à 2 heures -. Ô20 EXTRAITS DES OBSERVATIONS Le 2.g, a 5 h. 36 min. du matin, on a ressenti à Cadix, un tremblement de terre qui a duré environ 2: secondes. Il est à remarquer que dans l'après-midi du même jour les secousses, qui étaient interrompues à Alej3, se sont de nouveau fait sentir dans cette malheureuse ville : elles y ont duré toute la nuit suivante presque sans interruption. OCTOBRE. La plus haute élévation du baromètre a été , le 1 1 , de 28 p. 3 lign. t; et sa moindre élévation de 27 p. 6 lign. 7, le 17 et le 18. Le thermomètre à sa plus grande hauteur indiqua, le 9, i5 degrés, et 6 degrés à sa moindre dilatation, le i5 et le 16. Le vent sud-ouest a soufflé 16 jours pendant ce mois; il a varié pendant les autres entre nord, nord-est, nord~-est, nord- ouest, ouest-^-sud, sud, sud-est, sud-^-est, ouest, et ouest-sud- ouest. Nous n'avons eu qu'un seul ouragan ; il éclata dans la nuit du 8 au 9; mais le vent a été violent pendant plusieurs jours, notamment dans la journée du j et du 8, dans la soirée et dans la nuit du 19 au 20, dans la journée du 20, dans la nuit du 2.0 au 21, et dans la journée du 2,5. Le 10, un gros orage accompagné de vent très-fort, a éclaté dans les environs de Grimbergen, Londerzeel, Humbeek, Thisselt, etc. Nous avons eu 8 jours de pluie, i3 jours de temps couvert, et 10 jours de temps serein. Le 26, un brouillard très-épais a couvert la ville jusqu'à 9 h. du matin. MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 52 1 EXTRAITS DES JOURNAUX. Le 8, le mont Galong, dans le district de Preanger, colonie de Batavia, a fait inopinément une éruption épouvantable; la lave a détrait 88 kampongs de terrain. Le 17, orage à Venise-, la foudre tomba sur la superbe basi- lique de St. Pierre. On a vu dans le trimestre précédent que, depuis le 2.5 juin, le Vésuve avait à diverses reprises jeté des flammes et des cen- dres; ces légères éruptions n€ semblaient être que le prélude des catastrophes qui ont désolé ses environs pendant ce mois. Dans l'après-midi du 20, la montagne donna des signes précur- seurs d'une éruption prochaine par un bruit effrayant qui ne cessa de devenir plus terrible jusqu'à minuit. Déjà depuis deux jours les puits circonvoisins étaient taris. Enfin le 2.1, vers les 3 h. 7 du matin, se fît une horrible explosion du cône supérieur, précédée et accompagnée de secousses bruyantes et d'oscilla- tions réitérées dans l'intérieur de la montagne ; elle était entiè- rement embrasée et éprouvait les plus grandes convulsions. Deux heures après le lever du soleil, on aperçut un torrent de lave d'environ un mille de largeur, qui se dirigeait vers Résina: il couvrit cent arpens de terrain ; les pierres et les cendres tombèrent jusques dans les rues de Naples, éloignée de trois lieues. Le 2.5 , les colonnes de cendres , de feu et de pierres diminuèrent, le Vésuve ne présentait qu'un cône noir couvert de cendre et de fumée. Le lendemain des pluies abondantes dissipèrent les nuages; l'éruption cessa, mais les cendres ron- geai res continuèrent de tomber avec violence jusqu'au quatre novembre. Une partie du cratère s'est écroulée. Les pierres lancées étaient en si grand nombre qu'elles obstruèrent la voie 522 EXTRAITS DES OBSERVATIONS consulaire depuis Résina jusqu'à la tour de l'Anunciata, qui est presqu'entièrement détruite. Ottajano a le plus souffert : une croûte pesante et argileuse qui couvrait la montagne, ne per- mettant aucune infiltration de la pluie, versa toutes les eaux vers ce point. Dans la nuit du 9 novembre, après une courte pluie, les eaux retenues à la surface du sol par les matières volcaniques, se précipitèrent vers Terre del Grœco, et rava- gèrent plusieurs communes. Le 10, une nouvelle inondation vint détruire ce qui avait échappé aux catastrophes précédentes. Cette éruption est à la fois une des plus terribles et des plus désastreuses dont on ait gardé la mémoire; elle a tellement bouleverse' et même déplacé le lit d'une quantité de rivières et de torrens, qu'à la fin du mois de novembre, toute la campa- gne adjacente était encore inondée. Le 26 de ce mois, un déluge épouvantable a bouleversé et ravagé toute la contrée entre Albaro et Gênes : toutes les fer- mes sont englouties, les arbres déracinés, les récoltes détruites de fond en comble ; les superbes plaines entre ces deux villes ont fait place à un lac immense d'où s'échappent à peine la cime de quelques arbres et le sommet de quelques maisons. Albaro et Gênes ont essuyé des dommages considérables. Des avis reçus du Cap portent que , depuis le mois d'avril jusqu'à la fin d'août, il n'a cessé d'j régner des ouragans sur mer et sur terre. Les dommages sont énormes; 45,ooo ceps de vigne ont été ensevelis dans la seule bourgade de Ressouw. NOVEMBRE. Le baromètre à son plus haut degré d'élévation était, le 3, à 28 p. T, et à 27 p. 6 hgn., le 28 et le 3o, à sa moindre hauteur. MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 525 Le thermomètre, à sa plus grande dilatation, indiqua i4 degr. + o, le 2 du mois, et 3 degr. à sa moindre dilatation, le i3 et le 3o. Le vent sud-ouest a dominé pendant 2.3 jours ; il a varié pendant le reste du mois entre ouest, nord-ouest, sud-est et nord-nord-est. Nous avons essuyé dix ouragans, savoir dans la nuit du i4 au i5, dans la journée du i5 au i6, dans la soirée et la nuit du i6 au 17, dans la journée du 18, dans la soirée du 20, dans la nuit du 21 au 22, dans la soirée du 22, dans l'aprës-midi du 23 et dans la nuit du 26 au 27. Nous avons eu i3 jours de temps couvert, 9 jours de temps clair, et huit jours de pluie, dont un de pluie extraordinaire- ment forte, le 23 après midi. EXTRAITS DES JOURNAUX. Dans la soirée du 6, on a observé à Bourg, dans la direction du sud, plusieurs météores ignés qui répandaient une vive lueur malgré une brume épaisse qui couvrait l'atmosphère. Ce phénomène a duré 20 minutes. Le premier observé des quatre météores, paraissait aussi considérable que la lune à plein, il était lumineux dans toute sa circonférence avec une teinte rouge-opaque au centre ; il semblait avoir un mouvement de rotation sur lui même. Le 7, ouragan très-violent dans les parages de Ténédos. Dans le commencement de ce mois, on avait à Pétersbourg une température de 7 à 8 degrés au dessus de zéro du ther- Tome III. 68 52± EXTRAITS DES OBSERVATIONS momètre de Réaumur;il y pleuvait contiDuellement-, le i6, la Newa cbariait beaucoup de glaçons; le ij, il y éclata un oura- gan terrible, toute la ville basse fut inondée. Le 19, au milieu de la nuit, une forte secousse de tremblement de terre se fit sentir à St. Jago de Cbili, dans l'Amérique mé- ridionale : la terre a été en mouvement pendant cinq minutes, à peine pouvait-on se tenir debout. Toutes les églises, tous les bàtimens publics sont tellement disloqués qu'il faudra les aba- tre et les rebâtir avant de pouvoir les lia bi ter. Valparaiso est presqu'entièrement détruit. Le 25, on a ressenti à Sultz, en Souabe, deux secousses de tremblement de terre, dont la première était accompagnée d'un bruit souterrain pareil à celui du tonnerre. Ces mêmes secousses ont été senties à Altenstein et à Heidelberg. Le 28, à II h. du matin, tremblement de terre à Stuttgard, dans la direction du nord au sud-est. Le même jour, vers 10 li. ^ du matin, la même secousse se fit sentir à Spire, et vers mi- nuit à Mayence. DÉCEMBRE. La plus haute élévation du baromètre a été de 28 p. 7 ligi^-? le 1 1, et sa moindre élévation de 27 p. 4 bgn. 7, le 3. Le thermomètre à sa plus grande hauteur indiqua, le 1, 6 degrés au dessus de zéro, et 3 { moins zéro, le 16; il descendit pour la première fois au dessous du point de la glace, le i3, étant à i degré. Le vent dominant pendant ce mois a été nord-est ^ nord : il a régné pendant 11 jours; il a varié pendant les autres entre nord, nord- est, ouest, nord-ouest, sud-ouest et sud-est. MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 525 Nous avons essuyé trois ouragans, savoir : dans la soirée et dans la nuit du i au 2, dans la nuit du 4 au 5, et dans celle du 5 au 6, ce dernier était des plus furieux. Un vent violent, quoique moins fort, souffla dans la journée et la soirée du 6; le même jour à sept heures du soir , nous eûmes un orage con- sidérable. Nous avons eu 17 jours de temps clair ou serein, 5 jours de temps couvert, 6 jours de pluie, et 3 jours de brouillard, outre beaucoup de brouillards partiels qui se dissipèrent dans la jour- née, comme le 1 1 , le 18, etc. On vit de la neige, pour la pre- mière fois, le 3i à cinq heures du soir; elle continua à tomber pendant toute la nuit. EXTRAITS DES JOURNAUX. L'ouragan furieux qui se fit sentir chez nous pendant la nuit du 5 au 6, s'étendit jusques en Angleterre, et occasiona de grands désastres à Liverpool, Manchester, Warrington, Stockport, etc. Un grand nombre de toits furent enlevés, beaucoup de moulins renversés, et quantité de cheminées abattues. Le 18, il tomba dans la matinée, à Rome, une assez grande quantité de neige. Le même jour un tremblement de terre acheva de détruire la petite ville de Valparaiso, dans l'Amérique mé- ridionale (voyez au mois de novembre précédent); 4oo per- sonnes ont péri ; de 4ooo maisons il n'en resta plus que huit. Cette secousse s'est aussi fait sentir à Saint Jago de Chili , éloi- gné de 4o milles de Valparaiso. Depuis la soirée du 19, il est tombé à Perpignan une telle quantité déneige, que toutes les routes sont devenues impratica- bles. On remarque que depuis 17 ans on n'en avait point aperçu. 6S. 526 EXTRAITS DES OBSERVATIONS Le 20, un orage épouvantable a éclaté sur les côtes orientales de l'Espagne. Le 27, on a ressenti à Kadoe, dans la colonie de Batavia, un tremblement de terre, à la suite duquel il y eut une éruption volcanique du mont Merapie : quatre villages ont été incendiés, deux autres ont été engloutis. Le volcan Bromo a fait aussi quelques éruptions, mais qui n'ont pas causé de dommages. Jusqu'à la lin de ce mois l'hiver a été très-doux en Islande, mais il y a régné beaucoup de pluies et de tempêtes. Le jour de noël, on a essuyé un ouragan quia renversé quelques églises et d'autres bâtimens. Le volcan d'Oefîeds-Jokkelen a fait une éruption, mais il n'en est pas résulté de dommage considé- rable. Depuis long-temps la neige n'a pas tombé avec autant d'abon- dance en Suisse, que cette année : beaucoup de communica- tions furent interceptées 5 le bourg d'Ossola a été en partie inondé. ANNÉE 1823. JANVIER. La plus grande élévation du baromètre, pendant ce mois, a été de 28 pouces 2 lign. |, le 7 et le 8. Sa moindre éléva- tion n'a pas été en deçà de 27 p. 6 lign., qu'il marquait le i5. Le thermomètre à sa plus grande dilatation , indiqua , le 29, 7 degrés au dessus de zéro -, à sa moindre dilatation il s'est fixé à i4 degrés au dessous de zéro, le 25 du mois. MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 627 Le vent nord-est-^ -nord a dominé pendant i4 jours : il a varié le reste du mois entre nord-nord-est, ouest, ouest-sud-ouest, nord-ouest, sud-ouest, sud-est et est-nord-est. Nous n'avons eu qu'un seul ouragan; il a éclaté dans la soirée du i5. Le temps a été couvert pendant 17 jours, clair pendant 6 autres; des huit jours restans il y en eut 5 de neige et 3 de pluie. L'hjgromètre de Deluc, au maximum de l'humidité, était, le 29, à 96 degrés; il était au minimum, le 4? à 74 degrés. EXTRAITS DES JOURNAUX. Dans les premiers jours du mois de janvier le thermomètre est régulièrement descendu , à Milan , à 7 degr. et à 7 degr. et demi au dessous de zéro. Le 7, les tremblemens de terre recommencèrent à Alep, d'une manière terrible; ils avaient cessé jusqu'à ce jour. Le 9, le Rhin s'est entièrement fermé : les communications entre les deux rives se faisaient par la glace en toute sûreté. Le ^8 à 7 h. du soir, on a ressenti à Vubossar , dans la Rus- sie méridionale, une secousse de tremblement de terre. Pendant tout ce mois, il a régné à Constantinople un froid tellement rigoureux, qu'une partie du port a été couverte de neige, ce qui arrive rarement. FÉVRIER. Le plus haut point d'élévation du baromètre, pendant le mois de février, a été de 28 p. 2 iign. 7, le 16; sa moindre élévation a été de 27 p., le 2. 528 EXTRAITS DES OBSERVATIONS La plus grande dilatation du thermomètre, a eu lieu le 12, à 8 degr. et 7 au dessus de zéro : le plus grand froid a été d'un I de^ré au dessous de zéro, le 6 du mois. Le vent sud-ouest a dominé pendant i5 jours; pendant les autres jours il a constamment varié entre ouest, ouest-sud- ouest, nord-ouest, nord-ouest-^-ouest , sud-est et nord-est-|- nord. Nous avons essuyé 8 ouragans, savoir le 4? le 10, le 1 1, le i3, le 18, le 23, le i[\ et le â5. Il y a eu pendant ce mois, 8 jours de temps couvert, 3 jours de neige, 9 jours de pluie, et 8 jours de temps clair ou se- rein. L'hygromètre au maximum d'humidité, marquait le i, 100 degrés, et au minimum d'humidité, 72 degrés, le 18. EXTRAITS DES JOURNAUX. Dans les premiers jours de février, une violente tempête a renversé à Constantinople, sept mosquées, et causé beaucoup d'accidens. Le 5, le château de Guadamar, près de Valence, en Espa- gne, s'est écroulé par suite d'un tremblement de terre. Le même jour une forte secousse a détruit, à Palerme, plusieurs églises et édifices publics. Le 20, il régnait un temps épouvantable sur les frontières d'Espagne : toutes les opérations militaires ont du s'arrêter. Le 27, à 3 h. après midi, une secousse de tremblement de terre s'est fait sentir dans plusieurs cantons de la province de MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 629 la Capitanate, dans le royaume de Naples. Cette secousse a été précéde'e d'une forte tempête. D'un autre côté, et à peu près vers le milieu du mois, le Guadiana qui sépare une partie de l'Espagne du Portugal, s'est débordé avec une telle fureur que de mémoire d'homme on ne se rappelle point d'avoir vu rien de semblable : l'inondation s'est étendue a 3 lieues des deux côtés du fleuve. MARS. Le baromètre à son plus haut point d'élévation marquait, le i5 et le 16, 2.S p. 4 hgn. Quant à sa moindre élévation elle a été de 27 p.; 7, 1., le 8 du. mois. Le thermomètre à sa plus grande dilatation était, le 3o, à i degr. I au dessus de zéro; son m degr. au dessus du même point, le 20, 12 degr. I au dessus de zéro; son minimum a été d'un demi Le vent sud-ouest a soufflé pendant onze jours : pendant les autres il avarié entre sud-ouest-~-sud , sud-ouest-^-ouest , nord, nord-ouest, nord-est, nord-est-^-nord , sud-est et ouest-sud- ouest. Nous avons eu deux ouragans : le premier dans la nuit du 3 au 4? l'autre dans la journée du 4- Trois orages ont éclaté, savoir le 11, le 22, et dans la nuit du 3o au 3i. Il y a eu i5 jours de temps clair ou serein, 10 jours de pluie, 4 jours de temps couvert, 2 jours de neige dont l'un, celui du 19, accompagné de grêle. L'hygromètre au maximum d'humidité marquait go degr., le 21, le 22 et le 23, et 49 au minimum, le 3i. 5-3o EXTRAITS DES OBSERVATIONS EXTRAITS DES JOURNAUX. Les tremblemens de terre qui avaient recommencé le 7 jan- vier à Alep, se sont fait régulièrement sentir jusqu'au 6 de ce mois, avec la même violence : depuis lors les secousses com- mencèrent à être plus faibles, surtout en comparaison de ce qu'elles étaient auparavant. Le 21, le Vésuve et les monts circonvoisins, étaient entière- ment couverts de neige : à Aquila, dans les Abruzzes, il en est tombé, pendant 36 h. consécutives, une telle quantité que les toits de cinq églises ne pouvant en supporter le poids, ont été enfoncés. Le 27, on a ressenti dans la petite île de Savignano, près de Palerme, une violente secousse de tremblement de terre. Un vieux fort s'est écroulé. AVRIL. La plus grande élévation du baromètre a été de 28 p. 4 lign. et {, le 3o; le minimum de 27 p. 3 lign. ^, le 5 et le 6. La plus grande dilatation du thermomètre a été de 12 ^ au dessus de zéro , le 2 du mois ; sa moindre élévation de 3 degr. au dessus du même point, le 11, le 20 et le 28. Le vent nord-est a dominé pendant douze jours; pendant le reste du mois il a varié entre nord, nord-^-est, nord-nord-est, nord-nord-ouest, nord-est-f-nord, sud-ouest, ouest et ouest-sud- ouest. Un vent violent a soufflé dans la nuit du 3 au 4? àans la journée du 3, dans celle du 4 et dans celle du 9. Nous n'avons eu aucun orage. MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 55i Il y a eu r4 jours de temps clair ou serein, 1 1 jours de pluie, 4 jours de temps couvert, et un jour de brouillard. L'hygromètre a marqué le 5, pour le maximum de l'humi- dité, pendant le mois, 86 degr. ; et 3â degr., pour le minimum, le 3o. EXTRAITS DES JOURNAUX. On a été témoin, à Rome, d'un phénomène extraordinaire : le i5 avril il a commencé à tomber de la neige dans les champs dits d'Annibal , aux environs du lac Albano. Ce phénomène a duré 6 heures consécutives. Le 6, le volcan Merapie, de Batavia, a recommencé ses éruptions au point qu'à quelque distance, la lave a couvert à la hauteur d'un pied , une pièce de terre. MAL Le point le plus élevé du baromètre, pendant ce mois, a été de 28 p. 4 lign. |, le i. Sa moindre élévation a été, le 21 , de 27 p. 9 lign. Le thermomètre au maximum de dilatation, marquait 19 7, le 7; et 4 7 à son minimum, le premier. Le vent sud-ouest a dominé pendant 12 jours : il a varié pendant les autres entre ouest, ouest-sud-ouest, nord, nord-^- est, nord-nord-est, nord-est, nord-est-^-nord et nord-|-ouest. Nous avons essuyé 3 orages, savoir : le 7, le 19 et le 20. Va vent très-fort a régné pendant 5 jours, dans la journée du 11, Tome III. 6g 532 EXTRAITS DES OBSERVATIONS dans celle du 21 , et dans celles du 11 et du 23. Un ouragan accompagné de tonnerre et de grêle, a éclaté dans la nuit du 8 au 9. Nous avons eu 20 jours de temps clair ou serein, 9 jours de pluie, et 2 jours de temps couvert. Le maximum de l'humidité hj^grométrique a été de 72 degr., le 1 1 ; et le minimum de 6 degr., le 7 du mois. EXTRAITS DES JOURNAUX. Le i4 mai, à 9 h. du soir, on a ressenti, à Glaris, dans le pays des Grisons, un tremblement de terre des ^plus violens. Il ne paraît point qu'il y ait eu des malheurs, chacun s'étant sauvé au moment de cette crise effrayante. JUIN. Le baromètre à sa plus grande élévation a été, le 17, à 28 pouces 2 lign. \. Sa moindre élévation a été, le 27, de 27 p, 6 lign. Le thermomètre au maximum de dilatation , marquait, le lei- du mois, 19 degr. au dessus de zéro, et 7 7, au minimum, le 23, le 24 et le 26. Le vent du nord a dominé pendant 1 1 jours ; il a varié pen- dant le reste du mois entre nord-est-^-nord , nord-^-ouest, nord- ouest-|-ouest, nord-ouest, nord-est, nord-nord-est, ouest-^-sud, ouest-nord-ouesl et sud-ouest. Point d'ouragan ni de vent fort pendant le mois de juin. Il a éclaté 3 orages, savoir le 27, le 28 et le 29 : tous les trois étaient accompagnés de grcle. METEOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 535 Nous avons eu i6 jours de temps clair, 6 jours de pluie, et 8 jours de temps couvert. L'hygromètre a indiqué le maximum de l'humidité, à 54 degr., le 20 ; et le minimum, à 9, le 8 du mois. EXTRAITS DES JOURNAUX. Au commencement de ce mois la chaleur était à Pétersbourg, à 2.5 degr. au dessus de zéro de Réaumur ; elle s'est maintenue à ce terme pendant 10 jours. Le 10, il est tombéàCapadaqua, village de la marche d'An- cône, une si grande quantité de neige, qu'elle s'est élevée à 3f2 palmes : une foule de personnes en ont été totalement enve- loppées. JUILLET. La plus grande élévation du baromètre a été de 2.8 p. i lign., le 4? le io, le 2.0 et le 3i. Sa moindre élévation a été de 27 p. 8 lign. 7, le 23 et le 24. La plus haute dilatation du thermomètre a été de 21 7 au dessus de zéro, le 21 du mois. Sa moindre dilatation de 9 7, le 8, le 9, le 10, le 17 et le 18. Le vent ouest a soufflé pendant 1 1 jours ; il a varié pendant le reste du mois entre sud-ouest, ouest-sud-ouest, nord-ouest et ouest-nord-ouest. Nous avons eu 6 jours de vent fort : le 11, le 12, le i5, le 23, le 24 et le 26. Trois orages ont éclaté, savoir : dans la journée du 2, dans la nuit du i3 au i4 et dans l'avant soirée du 21. 69. 554 EXTRAITS DES OBSERVATIONS Le temps a été clair pendant i4 jours, couvert pendant 4 autres; nous avons eu i3 jours de pluie, dont un de pluie mêlée de beaucoup de grêle, le 8. Celle du 27 a commencé par une averse extraordinairement forte, à 7 | li. du matin. Le maximum de l'humidité hygrométrique a été de 72 degr., le 27 ; et le minimum de i3, le i3 du mois. EXTRAITS DES JOURNAUX. Le 4 de ce mois, les tremblemens de terre n'avaient pas en- core cessé à Alep. A Antioche et à Alexandrette les secousses étaient beaucoup plus fortes. Le 8, orage violent à Aarlanderveen , près d'Alphen (Hol- lande méridionale). Sept moulins servant à évacuer les eaux des poldres, ont été plus ou moins endommagés; deux ont été en- tièrement détruits. Dans la nuit du i3 au i4, orage à Bekegem (Flandre occi- dentale), la foudre est tombée sur une ferme et l'a totalement consumée. Le i5, orage violent à Vierlingsbeek, dans la province de Groeningen. L'orage qui a éclaté à Bruxelles, dans la soirée du 21, s'est étendu également à Bruges : la foudre y est tombée trois fois ; elle a emporté la toiture d'une maison; dans le bassin elle a brisé le mat d'un vaisseau de mer, et a fait un trou dans le bâtiment. Le même jour une forte grêle a brisé beaucoup de carreaux de vitres à La Haye. A Paris la foudre a tue plusieurs personnes. MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 535 Le 26, le volcan Kotlugian, en Islande, qui se reposait depuis 68 ans, a fait une terrible éruption, accompagnée de tremble- ment de terre. Les cendres ont couvert des navires qui étaient à 2.0 lieues de distance dans la haute mer : des masses énor- mes de glaçons se sont détachées de la montagne. AOUT. Le plus haut point d'élévation du baromètre a été de 28 p. 3 lign., le 3i. Sa moindre élévation a été de nj p. g lign., le 16. La plus haute dilatation du thermomètre a été de 2.1 degr., le 26 et le 2.6 ; sa moindre dilatation a été' de 9 |, le 22. Le vent a été sud-ouest pendant 10 jours; il a varié pendant les autres entre ouest-sud-ouest, ouest, ouest-nord-ouest et nord nord-ouest. Nous avons en 2 jours de vent fort, savoir : le 1 4 et le 16. Nous avons essuyé deux orages, l'un dans la soirée du 8, l'au- tre dans celle du 19. Ce dernier commença à 10 heures et dura jusqu'à 4 heures du matin : il ravagea une étendue de terrain au moins de 6 lieues de circonférence; Heyendonck, Blaesveld, Ramsdonck, Thisselt, Merchtem, Alost, Deuderleuwen, Teral- phe , Opwyk et Contich furent très maltraités. Les récoltes y furent totalement détruites, une foule d'arbres brisés, des mou- lins renversés, les champs couverts de grêle qui avait encore le lendemain un pouce et demi d'épaisseur. Le même orage s'est aussi étendu dans la province deLirabourg où il a duré jusques dans la matinée. 556 EXTRAITS DES OBSERVATIONS Le 9, pendant toute la journée, un tonnerre violent accom- pagné de pluie se fit entendre par petits intervalles ; le baro- mètre qui était à 7 heures du matin, à 27 p. 11 1. 7, monta jusqu'à 28 p. et s'y maintint pendant tout le jour. Nous avons eu 3 jours de temps serein, i5 jours de temps clair, 5 de temps couvert et 8 de pluie. Le maximum de l'humidité hygrométrique, a été de 85 degr., le 3o; et le minimum de 27 degr., le 2. EXTRAITS DES JOURNAUX. Le 19, orage à Oeyen, près de Ravensteyn (Brabant septen- trional). Un moulin a été incendié par la foudre. Le 26, une trombe a causé de grands ravages à Marchefroid, près d'Houdan dans l'Ile de France : dans l'espace d'une lieue, 700 à 800 arbres ont été déracinés ou brisés : la moitié du vil- lage est détruit : il tombait des gréions de la grosseur d'un poing. Des voitures pesamment chargées ont été mises en pièces, une autre fut lancée au dessus d'une tuilerie qu'elle a totale- ment abattue. La chaleur s'est élevée à Raguse pendant ce mois, à 3i degr. : la sécheresse était extrême. Le 26 l'horizon s'obscurcit subite- ment ; un météore parut au dessus de la ville et alla s'éteindre dans la mer ; il fut suivi d'un tremblement de terre qui ren- versa un fort et plusieurs maisons; la mer s'est retirée à plus d'un mille du rivage. Un volcan s'est ouvert dans la Bosnie turque, c'est là que la première secousse s'était fait sentir. SEPTEMBRE. La plus haute élévation du baromètre a été de 28 p. 31ign. f , MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. ÔSy le i8 et le ig. Sa moindre élévation a été de 27 p. 6 lign. , le 22 et le 3o. Le thermomètre à son plus haut point d'élévation marquait le i3, 17 degr. au dessus de zéro, et j degr. à sa moindre élé- vation, le 9 et le 27, Le vent a été' nord-nord-ouest pendant 8 jours, pendant Je reste du mois il a varié entre sud-ouest, ouest, nord-est-f-nord , nord, nord-^-nord-ouest. Nous n'avons eu ni ouragan ni orage : seulement un vent plus fort que d'ordinaire souffla dans la nuit du 21 au 22 , et dans la soirée du 3o. Le temps a été clair pendant i5 jours, serein pendant 5 autres, nous avons eu 5 jours de temps couvert et 5 de pluie. Le maximum de l'humidité hygrométrique a été de 67 de- grés, le 26, le 28 et le 3o; le minimum de 10 degrés, le 9, le 1 1, le I 6 et !le 17. EXTRAITS DES JOURNAUX. Le 26, La Sesia (rivière en Piémont), grossie par les pluies continuelles qui tombaient depuis quelques jours, rompit ses digues et inonda un terrain d'une lieue d'étendue. OCTOBRE. La plus grande élévation du baromètre dans ce mois, a été de 28 p. 3 lign. {, le 27, et sa moindre élévation de 27 p. 2 lign., le premier. 558 EXTRAITS DES OBSERVATIONS Le thermomètre à son maximum de dilatation, indiqua i3 degr. au dessus de zéro, le 7, et 2 degr. 7 à son minimum, le ^3 et le in. Le vent a été sud-ouest pendant i3 jours : il a varié pendant le reste du mois entre sud-est, sud, nord-ouest, nord-est, nord et nord-nord-est. Un vent violent a soufflé pendant 6 jours, savoir le i, le 8, dans la nuit du 10 au 11, le 11, le i5 et dans la nuit du 28 au 29. Un seul orage a éclaté dans la soirée du 3o. Nous avons eu i3 jours de temps clair, 2 de temps serein, 4 de temps couvert, 3 jours de brouillard et 9 de pluie. Le maximum de l'humidité hygrométrique a été de 84 degr. , le 3o, et le minimum de 26 degr., le 17 du mois. EXTRAITS DES JOURNAUX. Dans les premiers jours de ce mois, on a observé dans les environs de Charlemont, un météore lumineux qui donna une explosion si violente que l'on crut que le fort de Charlemont avait sauté. Le 1, de violens coups de vent ont causé beaucoup de dom- mage sur toute la côte d'Angleterre qui s'étend depuis Ports- mouth jusqu'à Ramsgate. Le i3, une fonte subite de neiges dans les montagnes du Tyrol, occasionée par plusieurs jours de pluie et par un vent du sud, a fait déborder la Drave et plusieurs autres rivières.; le même jour Trente et Botsen souffrirent beaucoup par le MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 559 débordement de l'Adige : la première de ces villes a été presque détruite. A Vérone, un tiers de la ville a été inondé j l'eau s'y est élevée jusqu'au premier étage. Le i5, la fontaine du château de Calsbad, si renommée par la salubrité de ses eaux, et qui avait subitement disparu le 2 septembre 1809, a reparu aussi forte et aussi abondante qu'elle était autrefois; on attribue ce phénomène à quelque tremble- ment de terre. Le 21, à Tampico, île située dans le golfe du Mexique, et dans les environs, le thermomètre a subitement baissé de 4o degr.de Farenheit (environ 18 degr. de Réaumur), en 8 heures. Il est résulté de ce changement de temps inopiné, qu'en une seule nuit, il est mort 3oo personnes dans la ville et dans le pays environnant. Un vaisseau des États-Unis, qui était à cette époque dans le port, a perdu 18 personnes à la fois. Le 3o et le 3i, terrible ouragan dans toutes les contrées de l'Angleterre : des débordemens subits ont en outre dévasté les environs de Bristol, Bath, Aylesburg, Salisburg, Oxford. Dans un endroit nommé Dulemeads, il a fallu faire descendre les habitans, surpris par la marée dans leurs lits, du second étage de leurs maisons dans des bateaux ; dans d'autres endroits, il est tombé tant de neige que des voitures ont été entièrement ense- velies. A Wimille , près de Boulogne , il y eut une inondation considérable occasionée par les grandes pluies et par la tempête susmentionnée. Le même jour, le 3i, à 5 heures du matin, ouragan terrible à Cherbourg ; il a duré 24 heures. NOVEMBRE. Le plus haut point d'éle'vation du baromètre a été de 28 p. Tome III. .70 54o EXTRAITS DES OBSERVATIONS 6 lign. 7, le ii. Sa moindre élévation de 27 p. 5 lign. ~, le i du mois. Le thermomètre, à sa plus haute dilatation, marquait, le 11, 6 degr. au dessus de zéro, et i degr. au dessous de zéro, à sa moindre dilatation, le 11, le 12 et le 1 3. Le vent nord-;^-ouest a dominé pendant i3 jours : pendant le reste du mois il a varié entre nord-ouest, sud-ouest, ouest et ouest-sud-ouest. Nous avons eu deux fois un vent violent, savoir dans la nuit du 29 au 3o et dans celle du 3o au i décembre. Le temps a été clair pendant 3 jours, couvert pendant 17 autres; il y a eu 5 jours de pluie et 5 de brouillard. L'hygromètre, à son maximum d'humidité, a été à 92 degr., le 3o, et à son minimum, à 4^ degr., le 5. EXTRAITS DES JOURNAUX. Dans les premiers jours du mois, il y a eu sur les côtes d'Angleterre, un coup de vent des plus violens qu'on y ait jamais ressentis : i4o bâtimens se sont perdus sur la côte nord- est. Le i4,il tomba à Messine une pluie d'abord légère, mais qui alla toujours en augmentant pendant 36 heures consécutives ; il pleuvait avec une telle abondance que mille torrens inondè- rent tous les environs-, troupeaux, moulins, maisons, églises, magasins, tout fut englouti : le fL\ubourg St. Léon, fut pres- qu'entièrement détruit, et la plupart des maisons, qu'il conte- MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 54i nait, furent portées par les flots, avec tout ce qu'elles renfer- maient, dans la mer voisine. Les pertes sont incalculables ; on porte à 4oo le nombre des victimes de cet événement. Le i5, le froid fut si vif à Rome, que toutes les eaux sta- gnantes y furent gelées : un vent du nord j soufflait depuis plusieurs jours. Le 18 et le 2.2,, ouragans furieux accompagnés d'averses très- fortes, dans les régences dePréanger, (Batavia); il en est résulté d'immenses dégâts. DÉCEMBRE. La plus haute élévation du baromètre a été de 28 p. 5 lign., le 7 et le 8; et sa moindre élévation de 27 p. 4 lig"., le 29 du mois. La plus grande dilatation du thermomètre a été de 10 degr. ~ au dessus de zéro, le i^^; et sa moindre dilatation de zéro, le 17. Le vent sud-ouest a dominé pendant 2.3 jours; il a varié pendant le reste du mois, entre ouest, nord-ouest et nord. Nous avons eu 4 ouragans, savoir, dans la nuit du 2 au 3, dans celle du 3 au 4? dans celle du 17 au 18, dans celle du 28 au 29 , outre deux journées de vent plus fort que d'ordi- naire. Le temps a été clair pendant 2 jours, couvert pendant 8 autres : nous avons eu en outre 21 jours de pluie. Il est tombé de la neige, pour la première fois, dans la soirée du 12; il en est encore tombé, mais en petite quantité, dans les journées du i3 et du 20. 70. 5i2 EXTRAITS DES OBSERVATIONS Le maximum de l'humidité hygrométrique a été de Sadegr. le 4> et le minimum de 5y, le i3. EXTRAITS DES JOURNAUX. Le i^r, on continuait encore de ressentir , à Palerme, les effets du tremblement de terre du 5 mars : le palais du sénat s'est écroulé ce jour. Le 7, tremblement de terre à Djockarta. Jusqu'à la fm de ce mois, on avait, aux États-Unis, un hiver rigoureux : la glace et la neige, qu'on n'y voit ordinairement qu'au mois de janvier, y ont paru dès le 20 novembre; dans une seule nuit, l'eau a gelé à un demi pouce d'épaisseur. Un hiver très-rude se fit aussi sentir à Cadix; on ne se rappelait point d'en avoir eu de pareil. ANNÉE HS24. JANVIER. La plus grande élévation du baromètre a été de 28 p. 5 lign. et I, le 4 ; et sa moindre élévation de 27 p. 2 lign. , le 22. Le maximum du thermomètre a été de 7 j + o, le 27 du mois; le minimum a été de i 7 — o, le 10. Le vent nord-nord-est a régné pendant 8 jours ; le reste du mois il a varié entre sud, sud-ouest, ouest, ouest-;^-sud et ouest- sud-ouest. Nous avons essuyé, pendant le mois de janvier, 2 ouragans; l'un dans la journée du i*^i, l'autre dans la nuit du 22 au 23. MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 543 Nous avons eu 7 jours de temps clair, 7 autres de temps couvert , 5 de brouillard , i de neige et 1 1 jours de pluie. Le maximum de l'humidité hygrométrique a été de 8 1 , le 2g; le minimum de 60 degr., le 21. EXTRAITS DES JOURNAUX. Dans les derniers jours du mois, il est tombé, au Caire, des pluies tellement fortes, qu'elles ont renversé plusieurs mai- sons. FÉVRIER. Le baromètre, à sa plus grande élévation, a marqué 28 p. 5 7 lign., le 10 du mois; et à sa moindre élévation, 27 p, 3 { hgn., le 14. La plus grande dilatation que le thermomètre ait éprouvée, a été de 8 7 degr. + zéro, le 21; le minimum de sa dilatation, a été d'un ~ degr. — zéro , le 2 et le aS. Le vent sud-ouest a soufflé pendant 10 jours; il a varié, pen- dant les autres entre, nord-est, nord-ouest, nord-nord-ouest et nord-est-|-nord. Nous n'avons essuyé qu'un seul ouragan, et cela dans la nuit du 1 1 au 12. Nous avons eu 4 jours de pluie, m jours de temps couvert et i4 jours de temps clair. Le maximum de l'humidité hygrométrique a été de 80 deg., le 27; le minimum de SÇ>, le i3. 544 EXTRAITS DES OBSERVATIONS EXTRAITS DES JOURNAUX. Un froid rigoureux, tel qu'on n'en aA^ait point ressenti depuis un grand nombre d'années, a régné pendant les premiers jours de ce mois, en Italie. A Rome, on voyait les montagnes des environs couvertes de neige; à Florence, la saison était telle qu'elle augmentait journellement la mortalité. Dans le voisinage d'Arenazzo (légation de Bologne), il tomba, à la même époque, un assez grand nombre d'aérolithes, dont plusieurs pesaient jusqu'à 12 livres: chute qui fut précédée d'un bruit extraordi- naire avec un léger vent. Les montagnes de la Suisse ont été couvertes d'une si grande quantité déneige, que de mémoire d'homme, on ne se rappelle pas d'en avoir vu une masse aussi considérable. Le 2.3, ouragan terrible à l'Ile de France : plus de 26 vais- seaux, mouillés dans le port Louis, ont été brisés. La mer s'est élevée à six pieds au dessus des plus fortes marées. MARS. La plus grande élévation, que le baromètre ait atteint, pen- dant le mois, a été de 28 p. 3 lign., le 18, le 19 et le 20; le minimum de son élévation a été de 27 p. 6 lign., le 2 et le i3. La plus grande dilatation du thermomètre a été de 10 degr. H- zéro, le 8; et sa moindre élévation d'un | degr. au dessous de zéro, le 4- Le vent a été nord-ouest pendant i3 jours; il a varié pen- dant le reste du mois entre nord-nord-est, nord-^-ouest, ouest et sud-ouest. MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 545 Nous avons eu des coups de vent violens, dans la journée du 5, dans la nuit du 6 au 7, pendant la journée du 7, pendant la nuit du 7 au 8, dans la journée du 8. Le ciel a été clair pendant 7 jours, couvert pendant 7 autres; nous avons eu 10 jours de pluie, 6 jours de neige, dont 2 (le 3o et le 3i) accompagnés de grêle, et un seul jour de brouil- lard. Le maximum de l'humidité hygrométrique a été de 82 degr., le 3o du mois, et le minimum de 44 degr., le ai. EXTRAITS DES JOURNAUX. Le i^r mars, on a observé, à Berlin, vers 9 heares du soir, par un ciel serein, un globe de feu dont on pouvait comparer l'éclat à celui du feu de Bengale : le vent soufflait du sud-ouest, et le météore en a suivi la direction. Le 3, une forte tempête a causé beaucoup de dégâts à Lon- dres. Le 5, une trombe exerça des ravages à Dendermonde : beau- coup d'arbres furent brisés et plusieurs toits enlevés. Pendant les journées du 4? du 5 et du 6, il tomba, à I\ome, de la neige en telle abondance, que les collines de Tivoli, de Tusculum et de Preneste, en furent couvertes. Le 10, on y es- suya un ouragan très-fort. Ce même ouragan s'est étendu à Ancône, mais il y a été beaucoup plus effrayant : des chaines et des anneaux de fer énormes ont été brisés, des canons du calibre de 54? de la 546 EXTRAITS DES OBSERVATIONS batterie de la Lanterne, ont été démontés et roulés à une dis- tance de 80 pas. Ces faits, presqu'incrojables, ont été attestés par les autorités locales. Le i3, toutes les montagnes des environs de Smjrne étaient couvertes de neige. Pendant la nuit du 17, et par suite des pluies excessives et continuelles de cet hiver, une partie de la colline sur laquelle est bâtie la ville d'Avigliano, dans la Basilicata (province du royaume de Naples), s'est écroulée. Dans la nuit du ^3, plu- sieurs portions de terrain s'enfoncèrent avec un horrible fracas, et firent place à des lacs : il s'est même ouvert un golfe auprès de la partie encore habitée de cette ville. Cette même nuit, il y eut une tempête violente dans l'Adriatique. Le ^4 et le 2.5, il tomba, dans la partie septentrionale de l'Angleterre, une si grande quantité de neige, que les routes en furent obstruées, A la fin de ce mois, ouragan très-fort à Westerloo, dans la Campine-, il fut suivi d'un orage avec éclat de foudre, puis il recommença de nouveau à souffler avec une extrême violence. L'hiver a été extrêmement doux en Danemarck , le thermo- mètre n'y est pas descendu au dessous du point de congéla- tion. AVRIL. La plus grande élévation du baromètre a été de 28 p. 4 li^n., le 5, le 6, le 19 et le ao j sa moindre élévation a été de ay p. 4 lign- 5 le 1 1 du mois. MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 547 Le thermomètre, à son maximum de dilatation, marquait 1 9 degr. au dessus de zéro , le 3o , et zéro à sa moindre dilata- tion , le lei". Le vent a été nord-nord-est pendant lo jours; pendant les autres, il a varié entre sud-est , sud-ouest , ouest-nord-ouest , nord-^-ouest. Nous n'avons eu que 2t ouragans, dont l'un, dans la nuit du I au 2, était accompagné de neige, et l'autre dans la journée du 24. Trois orages ont éclaté pendant ce mois, savoir le 1 3, le 17 et le 2.3 : celui du 17, extrêmement violent, s'est étendu à Lombeke Ste. Catherine, à trois lieues ouest de Bruxelles. Les 3o jours de ce mois ont été partagés en 10 jours de temps clair, 4 jours de temps serein, 6 de temps couvert, 2, de neige et 8 de pluie, dont 2 de pluie entrecoupée de grêle, le 1 1 et le 12, et une autre extrêmement forte, dans la nuit du 23 au 24. Le maximum dé l'humidité hygrométrique a été de 63 degr., le 2, et le minimum de 29, le 28 du mois. EXTRAITS DES JOURNAUX. Le 2, le Vésuve était encore couvert de neige. Le 5, on souffrait, à Gènes, d'un froid beaucoup plus rigou- reux qu'il ne l'avait été au plus fort de l'hiver : la neige cou- vrait les montagnes des environs. Le lo, le froid était très-fort à Rome; la saison n'avait en- core rien qui ressemblât au printemps : il y tombait beaucoup de pluie et de neige. Tojne III. 71 548 EXTRAITS DES OBSERVATIONS Vers la même date, il tomba une si grande quantité de neige à Angsbourg, que dans quelques endroits, elle avait 12 et même 16 pieds d'épaisseur. Le 12, orage à Eeccloo, près de Gand; la foudre y tomba. Le i3, les montagnes des environs d'Alger étaient encore couvertes de neige. Depuis le 24 jusqu'à la fin du mois, on jouissait, à Stockholm, d'une véritable température de printemps : le thermomètre de Re'aumur marquait, à l'ombre, i4 et i5 degr. de chaleur. En Catalogne, on fut affligé, jusqu'au milieu d'avril, d'une sécheresse extraordinaire; dans la Biscaye, le froid était très- rigoureux. A Bantam, dans l'ile de Java, on essuya, pendant tout le mois, beaucoup d'orages; il y tomba une grande quantité de pluie. En Perse, un tremblement de terre, qui dura 6 jours et 6 nuits, sans interruption, engloutit plus de la moitié de la ville de Schiraz, et renversa totalement l'autre : cette même secousse se fit sentir à Bocher, mais elle y fut moins forte. Kazroun, ville située entre Schiraz et Bocher, fut également engloutie, et toutes les montagnes qui l'environnaient, furent aplaties, et ne laissèrent aucune trace de leur existence. MAI. La yjlus grande élévation du baromètre, pendant ce mois, a été de 28 p. 6 ^ lign-, le 27; et sa moindre élévation de 27 p. 6 lisn., Ie3. MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. Ség La plus grande dilatation qu'ait éprouvé le mercure du ther- momètre, a été de 17 I degr., le 3o et 3i; et sa moindre dila- tation de 5 degr., le !2i et le 2.5. Le vent a été nord pendant 8 jours, nord-nord-est pendant 8 autres; il a varié le reste du mois entre ouest, sud-ouest, nord-ouest et nord-|-ïiord-ouest. Un seul orage a éclaté : ce fut le 3o, à 5 heures après midi. Le ciel a été clair pendant i3 jours, couvert pendant 9 autres: nous avons eu 9 jours de pluie. Le maximum de l'humidité hygrométrique a été de 97 degr., le 3, le 4 et le i4; et le minimum de 5o, le 28. EXTRAITS DES JOURNAUX. Le r, le 2 et le 3, on jouissait, à Pétershourg, d'une tempéra- ture agréable; mais depuis lors elle devint froide, et resta telle pendant presque tout le mois. A Rome, on avait à peiiie entrevu, au commencement de mai, quelques jours de printemps : il y tombait toujours beaucoup de pluie, et les vents du nord continuaient à souffler. JUIN. La plus grande élévation du baromètre, durant ce mois, a été de 28 p. 3 lign., le 2, le 3 et le 4; et sa moindre e'iévation de 27 p. 6 7 lign., le 1 5, le 22 et le 24. Le thermomètre, à sa plus grande dilatation, indiqua, le 9 et le 29, 20 degr. au dessus de zéro; et 7 j degr., à sa moindre élévation, le 12, le i3, le 18 et le 19. 71- 55o EXTRAITS DES OBSERVATIONS Le vent sud-ouest a soufflé pendant 7 jours, celui du nord- est pendant 6 autres; il a varié, le reste du mois, entre nord- nord-est, nord-j-est, est, ouest et ouest-nord-ouest. Deux orages ont e'claté, Pun dans l'a près midi du i, l'autre dans celui du 2g. Le ciel, clair pendant i4 jours, a été couvert pendant 10 au- tres; nous avons eu 6 jours de pluie : celle du 17 fut entre- coupée de temps à autre par des averses extraordinairement fortes. Le 7 un brouillard épais régna jusqu'à 8 heures du matin. Le maximum de l'humidité hygrométrique a été de 80 degr., le 17; et le minimum de 4^ degr., le 29. EXTRAITS DES JOURNAUX. Dans la soirée du 2, orage violent à Arnhem (Gueldre), ainsi qu'à Enshede (Overyssel). Le 9, le volcan Goenong-Apie, dans l'île de Banca, fit une éruption des plus violentes ; il continua d'en faire par inter- valles jusqu'à la fin du mois d'août; ces éruptions étaient, mais rarement, accompagnées de tremblemens de terre. Le 9 et le 10, des orages violens éclatèrent sur la partie méridionale du département de la Meuse; la pluie tombait par torrens, et était accompagnée de grêle d'une grosseur extrême. L'Ornain et la Meuse, subitement devenus bourbeux, se sont beaucoup enflés. Le 10, orage à Tourneppe, vers 2. heures après midi. Le 20, les pluies étaient encore très-fréquentes à Rome; à Urbin, on voyait encore de la neige. MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 55 1 JUILLET. La plus grande élévation que le baromètre ait atteint, a été de 2.8 p. 4 ligiî-) 1^ 28; sa moindre élévation a été de 27 p. 8 7 lign., le 3o du mois. Le thermomètre ne s'est pas élevé au delà de 24 degr. (i4 juillet), et n'est point descendu au dessous de 10 (19, 27, 29 du mois ). Le vent a été ouest pendant 9 jours, nord-ouest pendant 6, et sud-ouest pendant 5 autres. Il a varié le reste du mois, entre nord, nord 7-nord-ouest, nord-ouest-^-nord, nord-est-^-nord et sud-est. Nous avons essuyé quatre orages, le premier le 4 à 4 heures du matin, le second dans la nuit du 9 au 10, le troisième dans celle du 26 au 27, et le dernier le 3o après midi. Un seul ouragan s'est fait sentir ; il était accompagné d'éclairs et de tonnerre; ce fut dans la nuit du i4 au i5. Le ciel s'est montré clair pendant 10 jours, serein pendant 9 autres; nous avons eu 9 jours de pluie et 3 jours de temps couvert. Le maximum de l'humidité hygrométrique a été de 88 degr., le 20; le minimum de 46, le 4 du mois. EXTRAITS DES JOURNAUX. Le 4? <)n ciit à Munich, le spectacle d'un arc^n ciel lunaire; la lune paraissait dans tout son éclat du côté du ciel qui était se- rein ; un nuage noir, qui s'était élevé à l'horizon opposé, versait une pluie abondante sur laquelle se forma l'arc parfaitement dessiné. 002 EXTRAITS DES OBSERVATIONS Le g, vers 6 heures du soir, orage violent à Poperingen, Flandre occidentale, par suite duquel les eaux se sont débordées : à lo heures du soir, elles inondaient une partie de la ville; désastre sans exemple depuis 1727. Le 10, vers 4 heures du matin, orage épouvantable dans le canton de Lens (district de Mons); les communes d'Herchies, Lens, Bauffe, Castiau, Cambron, Momtigny-lez-Lens ont été entièrement ravagées : tout a été' haché par la grêle qui était d'une telle grosseur qu'elle tua des lièvres et des perdreaux. Le même orage s'étendit à Hérinnes (près d'Enghien). A Bruges, on ne le ressentit que dans l'après midi. Le 12, orage très-violent à Madrid ; avant cet orage le ther- momètre y était journellement à 3o degr. ; le 18 il marquait Sa ; depuis lors jusqu'au 26, il se maintint à 33. A Rioja (Vieille Castille), à Bayonne et à Toulouse les chaleurs furent telles que plusieurs personnes, occupées aux travaux des champs, furent trouvées mortes, la serpette à la main. A peu près vers la même époque, on ressentit, à Grenade, une secousse de trem- blement de terre. Le i3, on avait, à Paris, une chaleur de 26 -7^, et à Bruxelles Le 16, orage terrible dans différentes parties de l'Allemagne : Augsbourg (Souabe) et ses environs furent dévastés. A Waiblin- gen,dans le royaume de Wurtemberg, il tomba des grêlons de la grosseur d'an œuf de pigeon , et en telle abondance qu'en peu de temps huit villages furent entièrement ravagés. Le 18 fut une journée désastreuse pour plusieurs contrées de l'Europe. Dans les Pays-Bas, orage affreux à Chimay et MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 555 dans le Luxembourg; il s'étendit dans le duché de ce nom sur une longueur de plus de 12. lieues du nord-ouest au sud-est, et sur une largeur d'environ â lieues; la plupart des maisons et édifices publics furent mis à découvert, et les clochers de Cruchten etNomeren furent abattus; la terre fut bouleversée en plusieurs endroits ; il tomba des grêlons de la grosseur d'une balle de fusil, qui étaient encore amoncelés le lendemain à la hauteur de deux pieds, et le peu d'arbres qui surent résister a la violence du vent, furent entièrement dépouillés de leur écorce. En Prusse et en Bohême, l'Elbe s'enfla subitement et se déborda. Dans la Bavière Rhénane, à Lambsheim près de Fran- kenthal, l'orage ne dura qu'un j d'heure, mais fit les plus grands ravages : les volets et les murailles étaient comme per- cés de balles; il tomba des masses de glace d'une livre et demie de pesanteur; on en ressentit les effets jusqu'à Strasbourg, par une fraîcheur subite et extraordinaire qui fit descendre le ther- momètre de Réaumur, le 28, à g au dessous de zéro. Le même jour à 10 heures du soir, tremblement de terre à Perpignan : on y vit des planchers fléchir, des ustensiles s'entrechoquer ; le thermomètre y avait marqué, dans l'après midi, 3o 7 de cha- leur. A Pljmouth, on fut témoin d'un phénomène non moins extraordinaire : le pont flottant qui sert à transporter les pas- sagers sur la Laira, resta, par suite du reflux subit de la marée, suspendu en l'air à la chaine qui le fait mouvoir; des barges restèrent même à sec sur la brise-mer. Le 19, on ressentit, à Lisbonne, une légère secousse de trem- blement de terre : la chaleur y était excessive ;pendant 3 jours, le thermomètre de Fahrenheit avait marqué 100 degrés, et, ce qui est particulier, la chaleur y était portée par un vent du bo-k EXTRAITS DES OBSERVATIONS nord-est : son souffle était dévorant; le raisin se sécha aussitôt sur pied; des hommes, des femmes et beaucoup d'animaux moururent suffoqués dans les champs. Pendant tout le mois, on essuya, dans la Savoye, beaucoup d'orages; tous étaient accompagnés de grêle violente. AOUT. Le baromètre ne s'est pas élevé, pendant ce mois, au dessus de Q.8 p. 3 lign. ^ (le 26); sa moindre élévation a été de 27 p. 9 lign. (le i5 et le 18). La plus grande hauteur du thermomètre a été de 2.0 degr., le 3oetle3i; et sa moindre hauteur de 10 degr., le 2.3 et le 28. Le vent sud-ouest a soufflé pendant 11 jours; le reste du mois, il a constamment varié entre ouest, ouest-nord-ouest, nord -ouest, ouest-^-nord, nord-est et sud-est. Nous avons es- suyé deux fois des vents violens, savoir, dans la journée du i5 et dans celle du 19. Quatre orages ont éclaté : le premier dans la soirée du 2, le second dans celle du 4? le troisième dans la matinée du 6, et le dernier dans Faprès midi du 12. Le ciel a été serein pendant 8 jours, clair pendant 7 autres; nous avons eu 3 jours de temps couvert, et i3 jours de plaie, dont 2 de pluie d'averse très-forte, savoir le 7 et le 20. Le maximum de l'humidité hygrométrique a été de 80 degr., le 9; le minimum de 39 degr., le 3i. EXTRAITS DES JOURNAUX. Pendant les journées du i^r et du 2, on ressentit, à Grenade, 8 secousses de tremblement de terre. MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 555 Le 4j violent orage à Lille : après l'orage, il est tombé une si grande quantité de grêle qu'une grande partie des commu- nes de Seclin, Haubourdin, La Bassée et Houplin a été ravagée. Le même jour, orage très-fort dans la province de Gueldre. Le même jour, encore un orage épouvantable, également accom- pagné de grêle, a éclaté dans différentes parties de la Frise. Enfin à la même date, vers midi, un nuage qui faisait craindre une forte tempête, parut au sud-ouest de la commune de Raalte (Overjssel); il disparut du côté de l'ouest, de sorte qu'on n'en ressentit qu'un vent fort, accompagné d'averses et de grêle. Le 6, dans l'après midi, orage dans la province d'Overjssel : il était accompagné de grêle; et deux jours après on trouva des grêlons qui avaient encore deux pouces de diamètre. Le 10, orage violenta Cadix. Le i8, entre 3 et 4 heures, on entendit à Hardewyk (Guel- dre), un bruit semblable à celui de plusieurs voitures roulantes pesamment chargées, et se dirigeant vers le sud-ouest; des portes bien fermées à serrure s'ouvrirent d'elles mêmes ; dans d'autres maisons le bruit était tel qu'on croyait que le toit s'écroulait. Une vingtaine de soldats, couchés sur le gazon, sen- tirent la terre se mouvoir sous eux. Le 3i, orage à Louvain, à 4 heures du matin. Pendant cette même nuit, très-forte grêle à Zevecotte, sur la chaussée de Bru- ges à Dunkerke. Pendant cet été, la Crimée entière fut affligée d'une extrême sécheresse : toutes les sources ont tari ; la récolte a séché, sur pied. Tome III, 72 556 EXTRAITS DES OBSERVATIONS SEPTEMBRE. La plus haute élévation du baromètre a été de 28 p. 3 lign., le 16 et le 17 ; sa moindre élévation de 27 p, 6 j lign., le 27 du mois. Le maximum de la chaleur a été de 20 { degr., le i^r et le 2; le minimum de 3 7, le 29. Les effets de ce froid furent tels que beaucoup de végétaux en ont été atteints. Le vent sud-ouest a soufflé pendant 7 jours : le vent nord ouest, nord-j-ouest et ouest, chacun pendant 3 jours-, il a varié continuellement le reste du mois entre nord-est, nord-nord-est, sud-est, sud-^-est, ouest-^-sud et sud-ouest-|-ouest. Nous n'avons essuyé aucun orage ; mais 3 ouragans ont éclaté, le premier dans la soirée du 8, le second dans la journée du 1 1, et le dernier dans l'après midi du 27. Les 3o jours du mois ont été partagés en 10 jours de temps clair, 8 jours de temps serein, 4 jours de temps couvert, 7 jours de pluie, et un seul jour de brouillard (le 25). Le maximum de l'humidité hygrométrique a été de 60 degr. , le 27 du mois; le minimum de 21 degr., le 18. EXTRAITS DES JOURNAUX. Le 1^1' à 2 heures après midi, le thermomètre de Fahrenheit marquait, à Londres, à l'ombre, 83 degr.; ce jour fut le plus chaud de tout l'été. Le 7 après midi, orage violent en Prusse, dans plusieurs dis- tricts au delà de l'Oder. Dans le cercle de Wolhaer, i4 com- munes ont été ravagées par la grêle : àMondschutz, Stuben, etc., MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 667 toutes les fenêtres ont été brisées et la toiture de l'église à demi enlevée ; à WartenLerg toutes les campagnes, tous les jardins furent dévastés. A la même date, une grêle très-forte ravagea les cantons de Sauveterre, Monsegur, S'^-Croix du Mont, dans le dép. de la Gironde , et plusieurs autres endroits de la France. Dans la nuit du même jour au 8, on essuya, à la Guadeloupe, des coups de vent très-forts; la ville de Basseterre souffrit beaucoup. Le 8, une trombe causa des dommages considérables à Grambergen (Overjssel). Parmi les effets de sa violence on cite un moulin soulevé en entier et déplacé à un décimètre de distance. Dans la nuit du 9 au 10, orage à Rome : la foudre tomba dans la galerie du capitole. Dans le territoire de Preneste, con- finant à celui de Tivoli, un assez grand espace de terrain s'en- fonça et l'on vit jaillir, à la place, des sources abondantes et limpides qui formèrent bientôt un lac : ce lac a 160 palmes (mesure d'Italie) de diamètre et 3o de profondeur; il parait qu'il avait déjà existé du temps des Romains, mais qu'il s'était insensiblement comblé. Le 12, ouragan très-fort à Friedrichshof, près de Weimar. Dans la nuit du i5 au 16, on essuya un orage violent dans plusieurs endroits de la nord-Hollande : à Zeyen et Dwingeloo (Frise), à Kloosterhots (Groeninge), et à Katlyk (Drenthe). Le 26, un ouragan, accompagné de grêle et de neige, éclata sur la route de Bourg à Maçon ( dép. de l'Ain ) : le territoire de Crottet a été couvert de 4 à 5 pouces de glace. Dans la soirée du même jour, une grêle très-forte a ravagé le vignoble de Cey sériât. 72. 558 EXTRAITS DES OBSERVATIONS Le 3i du mois précédent, un volcan fit éruption dans l'ile de Lancerotti, une des Canaries : il vomit des flammes terribles- qui éclairèrent toute l'ile, et des pierres d'une grandeur énorme rougies parle feu, en telle abondance, qu'en moins de ^4 beu- res, elles formaient, par leur re'union, une montagne considé- rable. Ces pierres continuèrent encore d'être lancées , quoique par intervalles, pendant toute la journée du i^r septembre, et le 2 elles cessèrent de tomber ; alors on vit se former trois co- lonnes de fumée, cbacune d'une couleur différente : l'une pré- sentait une blancbeur parfaite, l'autre était noire , et la troisième, la plus éloignée, paraissait rouge. Le volcan brûlait toujours sur une demi-lieue de long et un ^ de lieue de large; la mon- tagne nouvellement formée, était inaccessible et ne laissait apercevoir des laves dans aucune direction. Le 3 , tout était dans le même état; tous les puits, toutes les citernes étaient taris. La fumée continua de s'élever du cratère jusqu'au a^; mais à cette même date, à 7 heures du matin, l'éruption éclata de nouveau, et la montagne vomit une quantité d'eau si considé- rable qu'elle forma nn grand ruisseau qui, diminuant peu à peu, ne formait plus, le 26, qu'un filet d'eau. Cependant les bruits souterrains, les tremblemens de terre, les oscillations qui se manifestèrent jusque dans les derniers jours du mois, firent craindre une nouvelle catastrophe, et il s'ouvrit encore depuis lors un nouveau volcan dans un endroit de l'ile appelé Tao, à environ deux lieues du port d'Anciffe : cette éruption dura 18 heures pendant lesquelles le cratère, de plusieurs cents toises de circonférence , jeta des flammes et lança des rochers énormes. Plus récemment encore, deux nouveaux volcans se sont formés dans la même île : ils vomissaient du sable noir, de la lave et de l'eau saumàtre. MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 55q OCTOBRE. La plus grande élévation que le baromètre ait atteint pendant ce mois, a été de 2.S p. 2. ^ lign., le 19, et sa moindre hauteur de 27 p., le 12. Le thermomètre monta à i4 l? le 6 et le y^ il descendit à 2 7, le 14. Le vent sud-ouest a soufflé pendant 18 jours ; pendant les autres il a varié entre ouest, nord-ouest, sud-est et est-j-nord. Nous eûmes des vents violens dans la journée du i^r, dans celle du i4; et des ouragans dans la nuit du a4 au 25 et dans la soirée du 27 ; ce dernier accompagné d'éclairs. Le ciel a été clair pendant 11 jours, couvert pendant 7 au- tres ; le 5 un brouillard épais régna jusqu'à 9 7 h. du matin. Nous avons eu i3 jours de pluie : elle fut extrêmement forte et ac- compagnée, de vent très-fort, dans la nuit du 26 au 27 et dans celle du 29 au 3o. Le maximum de l'humidité hygrométrique a été de 86 degr. , le 12; le minimum de 3g degr., le 22. EXTRAITS DES JOURNAUX. Le 8 de ce mois, on ressentit, à Puerto Rico, un ouragan qui dura pendant 24 heures : l'arrondissement de Gabarroso est presqu'entièrement ravagé, et le village de ce nom a disparu. Le 10, tempête furieuse sur les cates d'Irlande; elle se fît sentir sur celles d'Angleterre, dans les journées du 11 et du 12. Le i3, le vent souffla avec tant de violence, à Paris, que des arbres très-gros furent renversés dans le jardin des Tuileries. 56o EXTRAITS DES OBSERVATIONS Le i/i, ouragan à la Haye : beaucoup de bâtimens ont échoués et ont été désemparés dans les eaux de la nord Hollande. Le 2.5, la crue de la Meurthe fut si rapide, à Nancy, que tout le faubourg des Tanneries fut inondé ; tous les environs dispa- rurent sous les eaux qui formèrent un large fleuve n'ayant pour rives que les côtes voisines. Le 26, orage affreux dans les environs de Toul, près de Nancy; on eut occasion d'y observer un phénomène météoro- logique peu commun : l'air était tellement chargé de matière électrique, pendant la tempête, que des postillons, sur la route de Bar à Toul, en faisant claquer leurs fouets firent jaillir de fortes étincelles et qu'ils en tiraient en frappant leurs chevaux. Le même jour, entre i et 2 heures, orage désastreux dans les environs d'Arcis, en Champagne ; beaucoup de toits furent enlevés; une maison de bois récemment construite, fut trans- portée, par la force du vent, à un pouce et demi au delà da lieu de sa fondation. APouan,deux bateliers, sur laBarbuise, se sauvèrent sous des saules : une trombe leur enleva leur ba- teau qui passa au dessus d'eux à plus de 3o pieds d'élévation et retomba à une distance de 4o P^is de la rivière. A Corenne, arrondissement de Dinant, on essuya, à la même date, un ouragan terrible qui renversa le clocher. Depuis le 28 jusqu'au 3o, des pluies extraordinairement fortes ont fondu par torrens et comme des trombes sur les mon- tagnes de la Suisse. Le 29, à 8 heures du soir, tremblement de terre à Chambéry (Savoie); il tomba, le même jour, une si grande quantité de MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 56 1 plaie à Sarguemines ( Lorraine), les eaux se précipitèrent avec tant de violence des montagnes des Vosges, que la ville fut presque totalement inondée et tous les environs submergés. Pendant les derniers jours de ce mois, beaucoup de désastres ont été occasionës par la crue et le débordement des eaux; en Allemagne la majeure partie des territoires bordés par le Rhin, le Necker, la Zorn, la Moder, fut dévastée dans la nuit du 3o; la belle île de Mulhau, près d'Heidelberg, toute couverte de jardins et d'habitations de plaisance, fut totalement ravagée : le 3i une partie de Coblentz était sous les eaux. En France, dans le département de la Moselle, la Seille inonda, le 3o, le village de Magnj; l'eau s'élevait, dans quelques maisons, à la hauteur de 8 pieds; le même jour l'eau se répandit sur la place de la Comédie, à Metz, le spectacle cessa, et quelques instans plus tard 2 à 3 pieds d'eau couvraient toutes les issues de la salle. NOVEMBRE. Le maximum du baromètre a été de 28 p. 2 j lign., le 16; le minimum de 27 p. 4 lign., le 25. La plus grande élévation du thermomètre a été de 10 degr. au dessus de zéro, le 2, le 8, le 11, le 18 et le 25 ; sa moindre élévation a été de 2 degr. -h o, le 6 et le 16. Le vent a été sud-ouest pendant 18 jours, nord-ouest pen- dant 6 jours, ouest pendant 5 autres, et sud-sud-est pendant un seul. Des tempêtes, presque continuelles, ont régné pendant ce mois : il y en eut dans la journée du i3, dans la nuit du i3 au i4j dans celle du 17 au 18, dans la journée du 18, dans la 562 EXTRAITS DES OBSERVATIONS nuit du HQ. au aS, dans la journée du aS, dans la nuit du ^3 au ^4? dans celle du 28 au 29, dans la journée du 29 et dans celle du 3o. Nous n'avons essuyé qu'un seul orage : il a éclaté dans la nuit du 3 au 4- Le maximum de l'humidité hygrométrique, a été de S^ degr., le i5; le minimum de 34 degr., le 29, EXTRAITS DES JOURNAUX. Dans les premiers jours de novembre, la crue des eaux fat si violente, dans le Murgthal (grand duché de Bade), qu'elles détruisirent de fond en comble l'hôpital de Gernsbach, vaste bâtiment, situé sur les bords du Murg, qui avait su de tout temps résister à la force des eaux. Les pluies qui tombèrent en Suisse depuis le 29 octobre, s'accrurent continuellement jusqu'au 22 de ce mois; le joli village de Hofstetten, au pied du mont Bruning (canton de Berne), et plusieurs autres ont été inondés. Elles causèrent même plusieurs éboulemens entr'autres près du lac de Brientz, par suite desquels le cours du Trachtbach fut entravé. Dans le Brettinau, près de Coire, la neige est tombe'e à 5 pieds de hauteur. Le 2, le Rhin s'enfla jusqu'à 26 pieds, à Mayence et à Co- logne; les eaux delà Moselle, de la Lahn et de la Nahe s'accru- rent prodigieusement à la même époque. Le 3, ouragan sur les côtes du Danemarck, ainsi que sur celles de la Hollande. Par suite de cette tempête, les eaux du Rhin se gonflèrent considérablement à Arnhem ; elles ne dimi- nuèrent que le 18. A Nymegue la partie basse de la ville fut MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 565 inondée dès le 9. A Bois-le-Duc, la Meuse atteignit une hauteur extraordinaire; le 8, les environs de cette ville ne présentaient plus qu'un vaste lac : une digue se rompit à Empel. Dans les environs de Liège, la Meuse et l'Ourte s'étaient de beaucoup élevées, et ce ne fut que le i3 qu'elles commencèrent à baisser. A peu près vers la même date, le Rhône et la Seine rentrèrent dans leurs lits. Le i5, orage violent à Bois-le-Duc; dans la nuit du 18 au 19, la crue des eaux y fut telle que plus des deux tiers de la ville furent submergés. Dans la même nuit du 18 au 19, un furieux ouragan éclata à Stockholm et dans presque tous les autres ports de Suède ; des vaisseaux furent arrachés de leurs ancres et jetés les uns contre les autres, des ponts furent entrainés, les routes encom- brées de débris; dans les forêts de la commune d'Orebro, une immense quantité d'arbres de pleine venue, furent déracinés et transportés à de grandes distances. Ce même ouragan s'est fait sentir, avec une égale violence, et à la même date, dans le Jutland. Dans les journées antérieures au 18, le thermomètre de Réau- mur marquait, à Pétersbourg, zéro ou un degré au dessus; le 18 il monta tout à coup jusqu'à 5 degrés sur o, et dans la soi- rée du même jour, un vent violent du sud-ouest enleva beau- coup de toits; dans la nuit, la Newa inonda, en 3 heures de temps, toute la ville; l'eau s'éleva dans les rues jusqu'à 10 pieds. Des villages des environs furent totalement engloutis. Cronstadt, ville située à 8 lieues de Pétersbourg, fut également submer- gée; un vaisseau de ligne de 100 canons, y fut transporté par les eaux sur la place publique. Le 21 on jouissait, dans la Crimée, d'une température chaude et agréable. Tojne 111. nS 564 EXTRAITS DES OBSERVATIONS Dans la nuit du 22, tempête dans la rade de Brest. Dans la nuit du 22 au aS et dans la journée du 23, tempêtes extrêmement furieuses sur les côtes d'Angleterre : de tous côtés on ne voyait que ruines et désolation; près de Plymouth, sur un espace de 3oo verges, 16 vaisseaux de commerce furent détruits, brisés et confondus dans une ruine commune. A Sid- moutli, il n'y a pas une seule maison sur le rivage où l'eau ne soit entrée. A Chervvell, près de Waymouth, un coup de mer abattit 80 maisons. A Fléet, près de Portland, l'église et pres- que toutes les maisons furent détruites : sur la côte de même nom, un autre village a été entièrement balayé du sol par la mer. Celle de Porstmouth n'a pas moins souffert. Le 28, la Newa charria, pour la première fois, des glaçons à Pétersbourg, par un froid de 10 de Réaumur. A la fm du mois, la Vistule déborda en plusieurs endroits. Depuis le milieu du mois, le Donnersberg, qui donna son nom à l'ancien département de Mont - Tonnerre , effrayait les pays circon voisins, par un bruit souterrain ; enfin, dans les der- niers jours du mois, il jeta des flammes, par des crevasses qui se formèrent sur les flancs et sur le sommet de la montagne. L'époque où elle aurait pu encore avoir fait des éruptions, est si reculée, que fhistoire n'en a conservé aucune trace de souvenir. DÉCEMBRE. La plus grande élévation du baromètre, pendant ce mois, a été de 28 p. 5 lign. , le izj; et sa moindre élévation de 27 p. 5 7 lign., le 21. La plus grande dilatation qu'ait éprouvée le mercure du thermomètre, a été de g degr. au dessus de zéro, le i^^; et sa moindre dilatation de i | + o, le 24. MÉTÉOROLOGIQUES FAITES A BRUXELLES. 565 Le vent sud-ouest a soufflé pendant i3 jours; il a varié le reste du mois entre ouest-sud-ouest, ouest et nord-nord-ouest. Nous avons essuyé des coups de vent très-violents dans les journées du 20, du ai, du 22, dans la nuit du 22 au 23, dans la journée du 24, dans celle du 26, dans la nuit du 26 an 26, dans la journée du 27 et dans la nuit du 3i au i^r janvier. Le ciel a été couvert pendant 1 1 jours, clair pendant 2 autres ; nous avons eu 18 jours de pluie; celle du 23 et 24 étant ac- compagnée de neige et de grêle. Dans les Ardennes et dans la partie orientale du Hainaut, il tomba, vers la même époque, une grande quantité de neige. Le maximum de l'humidité hygrométrique a été de 90 degr., le 25; le minimum de42, le 14. EXTRAITS DES JOURNAUX. Le 4? iine terrible tempête fit beaucoup de ravages à la Martinique. Le 6, à deux heures moins un quart, on ressentit une légère secousse de tremblement de terre à Portsmouth. Le 10, la ville du Mans (département de la Sarte), fut témoin d'un phénomène curieux : sur les 5 ^ heures du soir, l'atmo- sphère étant totalement dégagée de nuages, on vit, pendant 4 ou 5 secondes, un globe très-lumineux de diamètre à peu près égal à celui de la pleine lune, lorsqu'elle s'élève sur l'horizon terrestre, et qui répandait une clarté beaucoup plus vive qu'elle; ce météore traversa la ville dans la direction de l'est à l'ouest. Dans la nuit du 10 au 1 1, on ressentit, à Reggio, capitale de la Calabre ultérieure, 5 secousses de tremblement de terre. Le i3, tempête violente dans les parages de l'Ile de Candie. Dans la soirée du sr, les eaux de la Newa se sont de nou- veau élevées jusqu'à 5 ^ pieds au dessus de leur niveau ordi- 566 EXTRAITS DES OBSERVATIONS , etc. iiaire : phénomène d'autant plus étonnant que l'air était calme et qu'aucun vent ne soufflait. Pendant la majeure partie da mois, de fréquentes tempêtes se succédèrent à Pétersbourg. Le 21, un ouragan très-fort éclata à Calscrona (Suède). Vers la même époque, il y eut des crues d'eau extraordinaires à Christiaenstadt, dans la Scanie (Suède). Cette ville n'a du son salut qu'à ses remparts. Pendant la nuit du 22 au 23, on ressentit, à Bonn, deux secousses de tremblement de terre. Le 23, la marée fut extrêmement haute à Strand, dans le duché de Kent. Vers la même époque, plusieurs rivières de l'Allemagne cru- rent d'une manière effrayante : à Memmel, dans la Prusse orientale, la mer refoula l'eau du port jusque dans les habita- tions. Un météore fut aperçu en Bohême. Enfin des tremble - mens de terre se firent sentir en Russie, dans le Tyrol, et dans diverses contrées de l'Italie. Le 24, la mer se retira à une très-grande distance de la côte, à Withaven. Dans les journées du 26 et du 27, le flux fut extrêmement haut à Hambourg. Le 3o, la ville de Schiraz, en Perse, ressentit de nouveau une secousse de tremblement de terre très-violente; le peu de maisons qui avaient résisté aux tremblemens du mois d'avril, furent entièrement détruites, de sorte qu'il ne reste plus rien de cette malheureuse cité. On remarque que pendant cette année, le débordement pé- riodique du Nil n'a pas eu Heu. FIN DU TROISIÈME VOLUME. «j%f%;tiiJiiijffi/ii%ivi/%/%v%/%i/iJii%iii^tm/^%i%/%i%i%/iiiJViiii%i%/%i%fii%i%/%/ %/%iii%;v%/v%/i/^i%i^ ERRATA. Page 109 , à la note : Dupin , lisez Dupuis. — 122 , ligné 18 : pouvoir réfringent, lisez rapport de réfraction. — 129 , ligne 5 et suiv. : force réfringente, lisez rapport de réfraction, — i64, ligne i3 : 12° 54' 34", lisez 12° 34' 47". — Ibid.j ligne i4 : 2i° 10' i3", lisez 21° 18' i3". <^^ •■■% mi )-i{ If! ml ;H> '1U< .M ilUî m M 1 (('(■ ' , ' 1 ■ : - MM 'r'M ;rt!